S06 - EP 13 ✤ part II
Partie 2/4
Un mois et demi plus tôt...
Après le célèbre Gala de Bienfaisance Meiridies, tenu à la mi-novembre, la Torcy Tower, plus haut sommet urbain de l'État, recevait la visite inopinée d'un top-modèle. Glenn Soul Keïta avait usé de sa notoriété d'égérie de plusieurs marques de renom pour ouvrir quelques portes, dont celui du bureau de l'assistante personnelle du proprio de la tour.
Jenna Sinclair n'avait pas jugé utile d'annoter le rendez-vous du people dans l'agenda de son milliardaire de patron. Elle aviserait, une fois la pertinence de son propos évalué. Elle s'autorisa à admirer son allure dandy. L'homme avait une belle élocution – du charme, indéniable –, mais un argumentaire peu original.
— Je détiens une information qui plaira à Wassup'Mag®. Néanmoins, je me présente ici et non à la maison d'édition parce qu'elle est à double tranchant. Elle pourrait conduire le tabloïd à sa perte ou booster son chiffre de ventes. Ce sera au grand patron d'en décider.
Elle lui sourit, professionnelle et indulgente.
— Vous n'êtes pas le premier.
Il lui rendit son sourire, charmeur.
— Et je ne suis pas non plus le premier à vous opposer que Hotmaid® s'intéresse à n'importe quelle information présentée comme « dénigrée par son grand concurrent ».
Le charme d'un mamba noir, songea Jenna, un brin désabusée. Son manque de répartie encouragea Glenn.
— La fortune de votre patron ne m'intéresse pas. Pour preuve, je lui cèderai l'info pour un dollar symbolique.
Jenna soucilla. Elle entendait sa sincérité mais aussi de l'amusement. Où était le piège ?
— Mr Reich-Andriana n'a pas de creux dans son planning.
— J'ai peur d'insister, Jenna. Cela lui prendra cinq minutes.
— Et j'ai peur d'insister, Glenn. Ce n'est pas possible.
— Dommage. Votre réticence causera sans doute une perte de profit au magazine, étant donné le prix scandaleusement bas du scoop.
Elle s'agita.
— Je ne peux pas en décider. Je ne suis pas habilitée à lui imposer une visite. La demande doit venir de lui.
Glenn soupira de façon théâtrale.
— Il n'y a plus qu'à espérer que Hotmaid® ne me boude pas. Quoique j'aurai plus de chances avec I Jet-Set®. J'avais un faible pour Wassup'®, depuis son implication dans le procès d'AVDL remporté par Red Kellin. (Mains dans les poches, il haussa doucement les épaules.) Tant pis.
N'appréciant pas ce chantage, Jenna se montra sèche.
— Si cette information concerne Red Kellin, nous avons tout ce qu'il nous faut. Nos informateurs sont fiables.
Contrairement à ceux d'I Jet-Set®, en décodé. Hotmaid®, plus axé charmes et playmates, aimait contredire Wassup'Mag® ou s'arrangeait à la dénigrer en diffusant le même contenu. Mais I Jet-Set® restait une véritable presse-poubelle. Elle prenait tout – au diable la fiabilité de la source –, quand le tabloïd de Torcy se fondait sur des « vérités » non vérifiées et quelques-fois non vérifiables, pour tisser de larges étoffes de mensonges.
La ligne éditoriale du celebrity-magazine du groupe Reich Media View© pourrait se résumer à « il n'y a point de fumée sans feu. » Point d'effet sans cause. Un bruit ne courait pas sans raison. Et cette « raison » épargnait à la presse certaines poursuites en justice pour diffamation et calomnie.
— Nos équipes ne manquent pas de ressources, continua Jenna, pincée.
— Je me targue de savoir ce qu'elles ignorent encore, contra Glenn.
Contrairement à son attitude, sa détermination à décrocher cette entrevue n'avait pas faibli. La virulence et l'arrogance du modèle Dean à son endroit nourrissaient un puissant besoin d'égaliser le score. Au point où il en était, Glenn ne ferait pas machine arrière. Il mettrait sa culpabilité sur « MUTE », le temps d'en rire.
Red Kellin et le scandale people parlaient la même langue. Cette info ne compromettrait pas la star du rock. Au contraire, elle doperait sa popularité. Popularité en passe d'exploser, maintenant qu'il se travestissait en reine de catwalk. Dean, en revanche... Eh bien, c'est le moment de te souhaiter bienvenue sur la planète people, frangin. Petit bizutage de vétéran : une bonne leçon d'humilité.
