Hors Série ~ 14 février : partie 04
Crìs se redressa de quelque peu, étourdi. Sheena, Sheena ... Il avait fait l'ultime bêtise. Il avait vraiment été stupide. D'une stupidité monstrueuse. Il voulait juste jouer un peu, détourner son attention ... Il avait oublié. Il avait complètement oublié la haine de la fête des amoureux pour la jeune fille. Il déglutit, soudainement très frustré. Il se disait son copain, et il n'avait pas été fichu de se rappeler du trauma de Sheena. Quel crétin, non mais quel crétin ... Il tremblait de tout son corps, ses dents claquant comme des castagnettes. Il allait chopper un coup de froid carabiné, mais c'était bien fait pour sa pomme.
- Non mais qu'est-ce que tu as fichu, Crìs ? tempêta son frère, furieux, retenu avec autorité par Amélia.
Autour de lui, Almarica, Ciela, Ash ... Et tous semblaient avoir la même question dans le regard : que lui avait-il fait ? Il allait se faire massacrer. Il poussa un long soupir entrecoupé de claquements, et se frictionna les bras, tentant de se réchauffer.
- J'ai ... fait croire à Shee-Sheena que j'avais oublié son a-anniversaire.
Le silence incrédule qui s'ensuivit confirma ses attentes quant aux réactions de ses amis.
- T'es stupide, ou complètement stupide ? cracha Amélia, son regard noir semblant lui promettre mille-et-une souffrances. Tu sais parfaitement bien que ce jour est maudit pour elle ! Ne me dis pas que t'as joué au joli cœur, en lui balançant qu'aujourd'hui c'était la Saint Valentin, et rien d'autre ?
Il se tut, grelottant comme un téléphone en vibreur, et Amélia finit par lâcher un chapelet de jurons typiquement français en tentant de se jeter sur lui, retenu de justesse par un Romy complètement blasé.
- Tu es un cas désespéré, mon frère.
- J-je sais. J'avais p-pas calculé les dégâts que ç-ça pourrait provoquer.
- Non, sans blague ? lança Ash du fond de la pièce en roulant des yeux, avant de se frotter les tempes, dépassé.
Même Ciela, leur petite boule d'optimisme, paraissait complètement atterrée.
- Et où est Sheena, maintenant ? souffla-t-elle, pleine d'inquiétude.
- Telle est la question, répondit Almarica, qui fouillait dans un tas de fioles et de potions étranges sorties de sa mallette, pêle-mêle.
- Elle pourrait être n'importe où sur l'île, et si elle est aussi émotionnellement perturbée pour t'avoir congelé sans s'être vraiment rendue compte, on est pas sortis de l'auberge, gronda Ash. T'as pas idée de combien de temps ça nous a pris pour décongeler le couloir sans que personne ne s'en rende compte !
- On a des heures de colles, aussi, marmonna Romy.
Et Crìs s'en souciait comme de son premier bavoir. Seule Sheena et sa bourde lui restaient en tête. Mais il avait tellement froid qu'il n'arrivait pas à bouger ou penser correctement. Sheena, il fallait retrouver Sheena ...
- J'ai ! s'écria soudainement l'Alchimiste en sautant sur ses pieds.
Elle se retourna vers lui, une fiole couleur crépuscule entre les mains, avant de s'agenouiller à côté de lui et de la lui coller entre les mains.
- Tu avales ça, d'un coup. Cul sec. Ou crois-moi, tu vas le regretter.
Il observa la fiole, avec une inquiétude très soudaine. Mais le ton sans appel d'Almarica n'admettrait aucun refus ... alors il obtempéra. Il porta le récipient à ses lèvres et avala le contenu sans y penser. Un long frisson le secoua. Il avait l'impression d'avoir avalé du poivre ... Du poivre qui soudain, enflamma ses lèvres, sa gorge, et l'entièreté de son estomac. Partout où le liquide était entré en contact avec lui, il avait l'impression qu'un véritable incendie s'y était déclenché. Une violente quinte de toux le secoua de part en part, le faisant s'écrouler à terre, en proie à une douleur jamais expérimentée auparavant. Il avait des haut-le-cœur monstrueux, son corps luttant contre le liquide avalé.
- Ah, j'ai peut-être trop forcé la dose, crut-il entendre Almarica dire.
Il se coupa du monde extérieur, la douleur bien trop violente l'arrachant à tout ... Il nagea dès lors dans une sorte d'inconscience flou, emprisonné dans un cocon de douleur, duquel il réussit à se détacher, petit à petit. Lorsqu'il refit surface, hors d'haleine, il avait changé de place. La couette verte feuille sur laquelle il était posé lui indiqua qu'il était sur le lit d'Amélia. Et il était entièrement couvert de sueur. Pendant combien de temps avait-il perdu connaissance ?
- Oh bon sang de bonsoir, Crìs, souffla Ash, non loin de lui, ses yeux rubis étincelant d'inquiétude. Comment tu te sens ?
- Je veux massacrer Almarica.
- Elle ne pensait pas à mal. Selon elle, c'était une potion de réchauffement ou quelque chose comme ça. Sauf qu'elle a quadruplé la dose à cause d'une fausse manipulation.
Ah, ces alchimistes ... Crìs grogna longuement, et s'assit comme il le put sur le bord du lit. Il se sentait épuisé, et il était trempé de sueur. Même ses cheveux lui collaient à la nuque. Il mourait d'envie de prendre une douche. Crìs se sentait aussi profondément faible. Il n'avait rien avalé depuis la veille et toute cette histoire lui avait pompé son énergie. Mais l'avantage de toute cette histoire, c'est que ça lui avait éclairé les idées. Et les bronches aussi. Quel remède de cheval ...
- Si ça peut de rassurer, Romy et Amélia lui ont tiré les oreilles. Fortement.
Crìs ricana un peu. Encore heureux. Mais il remarqua tout de suite après qu'il n'y avait plus personne dans la chambre, sauf eux deux.
- Où sont-ils ?
- Partis chercher Sheena. Je suis resté au cas où tu aurais besoin de moi. Aucune trace de Sheena nulle part. Apparemment, aucune trace de givre, donc soit il a déjà fondu, soit elle s'est rapidement calmée. Mais elle est introuvable. Et c'est très inquiétant.
