S06 - EP 12 ✤ part III
Partie 3/3
Red se mordit la lèvre, au plus mal. Il était tombé bas pour se faire réprimander par un gamin. Se justifier l'enfoncerait. Quelqu'un avait dit que le silence était d'or. Il aurait préféré de l'aigreur, de la colère. Rien n'était plus désagréable et accablant que décevoir ceux qu'on aimait. Dean s'exprima en leur nom :
— Nous sommes désolés, fiston.
— Ah non, ça ne marche pas cette fois ! protesta Rudy. Tu ne peux pas te ramener avec une simple excuse quand tu as délibérément menti à ton fils. Tu ne t'es même pas douté des conséquences que cela aurait sur notre relation.
— Bien sûr que je...
— Alors j'espère que tu t'es aussi préparé à subir ces conséquences, le coupa Rudy. Qui sème le vent ne devrait pas être surpris de récolter la tempête !
OK, le jeune homme remonté ne leur ferait pas de cadeau. Malheureusement Dean ne conjuguait pas la soumission.
— Soit. Mais si tu t'en prends injustement à Andy, je te taperai sur les doigts. Je reste ton père, et tu me dois le respect à défaut d'obéissance. Ce respect passe aussi par le respect de mon partenaire, recadra-t-il, glacial.
Jeté entre deux feux, Red en frissonna. Il appréciait que Dean le soutienne. Mais à quel prix ? Difficile de tirer plaisir dans cette façon d'être revendiqué. Et Rudy se braquait. Ça partait en live ! Parce que Dean n'avait pas encore réalisé que son fils aussi devenait un alpha.
— Je suis adulte, papa. Pour me taper sur les doigts, tu arrives un poil trop tard. Aux dernières nouvelles, Red aussi l'est. Tu n'as pas à intervenir dans sa relation avec moi. Fût-il ton partenaire ! cracha-t-il avec défi.
— Oh excuse-moi de douter, répliqua le père, sarcastique. Ta puérilité depuis la veille ne m'aide pas à m'en assurer. Tu es adulte sur le papier. Cela reste à voir mentalement.
— Parce que le chapelet de dérobades et de mensonges que tu me sers à longueur de temps est un comportement adulte ? Tu peux parler ! Ne t'étonne pas que je sois « puéril » si je n'ai eu pour modèle que ta puérilité !
— Rudy ! gronda Dean.
Cette fois, la ligne avait été dépassée. Pour Red aussi. Il ne la jouerait pas réglo.
— Si vous vous chamaillez, je sors de cette chambre et prends le premier vol pour Saunes. Comme ça, je ne vous verrai pas vous entredéchirer. J'ai du boulot en stand-by à Coop-Com Record©.
La menace calma les deux taureaux. Dean et Rudy se pétrifièrent à la pensée que Red la mette à exécution. Connaissant le bougre, il en était bien capable. Son regard acerbe ne laissait planer aucun doute. Red exhala.
— Je veux partager un moment de complicité avec les deux hommes de ma vie. Est-ce trop vous demander ? Je sais qu'on a merdé, dit-il avec le trémolo du remord. Et j'en suis sincèrement désolé. Les raisons qu'on a eues de le faire nous ont semblé justifiées à l'époque, mais elles ne le sont plus. À vrai dire, elles ne l'ont jamais été. Elles sont encore plus ridicules après le cauchemar qu'on a vécu. Se polluer la vie avec ça voudra dire qu'on n'a rien compris. Qu'on ne sait pas tirer des leçons des coups durs de la vie. Je n'entends pas me soustraire à ta colère, Rudy...
— Et je n'entends pas t'en épargner.
Il ne céderait pas. Red sourit, triste. Plus borné qu'un Leblanc, tu meurs !
— Libre à toi de mettre des cancrelats dans mes bottes, de coller du chewing-gum dans mes cheveux, ou de savonner le sol en prévision de mon passage. Avec mon background, il t'en faudra plus pour chatouiller ma susceptibilité. Il te faudra être intrinsèquement mauvais. Ce que, j'en suis convaincu, tu n'es pas, Rudy. Mais je ne veux pas que vous vous disputiez à cause de moi. Je n'aime pas voir de disputes entre membres d'une même famille. Ça m'est pénible à supporter.
Si Rudy n'avait pas anticipé une chose, c'était de passer des reproches à présenter ses excuses. Son père et lui se démenèrent à dérider un Red plus attristé qu'un ciel d'orage. N'y tenant plus, Rudy le serra dans ses bras. C'était vraiment moche d'être vindicatif. Les propos de Red mettaient en lumière l'étendue de son immaturité. Pas de doute : il était bien son « grand-frère », peu importe qu'il soit le nouveau partenaire de son père.
— Je te déteste d'arriver à me faire passer pour un petit con, Andy Rell.
— Telle n'était pas mon intention, Caramel-vanille, marmonna Red.
Dean observa le tableau en silence. Dieu qu'il les aimait, ces deux hommes qui essayaient de se redonner le sourire, quand lui excellait à l'éteindre. Sa relation avec son phénix était tributaire de sa relation avec son ange. Il n'aurait jamais dû séparer ces deux aspects, encore moins dissimuler l'un à l'autre. Avait-il eu peur de se confier parce que ses sentiments pour Red n'étaient pas limpides ? Comment expliquer ses réticences à s'ouvrir à un fils qui connaissait d'expérience le tourment d'aimer un homme dans une société qui désapprouvait ce genre d'amour ?
