Chapitre 3
Règle n°2 : Ne jamais s'isoler !
La nuit s'est installée depuis longtemps. Tout est calme. Je me tourne et me retourne dans mon lit sans réussir à trouver le sommeil. Je perds la notion du temps. Quelle heure peut-il bien être ? Une heure ? Deux heures ? En écho à ma muette interrogation, la pendule dans le vestibule égrène les douze coups de minuit. Mon portable clignote sur mon bureau pour la énième fois. Je suppose que c'est Ethan, il a tenté de me joindre plusieurs fois au cours de la journée ; je n'ai répondu à aucun de ses appels. Au fond de moi, une petite voix me dit :
— Et si ce sont tes parents cette fois-ci ?
À cette pensée, je bondis hors de mon lit. Je saisis mon téléphone et ravale ma déception ; la messagerie m'indique un appel en absence d'Ethan. À peine deux secondes plus tard, un bip m'avertit de l'arrivée d'un SMS suivi d'une avalanche de textos:
— Je sais que c'est une dure épreuve pour toutes les deux. Que puis-je faire ? — Peux-tu m'appeler ou me texter ? Je n'ai pas de news. Bisous. — Réponds-moi ! — Je suis là pour t'aider. — Réponds-moi, fais- moi un signe. — Appelle-moi. — Je veux t'aider.
Excédée, j'enfouis ma tête sous l'oreiller.
— Laisse-moi tranquille Ethan, pesté-je entre mes dents.
Quinze minutes plus tard, je reçois un autre appel, je ne décroche pas. Mon portable émet un bip et me délivre un nouveau SMS d'Ethan.
— Je suis devant la maison. Je te laisse exactement deux minutes pour m'ouvrir. Passé ce délai, je te jure que je défonce cette foutue porte !
Vaincue, je me lève, j'enfile un short, je sors pieds nus dans le couloir et m'avance à pas feutrés vers les escaliers. Avant d'ouvrir à mon meilleur ami non sans une certaine appréhension, en passant dans le vestibule, j'augmente l'éclairage tamisé. Sa haute silhouette s'encadre dans l'entrée. La porte à peine refermée, il m'attire à lui et me prend dans ses bras. Le soulagement se lit sur son visage et disparaît aussitôt pour faire place à la colère.
— Bon sang, Jess ! Pourquoi ne réponds-tu pas à mes appels ? Je suis mort d'inquiétude depuis deux jours, gronde-t-il.
Je lève des yeux hésitants vers lui.
— Je suis navrée, Ethan. J'avais besoin d'être seule. Comprends-moi...tant de choses me sont tombées dessus d'un seul coup.
Voyant qu'il ne décolère pas, je prends une grande inspiration.
— La dernière chose dont j'ai besoin, c'est de compassion, j'aurais craqué. J'avais besoin de m'endurcir. Ça va mieux maintenant, lui dis-je d'un ton mal assuré.
Ses bras se resserrent autour de moi.
— Je comprends, Jess. S'il te plaît, ne recommence pas ! Je m'inquiète pour toi, me souffle-t-il dans un murmure.
Nous montons à pas de loup les marches pour rejoindre ma chambre à l'étage. Une douce lumière éclaire la spacieuse pièce décorée dans une ambiance très moderne dans les tons taupe et ivoire. Je referme la porte avec précaution et m'assois au bord du lit en invitant Ethan à prendre place à mes côtés. Je suis la direction de son regard qui s'arrête sur la photo de mes parents posée dans un cadre sur ma table de chevet. Mes yeux se voilent. Ethan me prend la main , nous restons tous les deux silencieux. Le contact de sa main me réconforte. Lorsqu'enfin il se décide à la lâcher, désemparée, je me tourne vers lui.
— Qu'allons-nous faire Ethan ? Le compte à rebours est lancé, je suis complètement perdue.
Un sourire étire ses lèvres.
— Ecoute, Jess. Je vais t'aider.
— Tes parents ne veulent pas de nous ! rétorqué-je.
— Je sais, enchaîne-t-il. Je ne peux pas aller ouvertement à l'encontre de leur volonté.
Il me fixe gravement et répète.
— Je suis prêt à vous aider. Ils ne sont pas obligés de le savoir !
Son regard se perd dans le lointain. Je l'observe à la dérobée, n'osant interrompre le cours de ses réflexions. Relevant enfin la tête, il affiche un air déterminé.
— Nous ferons tes cartons ensemble. Tu ne pourras pas emporter les meubles, les tableaux...Fais un inventaire des objets et souvenirs que tu peux prendre. Récupère les bijoux de ta mère, les cadeaux personnels et tous les papiers importants.
Après une courte pause, il reprend.
— Le père de mon pote Ben possède une entreprise de déménagement. Je lui passerai un coup de fil dans la journée pour essayer de récupérer une cinquantaine de cartons. Je viendrai te voir ensuite et on pourra commencer à ranger.
Puis, il hoche la tête d'un air pensif, faisant voler au passage quelques mèches de ses cheveux bruns. Je me surprends à scruter ses traits fins et bien dessinés. Le son de sa voix chaude me fait légèrement sursauter.
— Dans notre maison de campagne, nous avons une vieille remise au fond du jardin. Mes parents n'y mettent jamais les pieds. J'y entreposerai vos cartons, ils seront à l'abri le temps de retrouver un autre appartement, déclare-t-il d'un ton péremptoire.
