S06 - EP 19 ✤ part III
Partie 3/3
La mine de Nola ne s'était toujours pas allégée, tandis qu'elle suivait Marine, Sandy et Soizic, tête basse, en passant le plus loin possible de Dean. Rey la prit en pitié.
— Tu as toujours la possibilité de supprimer tes publications, Nola.
Elle lui lança un regard reconnaissant. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé ? La situation l'avait trop troublée pour que ses moyens cognitifs lui fassent défaut, se dit-elle.
— Qu'a-t-elle bien pu écrire pour se mettre dans cet état ? se demanda Rudy à voix haute, comme elle disparaissait.
— Ça. (Bill lui présenta l'écran de son téléphone d'un air blasé.) Accroche-toi à tes neurones, tu risques d'en perdre.
Nico se pencha par-dessus son épaule et lut de façon audible la publication de la page ownetwork©.
@Nola-Baby-caramel
« Verdissez de jalousie, amis et haters ! Nola Baby-caramel alias NBC enfin en compagnie d'@Authentic-Caramel-vanilla !!! Vous allez crier au canular. Quelles sont les chances pour que je me retrouve dans la même pièce que @RedKellin – *bave* –, le top-modèle @Rey.L-C, l'incarnation d'Apollon – vous savez de qui je parle 😉 –, et de belles pointures du foot : Wrecking Ball Orlando – un gladiateur vivant, ce mec ! –, Terrence The Boulder et... (ouais, c'est pas fini) Farrell Lawrence – « he sets the LAW ! » – *méga bave* ! »
Face à toute cette bave, les footballeurs exhalèrent en chœur :
— Hah !
Dwayne s'esclaffa.
— Au moins, elle a les bonnes références.
— C'est qui l'incarnation d'Apollon ? chuchota Hayden.
— Sérieux, il te faut un dessin ? marmonna Bill en mode ventriloque.
Son regard discret vers Dean vendit la mèche. Nico s'accrocha à ses neurones de toutes ses forces et continua sa lecture.
« J'avoue que j'aurais été encore plus comblée avec @BrendanSolem. Vous savez que je le stan depuis qu'il est l'égérie d'Oz-one®, la nouvelle eau de parfum de Dolche© Perfums. Entre nous, ce mec personnifie LE Fantasme Sexe dans cette pub ! Ils devraient en produire à la chaîne. D'ailleurs, à quand un calendrier de nus des B-Sharks, façon « Naked is the new beauty » du Maestro Malroy ? Rrrr ! Idée à soumettre. »
Yakim manqua recracher la boisson qu'il était allé chercher.
— Pardon ?!
— Euh, le « Rrrr » n'est pas de moi, se dédouana Nico.
— Tu t'enfonces, Nico ! lâcha Ben, hilare.
— Putain, c'est dingue ce qu'elle écrit, ta frangine, souffla Enzo, venu se tasser avec les autres autour de Bill.
Rudy se sentit un peu mal à l'aise de cette lecture sans scrupule, avec la bénédiction du frère de l'auteure. Nola avait paramétré le billet sur « amis ». Il doutait que cette bande de vanneurs figure dans son cercle d'aminautes. Pour autant, le nombre d'abonnés de la page publique de Nola avait explosé, en comparaison à la liste d'amis de son compte personnel, depuis qu'elle figurait dans celle du compte officiel du créateur Will Malroy, du modèle Rey et de deux ou trois influenceurs sur les réseaux sociaux. Et enfin, grâce à certaines de ses créations, elle bénéficiait d'un petit succès à son échelle. Hayden prit le relais.
« L'être humain est un éternel insatisfait. J'en suis la preuve vivante. Je trouve le moyen de me plaindre de ne pas avoir un dieu grec comme Solem dans mon comité d'accueil, après une heure de vol en Gulfstream (super jet privé, pour les ignares), avec champagne et caviar de Beluga SVP !!, accompagnée par une hôtesse de l'air masseuse aux mains d'or, un steward sexy chocolat mais hélas pas pour nos ovaires, et un trajet en limousine ! (Je vous rassure, j'ai pas épousé le proprio. Pas encore.) »
Dean se racla bruyamment la gorge, sous les rires gras de Kurt et Rey.
— Tu débauches de la midinette, maintenant ? hurla son beau-fils.
— À quoi s'attendait-il en frimant avec son patrimoine ? railla Yakim.
— Masseuse à bord, releva Kurt. J'aurais aimé être du vol.
— Elle fait une fixation sur votre capitaine, la petiote, dit Dwayne.
Nico se dévoua à nouveau pour finir la lecture.
« Traitez-moi de mytho, je le vaux bien. Bientôt, vous m'envierez ce que vous qualifierez d'intox. Ne me cherchez pas du côté de Saunes, je suis en mode farniente à Balmer pour le weekend. La bise, les bitches. »
— Elle n'était pas censée le supprimer ? fit Rudy, désireux que cesse le spectacle.