Crìs cligna des yeux. Bien sûr, qu'il ne la trouverait pas en fouillant à l'extérieur. Ce n'était pas là qu'elle était. Il se releva du mieux qu'il put, tremblant d'épuisement. Il devait réparer ses erreurs. Mais pas avant une bonne douche.
- Eh, eh, eh. Où tu vas ? l'arrêta Ash.
- Me doucher, et me changer.
- Tu tiens pas debout, ça peut pas attendre ?
- Non, vraiment pas, crois-moi. Et Amélia va gueuler si je reste allongé en étant tout poisseux sur ses beaux draps.
Ash baissa légèrement la tête sur le côté, ne pouvant pas vraiment désapprouver.
- Bon par contre, Crìs, pas contre toi, mais je crève de faim. Je vais descendre me chercher un truc. Je te ramène quoi que ce soit ?
Crìs secoua la tête, le cœur au bord des lèvres. La potion avait coupé toute sensation de faim et de soif pour tout remplacer par une monstrueuse nausée. Alors qu'Ash se levait de la chaise qu'il avait placée à côté du lit d'Amélia pour veiller sur lui, Crìs l'attrapa.
- Oh et. J'y pense. Rappelle tout le monde.
- Pourquoi ?
- Je sais où est Sheena. Et j'irai la chercher seul.
* * * * *
- Federico ? murmura Amélia, les yeux grands ouverts. Comment a-t-il eu mon numéro ? Et il a osé le passer à Pit ... Pauvre gosse. Il lui a monté la tête.
Almarica et Ciela étaient parties sillonner la ville. Lui et Amélia se chargeaient de fouiller les alentours de l'académie, de la manière la plus discrète qui soit, feignant de se balader tranquillement quand il tombait sur des curieux. Actuellement, ils slalomaient dans une petite zone boisée que Sheena aimait bien, espérant l'y trouver, en vain pour le moment. En enjambant un buisson, Romy aida Amélia à faire de même, tous les deux revenant sur l'événement qui s'était produit plutôt dans la matinée, Romy en profitant pour avouer ce que cet exécrable bonhomme de Federico Kant avait fait.
- Léo. Ce serait Léo qui lui aurait filé ton numéro, à l'époque où il était encore à l'Académie, grogna l'Element d'air. Il a bien foutu le souk, cet espèce de ...
- Souk ? Enfin bref, répondit-elle en secouant la tête. Quelle histoire tout de même ... Enfin.C'est bon, Romy. C'est terminé.
Romy fit volte-face, se sentant perdre son sang froid. Depuis qu'ils avaient commencé à parler de ça, Amélia semblait un peu trop détachée de la situation ... Et ça le rendrait dingue. Federico l'avait quand même jetée en pâture à ce môme ... La vague de terre lui revint en tête, et il ne put s'empêcher de se demander ce qui serait arrivé s'il n'avait pas été là. Rien que l'idée qu'Amélia ait pu être blessée ... Ça le révulsait. Se campant fermement sur ses pieds, il se redressa de toute sa hauteur, avec détermination.
- Terminé ? Terminé ?! Amélia, est-ce que tu te rends compte de ce que ça veut dire, ça ? Ça sera jamais terminé tant que ce crétin ne te lâchera pas les basques !
Elle cligna des yeux. Elle s'arrêta et croisa les bras, tapotant le sol de sa chaussure gauche, d'un air distrait.
- Romy, c'est pas le moment. On peut pas parler de ça plus tard ? Sheena est ...
- Ça va, j'ai compris, répondit-il, sèchement, en reprenant la marche, d'un pas vif.
- Non Romy, s'il te plaît, arrête.
Il fit volte-face, son cœur cognant comme un tambour. Elle allait le rendre fou.
- Que j'arrête quoi ? Pit s'est fait manipulé par Federico, pour t'atteindre ! Imagine que quelqu'un d'autre tombe dans le piège ? Tu es populaire Amélia, et ...
Elle le coupa d'un claquement de doigts, attirant son attention à elle. Il se rendit compte alors que brûlait dans son regard une flamme qu'il n'avait pas alors vu jusqu'alors. Il en eut presque un mouvement de recul.
- Je n'ai pas besoin de toi pour me défendre ! Je peux très bien gérer ça toute seule. Federico n'aura pas fini d'entendre parler de moi lorsque j'en aurai fini avec lui.
Romy n'avait en réalité pas mesuré l'exaspération que son amie ressentait quant à la situation. Il pensait que tout cela lui passerait au dessus de la tête, comme beaucoup de choses. Mais pas maintenant. Les dents serrées, elle dardait sur lui un regard bouillonnant de colère.
- Cet empaffé a OSÉ manipuler les sentiments d'un pauvre garçon qui n'avait rien demandé à personne ! Simplement pour se venger de moi et nous embêter, ou jouer avec lui. Et ça, ce n'est pas tolérable. On retrouve Sheena, et je m'en vais pendre cet espèce de monstre.
Quelque chose fit frissonner Romy. Et il se dit que, décidément, elle pouvait être très effrayante, Amélia. Il était heureux d'être son ami ... et pas le contraire. Pendant un instant, il eut peur qu'elle déverse sur lui son courroux. Mais la demoiselle n'avait pas l'air d'en avoir l'intention.
- Depuis que j'ai refusé catégoriquement ses lourdes avances, cet idiot ne me laisse jamais en paix.
Il y a de cela un an et demi, Federico avait tenté de sortir avec Amélia. Elle l'avait rembarré proprement, et son ego surdimensionné n'avait pas apprécié. Depuis, il tentait de se venger par tous les moyens possibles et inimaginables, mais la demoiselle était toujours passée au dessus. Pour elle, les tentatives de Federico revenaient à se faire embêter par un môme de cinq ans, tellement l'adolescent était puéril. Et ça l'avait fait enragé, que de se rendre compte que rien ne marchait. Mais cette fois-ci il était allé trop loin.
- Et Sheena qui est introuvable ... Crìs, quel crétin. Je vais le ...