— Tes parents ne te le pardonneront jamais !
Ethan balaie mes objections d'un geste de la main. Je poursuis obstinément .
— Je ne peux pas prendre ce risque, si tes parents tombent sur nos affaires...
Il m'interrompt.
— J'ai plein d'affaires dans cette bicoque. Mes parents n'y verront que du feu. Ils penseront que tout m'appartient.
Je réfléchis quelques instants et secoue la tête.
— Le plus simple est de louer un box.
Ethan pousse un soupir exaspéré.
— On n'a pas élucidé la disparition de tes parents. Imagine que quelqu'un leur en veuille et fasse main basse sur vos affaires. Et la banque ? Elle pourrait elle aussi entamer une action pour les récupérer. Crois-moi, le meilleur endroit où elles seront en sécurité c'est chez moi !
Face à de tels arguments, je n'ai pas d'autre alternative que de m'incliner.
— D'accord. Je vais essayer de trouver un prétexte pour expliquer la présence de ces cartons... Ne lâche pas le morceau, s'il te plaît. Amy ne doit pas savoir pour le moment.
Il hausse les épaules.
— Si tu veux.
J'insiste.
— Tu ne la connais pas, Ethan. La confiance qu'elle affiche n'est qu'une façade. Elle est très sensible, ce n'est vraiment pas le moment de lui faire part de tout ça !
Ethan garde le silence, peu convaincu.
— Nous partons dans trois jours à Bonn pour le mariage d'Emma. J'essaierai de lui en parler à notre retour, lui dis-je d'un ton léger.
Emma est ma meilleure amie. Elle a perdu très jeune ses parents dans un accident de voiture et a grandi dans un orphelinat. Aussi, lorsque qu'elle m'a proposé d'être témoin à son mariage, j'ai accepté sans hésitation. Je n'ai pas le cœur à faire la fête. Cependant, la cérémonie est planifiée depuis des mois. Mon amie compte sur ma présence et je n'ai pas pour habitude de me dérober à mes obligations.
Ethan secoue la tête, abasourdi.
— Tu es sérieuse ? Annule ton voyage et occupons-nous de ton déménagement. Tu seras à la rue à la fin du mois Jessica, il est impératif de te trouver un logement.
— Il n'en est pas question. J'ai promis à Emma de venir.
— Emma comprendra !
— Je n'en doute pas. À la rue ou pas, je tiendrai mes engagements !
— Sois raisonnable...gronde Ethan.
Je ne le laisse pas finir.
— De durs moments nous attendent. Je pense surtout à la pauvre Amy. J'ai donné rendez-vous à l'huissier envoyé par la banque à notre retour de Bonn. Il procédera sûrement à l'inventaire de la maison. Je n'ose imaginer la réaction d'Amy quand elle le verra. Qu'elle ait l'occasion d'être heureuse pour quelques jours encore. Ça ne va pas durer longtemps.
Ethan sait que rien de ce qu'il pourra dire ou rajouter ne me fera changer d'avis. La discussion est close. Il s'apprête à partir et me dépose un rapide baiser sur la joue.
— Bonne nuit, Jess. Ne me raccompagne pas, je refermerai derrière moi.
Je le retiens par le bras.
— Ethan !
Il se retourne.
— Oui ?
— Merci, lui dis-je simplement.
Il esquisse en retour un bref sourire, déploie son corps souple hors du lit et se dirige vers la porte. Je m'attarde sans le vouloir sur son torse moulé d'un tee-shirt blanc et sur son jean sombre mettant en valeur ses cuisses musclés. Avant de sortir de la chambre, il me dévisage pendant quelques instants, le doigt posé sur l'interrupteur puis éteint, ferme la porte, plongeant la pièce dans le noir.
* * *
Après le départ d'Ethan, je reste un long moment étendue à fixer le plafond. Je peux encore sentir le parfum boisé de son eau de toilette flotter dans la pièce. J'ai ressenti un incroyable besoin d'isolement depuis la confirmation officielle de la saisie de la maison.
Toutefois, je dois avouer que la visite d'Ethan m'a fait le plus grand bien. J'ai toujours vu en lui le grand frère que je n'ai jamais eu. Ce soir, pourtant, j'ai ressenti l'espace d'un instant, une envie fugace d'un rapprochement entre lui et moi. J'ai été particulièrement sensible à la douceur de sa voix. Et lorsque dans son regard, la colère a cédé la place à l'inquiétude, j'ai été troublée par la lueur inhabituelle brillant dans ses yeux. J'ai eu envie de dériver avec lui sur des eaux aussi tumultueuses que celles où je nage en ce moment.
Je pousse un soupir résigné. Je dois me reprendre. Je chasse résolument Ethan de mon esprit, je ne dois pas gâcher notre amitié. Je mets ma vulnérabilité sur le compte de mes soucis et de la solitude de ces deux derniers jours.
Ethan a raison. Je ne dois pas rester seule dans mon coin. M'isoler n'est pas une solution. Épuisée par mes nuits blanches consécutives, je me laisse enfin sombrer dans un sommeil profond.
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Chères amies lectrices, chers amis lecteurs,
Voici la suite d'Homeless soon. J'espère qu'elle vous plaira.
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Je vous souhaite une très belle lecture!
À bientôt!
Sophie
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