Partie 2/3

Timothy se laissa distraire de la punition de Maîtresse Marine par le tableau de Rudy irradiant de bonheur dans les bras de son petit-ami. Frustrant et injuste, car Rey ne méritait pas tant. Plus irritant encore : Rey contenait ses émotions, se montrait flegmatique, alors que Timothy l'avait connu « lovey-dovey » avec Rudy. La pruderie ne justifiait pas la retenue de Rey. Quelque chose sonnait faux, et cette fausse note titillait Timothy. Rudy ne semblait pas remarquer ce couac dans l'attitude de Rey.

« Depuis quand t'arrives à déterminer si oui ou non, Rey est dans son état normal ? Tu le « regardes » maintenant ? »

Aussi cuisante soit cette pensée, Timothy dût l'examiner. Il n'était pas subitement devenu expert en « psychologie T-eyes », pourtant il voyait la dissonance. Rey n'était pas dans son assiette. Il détourna son regard quand l'objet de son attention nota sa curiosité, inconscient d'être à son tour étudié par Mir. Le chahut provoqué par Maîtresse Marine attira quelques filles à l'extérieur de leur cocon.

— C'est qu'elle va nous les dévergonder, s'indigna Inna.

— Tous des vendus, soupira Lou-Ahn.

Depuis le fond de sa cachette, Nola bougonna :

— Je vous avais dit qu'elle ferait sensation. J'avais vu cette tenue la première !

Bill se félicita que Marine la lui ait disputée. Hors de question qu'elle joue les matrones SM avec cette bande de pervers ! Où l'aurait-elle appris, d'abord ? Dans la tête de Billy Vitrand, sa petite-sœur fan de mode était encore naïve et innocente. La désillusion bousculait sa condition de grand-frère. Quant à sa petite-amie, elle ne lui épargnait rien avec son succès déplacé. Darel la dévorait des yeux, pour changer. Nico rongeait son frein comme d'habitude mais ne matait pas moins. Et le pire, Dwayne ! Beau parleur, frimeur, il ne s'adressait aux filles qu'en flirtant. Bill n'aimait pas qu'il lui refile des complexes.

Darel Lynch Gordon était beau garçon, mais pas façon « éphèbe Rey Lee-Cooper » ou « sex-symbol Timothy Medley ». Le cheveu auburn à hauteur d'épaules, le physique étoffé par le basket, son allure « bad boy chic » marquait des points chez la gent féminine. En réalité, il dissimulait un esprit tyrannique sous un costume de fils bien éduqué. Raison pour laquelle Bill ne se sentait pas complexé par Darel. Il croyait en l'assurance de ses valeurs face à une petite frappe qui rackettait jadis ses sous-fifres. Certaines filles recherchaient la compagnie de ce genre de mauvais gars.

Le souci venait donc de Marine. Appartenait-elle à cette catégorie de fille ? Son ex Nico avait été victime de Darel. Cela aurait dû suffire à l'éloigner de cette racaille. Pourtant, l'été dernier, Marine avait flirté avec Darel... Nico, en revanche, avait perdu toutes ses chances en se révélant un parfait idiot. En comparaison, Dwayne et sa tchatche, son humour, son sourire assez irrésistible, ses abdominaux en béton exhibés à la moindre occasion, déchargeaient une cargaison d'incertitudes sur le dépotoir de Bill. Sur une balance, le joueur de soccer pesait plus lourd que lui. Dans tous les sens du terme. De fait, Dwayne ne s'excusait pas de sa virilité et profitait sans scrupule de l'aura « Orlando ». S'il jetait son dévolu sur Marine, Bill ne tiendrait pas la distance.

« Le meilleur moyen de la perdre reste encore de douter d'elle. »

Bill se morigéna. Il ne douterait pas d'elle s'il ne doutait pas autant de lui. Mais même s'il gagnait en assurance, il n'oserait jamais dire « tu sais rehausser un plat, toi », et le faire sonner comme « je goûterais bien à ta cuisine ». Dwayne y arrivait à merveille. En réponse, Marine le cloua dans un matelas en enfonçant le talon de sa botte dans son épaule.

