PDV Erwin

Toujours dans ma voiture qui est arrêtée dans le stationnement près de l'école, je me sens incapable d'en sortir. Mon équipe doit pourtant m'attendre, mais j'ai le trac. Je ne me sens pas prêt à voir Mike après l'avoir ignoré tout l'été... De quoi ai-je peur? Qu'il me saute dessus et essaie de m'embrasser encore?

Soupirant devant mon idiotie, je laisse tomber ma tête contre le volant. Je sursaute lorsque le klaxon sur lequel j'ai appuyé par accident résonne. Dans une grimace, je mets les mains devant moi, comme si cela pouvait faire disparaitre le son. Quel con!

Mon téléphone vibre dans ma poche et sans grande envie, je décroche en voyant le nom de Reiner s'afficher :

-Allô?

-Salut, Erwin, c'est Reiner. Dis, est-ce que tu veux encore être entraineur? La pratique est débutée depuis plus de dix minutes et on t'attend...

-Oui, oui, j'arrive... je suis dans le stationnement. Il y avait beaucoup de circulation.

-Ah bon? On t'attend dans ce cas. À plus!

-À plus.

Je raccroche dans un nouveau soupir. J'aurais dû trouver une meilleure excuse, car maintenant, je n'ai plus le choix d'y aller. Sans grande motivation, j'ouvre la portière et je la referme avec force. Il faut que je recommence lorsque je vois que j'ai coincé la ceinture de sécurité. Depuis quand suis-je si maladroit?

Une fois les portières verrouillées, j'entame le chemin vers le terrain de baseball. En plein milieu du trajet, je dois faire demi-tour en me souvenant que c'est moi qui suis censé amener la poche contenant les balles d'entrainements. Au moins, ça me fait gagner du temps avant l'heure fatidique.

Une fois la poche récupérée, je n'ai plus de raison de me défiler et j'arrive sur le terrain où les joueurs sont déjà assis sur le banc à discuter. Mon cœur bat beaucoup trop vite... Il faut que je me calme. Je ne dois rien du tout à Mike. C'est lui qui a fait le con, donc c'est à lui de se sentir coupable et pas le contraire!

J'essaie de conserver un air stoïque quand je m'arrête devant l'équipe. Mes amis me saluent et Reiner qui est le nouveau capitaine vient me serrer la main.

-Il y a deux nouveaux pour remplacer Thomas et Farlan, affirme-t-il joyeusement, voici Bertholdt et Conny.

Je cherche des yeux les nouveaux pour voir à quoi ils ressemblent, mais dois essayer d'éviter le regard de Mike qui me fixe. Ne laisse pas paraitre ton malaise... J'aperçois finalement les deux nouveaux. Le premier est un grand brun qui fixe ses pieds comme si ceux-ci étaient très intéressants, tandis que l'autre est un petit chauve qui sourit idiotement. Je doute qu'ils soient d'une grande aide pour notre équipe qui ne risque pas de s'être améliorée avec l'été.

Je leur donne quelques exercices pour se réchauffer. Quand je sens une grande présence se positionner dans mon dos, mon ventre se tord. Ne pourrait-il pas m'ignorer comme je me force à le faire? Je n'ose même pas le regarder.

-Tu veux quoi? Crachai-je, tu ne fais pas les exercices comme les autres?

-Euh... je n'avais simplement pas de partenaire. Désolé.

Ça, ce n'est pas la voix de Mike. Avec embarras, je lève les yeux vers le grand brun nommé Bertholdt. Ce dernier semble maintenant mal à l'aise, jouant timidement avec ses doigts. J'ai maintenant l'air du méchant entraineur qui s'en prend aux nouveaux...

-Désolé, je t'ai pris pour quelqu'un d'autre.

-Tu peux te mettre avec moi! S'exclame Reiner en s'approchant, tu ne t'es pas levé du bon pied ce matin, Erwin?

Je ris jaune en passant la main dans mes cheveux. Je devrais partir et me coucher au lieu de faire n'importe quoi comme un crétin... Au loin, je vois Mike qui lance la balle avec Livai. Il ne me porte aucune attention. Pourquoi ne vient-il pas me parler? J'étais certain qu'il essaierait pourtant... qu'il voudrait s'expliquer avec moi.

Oui, je dois vraiment dormir.

PDV Mike

Il a accepté de redevenir notre entraineur!

Depuis que j'ai vu sur le terrain de baseball, je pourrais sauter joie. Il faut que je me retienne pour ne pas foncer sur lui afin de lui parler, ce qui est très difficile. Il faut que je sois patient et que je ne fonce pas la tête baissée cette fois. Comment faire? Il faudrait que quelqu'un me donne des conseils, mais qui le pourrait? Personne n'est assez proche d'Erwin pour comprendre ce qu'il veut. Même moi qui ai été son ami proche pendant plusieurs mois, je n'arrive toujours pas à le cerner. Si les filles sont compliquées, alors lui, il l'est encore plus!

J'arrive à l'école en compagnie de Livai qui est passé me prendre chez moi ce matin, l'esprit perdu dans mes pensées.

-Tu es plus calme que d'habitude, remarque Livai, habituellement, tu parles trop. Ça en est énervant.

-En fait, je réfléchissais. Tu crois que je dois m'y prendre comment avec Erwin? J'ai essayé d'être mignon, de devenir son ami, mais il m'a jeté comme une vieille chaussette. Je suis certain que quelque chose peut marcher avec lui, mais quoi?

-Mike, pourquoi tu ne te sors pas Erwin de la tête? Tu fantasmes sur lui depuis près de trois ans et il t'a dit clairement qu'il ne voulait rien savoir. À ce stade, j'appelle ça du harcèlement.

-Moi j'appelle ça de l'amour.

Il soupire alors que moi, je souris. Avoir le dernier mot contre lui est un pur plaisir. Grâce aux conseils de mon beau père, je suis plus confiant que jamais!

Nous faisons un petit arrêt au casier de mon meilleur ami pour qu'il y laisse ses choses, puis nous continuons jusqu'au mien. Plusieurs personnes sont attroupées autour de ce dernier et je ne comprends d'abord pas pourquoi. Réunion intime pour me dire que je suis le meilleur? Pour me féliciter d'avoir réussi à faire rentrer ce charmant Bertholdt dans l'équipe?

En me voyant approcher, certains murmurent, puis ils me laissent finalement la place. Je fronce les sourcils en voyant ce qui les a attirés. Sur mon casier est tracé au marqueur noir deux mots en lettres majuscules : « CRÈVE PÉDÉ ». Je ne sais pas quoi dire... Ni comment réagir en fait.

Livai s'avance vers le message haineux et il passe son doigt sur l'ancre avant de regarder son index avec dégout. C'est bien du crayon permanent. Depuis que j'ai fait mon coming out public, personne ou presque ne m'a dit la moindre insulte. J'ai bien entendu quelques propos homophobes, mais rien d'aussi haineux. Comment peut-on penser ça? J'imagine que cette personne n'aurait pas les couilles de venir me le dire en face. Je fais deux fois la taille de presque n'importe qui. Il faut être un idiot pour vouloir se frotter à moi.

-Si on trouve le connard qui a sali ta case, je lui mets mon pied sur la gueule, c'est promis, affirme froidement Livai.

-C'est sans importance. Juste quelqu'un qui n'a rien de mieux à faire de sa vie que d'essayer de se mêler de celle des autres.

-Je vais chercher des produits ménagers à la femme de ménage.

Sur cette phrase, mon meilleur ami me laisse seul. Je regarde l'écriture une dernière fois avant de me décider à ouvrir ma case comme si de rien n'était. Ce n'est pas ce genre de petit message qui va briser mon moral. Qu'est-ce que ça peut faire aux autres de savoir que je préfère coucher avec d'autres gars plutôt qu'avec des filles? Ce n'est pas eux qui sont à ma place, pas eux qui les embrassent. Ceux qui trouvent cela dégoutant, alors qu'ils tournent les yeux!

OK... ce message m'a un peu mis de mauvaise humeur. Je ne suis pas blessé, simplement insulté par la stupidité de l'Homme. Je suis probablement plus viril  que la plupart de ceux osant se moquer de moi!

Livai ne tarde pas à revenir avec un petit seau d'eau, une brosse et du détergent qu'il envoie sur l'ancre. Je veux lui prendre la brosse des mains, mais il me repousse en me lançant un regard noir.

-Apprend à t'en servir et tu pourras nettoyer à ma place.

-Je n'aime pas qu'on fasse les choses à ma place.

-Alors, tiens le sceau et ferme-la.

Quel ami sympathique. Comme l'ancre est difficile à faire partir, nous devons rester là même après que la cloche ait sonné. Marco, qui passe par là pour aller à son cours, s'arrête pour nous regarder avec curiosité. Je lui explique brièvement la situation et il semble encore plus choqué que je le suis moi-même.

-Tu devrais aller voir la direction, propose-t-il, ils vont peut-être pouvoir voir sur les caméras qui a fait ça. Une menace de mort, ce n'est pas rien, Mike! Toi et Reiner êtes les deux seuls homosexuels assumés du lycée et je déteste voir des gens si méchants envers toi... Je vais demander à Reiner s'il a eu la même chose.

-Ça ne me fait rien, je te dis! La direction n'a pas à se mêler de quelque chose de si banal.

-Ce n'est pas banal! La police pourrait même rentrer dans l'affaire.

-Je ne suis pas très copain avec la police depuis qu'ils m'ont certifié que poursuivre Thomas en cours serait trop compliqué et qu'il était préférable que je garde mon dossier judiciaire et toutes les conséquences liées à l'accident. Je te dis que ce n'est rien.

Marco pince des lèvres. Il semble plus touché que moi par la situation, même blessé. Je me demande pourquoi? Moi, j'aimerais simplement savoir qui est assez con pour écrire des choses pareilles.

Puisque vous avez aimé le PDV de Erwin, j'ai décidé d'en mettre plus souvent.😊