S06 - EP 14 ✤ part II
Partie 2/4
— Mais il a été convenu que...
— Peu importe ce qu'il t'a dit dans son bureau, les promesses de Torcy n'engagent que les imbéciles qui y croient, le coupa Junior. Les promesses non-tenues ne pèsent pas sur la moralité de Torcy. Parce qu'il n'en a pas. Nous autres, Reich-Andriana, sommes des dealeurs de l'information. Les Leblanc aspirent à la « maîtriser ». Avoir des états d'âme dans ce business est contreproductif.
Junior songea qu'il avait été sadique dans une autre vie. Sinon l'inconfort de Glenn ne lui procurerait pas ce frisson jouissif. Il était temps d'apporter la touche finale à la pièce montée. Vu son zèle à la tâche, son père avait intérêt à lui tendre un rameau de reconnaissance.
— Je t'explique ce que tu n'as pas pris en compte. Mais c'est pas ta faute, comment pouvais-tu le savoir ? fit-il, complaisant. Bien sûr que tu ignorais la nature du rapport qu'entretient Torcy avec les Leblanc. Ou avec Dean, pour être plus réducteur. Torcy t'a laissé entendre qu'il y aurait un possible démêlé entre Dean et lui. C'était subtil. Ça peut être vrai comme faux. La seule certitude, c'est qu'il te confortait dans l'idée qu'il se montrerait un possible allié dans votre inimitié contre Dean. Seulement, « l'ennemi de mon ennemi est mon ami » reste une interprétation très erronée. Voire dangereuse. La formulation la plus juste serait : « l'ennemi de mon ennemi sert mes intérêts ». Seul un fat croira en la création d'une foutue amitié, dégoutant de bons sentiments, entre deux individus qui complotent pour le malheur d'un troisième, dédaigna Junior. Ton erreur, Glenn, aura été d'occulter que quand les seigneurs se battent, les manants trinquent.
Glenn vit rouge. Sa patience avait des limites. Mais en dépit de son ego lésé, le gamin lui dépeignait le tableau sous une autre perspective. Pour s'affranchir de la caste des manants, il devait employer le langage des seigneurs.
— Si je comprends bien, c'est toi qui me vendras aux Leblanc ?
Le sourire vicieux de Torcy-Junior lui fit l'effet d'une négociation avec le fils du diable. Il l'avait pressenti, la présence de ce gamin dans le bureau de son père lui créerait des emmerdes. Mais le plus vicelard restait le géniteur, le diable. Ce n'était pas faute d'avoir été averti par l'assistante personnelle du vieil homme. Cependant, la principale qualité du diable consistait à faire oublier qu'il était le diable ! Torcy senior avait-il anticipé la présente « conversation », en laissant Junior assister à leur entrevue ? Comptait-il sur son rejeton pour le faire chanter ? Parce que cela se profilait.
— À l'heure actuelle, je n'en sais strictement rien, répondit Junior en se grattant la tête. Ça dépendra de toi. Sais-tu que Rudy ignore la liaison de son père avec Red ? (Les sourcils de Glenn lui apprirent ce qu'il savait déjà : non.) Eh bien, je te l'apprends.
— Comment... ça ? C-comment... est-ce possible ? balbutia Glenn, perdu. Je veux dire... euh... Rudy étant gay, j'ai supposé...
— Tu présumes de choses dont tu ignores la portée, siffla Junior, virulent. Laisse-moi t'ouvrir les yeux sur ce monde auquel tu n'appartiens pas, mon beau Glenn. Ne va surtout pas penser que Dean joue dans ta catégorie, parce qu'il exhibe son cul à se damner et ses beaux yeux sous les feux des projecteurs. Il est hors catégorie pour toi. Tu ne lui arriveras jamais à la cheville, quoi que tu fasses.
La flambée subite de l'irritation de Glenn l'obligea à préciser :
— Je ne dis pas ça pour te blesser dans ton amour propre. Ni par racisme, on ne sait jamais. Je ne dis pas ça non plus par amitié envers Rudy. Ne me prête pas des intentions de collégien.
— Je n'ai rien dit de tel, maugréa Glenn, hérissé.
— Tu ignores dans quelle bataille tu viens de t'engager, mais tu es au beau milieu du terrain. Faut donc prendre tes armes et te défendre. Malheureusement, il te reste peu de temps à survivre, parce que t'as pas le bon équipement. Je le dis sans méchanceté, l'issue te sera fatale. En fait, il est possible que tout l'Empire Leblanc ignore ce que toi et moi savons désormais sur Dean et Red. Est-ce que tu piges ce que tu viens de faire, mec ?
Il ne laissa pas à Glenn le temps d'analyser sa nouvelle condition. Pour le plaisir de nourrir le chaos chez sa proie, il verbalisa les conséquences.
— Imagine un peu leur réaction, lorsqu'ils découvriront que par ta « générosité », l'État entier aura vent de la vie privée d'un Leblanc. Une denrée rare sur le marché. Ils chérissent cette espèce d'omerta mafieuse autour de leur nom. Et toi, tu vas les bousculer.