— Oy, ces chaussures sont des armes blanches, se plaignit Dwayne.

Marine augmenta la pression. C'est fou comme le bon costume vous plongeait corps et âme dans le personnage ! Tout le monde jouait le jeu, ravi de voir ce frimeur de Dwayne soumis. Excepté Bill, comme d'habitude. Elle choisit d'ignorer son regard noir.

— Flagellez-le, Maîtresse ! lança Rey. Il se languit de votre fouet !

— Pourquoi tu reportes tes envies masochistes sur moi ? s'outragea Dwayne. Et si tu parlais en ton nom, hein ?

Peu enchanté d'être le seul à souffrir, il ne boudait pas moins son plaisir. Marine oubliait que dans sa position, elle lui donnait une vue imprenable sur son pays bas. Lorsqu'elle remarqua son sourire grivois, elle comprit enfin la raison de l'expression sombre de Bill. Oups !

— C'est moi où ils sont aussi en latex ? fit le vaurien au sol, incrédule.

Marine enfonça une dernière fois sa cuissarde dans sa chaire et se retira.

— Toi croire moi être petite joueuse ? Bien sûr qu'ils sont aussi en latex !

Elle s'attarda enfin sur le visage de Bill. Décelant de la résignation dans son masque de vexation, elle s'irrita.

— T'es relou. Il tenterait sa chance qu'il n'y arriverait pas.

D'un mouvement sec, elle dézippa sa robe. Des respirations cessèrent. Elle n'avait pas osé ! Puis l'hilarité explosa. Bill se tint les côtes. Sous la tenue sexy, une caricature de ceinture de chasteté, avec gros cadenas et chaîne façon cartoon, se révéla au grand jour. La chute était excellente. Tandis que l'on notait sa performance, Marine s'assit à côté de Bill et se drapa d'une couette.

— Tu m'en diras des nouvelles. La tenue me va comme un gant, alors Ilona me l'a offerte.

Les rougeurs de Bill le sacrifièrent sur l'autel de la moquerie. Entre éclats de rire et vannes, Junior capta un échange.

— C'est son mec ? chuchota Dwayne à son voisin de droite.

— Ils sortaient ensemble pendant nos vacances de Noël à Nior, répondit Teddy. Je n'ai pas l'impression que ç'ait changé. Elle t'intéresse ?

Dwayne se garda de répondre. Trop d'oreilles indiscrètes, dont celles de Rey. Ce jeune homme l'intriguait. C.E.O de la compagnie de son père, égérie de marques, et même pas vingt ans. Pourtant, Rey passait pour le plus vieux du groupe. Comme un quadragénaire perdu dans un club de jeunes adultes, qui donnait l'illusion de suivre la musique sans s'amuser. Dwayne se demandait si c'était de la condescendance.

Rey avait eu plus de conversation avec son téléphone qu'avec eux. Dean s'était assuré qu'ils divorcent un peu avec leur portable, mais le jeune homme passait outre cette instruction avec la bénédiction du tyran. Seule la moue boudeuse de Rudy l'avait décroché de son mobile. Et depuis, Dwayne avait l'impression que Rey participait à l'ambiance par procuration. À travers son petit-ami. Il faisait sienne la joie du blond, comme si lui-même se révélait incapable d'émotions personnelles. Un miroir reflétant les rayons d'une source lumineuse. Ce sentiment dérangeait Dwayne.

L'enlèvement de Rudy impliquait un réel traumatisme. Dans son processus de reconstruction, le garçon ne brillerait pas tous les jours. Que se passerait-il lorsque Rudy n'aurait plus assez de lumière à donner à Rey ? Leur univers plongerait dans les ténèbres ? L'intervention de Junior le détourna de ses pensées, et Dwayne réalisa qu'il avait déjà zappé Marine.

