Chapitre 4
Ronald Johnson suivit le regard du négociateur. Son cœur manqua de défaillir. Dans la précipitation, il avait oublié de bien cacher le corps de cette femme, celle qui avait alerté les voisins, celle qui l'avait mis dans ce pétrin. Les regards des deux hommes se croisèrent et Mr Johnson se dit qu'il fallait mieux clarifier les choses. Il n'était peut-être pas un saint, mais il n'était pas non plus un meurtrier. Il aurait pu l'être si on lui en avait laissé le temps.
- Elle n'est pas morte, dit-il. Juste évanouie.
- Evanouie ? demanda le négociateur, incrédule. Que s'est-il passé ?
Avant que Mr Johnson ne puisse répondre, le corps de la jeune femme commença à remuer. Elle reprenait connaissance. Mr Johnson en profita pour l'observer de plus près. Magnifique fut le premier mot qui lui vint à l'esprit pour la décrire. Elle avait de beaux cheveux noirs ondulés qui lui tombaient jusqu'aux épaules. Brune, avec des lèvres pulpeuses, elle était terriblement attirante. Ronald se demanda si elle aurait accepté de sortir avec lui s'ils ne s'étaient pas retrouvés dans cette situation. Probablement pas.
La jeune femme ouvrit les yeux et mit du temps à se rappeler où elle était et ce qu'elle faisait là. La mémoire lui revint lorsque ses yeux se posèrent sur le preneur d'otages. Un cri perçant s'échappa de sa bouche.
- Tu n'as pas besoin de crier ! dit Mr Johnson. Je ne te ferai aucun mal.
Mais ses mots ne suffirent pas à la rasséréner.
Charles Preston, qui avait suivi toute la scène, se dit qu'il était temps d'intervenir.
- Pourquoi ne pas la laisser partir, Ronald ?
Rien de ce que Charles avait dit jusqu'à présent n'avait autant choqué Mr Johnson. Il regarda le négociateur comme s'il était devenu fou.
- Que je la laisse partir ? Tu me prends vraiment pour un idiot !
- Tu as tout un immeuble rempli de gens à ta disposition. Pourquoi ne relâcherais-tu pas cette femme ?
Pendant une seconde, il sembla que la suggestion de Charles Preston avait fait mouche, mais la seconde d'après, Mr Johnson secoua la tête avec véhémence, indiquant clairement qu'il n'était pas d'accord.
- Il n'en est pas question, dit-il.
Un soupir s'échappa de la bouche du négociateur, puis il dit :
- Tout à l'heure, je t'ai dit que toi et moi sommes pareils. Je le pensais vraiment. Parfois, il arrive des situations dans la vie qui échappent totalement à notre contrôle. En conséquence, on se retrouve à commettre des actes qu'on n'aurait jamais pensé poser un jour. Je pense que c'est ce qui t'est arrivé.
Un profond silence s'installa. Même la jeune femme avait cessé de gesticuler. Elle semblait autant captivée que Mr Johnson par les paroles du négociateur. Ce dernier poursuivit.
- Je sais que tu n'es pas un meurtrier.
Ce fut le coup de grâce. Ronald Johnson baissa la tête et se mit à penser à sa vie, aux évènements qui l'avaient conduit à ce moment. Etait-ce véritablement comme cela qu'il voulait s'en aller ? Sa vie avait peut-être été une catastrophe, mais devait-il pour autant détruire celle des autres ?
Il tendit sa main à la jeune femme. Cette dernière l'examina comme si c'était un serpent venimeux.
- Je te promets que je ne te ferai aucun mal, lui dit-il à nouveau.
A contrecœur, et surtout parce qu'elle était fatiguée de rester assise à même le sol, elle accepta sa main et il l'aida à se mettre debout. Il se tourna ensuite vers le négociateur.
- Nous sortons.
