La vengeance met-elle fin à la haine ?
Dayal emprunta une succession de ruelles peu fréquentées pour se rendre à sa destination, une zone appelée "Les Égouts". Neo-Arkanïa n'avait depuis longtemps plus de secrets pour lui, et il désirait ne pas être suivi, aujourd'hui plus que n'importe quel jour.
Les bâtiments de la zone qui menaient aux bas-fonds, bien qu'extrêmement vétustes, avaient gardé un certain cachet, loin du béton à outrance des zones centrales. Dayan savait qu'il s'agissait de la vieille ville, déjà présente quand la mégalopole fut rebaptisée Neo-Arkanïa. Il n'avait jamais su ce qui avait motivé le changement de nom, et à vrai dire, il s'en moquait.
Il arriva enfin à destination. Dayan se sentait plus à l'aise dans cette partie reculée de la ville. Les passants, bien que roublards, affichaient une personnalité en un sens plus vraie, plus honnête, que ceux comme lui habitaient au centre. Ici, les autorités se faisaient rares, et il restait toujours possible de s'arranger avec les soldats. Ceux des "Égouts" refusaient rarement une petite commission.
En premier lieu, il se rendit à l'échoppe ambulante d'une vieille marchande qu'il connaissait depuis longtemps. La roulotte, ouverte sur la rue, présentait plusieurs articles difficilement trouvables hors du marché noir, tel que de l'authentique ryneth. Dayan s'était demandé plusieurs fois sur quel réseau pouvait compter la commerçante. Il était cependant des secrets qu'il ne valait pas dévoiler dans les "Égouts". Mona se tenait devant son bric à brac, accoudée sur la planche ouverte sur la rue. Plusieurs grosses bougies propageaient une odeur agréable aux narines, créant une bulle protégeant de l'odeur nauséabonde ambiante. Les yeux de la vieille femme s'éclairèrent quand elle aperçut l'un de ses plus anciens clients.
« Mona, comment vas-tu en cette saison ? salua-t-il.
– Ah Dayan, cela faisait un moment, clama-t-elle de sa voie aigrelette, les Inquisiteurs m'ont encore confisqué des marchandises pas plus tard que ce matin, ils sont sur les nerfs ces temps-ci.
– Les Jeux approchent, ils se mettent à faire du zèle, comme à chaque fois à la même période, expliqua Dayan d'un air lugubre, te reste-t-il du Synthèse ?
– Toujours, mon petit, mais ne préférerais-tu pas un met plus nature ? J'ai du céleri en ce moment, proposa Mona, poussé en serre, mais quand même...
- J'aimerais beaucoup mais la période est difficile en ce moment, avoua Dayan.
- Je ne peux pas te faire crédit, avoua Mona en remuant sous ses châles, j'aurais beaucoup aimé mais tu sais...
- Pas de problème, une prochaine fois", balaya Dayan d'un geste de la main.
La marchande au visage fripé soupira, puis fouilla sous son étal et en ressortit un tube, qu'elle lui tendit, en échange de quelques crédits. Dayan l'avala d'une traite, la pâte était sans goût, mais il s'y était habitué depuis longtemps, comme tout le monde. Le Synthèse suffisait à caler le ventre, c'était tout ce qu'on lui demandait.
Il salua Mona, puis reprit sa route d'un pas vif. Virevoltant dans les ruelles, il croisa des sans-abris, des revendeurs et autres toxicomanes. Il arriva pourtant sans encombre à sa destination, un entrepôt abandonné située au cœur d'une zone industrielle morte depuis longtemps. Au fond du hangar, il déplaça une caisse qui dissimulait un contrôle rétinien d'un autre âge. Dayan plaça sa pupille, puis la porte s'ouvrit dans un grincement, qui résonna dans l'immense pièce vide.
Ce n'est pas très discret comme procédé...
Devant lui, s'ouvrait un un bureau poussiéreux. Les plannings du mois de fermeture n'avaient pas bougé de leurs murs. "An 3047", pouvait-on y lire.
Déjà six longues années que ma mère m'avait été arrachées, pensa-t-il, morose.
