Chapitre 10 (Première partie)
Le bruit de mon portable qui émet un bip me tire de mon sommeil. Ma montre m'indique qu'il est un peu plus de dix heures. Je résiste à l'envie d'éteindre mon smartphone et de me rendormir. L'esprit embrumé, j'attrape d'une main leste l'objet perturbateur sur la table de chevet tout en marmonnant contre ces gens qui ont le don d'envoyer des messages toujours au moment inopportun.
D'un numéro masqué:
— Puisque tu sembles m'avoir oublié et que je n'ai aucune nouvelle de ta part, je viens vérifier par moi-même que tout va bien.
Mon cœur s'emballe. Une joie indéfinissable m'envahit, vite refrénée par un éclair soudain de lucidité; Ethan ne m'aurait pas écrit en masquant son numéro.
J'émerge et tape un point d'interrogation sur le clavier. J'ai une fraction de seconde d'hésitation, puis j'appuie sur la touche d'envoi. Un second bip se fait entendre, je prends connaissance du contenu du SMS reçu.
— Si Paris ne vient pas à toi, va à Paris.
Je me redresse dans mon lit et m'adosse à mon oreiller.
— Vous devez faire erreur, je ne pense pas vous connaître.
Un nouveau SMS arrive dans la foulée.
— Tu m'as déjà effacé de ta mémoire, Jess? Tu me brises le cœur.
Le brouillard se dissipe peu à peu, je pense deviner qui se cache derrière l'écran de mon téléphone. Je veux en avoir le coeur net.
— Simon?
— Je commençais à désespérer.
Je l'ai complètement effacé de ma mémoire celui-là.
— Réveil tardif, je n'ai pas encore les idées assez claires pour jouer aux devinettes.
— La réponse n'est jamais bien loin. Parfois, il suffit d'ouvrir la bonne porte.
Simon parle toujours par énigmes. Je lui envoie trois points d'interrogation.
— Tu auras toutes tes réponses en ouvrant ta porte, Jessica.
J'échafaude toutes sortes d'hypothèses: qui vais-je trouver derrière ma porte? Le facteur? Un coursier? Un livreur avec des fleurs? Je n'ai pas le souvenir d'avoir communiqué mon adresse à Simon. Juste mon numéro. Je suis perdue au milieu de mes réflexions, lorsque la sonnette se fait entendre. Amy pousse un grognement. Elle n'a pas voulu dormir seule cette nuit et est venue me rejoindre. Je me lève d'un bond. Je referme la porte de la chambre et me dirige vers celle de l'entrée. J'ouvre.
Sur le perron, la première chose que je vois est un énorme bouquet de fleurs derrière lequel se dissimule un homme en costume de lin bleu marine à la coupe parfaite, des chaussures impeccablement cirées aux pieds. Il me suffit de quelques secondes pour comprendre que je ne suis pas en présence d'un livreur. Le bouquet se décale pour laisser place aux yeux bleus rieurs de Simon.
Je le dévisage avec stupeur.
— Simon? Que fais-tu là?
— Déçu de me voir?
— Non, pas du tout, lui assuré-je avec un petit rire incrédule.
Un sourire troublant aux lèvres, il me tend le bouquet.
— Tiens, c'est pour toi.
Feignant d'ignorer le message implicite suggéré par les roses rouges, éparpillées au milieu des roses blanches, je plonge mes yeux dans les siens.
— Merci. Elles sont très belles, lui dis-je simplement.
Simon se penche pour m'embrasser.
— Que fais-tu à Paris? Comment as-tu eu mon adresse? Quand repars-tu?
Amusé, il lève la main pour m'interrompre.
— Une question à la fois. Tu m'invites à rentrer ou tu comptes me laisser sur le seuil de ta porte?
Je m'efface pour le laisser passer.
— Oui bien sûr, entre.
Tout en pénétrant à l'intérieur de la maison, Simon me détaille de haut en bas.
— Jolie tenue...
Mes joues s'empourprent.
— Je vais me changer.
Simon m'arrête d'un geste doux.
— Ce serait dommage. Tu es très jolie ainsi, lance-t-il sur un ton malicieux, en s'attardant volontairement sur mon pyjama composé d'un mini short et d'un fin débardeur en coton. Pour répondre à tes questions, je viens plusieurs fois par an à Paris. Je suis ici pour deux jours et c'est Emma qui m'a donné ton adresse.
Je sers un café à Simon et l'installe dans la salle de séjour avant de monter me changer. Après une douche rapide, j'enfile une robe d'été couleur vert olive.
— Qui est là? me demande Amy d'une voix endormie.
— Simon.
— Il fait quoi ici?
— Il est de passage, je crois. Je retourne le voir.
— Ok.
Simon m'accueille avec un petit sifflement admiratif.
— Pourquoi ne réponds-tu pas à mes messages?
— J'ai pas mal de problèmes à régler en ce moment...