Aussi bien la jeune femme que Charles Preston restèrent muets de surprise. Ce dernier ne s'était pas attendu à ce que son discours ait autant d'effet. C'était bien la première fois dans toute sa carrière de négociateur qu'il obtenait des résultats aussi vite.
Lorsque Ronald Johnson et sa victime sortirent de l'immeuble, il y eut un grand brouhaha. Les policiers, les journalistes, les badauds, tous étaient en alerte. Les agents de police braquèrent leurs armes sur Mr Johnson, signifiant qu'ils étaient prêts à tirer au moindre de ses faux pas.
- Baissez vos armes ! intervint le négociateur. Il se rend.
Voyant que personne ne lui obéissait, il répéta avec plus de force et d'autorité :
- Baissez vos armes, bon sang !
La femme, qui au départ etait troublée à la vue d'un telle foule, courut par la suite vers la multitude et fut recueillie par un des membres de la police.
Ronald Johnson, quant à lui, avançait lentement, les mains levées, regardant droit devant lui. Il était comme une coquille vide ; il n'espérait plus rien ; ses yeux étaient dénués de toute expression. Il allait finir le peu de jours qu'il lui restait à vivre en prison, dans la souffrance, aussi bien morale que physique.
Il était tellement concentré sur ses pensées qu'il ne vit pas l'un des policiers s'approcher furtivement de lui.
Au moment où Jacob Nolen voulut pénétrer dans l'immeuble, son attention fut détournée par ce qui se passait devant lui. Au bout de quelques minutes seulement, le négociateur était parvenu à obliger Mr Johnson à se rendre. Le jeune homme était muet de stupeur. Même dans les films policiers dont il s'abreuvait comme de l'eau, ce genre de choses n'arrivait jamais aussi vite. Cela prenait des heures et des heures. Quel procédé avait pu bien utiliser ce négociateur pour arriver à un tel résultat ?
Jacob n'eut pas le temps de s'attarder sur ces pensées, car maintenant que Ronald Johnson était dehors, lui seul savait ce que cela signifiait. Il se mit à scruter les environs à la recherche des deux hommes. Il en repéra un aussitôt. Cependant, il mit plus de temps à trouver le deuxième.
Lorsqu'il y parvint, malheureusement, il était déjà trop tard.
Edouard Flint était prêt. Dès le moment où il avait vu le preneur d'otages sortir, accompagné de la jeune femme, il avait su que c'était le moment. Il en reçut la confirmation au bref signe de tète que lui fit l'inspecteur Richard Arnold pour l'encourager. Il se glissa parmi la foule, contourna les policiers et s'avança vers le criminel. Son attention était entièrement focalisée sur Mr Johnson, si bien qu'il n'entendit pas le négociateur déclarer que l'homme se rendait.
Arrivé devant lui, il se souvint de ce que lui avait dit l'inspecteur Arnold.
« Ecoute bien Edouard, on ne peut pas faire confiance à cet homme. C'est un malade. A l'instant où il sortira, tu devras intervenir, sans hésitation. Tu te jetteras sur lui et tu le plaqueras au sol afin d'être sûr et certain qu'il soit désarmé. »
« Mais pourquoi ne le faites- vous pas vous-mêmes ? avait demandé le jeune policier. »
« Parce-que je risquerais d'attirer l'attention, alors que toi personne ne te verrait arriver, avait répondu l'inspecteur. »
Ainsi, sans perdre plus de temps, il s'approcha discrètement de Ronald Johnson. Alors qu'il était sur le point de se jeter sur l'individu, leurs regards se croisèrent, et à ce moment, comme s'il savait pourquoi le jeune policier était là, Mr Johnson sourit. Edouard fut décontenancé et eut comme un mauvais pressentiment ; mais il n'était pas du genre à se résigner, alors il se jeta sur son ennemi.
Aussitôt qu'il l'eût fait, il réalisa qu'il venait de commettre la plus grande erreur de sa vie.
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