La suite de sa phrase se retrouva noyée par sa sonnerie de téléphone. Avec un grognement, elle fouilla dans la poche de sa veste, et l'attrapa.
- Allô ? gronda-t-elle, encore sur les nerfs.
De là où il était, Romy reconnut sans difficulté la voix d'Ash, mais impossible de distinguer exactement ce qu'ils se disaient. Il se rapprocha un peu, tentant d'attraper des bribes de la discussion, mais l'air soudainement stupéfait d'Amélia l'empêcha de s'avancer plus.
- Comment ça tout seul ? Ah, mais hors de question ! C'est lui qui l'a mise dans un état pareil, je ... Non négociable ? Mais il va se faire voir ! J'en ai rien à ... Il est déjà parti. Bah oui, bien sûr. Et je suppose qu'il ne t'a pas dit où il allait ? Magnifique.
Elle lui raccrocha au nez sans autre forme de procès, tout en pestant abondamment contre le bonhomme. Elle finit par se retourner vers lui, le regard lourd de reproches.
- Ton stupide frère est parti à la recherche de Sheena, parce qu'il sait où elle est apparemment.
Romy lui fit un sourire hésitant. Dire qu'il y a moins de cinq minutes, c'était lui qui était sur le point d'exploser de rage.
- T'as peur que Sheena s'énerve en le voyant, hein ?
- Dans le mille champion. Il a déjà fait suffisamment de conneries comme ça, marmonna-t-elle en tapant du pied à terre, tout en s'échinant à ranger son téléphone dans sa poche.
Amélia était bien évidemment stressée à l'idée de ce qu'il pouvait arriver à Sheena. Pas étonnant qu'elle soit en colère contre son frère. Lui aussi l'était. Mais Romy connaissait son frère. En plus de la potion sur-dosée d'Almarica qui devait l'avoir brûlé de l'intérieur, la culpabilité de sa bêtise devait déjà bien le miner. La rage d'Amélia ne ferait que l'enfoncer.
- Je pense qu'il s'en veut suffisamment pour ça, pas la peine de lui en rajouter sur le dos ainsi, lui dit-il avec douceur, tentant de calmer son amie.
- Oui mais ...
Il se plaça devant la jeune fille, la forçant à le regarder dans les yeux.
- Amélia, ça suffit. Si Crìs estime pouvoir réparer la situation horrible dans laquelle il nous a tous collés, alors on doit lui faire confiance. Et je pense que c'est à lui de réparer sa bêtise. Surtout si Sheena est sa petite copine. Ce n'est pas toi qui disais qu'il ne fallait jamais se mêler des problèmes de couple ?
Elle détourna le regard, les lèvres pincées. La colère venait d'être remplacée par la frustration, mais c'était déjà ça. Il s'écarta légèrement, laissant plus d'espace à Amélia, qui, pendant de longues secondes, se contenta de regarder dans le vide, semblant prise en un combat interne important.
La belle Element se passa une main dans les cheveux, et lâcha un long soupir.
- Bon. Ash veut qu'on revienne à la chambre pour continuer les préparatifs comme si de rien n'était.
- C'est pas un mauvais plan, commenta Romy.
Amélia haussa les épaules, se tournant vers l'un des chemins de pierres blanches, le regard soudain songeur. Puis, lentement, un sourire se dessina sur ses lèvres. Un sourire qui n'était en rien joyeux, mais plutôt prometteur de souffrance qu'autre chose ...
- Rentre à la chambre. Je vais aller voir un ami commun.
Romy eut un temps d'arrêt, surpris. Oh oh. Connaissant le caractère bien trempé d'Amélia, ça allait voler.
- Euh ...
- Tu m'appelleras quand Crìs aura ramené Sheena en bonne santé, hein ! lui cria-t-elle alors qu'elle s'élançait vers le chemin de pierre blanches, fonçant droit vers le sud.
Romy la regarda partir, sans voix. Elle allait vers le bar de Luis. Oh, madre de dios. Amélia n'avait pas besoin de ses pouvoirs pour faire un carnage. Ils allaient tous douiller. Alors pour cette fois, il lui emboîta le pas. Non pas pour venir au secours d'une Amélia se jetant possiblement dans un horrible danger, mais plutôt pour profiter du merveilleux spectacle que la demoiselle allait leur offrir ... Ça allait être juteux au possible.
* * * * *
Crìs avait mal. Très mal. Et ses jambes s'étaient changées en flan. Heureusement, personne n'était là pour le voir ; à cette heure-ci, ce couloir était désert.
Crìs n'avait pas voulu dire où il allait, où Sheena s'était réfugié. Car connaissant leur jolie troupe, ils auraient tous voulu venir, et Amélia aurait sans doute beuglé qu'à aucun moment il ne devrait s'approcher de Sheena, vu tout le mal qu'il lui avait fait, et il en aurait eu pour des heures. Si ça se trouve, effectivement, il avait traumatisé sa petite amie. Si cela se trouve, il ne pourrait lui parler sans déclencher il ne savait quoi de négatif chez elle. Si cela se trouve, il ne pourrait plus voir autre chose que de la rancœur dans son regard. Si cela se trouve, il aurait mieux valu laisser Amélia s'occuper de tout, comme elle l'aurait sans douter désiré. Mais c'était Crìs qui avait commis cette bêtise. C'était à lui de la régler. C'était à lui de prouver à Sheena que ses mots n'étaient pas sa pensée.
Il se pencha, reprenant son souffle. Il était presque arrivé. Encore quelques portes ...
Ce couloir, ça faisait bien longtemps que Crìs n'y avait pas mis les pieds. Que beaucoup d'entre eux n'y avaient pas mis les pieds. Entre ce couloir, et un autre du Dortoir des filles, il n'y avait pas grande différence, pourrait-on croire. En réalité, il y en avait une. Une différence si anodine, et pourtant si significatrice, à leurs yeux. Dans ce couloir, malgré les années qui passaient, et les mois, restait une chambre inoccupée. Une chambre inoccupée depuis bientôt deux ans. Les nouvelles étudiantes refusaient d'emménager dans la chambre par superstition. Et l'administration de la fac avait suffisamment de place pour se permettre de laisser cette chambre inutilisée. Alors, cette chambre inutilisée, fut officieusement laissée à eux. Cette chambre que l'on disait maudite, leur fut offerte, tel un cadeau empoisonné. L'ancienne chambre de Shana et Séraphina. Parfois, sous le coup de la mélancolie ou de la tristesse, Sheena venait s'y réfugier, pour pleurer à son aise, ou se laisser aller. Mais depuis l'arrivée de Ciela, elle n'y était pas retournée, du moins, pas à sa connaissance. Mais en un cas pareil ... Sans nul doute qu'elle y était retournée.