— Je sais, déclare-t-il. C'est la raison pour laquelle je suis là. Emma _ ne lui en veut pas, s'empresse-t-il de rajouter, m'a fait part de vos problèmes. Elle s'inquiète pour toi. Me sachant à Paris, elle m'a demandé de passer pour voir si tu as besoin d'aide.
Touchée, j'ai du mal à contenir mes émotions. Je prête une oreille attentive aux explications de Simon.
— Je travaille dans l'immobilier, avec mon père, précise-t-il. Nous allons ouvrir des bureaux à Paris. Je viens d'acheter un appartement pour m'en servir comme pied à terre. Il n'est pas tout à fait habitable, car j'y ai fait des travaux. Je récupère les clés la semaine prochaine, vous pourriez vous y installer Amy et toi en attendant.
Une telle proposition est tentante dans la situation présente. Je réfléchis à vive allure, pesant le pour et le contre. Depuis sa dernière visite, Ethan n'a pas donné signe de vie. Est-il vexé ? S'est-il rangé du côté de ses parents? Les Charby ont-ils tout manigancé pour racheter la maison? Sont-ils liés à la disparition de nos parents? Une partie de moi me pousse à accepter l'offre de Simon, mais le souvenir de Karl refroidit mon enthousiasme.
— Qu'attends-tu en échange?
Une expression peinée passe sur le visage de Simon. Je ne suis pas certaine pour autant de lui accorder ma confiance.
— En tout bien, tout honneur, Jess. Je ne compte pas jouer les bons samaritains. Tu te doutes bien que je ne mets pas mon appart à dispo de tous les SDF parisiens potentiels.
Et de poursuivre:
— Je t'apprécie beaucoup et j'aimerai te connaître davantage. Nous prendrons le temps d'en discuter ce soir, si tu es libre pour dîner. Je veux dissiper tout malentendu entre nous et te parler de ma relation avec Loretta « qui est terminée », mais pour l'instant, je préférerais qu'on règle votre problème de logement.
Simon me fixe droit dans les yeux.
— Vous pourrez y rester tout le temps qu'il vous faudra, assure-t-il.
Simon me considère un instant la mine sombre.
— Tu crois que je vais profiter de la situation?
Il secoue la tête, dépité.
— Tu ne me fais pas confiance, n'est-ce pas? Je ne suis pas ce genre d'homme, Jessica. Si ça peut te rassurer, je séjournerai, moi, à l'hôtel à chaque fois que je viendrai.
Je reste septique. Simon insiste.
— Réfléchis. Tu n'es pas obligé d'accepter ma proposition et elle n'est pas « indécente ». C'est une solution pour vous deux. Je n'attends rien de toi en retour.
— Je persiste à penser que c'est une très mauvaise idée, répliqué-je d'une voix lasse.
Il est sûr le point de répondre quand Amy fait son entrée dans la pièce et vient l'embrasser.
— Ça va?
Elle hausse les épaules.
— Bof. Tu dois être au courant, on va perdre la maison.
— Ne t'inquiète pas Amy. On va trouver une solution.
À ces mots, un sourire de soulagement éclaire le visage d'Amy. Je me tourne vers Simon et lui dis avec une certaine retenue :
— Écoute, je ne suis pas sûre de...
Un mélange d'incompréhension et de douleur passe dans les yeux d'Amy. Je ne peux ignorer la supplication muette qu'elle m'adresse. Je n'ai pas le cœur à la décevoir. Je consens donc à accepter, tout en demandant à Simon d'établir un contrat de prêt en bonne et due forme pour éviter de me retrouver du jour au lendemain sous la menace d'une expulsion.
Manifestement, Simon s'attendait à un refus. Il reste immobile un court laps de temps, puis un sourire lumineux se dessine sur ses lèvres. Il se lève.
— Je vous emmène visiter mon appart. Il est proche de la Tour Eiffel.
Et à l'attention d'Amy :
— Ça te permettra de rester dans ton lycée. S'il vous convient, vous pourrez y emménager dès la semaine prochaine.
***
Nous suivons Simon jusqu'à un élégant coupé noir garé dans une rue adjacente à la maison.
— C'est une voiture de location? lui demandé-je.
— Non. C'est celle que je garde à Paris pour mes déplacements. Un parking pour deux voitures est inclus dans l'achat de ma résidence. Je gare la mienne sur l'une des places, tu peux te servir de l'autre si tu veux.
Nous longeons le bord de Seine. Un soupçon d'appréhension m'habite.
La raison ou la déraison me conseille de revenir sur ma décision. Bien que tout semble parfait jusque - là , je m'évertue à penser qu'habiter chez Simon n'est pas une très bonne idée. Mes craintes s'envolent lorsque Simon se gare au pied d'un superbe immeuble haussmannien. Nous tombons sous le charme de l'appartement avec ses hauts plafonds, ses moulures et la cheminée au milieu du séjour éclairé par une large baie vitrée avec une vue imprenable sur la Tour Eiffel. Dans l'immense pièce rattachée à la salle à manger se trouve un home cinéma. Les deux chambres sont dotées respectivement d'une salle de bain privative équipée chacune d'un jacuzzi.