— Ils se sont séparés, puis se sont remis ensemble.

— Comment tu le sais ? demanda Teddy.

Il se paya un regard « tu poses sérieusement la question ? ».

— En gros, c'est vacillant, ajouta Junior.

Dwayne le dévisagea, circonspect. Pourquoi cette précision ? Junior sourit.

— Tu attends que je te dise que c'est pas cool d'avoir des vues sur la nana d'autrui ?

Dwayne retint une moue. Marine lui plaisait sans lui inspirer la passion nécessaire pour briser le cœur d'un garçon attaché à sa personne. Le gentillet Bill ne comprenait pas encore que sa nana devienne « femme ». Il courait le risque de la perdre, mais ce n'était pas à Dwayne de parfaire l'éducation d'un bleu. Fidèle à lui-même, il fanfaronna :

— Ça se voit tant que ça que j'ai flashé sur elle ? Je mets un point d'honneur à flirter avec toutes les filles pourtant.

— C'est l'avis d'un mec qui a des vues sur celui d'un autre, Dwayne. Il sait les difficultés que tu traverses, fit Rey, sarcastique.

Junior lui réserva un rictus franchement hostile. Malgré ses résolutions, l'arrogance de Rey l'insupportait. Cela les lui brisait que ce type se conduise de manière si impunie...

— De quoi vous causez ? s'enquit Rudy.

Il la sentait à nouveau : la tension entre Rey et Junior. Ça puait les cachoteries, or il les avait de plus en plus en horreur. Malheureusement, il n'avait pas trouvé l'occasion d'entamer cette sérieuse discussion avec son petit-ami. Dwayne lui sourit.

— On parle d'un sujet loin de tes centres d'intérêts et près des miens. Tu sais, les nanas.

Comme si ce n'était pas assez tendu, Bill s'en mêla.

— Il serait peut-être temps de changer de sujet.

Marine roula des yeux. Voilà que Darel aussi fusillait Dwayne du regard. La méprise de Nola les détourna d'un éventuel combat de coqs.

— Pourquoi doit-on changer de sujet quand c'est mon tour ?

Elle ne fut pas la seule à perdre patience. Timothy râla, exaspéré :

— Puisque c'est le tour de la petite-sœur de Billy, montrons-nous corrects et courtois, les gars, comme nos mamans nous l'ont appris. Quelle idée aussi d'amener sa frangine à une pyjama party !

— Dis-le à Dean, espèce d'abruti ! éructa Nola.

Elle n'avait pas besoin d'être défendue, ni par son frère, ni par ses idiots d'amis. Furieuse, elle quitta son abri de velours et les toisa de haut.

— Vous êtes de gros nazes, tous autant que vous êtes ! Il y a beaucoup de pièces dans cette villa, fort heureusement. Je vais dormir ailleurs. Salut, les nuls !

Les yeux ronds, les garçons virent la plus mignonne et sexy des mascottes d'Uncle Bro' leur tourner le dos. Le geste rageur, elle ramassa un oreiller, plia en boule une couette, inconsciente de dévoiler son sous-vêtement bloomer à rubans. Elle quitta la pièce d'un pas décidé, sous le regard impuissant de l'assemblée.

*o*o*

TBC ● EPISODE 22 - part 03

*MEDIA*
Intro vidéo : CIARA - I BET. Des lyrics qui pourraient presque correspondre à cette chère Marine qui sème la zizanie dans le cœur des garçons.

I bet you start loving me
Soon as I start loving someone else
Somebody better than you
I bet you start needing me
Soon as you see me with someone else
Somebody other than you
And I know that it hurts
You know that it hurts your pride
But you thought the grass was greener on the other side
I bet you start loving me
Soon as I start loving someone else
Somebody better than you

Visuel pour le cosplay de Nola