26/06/2028
La pluie a démarré juste après que je sois tombé nez à nez avec ce corps de ferme. D'ici il paraît entièrement gris, froid et métallique tel une baleine échouée, comme rejetée hors des méandres d'une alchimie quantique. Au début des silhouettes sombres armées de fusils équipés de lunettes à longue portée s'affairaient derrière la grange. Depuis vingt quatre heures que je les observe c'est maintenant ou jamais ! Mes chaussures produisent un bruit de succion dans les ornières marquées et malaxées par quelques véhicules. Du fumier et de la terre humide parsemés de flaques d'eau brunâtre constituent le seul chemin praticable. Un vrai bourbier. Je longe la grange. Cela fait deux heures qu'il n'y a plus d'agitation que le va et vient incessant des exploitants est interrompu. J'atteins un hangar construit de plein pied tout en longueur. J'ouvre un portillon encastré dans un grand portail coulissant. Je me retrouve au milieu d'un régiment de poules peu farouches. Il y en a des centaines. Je m'approche des nichoires et je prends une douzaine d'œufs ce sera suffisant pour améliorer mon quotidien. Le long du mur porteur un tuyau gris remonte du sol terminé par un robinet. Je l'ouvre. Une eau limpide s'écoule. Enfin je peux étancher ma soif. Ensuite je remplis ma vieille bouteille plastique. Il y a deux jours je n'aurais jamais imaginé que les zones hors contrôle renfermaient de tels lieux. Je mesurais à quel point mon intérêt pour la vie s'était émoussé. Une maxime de l'esclave affranchi devenu philosophe Épictète me revient en tête : "Ne demande pas que ce qui arrive arrive comme tu veux. Mais veuille que les choses arrivent comme elles arrivent, et tu seras heureux, heureuse". Les délices de la nature, la nourriture apportent un peu de saveur à mon sort de banni. Seulement le monde a ses exigences et fonctionne aussi par sacrifice. Dans mon ancien village je n'ai jamais compris pourquoi les villageois m'appelaient docteur alors que je n'étais pas médecin. Un jour, alors que je marchais sur le trottoir une voiture roulant à vive allure fait un travers et s'arrête devant moi. Un type sort du véhicule, me fonce droit dessus, me gifle en m'interdisant de revoir sa fille. Bien entendu je ne la connaissais pas mais il avait besoin d'un souffre douleur pour exorciser sa violence et il m'avait choisi. Je regarde que personne ne soit dehors et je me tire vite d'ici. Mon corps répond assez bien à mes sollicitations j'ai la sensation d'être des années plus tôt. Il faut que je fasse confiance à mon instinct et que j'évite de suivre mes impulsions sinon je ne ferais pas de vieux os. De retour dans la forêt je reste sur mes gardes mais je suis presque sûre que mon larcin passera inaperçu. Je suis joyeux. Cette montée d'adrénaline s'apparente à quelques bons moments de ma vie. La nuit promet d'être chaude, les moustiques et les moucherons animent les traits de lumières dispersés.
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