Le temps
« Laisse-moi guider tes pas dans l'existence
Laisse-moi la chance de me faire aimer
Viens comme une enfant au creux de mon épaule
Laisse-moi le rôle de te faire oublier
Le temps qui va
Le temps qui sommeille
Le temps sans joie
Le temps des merveilles
Le temps d'un jour
Temps d'une seconde
Le temps qui court
Et celui qui gronde
Le temps, le temps
Le temps et rien d'autre
Le tien, le mien
Celui qu'on veut nôtre
Le temps passé
Celui qui va naître
Le temps d'aimer
Et de disparaître... »
Jacques éteignit rageusement la radio. Il comprenait désormais pourquoi sa mère détestait tant Charles Aznavour.
Et c'est sur cette pensée qu'il entama le dernier virage de son long périple de la ville à la campagne.
Bientôt il distingua la grande bâtisse de bois dans laquelle se réfugiait sa mère chaque fois qu'elle était contrariée.
Les volets ouverts le confortèrent dans l'idée qu'il trouverait Madeleine ici.
Cette maison, Jacques la connaissait bien. Jusqu'au divorce de ses parents, au départ de sa mère, les Ledru-Rollin y avait vécu tous leurs étés. Et Jacques n'avait jamais vu sa mère si heureuse, et son père moins ivre qu'ici.
Cette maison recelait ainsi ses plus beaux souvenirs d'enfance. En tendant l'oreille, il pouvait encore entendre le rire mélodieux de sa mère, et celui rauque et franc de son père. Celui de sa sœur aussi. Il les voyait même gambader joyeusement dans le jardin. Soudain, sa sœur trébuchait, et son père la rattrapait de justesse. Il la prenait tendrement dans ses bras pour la consoler, tandis que Madeleine s'approchait de lui.
Jacques se souvenait précisément de ce que sa mère lui avait dit cet après-midi là... ou plutôt presque dit:
« -Pourquoi papa ne me console pas comme ça moi ?! avait-il demandé.
Sa mère lui avait parut triste un instant.
-Écoute Jacques... c'est un secret, tu ne dois en parler à personne, même pas à ton père... d'accord ? Je peux te faire confiance ?
- Oui.
-Promets le.
- Promis.
Elle avait hésité un instant, puis:
- Très bien... écoute... ton papa tu vois, ce n'est pas vraiment... »
Mais Paul les avait rejoint. Il avait violemment empoigné Madeleine par le bras et l'avait conduite dans la maison.
C'était le dernier soir du dernier été.
Jacques ignorait encore aujourd'hui l'ampleur de ce que s'était aprétée à lui révéler sa mère.
Il ignorait également que cette révélation, telle une bombe à retardement, allait très prochainement lui exploser en pleine figure.
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