Chapitre 4
En entrant dans la salle à manger, je sens quelques métamorphes attablés se mettre à m'observer. Pas étonnant, je dois faire tâche avec mon vieux jean taché de crème pâtissière et mon tee-shirt à l'effigie du groupe de rock Linkin Park. Sans parler de mes cheveux tout ébouriffés après ma course avec les loups. Ici, tout respire le luxe. A côté, on a l'impression de m'avoir sortie d'une benne à ordures.
-Ah, te voilà !
Daniel me rejoint, habillé du même costume sobre que les autres serveurs, un plateau d'argent calé sous le bras.
-Où est Jonas ? je demande, l'alligator faisant lui aussi office de serveur.
-Au fond de la salle, il lèche les bottes d'une riche héritière qui a eu le malheur de tomber sous son charme.
L'amusement dans la voix de Daniel m'informe qu'il compte bien se moquer longtemps de l'alligator une fois cette histoire terminée.
-Oh, comme vous êtes musclé ! s'exclame le puma en prenant une voix très aiguë.
-Tu as du temps à m'accorder ? je lui demande, pas d'humeur à plaisanter. Il faut que je te parle d'un truc qui vient de m'arriver.
Ses sourcils se froncent. Puis il soupire d'un air las.
-Toi, tu t'es encore attirée des ennuis.
Je grimace, vexée. Il est vrai que je suis un aimant à problèmes. Mais ce n'est pas comme si c'est moi qui les provoquais, je suis juste toujours au mauvais endroit, au mauvais moment.
-Tout d'abord, ce sont eux qui m'ont cherchée. je tente de me justifier, froissée. Et puis, ce n'est pas de ça dont je veux te parler.
Il soupire une deuxième fois. Puis se frotte le visage de la main.
-Suis-moi, j'ai une pause de cinq minutes.
Je lui emboîte le pas jusqu'à ce que nous sortons à l'extérieur, où quelques serveurs profitent de leur pause pour se griller une cigarette. L'air est plutôt frais pour un soir d'été. Mais le son de la mer qui percute la coque du navire est apaisant.
Nous nous éloignons du petit groupe de fumeurs en espérant qu'aucun d'eux n'essaiera d'écouter la conversation qui va suivre.
-J'ai fait la rencontre du bêta de la meute de loups qu'on traque. je lui confie à voix basse, les métamorphes ayant l'ouïe très fine.
Cette fois, Daniel hausse un sourcil, intéressé. Ses yeux prennent un instant une lueur orangé, signe que son puma nous écoute et qu'il est très intrigué par ce qui est dit. Il a hâte que la chasse soit bientôt déclarée ouverte, je le vois bien.
-Il n'est pas au courant de qui tu es, j'espère ? me questionne t-il, soucieux du bon fonctionnement de notre plan.
Je secoue la tête de gauche à droite, sûre de moi.
-Non, la seule chose qu'il sait de moi c'est que j'ai dégobillé avant de monter sur le bateau. je marmonne, vexée par cette si bonne impression que je lui ai laissé.
-Trop sexy ! se moque ouvertement le puma. En tout cas, cette rencontre peut nous être bénéfique. Nous ne savons toujours rien de l'Alpha, mais son second peut nous aider à l'identifier.
Il fait mine de réfléchir à la situation.
-Tu devrais essayer de le recroiser. dit-il de but en blanc. Si tu crois dur comme fer qu'il ne te connait pas, c'est un risque à prendre.
Daniel n'a pas l'air de s'apercevoir de mon - oh grand - enthousiasme. Il poursuit comme si de rien était.
Comme si mon chat n'est pas en train de réfléchir au prochain endroit où il crachera sa boule de poils.
-Passes plus de temps avec lui, et soutire lui des informations à propos de son chef de meute. Que ce soit son numéro de chambre ou même sa cravate préférée, peu importe tant que ça peut nous aider à le trouver.
-Évidemment, c'est à moi de me coltiner le sale boulot. je ronchonne, déjà en rogne après avoir dû cuisiner une fichue crème que je n'ai pas eu le droit de gouter.
Daniel pose sa main sur le sommet de mon crâne, comme on le ferait à un chiot. Un acte qui m'agace déjà quand je suis de bonne humeur, alors maintenant ça me donne tout simplement des envies de meurtre.
-C'est à toi de t'en occuper. Pour les loups de cette meute, tu n'es qu'une chatte inoffensive. Personne ne pensera que tu es une potentielle menace - une grave erreur, si tu veux mon avis. Tout le monde à Saorsa sait que tu es une créature diabolique. rit-il.
Sur ce point, il n'a pas tort. Les chats sont toujours sous-estimés - et parfois à juste titre. Cette erreur de jugement peut en effet me donner l'avantage.
-Bon, il faut que j'y retourne. Je dois servir le dessert.