L'homme s'avança, puis replaça la caisse qui dissimulait l'entrée. Il appuya sur un bouton, et la porte se referma dans un son aussi plaintif que le premier.
Il poussa un placard métallique rouillé, et une trappe se dévoila sous ses pieds. Dayan connaissait ce réseau souterrain comme sa poche, et heureusement, car aucune lumière ne l'éclairait, et un brouilleur empêchait tout usage de GPS ou de lampes : il fallait compter ses pas pour tourner aux bons moments et arriver à destination.
Une caverne vaste comme une cathédrale finit par apparaitre. L'agitation, le bruit et les flashs juraient avec le calme sinistre dans lequel il baignait depuis plusieurs heures. Il se trouvait dans une véritable ruche : le réseau des Rebelles ne manquait pas de talents. Les Majs, et les États Européens Unis en général, avaient réussi le tour de force d'unir la plupart des strates sociales contre eux. Les Rebelles faisaient des participants divertissants pour les Jeux. Leur rage les rendait plus difficile à chasser.
" Dayan ! Dayan !", l'appela une voix féminine.
Une femme un peu plus jeune que lui l'aperçut d'une plate-forme en contre bas. Elle grimpa une échelle à toute vitesse et avança rapidement vers lui. Elle était vêtue d'une salopette de mécano et du cambouis la recouvrait ça et là.
"Lyra, ça faisait un bail, salua Dayan.
– Et comment ! Tu es trop occupé pour venir rendre visites à tes compagnons, sans doute. Qu'importe, je suis ravie de te revoir."
Lyra l'enlaça tendrement, et Dayan lui rendit son étreinte. Un mélange de transpiration et d'essence emplit ses narines. Lyra recula et l'inspecta de ses yeux jaunes - elle avait changé de lentilles depuis la dernière fois. L'ai soucieux qu'elle afficha n'était pas pour le rassurer. Elle regarda Dayan de haut en bas, puis secoua la tête, faisant voler ses cheveux violets.
"Tu as encore maigri, constata-t-elle avec un soupçon de crainte dans la voix.
– J'avais quelques kilos en trop, ricana Dayan. Tu sais ce que c'est, on finit par s'empâter à force de vivre dans l'opulence.
- Ton lugubre sens de l'humour, n'a, lui, pas changé je vois, nota Lyra, alors, où étais-tu ?
-J'ai dû faire profil bas pendant quelques temps, Majistri me surveille toujours à l'approche des Jeux, tu sais pourquoi... expliqua Dayan en se grattant la tête. Je ne sais pas pourquoi ils ne m'y ont pas encore envoyé. Ma vieille carlingue ferait sans doute un piètre divertissement. D'une certaine, c'est blessant.
– Tu es sûr de ne pas avoir été suivi ? Nous avons déjà perdu deux bases en trois mois, l'informa Lyra en fronçant les sourcils.
– Pas de problème, je sais comment faire pour me rendre invisible, la rassura-t-il. Et dans le cas contraire, nous serions déjà dans un convoi en ce moment même. Alors, tu as ce que je t'ai demandé ?"
Lyra hocha la tête, fouilla dans sa salopette en jean, puis en sorti une minuscule puce, ainsi qu'une télécommande avec un unique bouton.
"Seule une génie dans mon genre pouvait fabriquer un dispositif aussi complexe. Le problème majeur reste que la portée n'est pas très élevée. Dayan, tu devras être dans les locaux, expliqua Lyra. C'est de la folie.
– Qu'importe mon sort, le jeu en vaudra la chandelle, fais moi confiance, Lyra.
– La confiance nous a coûté chère, ces derniers temps. Malgré le fait que nous nous connaissons depuis longtemps, et que tu sois précieux à la cause, nous ne viendrons pas te secourir en cas de problème. Tu seras seul là bas.
– Je suis seul depuis mes six ans, mon amie."
Lyra soupira, le regard triste.
"Fais tout de même attention. Tu es l'un des nôtres."
Dayan lui mis la main sur l'épaule et la serra. Il la regarda quelques instants dans les yeux, hocha la tête puis sortit. C'était sans doute la dernière fois qu'il la voyait.
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