Chapitre 4 - #6
J'allais appuyer sur le bouton qui aurait ouvert la cellule mais Khenzo m'attrape une fois de plus le poignet pour m'en empêcher.
— Ne fais pas ça, murmure-t-il. On doit suivre la procédure.
— C'est quoi cette histoire de procédure ? grogné-je.
— Dans le cas où des ennemis viendraient à découvrir la Cité, nous devons rester camouflés, attendre qu'ils s'en aillent et évacuer les lieux aussi vite que possible.
— Qui te dit qu'ils vont partir ?
— Et qui te dit qu'ils sont réellement dans les galeries ? Si ça se trouve, ils sont juste en surface.
— Et si jamais ils sont bien là, tu prendrais le risque de laisser une gamine entre leurs mains ?!
— On ne peut pas prendre ce risque. Et on ne sait pas si c'est une gamine.
— Et si c'était bien le cas ? rétorqué-je.
— C'est peut-être ça qui la sauvera.
Je regarde le détecteur. À présent, les quatre soldats déambulent à quelques embranchements d'ici, car mon instinct me dit qu'ils ne sont pas en surface, mais bien dans les galeries. Et ils se rapprochent vite.
— Tu as tort. Tu n'as aucune idée du sort qu'ils réservent aux plus jeunes.
— Xalyah, je t'en prie, insiste-t-il en me serrant le poignet un peu plus fort.
— Lâche-moi ! chuchoté-je en le repoussant avec virulence. Je sais ce que je fais.
Avant qu'il ne tente de m'immobiliser, j'appuie sur le bouton qui ouvre la cellule, déclenche le système de fermeture et me glisse sous les deux portes pour me retrouver isolée dans le boyau. J'entends Khenzo pester de l'autre côté et je sais qu'il ne me suivra pas.
Mes yeux cherchent la silhouette d'une fillette et tombent sur tout autre chose. Ma mâchoire se contracte. Merde. Un chat. Ce que j'ai entendu n'était ni plus ni moins que les miaulements d'un chat ! Bordel, pourquoi mon détecteur m'a sorti les infos d'un jouet pour enfant ? Je me ressaisis et m'éloigne d'un pas rapide. Avec un peu de chance, si j'arrive à temps pour prendre le coude de ce tunnel, ils...
— Hey ! Toi, là-bas ! Ne bouge plus !
Je m'arrête. La chance, ce n'est pas mon truc en ce moment. Si ça continue, il va falloir que je m'achète une patte de lapin, ou une babiole dans le genre, pour qu'elle me sourie un peu plus.
— Arrête-toi et lève les mains !
Le ton de celui qui m'a interpellée est sec et autoritaire. J'inspire une grande bouffée d'air pour rester calme, avant de répondre :
— Ne tirez pas ! Je ne suis pas armée !
Comme la sombre crétine que je suis, j'ai laissé mon semi-automatique et mon fusil d'assaut dans la cellule. Bien joué, Xalyah... vraiment.
— Qu'est-ce que tu fous ici ? me crie une voix rauque.
Je lève les mains et me retourne doucement. Quatre hommes se tiennent à vingt mètres de moi. Et à ma grande surprise, ce ne sont pas des soldats du New Generation Political Party, mais de l'International and Political Oil Corporation ! Que viennent-ils faire ici, ceux-là ?
— Réponds ! Qu'est-ce que tu fous là ?! s'impatiente l'un des soldats.
Je tressaille sous l'intonation agressive de sa voix. Pour l'instant, seuls les deux qui restent en retrait me tiennent en joue, mais ils n'ont vraiment pas l'air de vouloir plaisanter. Finalement, j'aurais peut-être dû écouter Khenzo. Ce n'était qu'un chat ! Un foutu chat ! D'ailleurs celui-ci continue de miauler, comme s'il avait décidé d'enfoncer un peu plus le clou.
— Je me baladais...
Sérieusement ?! Ça t'arrive de réfléchir avant de parler ?!
— Au beau milieu des anciens réseaux de transport en commun ? Ne te fous pas de ma gueule. Avec tout le merdier que vous avez laissé derrière vous, on sait que vous vous réfugiez ici. Alors où sont les autres ?
Le soldat qui dirige l'interrogatoire sort son arme et pointe le canon vers moi. D'ici, j'entends le déclic familier du cran d'arrêt qu'on retire. Cette histoire ne présage rien de bon pour mes fesses. Un trèfle à quatre feuilles ! Voilà ! Ce sera mieux qu'une patte de lapin... pauvre bête... Enfin, si je veux me trouver un porte-bonheur, encore faudrait-il que je survive.
Dans mon dos, le chat se met à miauler de plus en plus fort, totalement indifférent à ce qu'il se passe autour de lui. Je crois que je serais bien capable de l'étriper.
À présent, les quatre hommes ont dégainé leur arme et s'approchent lentement, l'air menaçant. Bon sang, Xalyah ! Mais qu'est-ce qui t'a pris de vouloir sauver ton monde... Je secoue la tête. J'aurais tout le temps de pleurer sur mon sort après. Ce n'est pas la première fois que j'affronte des soldats de l'IPOC ; si je les incite à laisser de côté leurs armes à feu, j'aurais peut-être la chance de voir le soleil se lever demain matin.
— Vous êtes des soldats ? demandé-je, tentant le tout pour le tout.
— Tu es perspicace, ma jolie ! ricane celui de droite.
— Non, je veux dire : vous êtes des soldats de l'IPOC ? Des vrais ?
— Dis, Mouss, elle le fait exprès ou quoi ? grogne le plus petit en direction de son collègue de gauche tout en frappant son insigne du poing.
— Tu m'emmerdes, Théo, répond l'intéressé. Combien de fois je vais te demander d'arrêter de m'appeler comme ça ?!
Lentement, j'enlève mon manteau et baisse une main vers ma ceinture. En douceur, je sors mon couteau de chasse de son étui.
— J'ai entendu dire que vous étiez de redoutables combattants au sabre, mais je suis sûre que c'est de l'intox.
En réalité, ils ne sont pas si nombreux que ça à vraiment maîtriser l'art du sabre et ceux-là semblent avoir été fraîchement recrutés. Avec la pointe de mon couteau, je désigne leurs armes qui pendent à leur ceinture dans leur fourreau. Les quatre hommes s'arrêtent, se regardent, hésitent.
— Dis, Mouss, elle déconne, là ?
— Ferme-la, Théo.
J'adopte une attitude nonchalante, en faisant tournoyer mon couteau dans les airs avec des gestes calmes, tout en m'avançant lentement vers eux. Peu sûre du résultat, j'espère néanmoins provoquer une réaction d'orgueil.
Ils hésitent un moment, se demandant probablement d'où sort une tarée pareille pour défier quatre hommes armés de pistolets semi-automatiques et de fusils d'assaut, mais j'ai bien compris qu'ils ne lâcheraient pas leurs armes à feu. Je décide de passer immédiatement à l'action pour profiter du maigre avantage que me procure leur hésitation. D'un geste sec du poignet, je lance mon couteau qui chante une mélodie funeste pour venir se ficher dans la gorge du seul soldat équipé d'un fusil d'assaut. Le plus petit d'entre eux, le prénommé Théo.
J'anticipe leur réaction et me jette en avant dans une roulade maîtrisée – alors qu'une détonation sourde résonne et se répercute le long des parois de la galerie – pour venir au corps à corps des trois autres soldats. Le temps d'une expiration, je ferme les yeux. Je n'aurais pas le droit à l'erreur.
Pardonnez-moi, les gars, mais vous ne me laissez pas le choix. C'est vous ou moi...
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