Chapitre 20 (1)
C'était le noir complet. Encore...
Il faisait un peu moins froid que la dernière fois.
Elle déglutit. Le silence était, quant à lui, bien plus présent que les fois d'avant : elle n'entendait que son cœur qui s'agitait dans sa poitrine, sa respiration qui retentissait dans le néant qui l'entourait et le moindre mouvement qu'elle faisait lui donnait l'impression que de violents échos lui fracassaient les oreilles.
- Où...
Pour la première fois depuis qu'elle faisait ce rêve, Margot réussit à parler. Son corps ne lui obéissait toujours pas, mais elle avait repris le contrôle de sa bouche et de ses cordes vocales.
- Où êtes-vous ? Qui êtes-vous ?
Seul le silence lui répondit. Déçue, la jeune femme patienta, mais retenta tout de même sa chance avec d'autres questions.
- Où suis-je ? Pourquoi suis-je ici ?
Après ce qui lui parut être de longues, très longues heures, les améthystes scintillèrent dans les ténèbres.
- Onik Vulom, souffla une voix féminine plus douce et plus apaisante qu'à l'accoutumée, yah kotin hi vahzen rii.
- Je ne comprends pas...
- Dovahkiin, stired Dovahliin arhk mu aal frosov.
Un souffle chaud lui caressa la joue. Les améthystes se brouillèrent puis disparurent.
- Attendez ! Ne partez pas !
Margot se redressa sur son lit, le bras tendu devant elle et la bouche grande ouverte. Des perles de sueur trempaient son pyjama. Sa respiration était erratique. Son cœur jouait des percussions. Le silence la rendait sourde. Des acouphènes sifflèrent à ses oreilles. La brune secoua la tête pour tenter de les chasser et regarda autour d'elle.
Je suis dans ma chambre... à l'Académie.
Il faisait noir, mais pas autant que dans son rêve. La lumière des lampadaires filtrait au travers du store de sa chambre. Elle regarda la projection holographique de la pierre-réveil. 3h30.
Bien trop tôt pour se lever...
Margot se rallongea silencieusement et ferma les yeux. Mais impossible de trouver le sommeil. Son rêve était, pour une fois, bien ancré dans sa mémoire. Elle arrivait à se rappeler de chaque instant... sauf de ce qu'avait dit la voix. Son instinct lui hurlait que c'était la clef pour comprendre la signification de ce rêve. Elle posa son avant-bras devant ses yeux pour se concentrer. Que lui avait chuchoter la voix ? Qu'est-ce que cette personne voulait lui dire ? Qu'est-ce qu'elle devait faire ?
- Apprendre le Draconique...
La brune fit un bond dans son lit. Elle sauta sur ses pieds, aux aguets. Elle regarda à droite, puis à gauche. Mais rien.
- Apprends le Draconique, Margot...
Elle se figea. Encore cette voix enfantine. D'où provenait-elle ? Est-ce que c'était réel... ou devenait-elle folle ?
- Tu n'es pas folle, lui assura l'inconnu qui s'incrustait dans ses pensées. Normalement, je n'ai pas le droit de te parler. Je dois te laisser te débrouiller seule pour que tu t'éveilles... mais je m'ennuie trop. J'ai trop hâte que tu découvres qui tu es vraiment !
- Qui es-tu ? tenta-t-elle dans sa tête, sa voix interne chevrotante. Pourquoi est-ce que...
- Je ne peux pas répondre à tes questions par contre... Je connais toutes les réponses, mais les Anciens m'ont fait promettre en Draconique de ne rien te dévoiler de trop important tant que tu ne te serais pas éveillée...
- Pourquoi en Draconique ?
- Tes professeures ne t'ont pas appris qu'il est impossible de mentir dans cette langue ?
Sans lui laisser le temps de répondre, la petite voix fluette enchaîna, totalement paniquée.
- Faut que je te laisse : le Patriarche est de retour et s'il sent que je te parle, il va me passer un savon pendant des lustres... Salut, Margot !
Un souffle de vent balaya ses pensées. La voix d'enfant avait disparu. Comme celle de son rêve... Margot resta un moment à regarder dans le vide, essayant de comprendre ce qui venait de lui arriver. Elle balaya la pièce des yeux et tomba sur le livre de Draconique. Sans plus y réfléchir, la jeune femme s'en saisit et s'enferma dans la salle de bain. Après avoir allumé la lumière, elle s'assit sur les toilettes et ouvrit le livre sur ses cuisses. Même si elle ne savait rien de cette petite voix, son instinct lui hurlait qu'il lui avait donné la clef qu'il lui manquait.
Il faut toujours écouter son instinct, lui avait un jour dit sa mère. Il ne te trompera jamais.
Et jusqu'à présent, elle avait toujours eu raison. Lorsqu'elle l'avait écouté, Margot ne s'était jamais retrouvée dans des situations à son désavantage. Le sommeil l'ayant désertée pour de bon, Margot plongea dans Le Draconique pour les nuls. Elle devait absolument maîtriser cette langue rapidement.
La sonnerie de la pierre-réveil la fit sursauter. Le livre tomba face contre terre sur le carrelage de la salle de bain. Margot mis sa main sur son cœur en reprenant conscience de son environnement. Elle était tellement absorbée par ce qu'elle lisait et apprenait qu'elle n'avait pas vu le temps passer. Daro'Shamada ne tarderait sans doute pas à se lever. Il fallait qu'elle fasse sa toilette avant que cette dernière ne veuille avoir accès à la salle d'eau.
En deux temps trois mouvements, Margot se prépara. Heureusement qu'elle avait préparé ses vêtements la veille au soir et les avait déposé dans la pièce. Quand elle rejoignit la chambre, la Khajiit était encore couchée.