Alors qu'il n'était qu'à quelques pas de la chambre, il s'aperçut qu'elle était entrouverte. Et de là, de faibles sanglots s'en échappaient. Il se mordit la lèvre inférieure, peiné. Il était vraiment le dernier des idiots. Doucement, il s'approcha de la chambre normalement inoccupée, et poussa lentement la porte, qui s'ouvrit sans bruit. Il trouva une Sheena complètement échevelée, pleurant dans un coin de la pièce dorénavant vide, recroquevillée sur elle-même. Une légère traînée d'humidité semblait l'avoir suivie. Sa colère ayant provoqué le givre qui l'avait congelé semblait s'être muée en une grande tristesse ... Il déglutit comme il put, la culpabilité lui enserrant la gorge tel un étau d'acier. Qu'il était stupide, décidément.
Il se rapprocha d'elle, à petits pas, mal à l'aise, avant de s'agenouiller devant Sheena, ne savant pas trop quoi faire. Ce n'était pas la première fois qu'il gérait l'une de ses crises, et ce ne serait certainement pas la dernière. Mais c'était en tout cas la première fois qu'il se sentait aussi morveux. C'était de sa faute. Tout était de sa faute.
- Sheena ... murmura-t-il, doucement.
Elle releva la tête, et lui lança le regard le plus noir qu'elle n'ait jamais donné à qui que ce soit. Wouah, ça faisait peur. Et étant donné qu'elle avait failli le tuer quelques minutes auparavant, il avait raison d'avoir peur.
- Qu'est-ce que tu veux ? grogna-t-elle, agressive.
Il se passa la main dans les cheveux. Elle était vraiment furieuse, et à raison. Peut-être qu'il aurait dû laisser Amélia gérer, finalement ...
- Sheena ... J-je ... je suis désolé. Je ne voulais pas ... j'ai été stupide.
- Le mot est faible, cingla la jeune fille en s'essuyant le nez avec la manche de sa veste. T'as pas l'impression d'avoir oublié quelque chose, espèce de crétin ?
Il vacilla un peu sous l'insulte. La voir l'insulter, même de ''crétin'', ça lui faisait un coup ...
- Et puis même, que ce soit toi, ou les autres ... Il y en a pas un seul d'entre vous qui s'est souvenu de quoi que ce soit aujourd'hui ! C'est ...
De nouvelles larmes coulèrent sur son visage, qu'elle essuya rageusement.
- C'est injuste de ma part de faire un tel cinéma, je sais, vous avez la SAINT VALENTIN à fêter après tout, mais ... Mais ... !
Un autre sanglot la coupa, et elle ramena ses genoux contre elle tout en enroulant ses bras autour de ses jambes, se faisant plus petite que jamais. Crìs secoua la tête. La situation avait tout bonnement dégénéré, de manière incontrôlable. Ça suffisait. Tant pis.
- Sheena, je n'ai pas oublié ton anniversaire. En fait, personne ne l'a oublié.
Elle releva la tête, et fronça les sourcils. La confusion se peignit sur son visage.
- Qu-quoi ... ?
- C'est stupide, si stupide. Oh, pardon Sheena. On voulait pas que ça aille aussi loin, soupira-t-il en se frottant l'arrête du nez, dépassé.
Elle se redressa légèrement, en reniflant discrètement. Il se laissa choir sur le sol, nauséeux. Il se serait bien passé de tout ça.
- En fait, Amélia et les autres préparent un anniversaire surprise pour toi. Mais pour éviter que tu ne te doutes de quoi que ce soit, on a ... Fait comme si de rien n'était. J'étais censé t'emmener en ville, pour te tenir éloigné de la chambre tandis que les autres préparaient le tout. Et j'ai pris la Saint-Valentin comme prétexte, en oubliant totalement ... Ton problème avec la fête. J'étais tellement concentré sur mon truc que j'ai totalement zappé le reste. C'est de ma faute, Sheena. Mais je ne t'avais pas oubliée. On ne t'aurait jamais oubliée.
Sheena le regarda droit dans les yeux, interdite, sans piper mot. Nerveusement, Crìs balada son regard sur les murs de la pièce, cherchant ses mots.
- Je sais, j'ai été stupide, et c'est vrai qu'on aurait dû t'en parler et c'est vrai que ...
- Tu as mal ?
La question de Sheena le prit au dépourvu. Il se tourna vers elle, plus vite qu'il n'aurait dû. La nausée lui provoqua un haut-le-cœur désagréable. Crìs plaqua une main sur sa bouche avec une grimace, espérant éviter de dégobiller sur le plancher poussiéreux. En l'espace de quelques secondes, Sheena fut sur lui, sa main plaquée sur le front, sa petite mine soucieuse, si soucieuse.
- Tu as mal, souffla la petite demoiselle, inquiète.
- Roh, ça va, hein. Tu voulais m'arracher les yeux il y a à peine quelques minutes ... grommela Crìs en tentant d'écarter doucement sa petite copine ... Qui ne se laissa pas faire.
Elle le força à s'allonger à même le sol, et Crìs, trop las pour tenter de protester, se laissa faire tentant d'ignorer du mieux qu'il pouvait les vertiges atroces qui s'étaient soudainement emparés de lui. Le plafond tanguait comme le plancher d'un bateau, et Sheena, penchée au dessus de lui, paraissait être prise dans un manège à sensation forte. Ourgh. Il allait vraiment finir par vomir. Il se força à fermer les yeux, ignorant la sensation de chute qui le prit alors, étendant ses doigts contre le plancher pour se prouver qu'il était bien là, et pas en train de tomber dans une quelconque abîme.
