Elle avait 60 ans. Ses mains tremblaient. Ses jambes étaient raides. Son dos lui faisait mal. Ses yeux ne lui obéissaient plus. Ceux-ci s'assombrirent en pensant que c'était dû à la vieillesse. Madeleine ne savait pas si elle avait bien fait de revenir. De plus, elle pouvait apercevoir au loin de vagues contours d'un corps fourbu dont la tête soutenait un chapeau familier. José.

Jusqu'ici, elle n'avait pas voulu penser à son passé avec lui. Elle avait réussi quelque peu à l'oublier. Il l'avait abandonnée tout de même ! Le revoir, ça elle ne l'avait jamais envisagé.

Seulement, maintenant qu'il se tenait devant elle, elle ne pouvait s'empêcher de s'en remémorer, ni de remarquer ô combien l'âge n'avait pas enlaidi l'homme qu'elle avait un jour aimé. Ou bien est-ce elle qui ne voulait pas s'attarder sur son visage fatigué ? Des rides il en avait partout, autour des yeux, entre les sourcils, sur le front...partout. Il y en avait trop ! Les rides sont disgracieuses et signifient la vieillesse. Madeleine ne voulait pas de ça. Des rides ou de la vieillesse allez savoir laquelle !

Jacques lui prit le bras pour l'obliger à avancer vers la pelouse et Madeleine revint a l'instant présent. Elle regarda José. Lui la regardait déjà, sans broncher, puis il se mit à sourire. Ne sachant comment le prendre elle y répondit par une drôle de grimace malaisée. C'est lui qui était partit tout de même, pensa-t-elle.

***

Tous réunis dans le grand salon, les enfants jouaient sur le tapis tandis que Francesca bavardait joyeusement avec José près de la fenêtre. À l'autre bout de la pièce, Madeleine essayait de se concentrer sur la réprimande qu'elle recevait de ses enfants. Peine perdue, son regard et ses pensées se dirigeaient automatiquement vers cet homme. Il avait dans ses cheveux gris un hameçon entremêlé dans plusieurs mèches. Elle ne savait pas comment il avait pu arriver là.

- Maman, tu nous écoutes ? s'enquit Émeline.

- Va lui parler Maman, amorça Jacques. Cela ne sert à rien de la sermonner pensa-t-il.

- Hmm parler à qui ? Marmonna Madeleine.

Ils pointèrent tous deux José du doigt puis, Émeline la poussa légèrement.

Ce geste attira l'attention de José qui regarda dans leur direction. Madeleine ne put plus reculer. Elle devait affronter son passé.

- Bonjour José, cela fait longtemps...

- En effet.

- C'est tout ce que tu as à me dire ? Tu es parti si vite ! Sans même me dire comment je pouvais te joindre ! Je n'ai jamais espéré plus qu'une adresse, mais non, pas même un au revoir...

- Je...

- Mais bon, je suppose que maintenant, je devrais être heureuse de te revoir, le coupa-t-elle sèchement.

Sans se soucier du ton qu'elle avait pris, il la regarda avec reconnaissance. Sans doute la remerciait-il silencieusement pour ne pas avoir gardé de lui un souvenir trop amer.

- Oh là toi, ce n'est pas parce que j'ai décidé de ne plus t'en vouloir aujourd'hui que ce sera pareil demain !

- Je sais, je suis désolé.

Jacques sentant une grande agitation chez sa mère mit de la musique et invita Francesca à danser. En regardant cet heureux couple, José sourit et tendit sa main vers Madeleine.

- Voudriez-vous m'accorder cette danse ? Demanda-t-il tout à coup timide.

Madeleine toujours agacée mais puérilement séduite lui donna doucement sa main. Leurs peaux rugueuses se frôlèrent puis s'agrippèrent avec intensité pour ne plus se quitter.

***

Les heures suivantes leur permirent de parler à cœur ouvert. Ils finirent par trouver un sujet d'entente : Jacques. Bien que pour José, Jacques ressemblait à Madeleine, il ne lui trouvait pas de similitudes avec Paul contrairement à Émeline. Finalement, il sut avec certitude que Jacques était son fils. Madeleine soulagée de pouvoir enfin partager ce secret lui raconta toutes sortes d'aventures qui étaient arrivées à leur fils.

Plus tard dans la soirée José, dû prendre congé de cette belle famille qui aurait pu être la sienne. Madeleine, quant à elle, décida de rester quelque temps chez son fils pour pouvoir profiter de César et Victoria. Elle ne voulait pas se l'avouer, mais intérieurement, elle savait qu'elle voulait également revoir José. Évènement qui allait très vite arriver puisque Jacques avait invité José pour faire un pique-nique dans la semaine.

- Brin_de_Cannelle -