- Daro'Shamada, dit Margot en la secouant légèrement. C'est bientôt l'heure d'aller manger.
- Ginette m'apporte mon repas comme Môssieur le Deuxième Prince ne veut pas que j'me balade dans l'Académie tant qu'il est là.
- Alors je te laisse. Il faut que j'y aille.
- Passe le bonjour à Horte de ma part !
- Je n'y manquerai pas. À tout à l'heure.
La Khajiit se contenta d'un grognement et d'un signe de la main pour la saluer. Puis elle replongea dans les bras de Morphée, ce qui fit rire Margot.
Après avoir fait son lit, la jeune femme sortit de sa chambre et tomba nez-à-nez avec Horte.
- Salut ! Bien dormi ?
- Hmm. J'aurai bien dormi un peu plus...
Margot ne put s'empêcher de se moquer de son ami : il n'était vraiment pas du matin. Quand ils arrivèrent au réfectoire, tous les regards convergèrent vers eux. La jeune femme déglutit, mal à l'aise. Dans le silence, des murmures et des ricanements s'élevaient. Les deux amis firent comme si de rien n'était et s'installèrent à leur table habituelle.
À peine installés qu'un des deuxièmes années accompagné d'un membre de leur promotion s'avança vers eux. Le plus âgé s'installa face à Margot et la dévisagea avec insistance. Elle tenta de l'ignorer, mais sentait son regard la déshabiller. Elle gesticula sur sa chaise, ce qui donna le coup d'envoi des hostilités sans qu'elle ne l'ait voulu.
- C'est vrai que tu ne sais ni lire le Draconique ni le parler ?
Elle redressa la tête et cessa de fixer son plat. Elle dévisagea ce sans-gêne qui avait presque hurlé sa question. En balayant du regard le réfectoire, la jeune femme s'aperçut que tous les étudiants présents suivaient avec attention la scène. Un poing s'abattit sur la table, devant elle, la ramenant à son interlocuteur.
- Réponds !
Margot pinça les lèvres. Elle se mura dans le silence tout en fixant celui qui la dérangeait.
- T'as perdu ta langue ? Ou peut-être que Messire Ordy n'était plus satisfait de tes services et qu'il te l'a coupée...
La brune écarquilla les yeux. Elle était tellement choquée par les insinuations de ce deuxième année qu'elle ne trouva rien à dire...
- Alors j'avais raison ! T'es passée sous...
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Il se retrouva cloué au mur par Horte. Une aura noire, aussi épaisse et gluante que du pétrole, l'entourait et sinuait sur son corps. Le jeune homme aux cheveux auburn le fusillait du regard, muet et les mâchoires tellement serrées que Margot craignit qu'ils réduisent ses dents en bouillie.
- Fini ta phrase et tu le regretteras.
- Hé mec ! toussa le deuxième année qui étouffait à cause de la pression du bras de Horte sur son cou. Pourquoi tu t'énerves comme ça ?
- Ça t'amuse de rabaisser les plus faibles que toi ? Ça t'amuse de t'attaquer à ceux qui ne peuvent pas te répondre ?
- Ouais.
Un sourire provocateur étira les lèvres du deuxième année. Même s'il était en position de faiblesse, il voulait voir jusqu'où oserait aller celui qui le maintenait en joue. Après tout, il était l'un des protégés du Sage de l'Eau. Personne n'osait jamais lui tenir tête, alors que ce premier année le fasse... Ça l'amusait. L'aura de Horte s'affola et commença à grimper le long des bras de son adversaire. Le sourire de ce dernier s'estompa lorsqu'il ne sentit plus du tout ses doigts...
- Qu'est-ce que tu fous ? Pourquoi je sens plus...
- Excuse-toi.
- Pourquoi je le ferai ? Je n'ai rien dit de faux, n'est-ce pas la... Aaaah !
Son cri déchira le silence pesant qui régnait dans le réfectoire. Ses mains le faisaient souffrir le martyr et il ne sentait déjà plus ses bras. Il devina que si l'anesthésie se transmettait... alors la douleur aussi.
- Si tu tardes trop, ça atteindra ton cœur. Et ça sera trop tard pour toi...
Un nouveau hurlement s'échappa de la gorge du deuxième année. Ses yeux s'étaient révulsés et de la mousse commençait à s'agglutiner aux bords de ses lèvres.
- P-par-pardon...
Horte le dévisagea pendant de longues secondes. Ses yeux noirs, si noirs que sa pupille y était camouflée, fouillèrent dans son regard et son esprit. Il y lut toute l'avidité, la cupidité et la méchanceté qui habitait cet être sans cœur. Une énième plainte du deuxième année le ramena à la réalité. Du sang s'écoulait de son nez et la mousse dégoulinait le long de son menton. Écœuré par cette vision, il le lâcha et le laissa s'effondrer par terre. Son aura retourna se loger dans son corps.
- Le prochain à faire circuler la moindre rumeur sur Margot subira le même sort, protégé d'une personne ou non. Zu'u fin vahriin !
Sans un mot de plus, il retourna s'asseoir en face de son amie. Il plongea son regard dans le sien. Il le trouva vide de toute émotion. Inquiet, il explora son esprit, à la recherche de la présence mentale de Margot. Quand il la trouva, son cœur se déchira. Il sentait tout le chagrin qui l'habitait. Revenant à lui, le jeune homme lui prit la main et entrelaça leurs doigts. C'était devenu une habitude pour eux de faire ça quand l'un d'eux n'était pas dans son assiette...
- Margot, souffla-t-il en repoussant sa chaise. Allons-y.
La jeune femme releva la tête vers lui et acquiesça. Il la tira à sa suite vers la sortie de la cantine, fusillant quiconque osait les dévisager avec un peu trop d'insistance.
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