- Tu es pâle comme un linge.
- Mal au crâne.
Il tressaillit quand il sentit quelque chose se poser sur lui, et il lui fallut quelques secondes avant de comprendre que Sheena se contentait de prendre son pouls.
- T-tu fais de la tachycardie ! Il faut t'emmener à ...
- Ça va se calmer ! Tout va bien. C'est ... C'est le stress.
Ouais, le stress jouait bien sûr. Mais comment lui avouer que tout ça était dû à un contre-coup très puissant de la fichue potion d'Almarica ? Sans oublié qu'il avait failli terminer cryogénisé même pas deux heures auparavant. Cette journée était complètement irréaliste.
- C'est le stress, répéta-t-il, en se plaquant une main sur le front, tentant de forcer sa respiration à se calmer.
- ... Je suis déso ...
- Ah non hein ! cria Crìs en ouvrant les yeux. On va pas commencer avec les « Je suis désolée mais plus que toi et ne dis pas le contraire », sinon on ne va pas s'en sortir. C'est moi qui ai fait la bourde dans l'histoire, j'en paie les conséquences.
Et pour la première fois de la journée, un sourire sincère étira les lèvres de la demoiselle.
- Pff, t'es bête.
- Ah, ça c'est pas nouveau.
Il prit une grand inspiration, sa nausée toujours aussi forte. Lorsqu'il en aurait enfin la force de pouvoir bouger sans avoir l'impression qu'il allait se décomposer à chaque instant, il irait mettre une tannée à Almarica, et qu'importe son statut de grande guerrière légendaire de plusieurs millénaires !
- Crìs ... Je savais pas que vous aviez l'intention de ... oh, j'ai été bête. J'aurais dû réfléchir.
- Bah le principe, mon petit bonhomme de neige, c'était que tu ne te rendes compte de rien, tu sais. C'est la base d'une surprise. On a qu'à dire que ça a un peu trop bien marché, notre bazar.
Elle lâcha un petit rire, un rire d'où transparaissait un soulagement évident. Et Crìs aussi, se sentait soulagé. La colère de Sheena avait fondu comme neige au soleil, merci à sa nature peu rancunière.
- On a tous été un peu bête dans cette histoire, finalement.
- Ouais, on a qu'à dire ça, lui répondit doucement Crìs. Tu sais, Amélia était sur le point de m'étriper !
- Oh, je te crois.
Il rouvrit les yeux, doucement. Le visage fatigué de Sheena lui apparut alors. Un petit sourire lui donnait une expression à la fois triste et douce.
- Tout va bien ? lui demanda-t-il doucement, en refermant rapidement les yeux, sa nausée reprenant le dessus.
- ... Ça va. Je suis juste ... nostalgique. Et ça fait mal.
La pièce ... La chambre. Lui, évitait cette pièce le plus possible. Comme quasiment tout le monde dans le groupe. Seule Sheena semblait encore rattachée à ce lieu presque maudit, maintenant, peut importe le mal que ça lui faisait.
- C'est moi qui suis venue me réfugier ici. C'est moi qui ai éveillé les fantômes du passé, murmura Sheena, après un silence lourd de sens. Tu sais que Shana avait l'habitude de m'emmener prendre un livre, le jour de mon anniversaire ? Elle prenait sur son argent de poche. Elle m'emmenait à la plus jolie librairie du coin. Et elle me disait « Choisis ! Ce sera pour toi. » Et je prenais des heures entières, parfois, à me décider. Mais lorsque j'avais enfin mon livre en main, j'étais la plus heureuse des gamines. Après, elle m'emmenait toujours prendre une boisson chaude dans son salon de thé favori. Et je lui lisais le premier chapitre de mon livre à voix haute. C'était notre moment à nous deux. Ça me manque. Quand je suis arrivée à l'Académie, on faisait à peu près pareil. Maintenant, on serait peut-être allées au Casse-Noissette, qui sait.
- Sheena ...
- Je sais, se plonger dans le passé, c'est mal.
- Ce n'est pas mal. Il n'y a aucun souci au fait que tout ça te manque, que ça te fasse du bien de t'en rappeler. Mais ...
- Mais parfois, c'est simplement ... Douloureux. Vivre dans le passé ne fait de bien à personne, murmura-t-elle, complétant ses mots.
Elle poussa une longue expiration.
- Est-ce qu'un jour, ça cessera de faire mal ? Que de penser à elle ? À eux ?
Crìs rouvrit les yeux, et se focalisa sur Sheena. Et, lentement, il porta sa main au visage de la demoiselle, essuyant doucement les petites larmes qui s'étaient échappées de ses yeux de glace. Elle était triste, et épuisée, au vu de ses cernes. Sans oublier cette foutue matinée un peu trop riche en émotions.
- Je ne sais pas, lui répondit-il, honnête. Je ne sais pas Sheena. Tout ce que je peux te dire, c'est ... tu n'es plus seule.
À une époque, la petite demoiselle n'avait que sa sœur. Maintenant, elle les avait eux. Bien sûr, ce n'était pas un lot de consolation. Ça ne remplaçait pas ce qu'elle avait perdu. C'était autre chose. Mais ils étaient là pour elle. Tous, sans exception. Ils la soutiendraient, elle et sa douleur, sans le moindre doute.
- Je sais, lui chuchota-t-elle. Et merci. Merci beaucoup.
Doucement, elle se pencha vers lui et sa tête se posa sur son torse, la jeune fille se servant de lui comme d'un oreiller, comme ils avaient normalement l'habitude de le faire, quand ils étaient seuls. Pour un peu, il aurait lancé une prière au ciel. Il avait vraiment peur que tout dégénère. Et finalement, tout s'était réglé avec facilité.
- Par contre Crìs.
- Oui ?
- Je te préviens, tu me dois au moins dix repas ! grogna la jeune fille, mi-amusée, mi-sérieuse.
Ok, avec UN PEU TROP de facilité. Elle l'avait peut-être pardonné, mais il allait encore s'en prendre plein la figure pendant quelques temps ... Entre elle et le reste du groupe, il allait en baver. Rien que d'y penser, il lâcha un long grondement mécontent. Mais au fond de lui, il n'aurait pu être plus heureux. Sheena allait bien, maintenant, et c'était tout ce qui comptait.
* * * * *
Le bar de Luis était à demi rempli, aujourd'hui. Avec un temps pareil, les étudiants avaient préféré aller se balader en ville que de rester enfermé. Enfin, pour la plupart. Amélia remarqua dans un coin un petit groupe de jeunes, occupés à travailler, et un autre, profitant de l'excellente connexion du coin pour se faire une partie de jeu vidéo en ligne. Et au fond de la salle, Federico Kant, et Hector son cousin, se vautraient avec disgrâce dans de gros poufs couleur écarlate, en compagnie de certains de leurs fidèles, et de leurs groupies. Ces deux-là étaient de véritables crétins, mais leurs jolies gueules semblaient compenser leurs actes et comportements horribles aux yeux de leurs fans. Il est vrai qu'ils étaient plutôt pas mal, si on se basait sur leur physique uniquement. Toutefois, Amélia était bien placée pour savoir à quel point ils n'étaient que deux monstres d'arrogance et de cruauté. Quand Alexandre était encore parmi eux, ils étaient encore contrôlable, ces deux-là. Mais à la mort de leur ''ami'', ils avaient décidé de faire bande à part, avec Garance Usher et Tonya Masterton. Les quatre fauteurs de troubles avaient d'ailleurs violemment rejeté Nancy, n'hésitant pas à provoquer une vague de harcèlement foudroyant sur l'ancienne sorcière, qui l'avait payé au prix du sang. Si Alexandre arrivait à tenir sa bande en laisse, se contentant de moqueries et de bousculades presque gentilles, ces quatre-là étaient mille fois pire. Il suffisait qu'une malheureuse âme percute l'un d'entre eux accidentellement pour que l'enfer se déchaîne. Harcèlement moral et physique, tout prétexte était bon pour bousculer leurs victimes. Bien sûr, les professeurs étaient bel et bien au courant de ce qui était en train de se passer, et Helen militait pour qu'ils soient renvoyés. Mais jusqu'à présent, l'école ne pouvaient rien faire. Comme la plupart des élèves de l'Académie, leurs familles étaient riches et influentes. Ils menaçaient d'attaquer l'école pour diffamation si quoi que ce soit arrivaient à leurs précieux gosses. Donc à moins de les prendre sur le fait en vidéo HD avec son stéréo, les quatre affreux s'en sortaient sans le moindre problème. Du coup, c'était aux élèves, de se débrouiller face à cette bande de démons ... Et certains s'étaient retournés vers eux plus d'une fois, en souvenir de l'époque où ils faisaient la guerre à la bande d'Alexandre. Le plus souvent, c'était Sheena et Nancy qui avaient remonté leurs manches. Sheena, car souvent, son amie avait eu l'habitude de s'en prendre à ces salauds, et Nancy, sans doute par volonté de faire volte-face à ce passé qui jamais vraiment ne cesserait de la hanter. Mais aujourd'hui, c'était bel et bien elle, qui allait leur coller une sacrée rouste.
- Kant ! héla Amélia, attirant à elle l'attention du petit groupe.
Federico se retourna vers elle avec un grand sourire, comme si ce requin s'attendait à la voir arriver. Et en soit, ça n'avait rien d'étonnant.
- Amélia Loiseau, quel plaisir de te voir ici ! Que puis-je pour toi, princesse ?
« Princesse ». Elle grimaça lourdement. Quel surnom stupide. Et quel bonhomme stupide. Elle se planta face à lui, à quelques pas de distances de lui, les mains sur les hanches.
- J'ai appris que mon numéro de téléphone se baladait dans l'académie, entre les mains de personnes pensant, étrangement, que j'étais à leurs pieds.
Seul Pit était venu la voir, mais elle voulait savoir jusqu'où Federico était allé. Et à voir sa tête, nul doute que le numéro avait VRAIMENT circulé. L'enfoiré.
- Oh ? Que c'est dommage, dit-il, en secouant légèrement la tête, une moue ennuyée bien trop appuyée pour être réelle plaquée sur son visage d'ange.
- Il est vrai que ça l'est. Mais étrangement, tout le monde m'a dit que le numéro venait de toi ... Quelle drôle de coïncidence, grinça-t-elle, en croisant les bras.
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
Garance Usher éclata alors d'un grand rire, méprisante. Elle étendit ses jambes devant elle, dardant sur Amélia un regard empli de hargne. Pour une raison qu'elle n'avait jamais vraiment compris, Garance s'était mise en tête qu'elle était la rivale d'Amélia ou elle ne savait trop quoi. Tout était bon à ses yeux pour la rabaisser. Et Amélia s'en fichait comme de son premier bavoir. Elle portait autant d'importance à Garance qu'elle en portait à un petit insecte horripilant : elle le chassait d'un mouvement de la main pour l'oublier aussitôt.
- Le sang te monte à la tête, Frenchie. Ne va pas te croire la Reine du Monde, parce que ta mère est une grande couturière et ton père propriétaire d'un journal populaire.
- Usher, lorsque je te demanderai ton avis, tu pourras me le fournir. En attendant, je t'invite à parler de ça à quelqu'un qui s'en préoccupe réellement, répondit-elle d'un ton las, ne lui accordant pas un regard.
Au son étouffé qu'elle entendit de l'affreuse demoiselle, Amélia devina que Garance n'avait pas apprécié sa remarque. Tant mieux.
- Federico, ne me fais pas perdre patience. Efface ce numéro de ton portable, et préviens tes victimes de ton arnaque.
Il haussa les sourcils.
- Mais voyons Amé ...
- S'il te plaît, cesse ta comédie. J'ai des preuves. Et je ne suis pas sûre que Pit, par exemple, ait apprécié de s'être fait rouler dans la farine ainsi. Je crois me souvenir que son père était ami avec un avocat réputé. Je crois que ce genre d'acte peut s'appeler : escroquerie. Et il y a des lois internationales contre ça, non ? Si jamais Pit porte plainte à l'intermédiaire de son père face à toi, c'est pas ta famille de politiciens qui va en prendre pour son grade ?
Son regard s'assombrit, et un pli mécontent se forma sur son front.