Il en avait fait des conneries dans la vie, mais celle-là atteignait des sommets. Maintenant il devait regagner la confiance de ce rejeton, qui lui avouait avec sincérité s'identifier à sa personne. À présent qu'il réalisait à quel point il avait bafoué cette confiance, l'ampleur des dégâts le terrifiait. À la place de Rudy, il aurait réagi de manière plus violente. Il morflerait pour resserrer ce précieux lien qui se relâchait, mais Dean éprouvait de la reconnaissance envers l'admiration de son fils.
Il en voulait à Vince de n'avoir pas renoué le lien entre eux. Dorénavant, il ne pourrait plus lui en faire le reproche avec la même véhémence. C'était troublant de refaire les erreurs de son père avec son propre fils. Le contexte différait, mais cela restait du même calibre, de la même nature ; ç'avait le même fond. Comme si, inconsciemment, il reproduisait le schéma paternel par mimétisme.
La fatalité pousserait-elle Rudy à marcher dans ses pas ? Quelle triste vie réservait-il à son garçon, dans ce cas ! En faisant le bilan, avait-il déjà montré à Rudy un pan de bonheur, ou combien il était heureux ? Le modèle qu'il s'échinait à présenter était le conflit. Conflit avec lui-même, conflit avec son géniteur, conflit avec son ex-femme... conflit avec son fils.
Dean força un sourire, comme Rudy et Red le dévisageaient, circonspects. Son mutisme venait de changer l'ambiance. Il fallait croire qu'en grandissant, Rudy arrivait désormais à lire en lui. Ou alors la perfection de son masque de porcelaine ne lui collait plus au visage. Lourd, craquelé, le cache marmoréen ne protégeait plus grand-chose de l'homme qu'il dissimulait.
Sa respiration s'alourdit. Toute sa vie n'avait été que batailles incessantes, souvent infructueuses, quelques-fois futiles. Il avait cru trouver la bonne formule, la bonne équation du bonheur. Mais il n'était pas heureux. En dépit des paramètres et constantes de cette équation, il ne l'était toujours pas.
— Chéri, qu'est ce qui ne va pas ?
Alarmé, Red lui caressa la joue. Dean croisa le regard affolé de Rudy. Dépité, il essuya une larme.
— Ce n'est rien. Ça va passer. C'est juste... (D'une forte inspiration, il interdit à sa voix de trembloter.) C'est le contrecoup. Ce n'est rien.
S'il insuffla assez d'assurance dans son intonation pour berner son fils, son amant exigeait un niveau supérieur de bluff. Red savait quand il mentait de cette manière. Il fut sauvé par le gong. La grimace de douleur de Rudy ne passa pas inaperçue.
— Tu as mal, mon ange ? s'enquit-il, alerté.
— Un peu, maugréa Rudy.
Il ne parvenait plus à ignorer les pulsations lancinantes de sa blessure. Red grommela, réprobateur :
— C'est un trait de famille, minimiser la douleur ? Et je ne fais pas qu'allusion à la douleur physique. Tu n'as pas « un peu » mal. J'ai déjà été eu ce genre de blessure causé par une balle, tu te souviens ? Je t'apporte un verre d'eau pour tes antidouleurs.
Avant de quitter la chambre, son geste surprit Dean et laissa Rudy perplexe. Il lécha avec tendresse une trace de larme de Dean.
— C'était quoi, ça ? fit le garçon, sceptique.
— Mets cela sur le compte des bizarreries félines d'Andy.
Rudy pouffa, mais son rire n'atteignit pas ses yeux.
— Tu... vas bien ?
— Je vais mieux.
La nuance en dit long. Rudy céda à son envie de le réconforter d'un câlin. Bon sang, sa jauge à câlins entrait dans le rouge et il n'était même pas huit heures !
— Tu sais ce qui me ferait encore plus de bien ?
— Que je vous pardonne ?
C'est à peine s'il arrivait encore à leur en vouloir. Ces deux-là ruinaient ses résolutions puériles. Ils l'emmerdaient vraiment ! Dean le prit de court :
— Que tu revoies tes copains. Cela te fera du bien de voir Bill et Marine. Et si je les faisais venir vendredi soir ? Je pense qu'ils ne diraient pas non à une « pyjama-party » et un weekend à Balmer. On pourrait tous les faire venir... Tous tes copains de lycée.
Rudy fut trop sonné pour y croire. Dean asséna le coup de grâce :
— Il est temps de chauffer la carte MIP.
L'expression solaire de son fils l'éblouit. Rudy en oublia la pulsation de sa blessure. Son père était génial !
— Vrai de vrai ?
Dean lui rendit son sourire.
— Vrai de vrai.
Te voir heureux me fait du bien, mon ange. Finalement, il la tenait depuis tout ce temps. La bonne équation de son bonheur était celle du bonheur de son fils.
*o*o*
TBC ● EPISODE 13
*MEDIA*
Intro vidéo : Halo - Starset. On continue avec ce groupe muse dont les chansons vont si bien à mes personnages.
Send out the signal and I'll fly low
If it means the death of me, I won't let go
And if I'm lost in the worlds shadows
I'll use the light that comes to me
From your halo
When you're backed against the wall
I could be the one who's always there to break your fall
You are not alone
You're the sun, you're the day
The light that guides me through
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