Simon nous dévisage tour à tour en souriant.
— Alors, ça vous plaît ?
Nous acquiesçons. Il me regarde avec gravité et sort son portable de sa poche.
— J'appelle mon avocat afin qu'il établisse un document stipulant une jouissance des lieux, à titre gracieux pour ta sœur et toi, sans contrepartie de quelque nature que ce soit, et ce, sans limitation de durée.
J'ouvre la bouche pour protester. D'un geste apaisant, Simon me coupe.
— J'ai bien compris, Jess. C'est du provisoire. Tu es libre de partir quand tu veux.
Le téléphone toujours à la main, il pianote sur son clavier et discute longuement avec son avocat.
— Le prêt du logement est pour une durée illimitée, mais afin de mettre Mademoiselle de Terrani à l'aise, je vous remercie de stipuler qu'elle peut rendre les clés sans préavis et à n'importe quel moment, conclut-il.
Sa manière de régler les problèmes m'épate. Amy est aux anges. Son sourire ne la quitte plus et des étoiles scintillent dans ses yeux. Le téléphone de Simon sonne. Il jette un bref coup d'œil au numéro et décroche:
— Salut, Karl !
Je pâlis.
— Je suis dans l'appartement avec Jessica et Amy. Je leur ai proposé d'y habiter, le temps de trouver une autre solution.
— ...
— Je te la passe
Simon me tend son portable en souriant.
— C'est Karl, il veut te dire deux mots.
Ma respiration s'accélère.
— Salut, Karl, alors cette lune de miel?
Sa voix m'arrache un frémissement.
— Salut, Jessica. Je n'ai pas demandé à te parler pour évoquer ma lune de miel. Je vois que tu as réussi à faire tomber mon cousin dans tes filets. Tu te crois maligne, n'est-ce pas?
— Ce n'est pas ce que tu crois...
Karl me coupe.
— Laisse-moi finir. Tu refuses mon offre pour te jeter dans les bras de Simon? Aucune femme ne m'a jamais repoussé, Jessica. J'obtiens toujours ce que je veux ou m'arrange pour détruire ceux qui se mettent en travers de mes projets.
Les yeux d'Amy et de Simon sont braqués sur moi. Je lutte contre les larmes. Maintes et maintes fois, j'ai essayé de trouver des excuses à Karl et à son comportement. À ce moment précis, je suis intimement persuadée que Karl a non seulement un grand problème d'ordre sexuel, mais souffre d'un mal plus profond et d'un ego surdimensionné.
J'affronte le regard interrogateur de Simon.
— Tu en fais une drôle de tête! Un problème?
Je ne dois pas m'effondrer, pas tout de suite, pas devant Amy et Simon. Je réponds à grand-peine:
— Tout va bien. Je viens de penser à quelque chose qui n'a rien à voir avec notre conversation.
Le regard dubitatif de Simon me met mal à l'aise. Je prends la décision de lui parler au dîner, avant que Karl ne s'acharne à tout détruire. C'est à double tranchant. Simon me croira-t-il? La conversation avec son cousin ravive mon angoisse. L'ombre de Karl plane désormais au-dessus de nos têtes.
***
La visite terminée, Simon nous emmène déjeuner dans un restaurant de fruits de mer à proximité du pont de l'Alma. Il nous ramène ensuite Amy et moi avant de filer chez son avocat. Juste avant que je ne descende de la voiture, il me retient :
— Je t'emmène dîner au Jules Verne ce soir. J'ai réservé une table pour 19h30 et viens te chercher aux alentours de 19h.
— Le restaurant de la Tour Eiffel?
— J'ai choisi un endroit spécial pour une occasion spéciale...
— Une occasion spéciale?
Il ajoute, espiègle:
— Vous êtes bien curieuse chère demoiselle. Il va falloir attendre ce soir....
Enchaînant aussitôt d'un ton taquin:
— Notre premier dîner en tête à tête. N'est- ce pas quelque chose d'important à tes yeux? Et tu oublies que nous avons beaucoup de choses à nous dire.
Secrètement ravie de pouvoir me libérer enfin du poids qui me pèse sur le coeur, je renchéris gaiement:
— Oui, nous avons à parler ce soir.
— Alors, fais- toi belle, mais ça ne devrait pas te demander beaucoup d'efforts. Je te trouve sublime telle que tu es, et je te trouverai belle quoi qu'il en soit ...
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Coucou à tous,
J'espère que ce chapitre vous a plu.
Que pensez-vous du retour de Simon?
J'attends vos retours avec impatience.
Plein de bisous.😘😘😘
Je vous aime ❤️❤️❤️
Sophie
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