
Une rencontre des plus étranges
C'était un soir de Septembre. Le vent était frais dehors, la buée recouvrait les vitres et les nuages gris cachaient les étoiles.
Encore un soir que je passerai en solitaire.
Je m'apprêtais à dîner quelques plats fades - les seuls que ma piètre cuisine, qui ne s'était pas améliorée après toutes ces années, me permettait - quand, tout à coup on frappa à ma porte.
J'étais tellement surpris d'avoir de la visite, que je restai un moment immobile sur mon fauteuil, près de la cheminée, à me demander qui cela pouvait bien être.
Je me mis alors debout et ouvris la porte d'entrée.
Une petite fille de sept ou huit ans se trouvait là, sur mon porche. Mes yeux allèrent d'abord sur ses vêtements sales, déchirés et rapiécés à certains endroits. Sa chevelure était emmêlée et grasse et je m'attendais presque à voir des cafards en sortir. Elle avait les traits tirés et elle paraissait vieille avant l'âge.
« J'ai faim... » murmura-t-elle, les larmes aux yeux.
Cette petite était si miséreuse, et la nuit si froide. Je ne pus résister à ses prunelles implorantes.
Je la fis donc entrer dans la plus modeste des demeures : la mienne.
Je rajoutai un couvert en plus et approchai la table de la cheminée car la fillette était frigorifiée. Quand la soupe fut chaude, je la lui servis et m'assis devant elle pour la regarder manger.
Elle dévorait tout, la soupe, le pain, le fromage. Elle paraissait avoir jeûner depuis plusieurs jour déjà. Personnellement, j'avais l'appétit coupé devant tant de misère.
Elle finit son repas et je pris la parole pour la première fois de la soirée :
« Tu n'as plus faim ? » demandai-je avec douceur.
Elle secoua négativement la tête. C'était déjà cela de fait.
Je rangeai les reste du dîner et lui préparai également un bain chaud. Cela lui ferait du bien, j'en étais certain.
Quand je l'invitai à y entrer, elle me regarda avec des yeux effarés, comme si je lui offrais le plus beau cadeau du monde. Je songeais avec tristesse que c'était sans doute le cas.
La fillette finit par s'installer après avoir retiré ses guenilles et je l'aidai à se débarrasser de la crasse et des nœuds dans ses cheveux.
J'avais déjà fait cela auparavant, avec ma fille. Ces simples gestes du quotidien me rappelèrent qu'elle n'était plus là. Elle s'était mariée et avait eu deux petits garçons, mes petits-fils. Hélène avait fondé une famille de son côté, abandonnant - non sans regrets, car elle adorait son père plus que tout - ses vieux parents à leur sort. Je savais que, si elle avait put elle serait restée dans les parages. Mais son mari, Henri, travaillait dans le commerce, ce qui l'obligeait à beaucoup voyager. Elle me manquait énormément.
Je me secouai intérieurement. J'avais une petite fille à m'occuper, qui, à l'évidence, n'avait jamais pris de bain de toute sa vie.
Je dus changer l'eau de la bassine une fois, puis, enfin, elle fut propre.
Je me dirigeai ensuite vers mon armoire et tendis mes anciens vêtements en bon état à la fillette. La longue chemise était beaucoup trop grande pour elle, mais elle sembla ravie de ne plus avoir à mettre ses haillons.
Elle avait l'air exténuée, alors je la couchai dans mon lit, à côté de la cheminée.
Après qu'elle se soit endormie, je me préparai de la tisane et m'assis sur mon fauteuil préféré.
Mes pensées se mirent à divaguer sur le petit être qui se reposait non loin de moi. Elle était plutôt mignonne, un fois débarbouillée et peignée. Si elle n'avait pas de parents, ce qui était fort probable, je pourrais peut-être songer à l'adopter.
Je finis par m'endormir dans mon fauteuil, la tasse vide à la main.
***
Elle se réveilla le lendemain, vers l'heure du déjeuner. J'étais allé au marché le matin même, et je lui avais acheté, en plus de mes courses habituelles, des sucreries colorées. Après le repas, elle retrouva sa langue :
« Merci beaucoup. Cela faisait longtemps que l'on ne m'avait pas traitée aussi bien.
— C'est normal, ma petite. Mais, n'as-tu pas de parents ? Quel est ton nom ? demandai-je tout à coup.
— Je me nomme Eléonore, répondit-elle sans prendre compte de ma première question.
— Comme c'est joli ! m'exclamai-je.
— Merci pour tout. Il faut que je parte à présent. J'ai assez abusé de votre gentillesse. »
Elle était plutôt polie et bien élevée pour une fillette de la rue.
« Attends ! dis-je. Tu peux rester encore un peu si tu veux.
— C'est très aimable de votre part, mais j'ai d'autres missions qui m'attendent.
— Des missions ? Mais de quoi parles-tu ?
— Vous comprendrez très bientôt, déclara-t-elle en se dirigeant vers la porte.
— Très bien... mais... surtout, si tu as besoin de quelque chose, tu peux revenir. Ma porte te restera toujours ouverte, Eléonore, dis-je avec chaleur. »
Elle me regarda alors de ses petits yeux pétillants, puis sortit et referma doucement la lourde porte de chêne.
Je me rassis dans mon siège, troublé par les paroles de la petite fille que j'avais accueillie chez moi quand on frappa à ma porte pour la seconde fois depuis la veille. Je pensais que c'était encore Eléonore, mais quelle ne fut pas ma surprise de constater que ma propre fille, son mari et ses deux enfants se trouvaient tous sur mon seuil.
J'entendis alors une petite voie joyeuse dans ma tête :
« Ma mission est accomplie. Ceci est une récompense pour toute votre générosité. Continuez ainsi, vous contribuez au bonheur du monde. »
La voie s'éteignit, elle ressemblait étrangement à celle d'Eléonore...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro