S06 - EP 01 ✤ part II
Partie 2/3
— Puis-je avoir une seconde de votre précieux temps ? Vous trois.
Red désigna Vince, Dan et Natasha. Rudy se renfrogna. Pourquoi accaparait-il toute sa famille ? Red le toisa. Désolé, mon mignon, mais ton père m'inquiète. Mon petit doigt me dit qu'il y a un problème. Il quitta la pièce sans attendre ni faire cas des regards curieux.
Dan exhala, sidéré. Cet homme se payait-il leur tête ? Il suivit néanmoins sa mère, qui semblait décidée à entendre la star. Comparé aux rares fois qu'elle avait côtoyé ce chanteur farfelu, Natasha le trouvait anormalement sérieux. Elle l'avait connu facétieux, charmeur, rieur ; une espièglerie plutôt intéressante qui cédait désormais à une tension à fleur de peau. En lien avec Dean. Le jeune homme les éloignait de Rudy à dessein.
Vince tergiversa une seconde. Le retour de Regan avec une aide-soignante lui donna un prétexte pour quitter la chambre. La dénommée Ilona Minzy se dévouait à divertir Rudy, en lui soutirant des ragots de couloirs du label Coop-com Record©. Pour une fois, Vince ne voulait pas savoir la raison de la présence de la pnliste en ces lieux.
— C'est avec vous que je l'ai laissé, attaqua Red. Où est-il passé ? demanda-t-il tout de go à Vince.
L'incrédulité de Dan parla au nom de son père :
— Pardon ?!
Red s'impatienta.
— Le temps presse. Si je m'en tiens au peu qu'il m'a dit au téléphone, il n'est pas ici, retenu par un foutu toubib ou une quelconque modalité administrative, comme tu l'as laissé entendre à Rudy. Où est-il ?
— Et que t'a-t-il dit ? opposa Dan, agacé.
— Tu m'as écouté ou pas ? s'irrita Red. (Il l'avait toujours jugé collet-monté, celui-là.) Il m'a demandé de veiller sur Rudy. Il m'a raccroché au nez après, et impossible de le joindre depuis. Il n'avait pas l'air... dans son état normal.
— Normal ? répéta Dan, sceptique.
— Je sais de quoi je parle !
Natasha arrondit les sourcils face à sa conviction. Cependant, se perdre en conjectures ne les avançait pas. Elle arrêta Dan, qui souffrait de moins en moins la présence du people. Certes, il ne fréquentait pas cette jet-set, contrairement à Dean. Toutefois, pouvait-il mettre ce genre de considération en sourdine ? Elle aussi avait un mauvais pressentiment.
— Vince, que t'a-t-il dit ? s'enquit-elle.
Son ton égal ne présageait rien de bon pour son époux. Ce dernier ne se déroberait que s'il avait l'intention d'essuyer sa mauvaise humeur sur une longue période. Vince soupira. Il avait la situation en main, avec ses gardes du corps de corvée de filature de son chenapan de fils. Mais allez raisonner une mère inquiète.
— Il m'a parlé d'un certain Lucas Levy. J'ignore de qui il s'agit.
— Pourquoi ? fit Dan.
— D'après Dean, il serait impliqué dans l'enlèvement de Rudy.
— Lucas Levy..., répéta Red, préoccupé.
— Ce nom vous dit-il quelque chose ? le pressa Vince.
D'un geste délibérément maniéré, Red leva la main devant le visage de son beau-père.
— Minute, papillon. Maintenant que je peux vous être d'une certaine utilité, je n'ai plus droit au regard hostile ? Ça ne marche pas comme ça avec Red Kellin. Laissez-moi réfléchir sans me mettre la pression.
De ses index et majeurs, il se massa les tempes. La sidération du trio fut authentique. Elle ne dura que deux secondes chez Vince, qui disciplina son expression. Dan se révéla moins habile. C'était la première fois de sa vie qu'il voyait quelqu'un s'adresser ainsi à Vince Lightfoot II Leblanc. Natasha garda son opinion, mais bon sang que ça valait le détour !
Pendant ce temps, Red sollicitait sa mémoire. Dean et Rey avaient discuté de ce Lucas Levy au Belladona. Hélas, son attention avait été focalisée sur la confection du repas à ce moment-là. Sur une intuition, il revint à la chambre, les autres sur ses pas.
— Rudy, si je te dis Lucas Levy ?
Le jeune homme darda sur lui ses prunelles méfiantes.
— Pourquoi ?
— Je veux juste savoir ce que ce nom t'inspire, dit Red avec précaution.
Rudy décortiqua ce qu'il ressentait à l'évocation de ce nom.
— De la colère et une envie de lui ouvrir la tête contre un mur, rétorqua-t-il, placide. Pourquoi ?
Sa réponse laissa l'assemblée pantoise. Il l'avait dite comme on parlait de la pluie et du beau temps. Avec une banalité qui ne donnait pas dans le second degré.
— Et où est-ce qu'on pourrait éventuellement le trouver ? s'enquit Vince avec réserve.
— POURQUOI ? s'emporta brusquement Rudy.
Une partie des visiteurs sursauta. Il n'en eut cure. Les demi-mots l'insupportaient désormais. Sa mémoire ne l'aidait déjà pas avec ses demi-souvenirs. Il ne fallait pas en rajouter.
— Euh, commença Regan, timide, c'est le secrétaire de notre doyen.
Red nota enfin, sous son manteau, un blazer gansé couleur violine, à col cranté. L'uniforme de la promotion élite de Darney.
— Dean est...
La phrase de Dan mourut dans sa gorge, tuée par le regard acerbe de Vince. L'état de Rudy ne le disposait pas à gérer certaines informations. Qu'il râle ou boude parce qu'on lui taisait des choses, mais ce qu'il ignorait ne lui ferait pas de mal. Dan comprit le message.
— Tu ferais mieux d'y aller, lui dit Vince. (Le vibreur de son portable l'interrompit.) Oui ? décrocha-t-il. (Son expression s'assombrit.) Tout de suite, asséna-t-il à Dan.
Ce dernier n'appréciait pas quand Vince jouait de mystère avec lui, mais l'urgence dans la voix paternelle insinuait une énième bévue de Dean. Dan obtempéra. Vince revint à son correspondant.
— Je n'y serai pas. Voyez avec Dan. Il arrive.
Il raccrocha. Natasha le pressa, ôtant les mots de la bouche de tous.
— Que se passe-t-il ?
Se gardant bien de marquer leur présence, Ilona et Yakim assistaient à cet échange. Sonia se mordilla la lippe et sut que cela avait un rapport avec Dean quand Vince rétorqua à sa femme d'un ton hésitant :
— Tu... Tu ferais mieux d'y aller aussi.
— Où ? demanda Natasha.
— Suis Dan, s'impatienta Vince.
Il se serait épargné ce manque de perspicacité. Seul Dan savait saisir sa pensée sans explication. Mais inutile de le reprocher à sa compagne. Voilà des années qu'ils n'évoluaient plus sur la même longueur d'onde. Quant à Dean, cela relevait du paradoxe. Par leur similarité, leur esprit aurait dû vibrer à la même fréquence, mais c'était l'inverse. Natasha persista.
— Pourquoi tu n'irais pas ? Je reste avec Rudy.
— Je ne peux pas, affirma Vince, sec. Je ne saurai pas le raisonner. Pas quand il se doute de ma bénédiction. Ne perds plus de temps, Dan prend de l'avance.
Natasha soupira et quitta la pièce. Grinçant des dents à la manière de Dean, Vince lança un appel. Red n'attendit pas son reste et rattrapa Natasha. L'aveu de Vince en disait long. Dean faisait sa fête à Lucas Levy à Darney, avec l'approbation paternelle.
*
— Mais qu'est-ce que tu fous là ? s'emporta Dan, comme Red grimpait dans sa Tesla en même temps que sa mère.
— Râle et conduis, veux-tu ? On n'a pas de temps à perdre, rétorqua Red. Cet abruti de Dean doit être en train d'édenter ce connard de Lucas Levy. Le connaissant, il ne s'arrêtera pas avant d'avoir saigné la bête. Tu as vu ce qu'il a fait du couillon qui s'en est pris à Rudy au Gala Meiridies. Je ne veux même pas imaginer ce qu'il fera de cet homme, s'il l'a déjà jugé coupable dans cette affaire de kidnapping.
Natasha tressaillit. Elle n'avait pas eu le choix, lorsque le chanteur s'était imposé avec un solide argument : pour l'avoir déjà vu à l'œuvre, Dean n'était pas du genre à écouter son frère aîné.
— Je suis désolée, répondit-elle au regard accusateur de son fils. Fais preuve de diligence, s'il te plaît. Je n'aime pas ce que me laisse présager cette situation.
— Et moi donc, marmonna Dan sans desserrer les dents. Dire que Père lui a limite donné sa bénédiction, gronda-t-il.
— Comment le sais-tu ?
— Tu penses bien qu'il n'a pas cherché à en savoir plus, quand Dean lui a parlé de ce Levy, parce qu'il le laisse volontairement gérer cela seul. Je ne sais pas ce qu'ils ont pu se dire quand tu les as quittés. Mais... cela ne me surprendrait pas que Père discute en ce moment avec Mac Alistair.
— Pourquoi... ? commença Natasha. (Elle se ravisa et pria.) Pourvu qu'il ne le tue pas avant notre arrivée.
Fermant les yeux, elle se pinça l'arête du nez. Red eut peur de saisir l'ampleur de la situation, malgré quelques zones d'ombre. Parler par omission devait être une signature familiale. Une oreille extérieure aurait été en peine de comprendre de quoi il retournait. Il tiqua soudain.
— Mac Alistair... c'est le nom du lieutenant de police qui m'a retenu sur la place Blue Square.
Le père de Dean influerait sur la police pour couvrir Dean, quoi qu'il soit en train de faire en ce moment ? Dan coupa ses réflexions.
— Et qu'est-ce que tu fichais sur cette place pour commencer ? On ne parle que de cela aux infos !
Même s'il refusait de s'attarder sur les médias depuis la veille, Red n'en fut pas surpris.
— La réponse ne te concerne pas, je la garde pour moi.
— Excuse-moi ? s'offusqua Dan. Cet enfoiré avait mon neveu et mon frère au bout de son arme et tu oses me dire que ça ne me concerne pas ?!
Cet enculé avait mon mec et son fils en ligne de mire. Tu ne gagneras pas si on joue à ce jeu.
— J'ose, oui, si tu continues de me parler sur ce ton. Appuie sur le champignon. Ta caisse de luxe a un moteur fait pour. En cas de contravention, ton cher père pourra en discuter avec Mac Alistair.
Dan manqua d'exploser. Bon sang que cet oiseau de malheur lui sortait par les yeux ! Ulcéré, il s'exécuta néanmoins.
— Vous faites la paire avec Dean !
Red aurait souri si la situation n'avait pas été grave. Dan ignorait lui faire un compliment. Natasha ne pipa mot. Elle avait rarement vu son fils, d'ordinaire posé, bouillonner autant. Les colères de Dan étaient contenues, froides, pas explosives. L'ire volcanique était l'apanage de Dean. Certes, ils avaient tous les nerfs à vif. Mais elle avait cru que le retour de Rudy apaiserait en partie les esprits échauffés. Comme elle se leurrait !
Vince présentait un calme de façade, habitué à intérioriser ses sentiments. Mais à l'intérieur, son époux personnifiait un Vésuve en pleine activité. Dan avait l'irritation facile. Du côté de James et Jonathan, la tension se coupait au couteau. Tandis que les autres festoyaient pour marquer le retour de Rudy, la veille, le frère de Vince et son fils s'engueulaient dans un bureau du manoir.
De mauvaise humeur pour n'avoir pu voir son petit-fils, Vince s'était retranché dans ses quartiers sous le prétexte qu'il tombait de sommeil. Natasha savait qu'il n'honorait pas un rendez-vous avec Morphée, même si l'allusion exprimait en partie son soulagement. Vince dissimulait son écœurement, non disposé à célébrer le retour de son petit-fils avec des hypocrites sournois.
Daniel-Ritchie, grincheux de nature, peu propice aux exubérances, avait été d'une jovialité excessive, courtoisie que quelques verres de spiritueux. Le vieillard sous médication n'avait pas été raisonnable. Elly avait évité Natasha avec une esquive : arbitrer le duel entre son père et son petit-frère. C'était la première fois que l'on voyait Jonathan dans cet état. Que se passait-il dans cette famille ?
À présent, Dean s'apprêtait à pondre un désastre. Le retour de Rudy ne résolvait rien. Au contraire, il marquait le prélude d'une longue campagne de vendetta. Elle s'abattrait sur tout le pays, car l'Empire Leblanc avait des comptes à régler. Vince traquerait toute personne impliquée de près ou de loin dans cette histoire. Et il n'aurait aucune réticence à lâcher la laisse de son cerbère : Dean. La chasse avait déjà commencé.
Vince savait nourrir la nature sanguine de ce fils qu'il avait tenu à l'écart. Il maîtrisait le tableau de bord de la folie dévastatrice de Dean. Son rejeton avait proclamé haut et fort qu'il détruirait White Enterprise©, si l'Empire se révélait coupable de l'enlèvement de Rudy. Vince utiliserait cette haine, cette résolution inflexible, pour faire le ménage dans les rangs, écraser les parasites et déblayer la voie pour Rudy.
Au fait des vices et travers de son homme, Natasha ne se surprenait plus de ses méthodes peu orthodoxes. Si Vince avait la moindre possibilité de changer Dean en arme pour annihiler ses ennemis, il saisirait l'occasion. Malheureusement, viendrait le moment où Dean se rebifferait de cette énième instrumentalisation. Pour le pire, et pour le pire, car Rudy se retrouverait à nouveau au cœur de l'intempérie. Le pauvre ange en avait eu plus que sa part.
Dans le rétroviseur intérieur, Natasha prêta attention à la rockstar. Un autre élément de cette sombre intrigue. Inquiet, en pleine discussion SMS, Red se rongeait l'ongle du pouce gauche. Que penser de son attitude ? Elle retint un soupir. Pour l'instant, priorité à Dean.
De son côté, Red s'en voulait d'avoir abandonné Rudy. Il désobéissait à la consigne de Dean, mais son amant pouvait se foutre ses consignes dans l'anus. Il culpabilisait par rapport à Rudy, censé être la priorité. Hélas, son père se comportant comme le plus fin des imbéciles, il fallait l'arrêter avant que ça ne dégénère. Laisser Rudy en compagnie de sa mère et son grand-père ne rassurait pas Red. Aux dernières nouvelles, ça n'avait jamais été le grand amour entre ces personnes. Aussi demandait-il à Ilona de lui rendre service, conscient d'abuser de sa gentillesse.
« Peux-tu garder un œil sur Rudy, STP ? »
« Impossible. Je vais aussi à Darney. »
« Pourquoi ? Et Rudy ?? »
« Il ne risque rien avec pépé et maman. Il se passe vraiment quelque chose de grave. Dean pète les plombs. Je vais essayer de le raisonner. »
« Pète les plombs comment ? Qu'est-ce que tu veux dire ?!! »
Ilona préféra appeler.
— Les yeux vairons, il a reçu un message sur l'END. On lui demande de rappliquer à la fac, s'il ne veut pas rater le scoop d'un homme qui menace de défenestrer le secrétaire de leur doyen. Il a quitté la chambre en trombe. Je l'ai cuisiné.
— Putain de... (Red ravala la suite de son juron.) Il me fait suer, ce mec ! C'est quoi, l'END ? (À Dan, il lança :) Accélère !
— Sur un autre ton, je fais déjà ce que je peux !
— Ce n'est pas assez ! tempêta Red.
— Ah désolée. C'est l'Espace Numérique de Darney, un réseau social propre à ses étudiants. C'est vrai qu'il fait chier, ton mec !
— Qu'avez-vous appris ? s'enquit Natasha, coupant court à la colère de Dan.
— Dean est en train de défenestrer ce Lucas Levy. Ça circule sur les réseaux sociaux.
Elle devint livide. Dan écrasa plus fort la pédale d'accélération.
*o*o*
TBC ● EPISODE 01 – part 3
*MEDIA*
Intro vidéo : How Did you Love - Shinedown. Des lyrics que je dédie à tous les personnages.
You can have the sound of a thousand voices calling your name
You can have the light of the world blind you, bathe you in grace
But I don't see so easily what you hold in your hands
Cause castles crumble, kingdoms fall and turn into sand
You can be an angel of mercy or give into hate
You can try to buy it just like it every other careless mistake
How do you justify I'm mystified by the ways of your heart
With a million lies the truth will rise to tear you apart
Wooaahh!
No one gets out alive, every day is do or die
The one thing you leave behind
Is how did you love, how did you love?
It's not what you believe; those prayers will make you bleed
But while you're on your knees
How did you love, how did you love, how did you love?
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