- Je ne veux pas la guerre, Kant. Je veux juste que tu arrêtes tes immondices.
Le mot le fit tiquer, et il se redressa, l'air menaçant. Federico pouvait être impressionnant, avec sa grande taille et sa musculature quelque peu développée. Mais Amélia n'avait pas peur. Jamais elle n'avait eu peur de lui, et ce n'était pas aujourd'hui que ça allait commencer.
- Tu commences à vraiment m'ennuyer, Loiseau. Va t'en.
- Le numéro.
- Casse-toi, gronda-t-il, le regard mauvais.
Debout, il la dépassait facilement d'une tête. Dans sa vision périphérique, elle surprit quelques étudiants s'éclipsant en douce, d'autres se rapprochant, les uns voulant échapper à une possible esclandre, les autres salivant d'avance à l'idée d'une bagarre.
- Et tu comptes faire quoi ? Me bourrer de coups pour me botter hors de la pièce ?
- Et pourquoi pas ? répondit-il, avec un sourire mauvais, les mains dans les poches de son jean ample.
Federico ne bluffait pas. Si son cousin, Hector, pouvait faire mine de galanterie, en évitant toute attaque physique à l'encontre d'une femme, lui n'avait aucun scrupule à cet égard.
- Alors ramène-toi, malabar, siffla Amélia, avec un joli sourire.
Federico siffla vivement, avant de se jeter sur elle, ayant sans doute l'intention de l'empoigner par le col de sa tunique ... Quand elle l'esquiva avec une facilité déconcertante, le laissant se rétamer sur le sol tapissé d'une moquette écarlate, avec un petit sourire.
L'avantage d'avoir une guerrière plurimillénaire en elle, c'était que Leedna l'avait aidée à parfaire ses réflexes. À de nombreuses reprises, Leedna avait tenté de lui apprendre quelques notions d'autodéfense, mais Amélia avait toujours refusé. L'intérêt était bien minime pour elle, et elle n'avait pas besoin de ça pour se défendre. Toutefois, les réflexes accrus furent les bienvenus.
Derrière elle, des rires fusèrent, mêlés à des hoquets de stupeur. Mais Amélia n'en avait pas fini. Avec lourdeur, elle se laissa tomber sur son dos, se servant de lui comme d'un confortable coussin, l'immobilisant au sol sans la moindre difficulté. Il avait beau être fort, Amélia doutait qu'il puisse la dégager de son dos avec autant de facilité.
- Petit un, tu vas effacer ce foutu numéro de ton portable, et tu n'auras pas intérêt à en garder la moindre copie. Petit deux, tu vas recontacter chacune des personnes à qui tu as osé divulgué cette information. Petit trois, je te propose gentiment d'arrêter ton cirque cruel façon F4, avant que je ne me mette VRAIMENT en colère. On est pas dans un drama Japonais ou un manga, espèce de crétin. Un jour, vos bêtises vous retomberont dessus, et ne vous amèneront rien de bon. Je vous fais une fleur, en vous confiant cela, dit-elle d'une voix claire et forte, en se focalisant sur Hector, Garance et Tonya, abasourdis par ce qu'il venait de se produire.
- AMÉLIA LOISEAU ! TU VAS ME LE PAYER, ESPÈCE DE ... commença à hurler Federico, hors de lui ... avant qu'Amélia ne lui écrase la tête contre le sol, du plat de la paume.
- Tu commences à me gonfler, Federico. Tu n'es qu'une misérable vermine qui ne mérite que l'attention du dératiseur. Et j'aimerais bien avoir à en jouer le rôle ...
Il commença à beugler, et à se débattre, mais sa poigne était suffisamment forte pour qu'elle le maintienne à terre encore quelques minutes de plus. Avec un peu de chance, l'humiliation serait telle qu'il n'oserait plus jamais venir la voir. Et si il revenait à l'assaut ... Et bien, elle n'aurait qu'à l'offrir en pâture à Leedna. Elle se ferait un plaisir de l'envoyer à l'hôpital.
- Pour la dernière fois, Federico Kant, toi et ta bande de guignols vous allez vous calmer, ou vous allez le payer. Ça fait plusieurs fois que je te répète quoi faire, donc j'espère que c'est rentré dans ta foutue caboche. Et si jamais non ... Et bien je suppose que je n'aurais qu'à porter plainte pour harcèlement. C'est ce que tu fais, non ? J'ai suffisamment de preuves à ton encontre pour te coller le procès du siècle. Je suis sûre que Pit accepterait de me prêter l'avocat de son père ...
Elle marchait à cent pour cent au bluff, mais elle était suffisamment confiante pour que Federico tombe dans le panneau. Elle adorait faire mariner ses ennemis, et lui tout particulièrement.
Avec souplesse, elle se releva, et lui fit un petit salut, à lui et à sa bande, toujours aussi scotché, avant de faire demi-tour, presque joyeusement.
- Oh, et, j'allais oublier. Si jamais tu me cours après ... J'ai des preuves en vidéo, lui souffla-t-elle par dessus son épaule, en désignant une petite dizaine d'élèves, en train de filmer la scène, se faisant une immense joie de voir ainsi le ''grand'' Federico Kant ainsi ridiculisé.
Le visage rouge d'effort et de colère, il la foudroya d'un regard emprunt d'une haine pure, auquel Amélia répondit par un sourire moqueur, lui tournant le dos sans scrupules, s'éclipsant du bar sans le moindre problème. Elle n'avait pas fait cinq pas quand elle reconnut un rire bien caractéristique, et Romy apparut soudainement dans son champ de vision, ses yeux gris plus brillant que jamais.
- C'était du grand art ! s'écria-t-il en levant les bras au ciel, avec un énorme sourire.
Amélia posa ses mains sur ses hanches en se penchant en avant, faussement courroucée.
- Tu m'as suivie ?
- Bah bien sûr. J'allais pas rater un aussi grand spectacle.
Bien sûr, que Romy n'était pas tranquillement rentré à la chambre. Bien sûr.
- J'ai tout pris en vidéo, lui dit-il. Hâte de montrer ça aux autres. Ça va faire le tour de l'école, toute cette histoire. Et si jamais il tente quoi que ce soit contre toi ...