Certes, ce baptême dans les eaux du scandale provoquerait un sérieux choc à ce fils de la bourgeoisie puritaine. Mais si Dean exposait son fessard sur affiches et grands panneaux publicitaires, alors il s'était affranchi du conservatisme de sa société. Le mannequin Dean avait embrassé le côté people de la Force, avec ses contrats d'égérie et son appartenance à la sphère sociale des Beat'ONE et Cie.
— Soulagez-moi d'un doute, Jenna. Vos équipes de presse n'avaient pas accès à toute l'hacienda Meiridies ce weekend. Je me trompe ? Je ne vous apprends pas qu'il s'y est tenu le défilé de la nouvelle collection W.M. Mais saviez-vous que dans la matinée, s'est déroulé un shooting de nus auquel j'ai participé, pour le calendrier « Renovatio, Naked is the new Beauty » de Will Malroy ?
Notant les oreilles rosées de Jenna, il se demanda si elle l'avait visualisé en tenu d'Adam. Il aurait été chagriné du contraire. Glenn adopta sa voix de velours, destinée à chavirer les femmes réceptives.
— Parierez-vous que vos équipes de presse en savent plus que moi, qui étais dans les coulisses ?
Il posa une fesse sur son bureau, décontracté. Comme s'il avait tout son temps pour relater du ragot.
— J'y étais quasiment toute la journée, jusqu'au lendemain matin. Votre patron ne saurait en dire autant. Torcy a brillé par son absence, or le spectacle en valait la chandelle. Des bruits de couloirs vous sont déjà parvenus, je le devine. Ces petites bestioles de racontars courent vite. (Il se pencha, l'air de partager une confidence.) J'ai dansé avec Red Kellin, habillé en femme par Malroy. D'une beauté savoureuse, on s'y tromperait. Les photos doivent déjà circuler sur les réseaux sociaux.
— Oui, j'en ai vues.
La rédaction de Wassup'Mag® s'excitait sur le numéro de décembre. Une kyrielle de scoops laissait aux équipes l'embarras du choix. Or le mois de novembre n'étant pas terminé, il faudrait déterminer quelles infos feraient encore le buzz en décembre après un premier passage sur internet. Peut-être que l'info détenue par cet homme remplissait ces conditions.
— Vous serez surpris de ce que vous susurre une diva à l'oreille, en se croyant à l'abri des murs.
— Donc, vous tenez l'info de Red Kellin en personne ? déduisit-elle.
— Je protège ma source, rétorqua Glenn, ironique.
Elle ravala un grognement, amusée.
— Je ne vous garantis pas que Mr Reich-Andriana vous recevra tout de suite.
Pour Glenn, c'était gagné.
— Je suis certain qu'il prend votre parole en considération. Et je vous en sais gré.
Elle remua la tête, comme pour refuser la flatterie et se saisit du combiné. Il la gratifia d'un énième sourire et glissa sa carte personnelle sur le bureau.
— Si l'envie vous prend d'assister à un évènement tapis rouge auquel je suis convié...
Jenna aurait été sotte de cracher dessus. Malheureusement, elle fut moins rapide. Une main intercepta le petit carton.
— Glenn Soul Keïta, lut le jeune homme. C'est donc ça ton nom entier ? Keïta... c'est d'origine mandingue, non ?
Le modèle le dévisagea de la tête aux pieds. Notant la tension soudaine de l'assistante de Torcy, Glenn carra les épaules, comme pour défendre la belle.
— Et vous êtes ?
Torcy-Junior renifla avec toute la condescendance dont il était naturellement capable.
— Mon père vous recevra, Glenn.
Ce spécimen ne l'avait jamais intéressé. Pourtant, le people originaire de Balmer habillait de sa belle allure nombre de panneaux promotionnels de la capitale économique et du reste du pays. Glenn Soul appartenait à la jet-set en vogue sur la Côte Est. Mais avant sa rencontre avec Rudy Leblanc, mannequins et cover-boys n'étaient pas la tasse de thé de Torcy-Junior.
S'il était surpris de le voir en ces lieux, Junior n'était pas surpris de le savoir à Saunes. Rudy avait parlé d'un shooting du créateur Malroy à l'hacienda Meiridies, regroupant stars et mannequins, en plus de son catwalk de l'avant-veille. N'eut été la présence de Mila au gala, il s'y serait rendu. Tout ça à cause du veto de sa mère. Junior ne comprenait même pas pourquoi il lui obéissait. Ce n'était pas comme s'il ne décidait pas seul de sa vie depuis son dix-septième anniversaire...