-Tu veux bien m'emmener ?
Je n'attends pas sa réponse et me transforme avant de sauter sur son épaule, comme je l'ai fait précédemment avec Andréas. Je m'installe confortablement, les griffes accrochées dans le tissu de sa veste afin de me maintenir en équilibre. Une fois sûre que je sois bien assise, Daniel part en direction de la salle à manger.
Il est temps pour moi de passer à l'action - délibérément cette fois.
La salle est bondée, la majorité des passagers de la croisière est attablée pendant que des dizaines de serveurs circulent entre les tables, un plateau d'argent et de gâteau à la main. Daniel se munit d'un plateau similaire avant d'aller servir le reste des individus.
Perchée sur son épaule, j'analyse la salle à la recherche d'Andréas, ce loup séduisant. Je le repère très vite au fond de la salle et fais signe à Daniel de s'y diriger.
-Fais attention. me glisse t-il avant que l'on arrive à la hauteur des loups.
Bah voyons, je suis la prudence incarnée !
Je saute de l'épaule du puma lorsqu'il passe près d'Andréas et atterris sur sa table.
-Salut, toi. s'exclame le loup de sa voix rauque avant de m'attraper.
Il me soulève comme si je ne suis qu'un poids plume, me faisant décoller sans demander mon approbation.
Je me serai bien passée d'un tour de manège, même s'il est gratos.
Me tenant d'une seule main, il se met à caresser ma tête de l'autre comme si je ne suis qu'un simple chat.
M'aurait-il confondu avec une peluche ?
Mécontente de ce contact forcé, je tente de lui mordre la main gentiment.
Lui abimer cette peau si parfaite ? Surtout pas !
Et puis, je dois l'amadouer, pas lui donner des raisons de se méfier de moi. Avec un peu de chance, il est comme ces grands-mères qui ne peuvent pas résister devant un chat. Alors, je pourrai le contrôler à ma guise.
Je pourrai lui demander de me gratter l'arrière-train ?
Andréas sourie, amusé par mon comportement. Et je me sens fondre devant ce sourire éclatant. Je ne suis plus qu'une pauvre guimauve malléable. J'en viens même à le laisser me caresser et à pousser des ronrons.
-Comment peut-on vouloir du mal à un animal aussi mignon que toi ?
Les gens sont jaloux, que veux-tu.
Je ne fais pas attention à ce qu'il dit, tout à coup trop occupée à fixer la part de gâteau entamée dans son assiette. Attirée par l'odeur sucrée, je me lèche les babines, ce que ne manque pas de remarquer le charmant loup qui me tient confortablement contre son torse.
-Tu en veux ?
Andréas vient récupérer de la crème sur son doigt avant de me le tendre.
Tiens, ne serait-ce pas ma fameuse crème pâtissière ? Pff, et il croit sérieusement que je vais me contenter de ça !
Je me dégage de sa prise et bondis sur la table avant de me servir à même l'assiette. Andréas se met à râler. Il lèche la crème sur son doigt avant de m'attraper pour m'écarter de son assiette. Je lèche la crème restante sur mes babines, me délectant de son goût sucrée.
-T'es une sacrée canaille toi.
Oubliant complètement avec qui je suis, je lui donne des coups de têtes affectifs qui l'attendrissent.
Ah, les chats, difficile de leur résister quand on ne les déteste pas.
-Qu'est-ce que c'est que cette chose ? résonne alors une voix grave non-loin de nous.
Je tourne la tête en direction de l'homme qui a parlé. C'est un métamorphe, sans aucun doute. Assis à la même table qu'Andréas, juste en face de lui, l'homme me regarde avec un certain dégoût.
-Ce n'est qu'une femme, Alpha. lui répond Andréas, son attention toute rivée sur ma gracieuse silhouette.
Alpha, hein ?
Je pousse un miaulement sonore que ne manque pas de remarquer Jonas à une vingtaine de mètres grâce à son ouïe surdéveloppée. J'attends qu'il passe près de nous avant de bondir sur son épaule et m'éloigner au plus vite de cette table maudite.
En jetant un coup d'œil en arrière, le regard déçu d'Andréas me fait regretter de ne pas être restée plus longtemps pour profiter de ses caresses et de sa succulente part de gâteaux. J'aurais peut-être pu roupiller sur ses genoux.
Mais j'ai une mission à laquelle je ne dois pas faillir. C'est la vie de mes camarades et de moi-même qui est en jeu. C'est bien trop important pour que je me laisse distraire par un homme certes sacrément beau mais aussi très dangereux.
Il fait lui aussi parti des loups, je ne l'oublie pas.
-Tu l'as trouvé ? me demande Jonas en faisant référence à l'Alpha loup.
Je miaule pour confirmer son propos.
Fini la rigolade, ça va devenir très sérieux maintenant.
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