- Il ne le fera pas, ce n'est qu'un idiot.
Son acquiesça vivement, rayonnant de joie.
- Sincèrement ... j'avais peur que tu en viennes aux mains avec lui. Vraiment, j'ai eu peur. Mais finalement ... Tout va bien, pas vrai ?
- Oui, tout va bien.
Amélia lui retourna son sourire, amusée par son ami, qui sautillait comme un enfant en s'extasiant sur ce qu'elle avait fait. Une vraie petite groupie !
Si elle n'avait pas voulu que Romy la suive, c'est parce qu'elle avait peur que celui-ci tente de la dissuader, ou de se mettre entre elle et Federico. Elle appréciait l'abnégation de Romy, et sa volonté à prendre soin d'eux tous, mais Amélia n'avait pas besoin d'un sauveur. Ça lui donnait l'impression de dépendre de quelqu'un, et elle n'aimait pas ça. Dépendre de quelqu'un pour sa propre survie, c'était dangereux, si dangereux. Son père ne s'était jamais remis de cette erreur. Elle avait eu du mal à se remettre de la sienne. Et elle ne voulait plus jamais que ça arrive de nouveau. Si elle n'arrivait pas à se défendre toute seule, et à le prouver au monde, elle n'arriverait à rien. Avec ce qu'il s'était passé, elle avait démontré ses capacités. Elle était Amélia Loiseau, et gare à quiconque viendrait après elle.
- On rentre à la chambre ? Il faut qu'on finisse de tout préparer. Et sérieux, je crève de faim ! déclara Romy en roulant des yeux, se tenant le ventre d'une manière comique.
Elle éclata de rire en le traitant de goinfre, et lui tapa légèrement l'épaule. Oui. Il était temps de rentrer.
* * * * *
Lorsque Amélia avait aperçu Sheena de retour dans la chambre, elle avait poussé un hurlement de soulagement en prenant la petite demoiselle dans ses bras, de toutes ses forces, en pestant contre Crìs qui grommelait dans son coin, toujours sous le coup de la potion. Ciela, Nancy et Marika avait fini par rentrer en courant, tout aussi contente du retour de leur amie. Et ils parlèrent tous ensemble, pendant une bonne heure, éclaircissant les derniers les malentendus, puis apprenant ce que Federico avait fait le matin même, avant de rire à gorge déployée devant la raclée qu'Amélia avait mis à Federico, que Romy avait religieusement pris en vidéo. Et après, ils avaient passé l'après-midi à préparer la petite fête d'anniversaire de Sheena, avec elle, le secret étant totalement éventé, et Crìs étant encore trop faible pour pouvoir l'emmener en ville comme il le voulait au départ. Une fois la chambre des filles décorées de quelques guirlandes en papier mâché, que le gâteau, spécialement commandé au Casse-Noisette fut livré, et les cadeaux emballés, ils commencèrent. Sheena fut couverte de cadeaux, de livres, notamment. La journée était passée des larmes aux rires, et des rires aux larmes à nouveau, lorsqu'ils commencèrent à regarder un film que la jeune fille voulait voir depuis longtemps, sans qu'elle n'arrive à mettre la main dessus, jusqu'à ce qu'Amélia le lui offre en blu-ray.
Et alors que le soleil commençait à se coucher à l'horizon, arrivèrent Helen, et Walter, qui a leur tour ramenèrent des cadeaux et des jeux de cartes pour le médecin, qui restèrent avec eux jusqu'à ce que le couvre-feu se fasse sentir, sonnant par la même occasion la fin de cette joyeuse fête d'anniversaire. Les deux adultes partirent en premier, leur disant de quitter au plus vite le dortoir des filles avant de se faire disputer par les responsables. Tandis que Romy félicitait encore Amélia pour son coup d'éclat, et que Crìs passait un autre moment privilégié avec Sheena, Ash avait pris Ciela à part, dans un coin discret de la chambre.
- Aujourd'hui ... Nous deux, en ville, lui souffla-t-elle, leur réservant un petit moment à eux. C'était extraordinaire.
- C'est vrai, acquiesça-t-il. Ça restera tout de même la Saint-Valentin la plus déjantée de ma vie !
Elle lâcha un petit rire avant de coincer une de ses mèches derrière son oreille.
- Ça, tu peux le dire. La prochaine fois, on préviendra Sheena, ça ira plus vite.
- Bonne suggestion, murmura-t-il avant de hocher la tête.
Elle semblait prête à ajouter autre chose, quand Marika les héla, les pressant à quitter la chambre avant qu'il ne se fasse pincer, et de crouler sous les heures de colle.
- Je dois y aller !
- Avant que tu partes, un dernier détail s'il te plaît ...
Ash n'eut pas le temps de répondre à Ciela, qu'elle se colla contre lui, pour l'embrasser. Un baiser doux, apaisant.
- Merci encore, pour tout.
En ne pouvant s'empêcher de sourire, il le lui rendit, avec autant de douceur. Ciela était décidément l'un des plus beaux cadeaux que l'univers aurait pu lui offrir.
- Eh, ho, Roméo des flammes là, dépêche, où on va se faire cramer par autre chose que tes flammes, si tu vois ce que je veux dire ! l'interpella Romy, en lui plaquant une main dans le dos, lui envoyant un courant d'air glacial qui s'insinua sous son tee-shirt et parcourut la peau de son dos, le faisant frissonner avec puissance.
Et c'est à force d'éternuements monstrueux et de vociférations à l'encontre de son meilleur ami que cette journée si étrange se termina, dans un éclat de rire général. Et Ash ne put s'empêcher de songer, que ça faisait bien longtemps qu'il n'avait pas vu Sheena sourire autant.
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Enfin, me diriez-vous. J'ai bouclé ce long hors série qui traîne depuis un peu trop longtemps maintenant ... Honte à moi. En espérant qu'il vous aura plu !
Considérez ça comme une sorte de cadeau de Noël ! Je suis heureuse de vous avoir comme lecteurs, et j'espère que vous allez passer de belles fêtes de fins d'années !
À la prochaine, bande de rennes enrhumés !
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