« Tu sais pourquoi. »
Soit. Il ne voulait pas attrister sa mère. Elle n'aimait pas l'idée qu'il croise celle qui s'arrogeait le titre d'unique héritière de papa, alors que son demi-frère pesait autant sur la balance. Quoique Mila ait raison ; il ne figurait pas dans le testament de son père. Mais le côté maternel de Torcy – la famille Andriana –, l'avait obligé à souffrir l'existence de son fils illégitime. Il fut un temps où Junior en avait éprouvé du ressentiment envers ses grands-parents. Aujourd'hui, l'ironie l'amusait. Et il adorait ses aïeuls.
Sa mère craignait surtout les représailles de Mrs Loana Reich-Andriana, conjointe légitime de Torcy senior. Maman et ses complexes ! Lui montrer qu'il était plus doué que cette écervelée de Mila ne suffisait pas. Même quand la famille paternelle avait fini par l'admettre, en se voilant la face en public. Hélas, Junior avait merdé avec la Balmer Ultimate Underground Racing. Et depuis, il se rachetait une conduite. Comme un imbécile, il avait donné des armes à Torcy. Ses grands-parents le couvraient moins, pour le bonheur de Loana ; ce qui attristait sa daronne, quand lui s'en moquait. Cette mégère résidait loin de lui, dans l'Upper Coast. Pourquoi s'inquiéter depuis Balmer ?
— Junior... Votre père n'a pas...
— Je m'en occupe, Jenna, la coupa-t-il. (Il détailla sa tenue.) Mon dieu, cette couleur est une vexation oculaire ! Ce camaïeu ne vous va vraiment pas au teint.
Colorée de gêne, elle s'étudia. Elle aimait bien cet ensemble ! Le temps de retrouver contenance, Junior disparaissait dans le bureau du grand patron. Le fourbe l'avait déstabilisée à dessein ! Jenna soupira. Il possédait la clé magnétique de la pièce. Son employeur serait injuste de lui remonter les bretelles, s'il refilait lui-même un passe-droit. Néanmoins, elle aurait dû annoncer le trublion.
— Qui est-ce ? s'enquit Glenn, interdit.
— Torcy-Junior, marmonna-t-elle, blasée.
— Il ne ressemble pas à son père, sans vouloir être indiscret.
— Croyez-moi, il en a peu les traits mais il est son portrait craché, dit-elle avec un soupçon d'âpreté. Son père a la désinvolture financière, lui la tient de la jeunesse, le tout nappé dans la suffisance des Reich et l'arrogance des Andriana. Vous comptez faire affaire ? C'est à vos risques et périls.
Venant de l'assistante personnelle, il s'agissait de propos fort déplacés à l'encontre de son employeur. Mais peut-être disait-elle un secret de polichinelle.
— Vous me mettez donc en garde contre votre patron ? fit Glenn, circonspect.
Jenna pouffa. Envolée l'assurance de dandy. Elle nota soudain son jeune âge ; elle ne lui donnerait pas la trentaine. C'est sûrement un gamin, il parait que les noirs ne font pas leur âge, songea-t-elle avec l'aigreur de ses trente-six années. Cela dit, elle avait encore de la marge avant de décrocher une étoile dans le Hall of Fame des cougars.
— Vous m'êtes sympathique, Glenn. Quelqu'un d'avisé vous conseillerait de vous méfier des Reich-Andriana. L'héritière Mila est une exception.
Apparemment, l'étiquette « tête de linotte » la suivait jusque dans le bureau de « papa ». Glenn acquiesça, comme elle s'en retournait à son téléphone.
— Patron, commença Jenna. ...C'est bien cela. ...Il est resté secret à ce sujet. ...Je vous l'enverrai. Allez-y dans cinq minutes, indiqua-t-elle au concerné. Vous prendrez la porte de droite, son verrou a été désactivé.
*o*o*
TBC ● EPISODE 13 - part 03
Petit plongeon dans le passé. Allons découvrir ce qu'il s'est réellement passé derrière l'affaire Glenn.
*MEDIA*
Intro vidéo : Breaking Benjamin - Evil Angel. Parce que ces lyrics feraient un bon thème pour cette séquence.
I'm a believer
Nothing could be worse
All these imaginary friends
Hiding betrayal
Driving the nail
Hoping to find a savior
No, don't
Leave me to die here
Help me survive here
Alone, don't
Surrender, surrenderPut me to sleep, evil angel
Open your wings, evil angelOh
Fly over me, evil angel
Why can't I breathe, evil angel?Put me to sleep, evil angel
Open your wings, evil angel
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