Glenn déglutit. Son palpitant accéléra à une vitesse record. De ses mains moites, il tritura son écharpe de façon à peine consciente. Il se raccrocherait à n'importe quelle bouée de secours, dérisoire ou non.
— Ce n'est qu'une spéculation, opposa-t-il. Je n'ai que ta parole. Et tu as déjà prouvé ce qu'elle vaut.
Junior ricana. Quelle proie délectable ! Elle lui donnait juste ce qu'il fallait d'entêtement pour poursuive la chasse.
— Tu sais, la différence entre toi et moi, c'est que moi je sais comment jongler avec cette bombe sans qu'elle me pète à la gueule. Toi, tu finiras dans un grand boum !
— Ça suffit. Qu'est-ce que tu veux ? cracha Glenn, acide. C'est bien pour ça que tu es là. Me faire chanter.
— Tellement courageux. Ça doit être tes origines mandingues. Pour l'instant... tiens ta langue au fond de ta gueule.
— Il me semblait que ce contrat avait déjà été signé ! gronda Glenn, agressif.
Il avait été établi qu'il ne divulguerait rien à un autre magazine. Il s'en tiendrait à sa parole, d'autant que son anonymat – sa sécurité surtout – reposait dessus.
— Tu ne m'as pas compris, contra Junior, inflexible. Ça prend effet maintenant, quand je te dis de tenir ta langue. En d'autres termes, ferme-la et laisse-moi finir bien sagement.
Glenn s'étouffa de colère. Mais le regard glacial de son interlocuteur le dissuada de le mettre au défi. Il n'était pas en position de force, ou de quoi que ce soit ne s'apparentant pas à la soumission.
— Que tu aies ou non prévu de te limiter à Wassup'®, je m'en cogne ! Je te l'ai dit, les promesses n'engagent que ceux qui y croient. Un appel anonyme ou une publication anonyme sur un blog, et tu te serais débarrassé du problème ni vu, ni connu.
— Je ne suis pas stupide, au point de prendre le risque de me mettre les Leblanc et Torcy à dos.
— La sagesse aurait été de la boucler dès le départ ! cracha Junior.
Glenn ne saisit pas la raison de sa colère sourde. De quoi se plaignait exactement ce gamin ? Que lui voulait-il à la fin ?
— Pour en revenir à mes conditions, étant hélas le fils de mon père, ça ne me ressemblerait guère de ne pas profiter de l'occasion. Reste à disposition. J'ai ta carte personnelle. Change de numéro, et je le retrouverai. Fais-le, et ce sera considéré comme un acte de... « rébellion ». Permets-moi le terme, faute de mieux. Les Leblanc seront ravis de te clouer au pilori. Qui sait, peut-être qu'ils feront de toi un exemple.
Glenn devint livide. Les clauses du chantage tombèrent enfin.
— À un moment ou un autre de ta pauvre existence, je te recontacterai pour te dire ce que je veux, où je le veux et quand je le veux. Sur ce, mon jet m'attend.
Glenn le retint. Ils ne pouvaient pas se séparer sur ces termes. Il devait alléger cette strangulation psychologique. Tenter quelque chose, n'importe quoi.
— Il me semblait que tu voulais savoir les raisons de mon acte, non ?
— Oh, je lançais juste des appâts. Peu m'importait celui auquel tu mordrais.
Le sourire sardonique, Junior quitta sa banquette, finit son mochaccino d'une lampée et plaqua son verre sur la table.
— Tu as dû remarquer, j'aime les effets théâtraux, dit-il avec nonchalance. Je me fiche royalement de ce que Dean a bien pu te faire, pour que tu vendes son couple à un tabloïd à sensation... par vengeance puérile, ajouta-t-il, narquois.
À en juger sa tête, Glenn ne goûtait pas à l'humiliation. Mais impossible de s'y soustraire quand le propos restait vrai. L'immaturité de son acte ne se discutait pas.
— C'est curieux. Tu donnais l'air de bien t'entendre avec Red Kellin sur les photos du gala. Va savoir pourquoi ce coup de pute. C'est tellement bas.
Junior claqua la langue contre son palais. La honte de Glenn le priva de la sienne.
— Dire que Rudy te trouve plutôt sympa. Mais avec sa naïveté angélique, faut l'excuser de ne pas savoir identifier la vilenie. La note est pour moi.
*o*o*
TBC ● EPISODE 14 - part 03
*MEDIA*
Intro vidéo : Three Days Grace - Strange Days. Des lyrics dédiées à Glenn qui découvre qu'il vit dans un monde qu'il ne connait pas.
Raise a glass to the end of it all
Who's to blame when it's everyone's fault?
And we celebrate our way through dangerous times
Strange days are comin' for us
Say goodbye to the way that it was
And we celebrate our way through dangerous times
I'm livin' in the strange days
I'm livin' in a world that I don't know
Get ready for the dark age
I'm livin' in the strange days so
Say goodbye to the silence
We can dance to the sirens
Strange days here we come
Strange days here we come
Strange days here we come
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