— Je pense qu'elle l'a fait, supputa Bill. Je n'ai pas réactualisé ma page.
Il s'exécuta et le billet disparut. Au moins n'avait-elle pas révélé leur localisation.
— Comme ça, ta sœur préfère le capitaine des B-Sharks ? insista Dwayne.
Bill ne sut quoi répondre, soudain rattrapé par la gêne. Nola et sa manie de baver sur du « beau mâle » n'avait pas fini de l'embarrasser. Elle entraînait même leur mère dans le délire. Georges personnifiait désormais le père et l'époux blasé.
— Pourquoi tu insistes, Dwayne ? renchérit Yakim, peu dupe. L'équipe est unanime. Si 'Dan prend une retraite anticipée à cause d'une blessure – et je touche du bois pour que ça n'arrive pas –, il aura encore une belle carrière de mannequin. Il pourra même finir au cinéma. Ce type adore les feux des projecteurs. Il a le plus gros fan-club féminin de toute la ligue. C'est te dire !
— Ah ouais, quand même ! siffla Dwayne, impressionné.
— Il n'aurait pas eu autant la côte si Lightning n'avait pas eu « peur » de passer pro, déclara Kurt.
Il ne fit pas mystère de son emphase. Les amis de Rudy cherchèrent à mettre un visage sur ce fameux Lightning. Rudy interrogea son père en silence. Dean toisa Kurt.
— Nuance ton propos, Terrence. Je n'ai pas eu peur.
Kurt campa sur ses positions.
— Personnellement, je ne vois pas d'autre mot pour nommer ça.
Dean se souvint que leur bonne entente n'avait pas tué leur rivalité. Kurt ne ratait jamais une occasion de le défier. En passant pro malgré sa famille oppressive, contrairement à lui, Kurt pensait l'avoir battu sur ce terrain. Opinion sans doute légitime, d'un certain point de vue. D'autant que les Terrence voguaient sur les mêmes eaux de conservatisme que les Leblanc.
— Je ne te disputerai pas cet avis, Kurt. Tu as le droit de te vanter de la seule chose que tu saches faire : jouer les brutes sur un terrain. Néanmoins, cela ne te permet pas de comparer nos destinées.
Tu serais né dans l'Empire Leblanc, tu ne serais qu'une coquille vide. Une poupée obéissante et télécommandée. Nous ne sommes pas faits du même bois. Le mien est plus noble, sans vouloir te vexer. Dean préféra se mordre la langue que de le verbaliser. Son fils n'avait pas besoin de voir cette facette-là de lui, prompte à attaquer et à se délecter de l'humiliation d'un benêt. Kurt avait parfois l'art de lui taper très fort sur le système. Par le passé, leur camaraderie l'aidait à passer outre ce trait de caractère. Depuis leurs retrouvailles, il comprenait que de l'eau avait coulé sous les ponts.
On n'appelait pas « amitié » ce qui les avait liés. Ils avaient appartenu à la même bande, au même clan. Dean avait été leur alpha, pas leur ami ; et les alphas avaient la fâcheuse tendance à être défiés. L'amitié, c'était ce qui l'avait rapproché d'Andy Rell. L'amitié, c'était ce qui avait permis à Red de jouer les ponts entre lui et son fils durant leurs guerres froides. L'amitié, c'était quand Red prenait soin de Rudy durant ses absences professionnelles. L'amitié, c'était ce qu'il avait appris auprès de la Beat'ONE family. Si Kurt avait été son ami, alors cela s'était déroulé dans une autre vie. Lightning n'existait plus. Ses anciens camarades ne l'avaient pas encore réalisé. Le réveil serait brutal.
— Cela dit, si tu ne vois pas d'autre mot que « peur », ce serait incorrect de ma part de t'en vouloir d'être limité en vocabulaire, Kurt.
— Et victoire par KO de Lightning ! déclama Yakim.
Dean essaya de ne pas sourire. Pour Yakim, il consentirait à laisser planer le spectre de Lightning. Quelqu'un qui avait le don de le faire rire en valait la peine. Kurt l'avait cherché et l'avait trouvé. Celui-ci eut la décence d'accepter sa défaite.
— Tu voulais être footballeur, p'pa ? s'étonna Rudy.
La question intrigua un peu Rey. Étrange qu'un père aussi complice avec son fils ne lui ait jamais parler de ses rêves de jeunesse. Mais Rudy ne savait que ce que Dean choisissait de lui montrer. Rien d'insolite, au fond. Lui non plus ne savait pas grand-chose de la jeunesse de Marshall. Penser à son père le rendit amer. Dire que tu espérais que je tire de Rudy le moyen de soustraire Coop Com© à l'hégémonie de White Enterprise©. Rudy ignorait tout. Dès le départ, Rey aurait dû se rapprocher de son beau-père pour cette mission. Un beau-père qui avait été vexé qu'il ne considère pas ce choix. Que de temps gâché !
— J'ai nourri ce rêve à une période de ma vie, rétorqua Dean. Je la range dans le tiroir « nostalgie », avec d'autres babioles dont quelques regrets. La réalité a cela de cruel de vous mettre devant le fait accompli. Encore plus quand on nait deuxième fils de Vince Leblanc.
Il sourit à la tristesse de son fils. D'aucuns ne saisirent pas l'essence de cette réponse sibylline. Cependant, peu lui importait l'avis de ceux qui la déchiffraient, tant que son garçon ne le jugeait pas.
— Si Brendan Solem est disponible ce weekend, invite-le à passer, soumit-il à Yakim. Mon petit doigt me dit que cela fera plaisir à miss Nola.
— Continue donc à la faire plaisir, et elle ne démordra pas de son envie de t'épouser, le charria Kurt.
— Je compte justement sur votre quarterback pour créer des interférences.
Les footballeurs saluèrent son ingéniosité. Reporter les attentions de jeunes ovaires en chaleur sur le capitaine des B-Sharks n'était pas une mauvaise idée. Rudy remua la tête. Drôle de tableau, que celui de son père avec ses vieux amis. C'était l'occasion de découvrir Dean sous un autre jour.
— Pour faire plaisir à une nana, 'Dan est toujours partant, il sera dispo, assura Kurt.
— Pas étonnant qu'il soit toujours célibataire, dit Yakim. Il se définit comme un indécis en amour parce qu'il ne veut pas faire de jalouses. Mais tout ce qu'il gagne, c'est de les récolter à la moissonneuse-batteuse.
— Sa façon de justifier qu'il mange à tous les râteliers, oui, grommela Dwayne.
— Est-ce vraiment surprenant que Brendan soit un homme à femmes ? lâcha Ashley qui n'avait pas osé se mêler à cette conversation, jusque-là.
— J'avoue que je ne le voyais pas comme ça, s'étonna Rudy.
Quoiqu'il en soit, la présence de la superstar la plus populaire des B-Sharks illuminerait le weekend de ses amis.
— Parce que tu n'es pas connecté sur son actualité, Rudy, souligna Rey.
— Ouais, ses jolies conquêtes ne sont pas vraiment un secret, confirma David.
— Vous risquez de finir blasés ou désabusés, une fois que vous aurez côtoyé cette bande de macaques, avança Dwayne. La désillusion est cruelle, croyez-en mon expérience. Un conseil : soyez fans de leurs prouesses physiques. Pas de leur personnalité.
— Hé, casse pas le mythe, mini-pouce ! gronda Kurt.
— À mon avis, t'es le seul génie de l'équipe qui n'a pas besoin d'aide pour casser son propre mythe, à supposer que t'en aies.
Tous se tournèrent vers Red, de retour. Ashley contracta à nouveau la toux. Elle supportait à peine Kurt et savourait les piques que plantait Red dans son ego, son machisme, voire sa connerie. L'amitié de son époux avec cet homme des cavernes l'avait toujours démangée. Les préjugés d'Ashley l'avaient rendue fébrile avec Red au début. Au fil du temps, elle se laissait séduire par le piquant de la rockstar. Elle ne l'avouerait pas, mais sa manière d'assumer sa part de féminité ou de la tourner en dérision la fascinait.
— On nous a pas promis une compète de natation ? rappela Red.
Il ne s'attarda pas sur le rictus de colère de Kurt. Pour entendre Dean rire, il essuierait volontiers la vindicte du spécimen bulbaire. Notant des yeux vénérateurs, son ego apprécia de faire de l'ombre aux footballeurs dans le cœur des jeunes. Sachant la valeur solide du football-américain en ce pays, il n'y avait pas à dire, les Holy Suckers restaient les meilleurs !
Du côté des amis de Rudy, côtoyer Red de si près, dans ses vêtements de tous les jours, était une expérience intimidante. Sa longue tresse au ras des fesses et son look – sarouel, T-shirt imprimé près du corps, boléro en mohair –, accentuaient son androgynie. Red Kellin à l'état naturel, sans maquillage et sans attitude de bête de scène, présentait un tableau encore plus subjuguant.
*o*o*
TBC ● EPISODE 20
Cet arc prend son temps pour se mettre en place. Pour l'instant, tous les éléments du chaos ne sont pas encore réunis. Mais vous le verrez venir. De là à en deviner l'ampleur...
*MEDIA*
Intro vidéo : Born Bold - Valley of Wolves. Des lyrics que je vais dédier à Nola et Red.
All of these thresholds
Can't hold me down
Pushed thru the crossroads
And I hit the ground
No different picture
Just a bigger frame
To Find my place
I Don't need to change
No I won't change
And I chase this river to the
Ends of the earth but it won't
Rattle my bones
It won't rattle my bones
While my soul is free
On this wide open road
And I'm bringing it home
Bringing it home
I was born bold
I was born free
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro