Première année

-Fais chier...

Je sors rapidement de la maison, une tranche de pain dans la bouche et mon sac remplis d'articles scolaires à la main. Mes longs cheveux blonds que je n'ai pas eu le temps de peigner volent derrière ma tête alors que je cours désespérément derrière l'autobus que je viens juste de rater.  Ma main libre fait de grands signes en l'air dans l'espoir qu'un pouvoir magique m'aide à faire arrêter ce véhicule.

Manquer l'autobus dès mon premier jour au lycée, c'est la meilleure façon de bien commencer l'année.

Il faut dire que Kayla, ma petite sœur, s'est bien amusée à jouer avec mon réveille-matin sans me prévenir. Ma mère aurait au moins pu me mettre en garde face au comportement de ce petit démon au visage d'ange!

Comme ce genre de situation maladroite m'est déjà arrivée par le passé, je ne perds pas espoir et je continue désespérément de courir à l'arrière l'engin sur roues, essayant de ne pas trébucher sur mes lacets détachés. Au moins, c'est une zone résidentielle, donc l'autobus roule lentement avant d'enfin s'arrêter devant une maison afin de cueillir un autre élève.

Je profite de cet instant de répits pour monter à bord du véhicule sous le regard surpris du conducteur qui me laisse passer. J'ai de la chance d'avoir un bon cardio. J'halète comme un porc et mon corps musclé est couvert de sueur. Puer la transpiration, ce n'est peut-être pas l'idée du siècle pour se faire des amis le premier jour.

-Mike Zacharias, j'aurais dû me douter que vous manqueriez encore l'autobus, soupire le chauffeur en me reconnaissant, je me souviens bien de vous l'an dernier.

-Cette année, je promets que je ferais de mon mieux! Souris-je avec confiance.

-Je vois... Avancez, vous bouchez le passage.

Je souris en avançant entre les bancs déjà bien remplis. Je trouve enfin une place vide dans laquelle je me laisse tomber en remontant mon pantalon que j'ai bien failli perdre dans ma course folle. Cela aurait été plutôt drôle de courir en sous-vêtement dans la rue, bien que légèrement embarrassant.

Pour profiter un peu plus du trajet à travers les embouteillages, je pose dans mes oreilles mes écouteurs blancs en m'enfonçant un peu plus dans mon siège sous la musique apaisante de Pink Floyd. Enfin, le lycée...

Après trois ans à me défoncer le cul pour avoir la note de base pour passer, j'y suis enfin arrivé sans doubler, ce que le monde entier croyait impossible. Je me souviens très bien de la tête qu'a fait mon professeur de mathématique en rendant ma note finale. Toute l'année, il m'avait menacé de me faire couler si je continuais de dormir et d'arriver en retard à ses cours, mais il n'a finalement pas eu le choix de me faire passer. Je n'ai pourtant jamais compris pourquoi ce professeur me haïssait à ce point. Moi, je l'aimais bien.

Quand l'autobus arrive enfin à destination, je suis l'un des premiers à descendre du véhicule en saluant joyeusement le chauffeur qui lève les yeux au ciel. Après avoir failli me frapper la tête contre le plafond trop bas de l'autobus, je m'arrête en souriant devant la grande bâtisse qui sera désormais mon lycée.  Longue et brune aux multiples étages, l'endroit est bondé d'élèves discutant ensemble sous le soleil chaud de septembre. Ce lieu est très imposant, mais aussi terriblement agréable à regarder.

Joyeusement, je m'élance vers la porte d'entrée. À peine quelques pas plus tard, je percute violemment quelqu'un qui tombe sur les fesses en grognant, éparpillant autour de lui ses livres et objets personnels. Oups.

-Je suis sincèrement désolé, mec, m'excusai-je avec embarras au grand brun à qui je tends la main, j'étais trop fébrile, donc je n'ai pas fait attention. Rien de cassé?

-Ça va...

Très mince, la victime se tourne pour ramasser ses affaires d'un geste timide. Comme je suis coupable, je m'accroupis pour l'aider. L'un de ses cahiers est ouvert, laissant entrevoir un magnifique portrait masculin fait au plomb. Je souris en l'agrippant pour l'observer de plus près.

-Tu dessines bien, commentai-je.

L'expression de l'inconnu change soudainement. Il me retire rapidement le cahier des mains, puis il continue son trajet sans rien ajouter. Ce n'est pas très poli... Restant tout de même de bonne humeur, j'oublie vite cet incident, puis je pénètre enfin dans l'école.

Comme il s'agit surtout d'une journée d'accueil pour les nouveaux, la grande salle d'entée a été aménagée de manière à être entourée de divers kiosques présentant des activités quelconques. Sport, socioculturel, clubs... Je balaye rapidement la place des yeux avant de réaliser que mon meilleur ami ne doit pas être arrivé. Choisissant de l'attendre, je m'adosse à un mur en sortant mon téléphone pour répondre à un message de ma petite amie, Nanaba.

Nous sortons ensemble depuis environ trois mois et étrangement, c'est elle qui m'a dragué. Au début, je ne comprenais pas que cette sportive à la coupe garçonnière était intéressée par moi, jusqu'à ce qu'elle m'invite à sortir. Nanaba est vraiment quelqu'un de bien. Drôle et sympathique, nous nous sommes toujours bien entendus. En ce moment, elle doit probablement être déjà là, avec ses amis, mais je préfère ne pas la déranger.

Nous avons chacun notre cercle de connaissances, donc pourquoi chercher à s'incruster dans celui de l'autre? Nous n'avons pas besoin de nous voir 24h sur 24 pour nous aimer, ce qui est un grand avantage à notre couple. 

-Mike? Tu devrais songer à te couper les cheveux, ils sont trop longs.

Je lève mes yeux pour chercher celui qui me parle, puis réalisant qu'il n'y a personne dans mon champ de vision, je descends mon regard vers un garçon de petite taille aux cheveux noir. Enfin, Livai est arrivé!

-Désolé, je ne t'avais pas vue. Après un été sans me voir, tu n'as pas trouvé une meilleure phrase d'approche? Comme : « Coucou mon charmant meilleur ami, tu m'as terriblement manqué ».

-Tch. Ce serait te mentir. Donc tu te coupes les cheveux quand? Ça fait pouilleux.

-Jamais. Je les aime beaucoup trop et Nanaba dit que cela me rend sexy.

Je crois voir Livai lever les yeux au ciel, mais je n'y porte pas vraiment attention, connaissant l'attitude de mon meilleur ami de longue date. Nous nous sommes rencontrés à la petite école et ne nous sommes jamais lâchés depuis. Après tant d'années à se supporter mutuellement, nous ne pouvons simplement plus nous éloigner. De toute façon, mon nain connait beaucoup trop de secrets à mon sujet pour que je cesse d'être son ami. 

Après avoir rangé mon téléphone et remonté mon sac à dos sur mon épaule, je suis Livai à travers les élèves pour prendre nos horaires, numéro de casier, puis finalement observer les kiosques qui nous sont offerts. Après avoir hésité quelques secondes devant la troupe d'improvisation qui m'attire beaucoup, nous nous arrêtons finalement devant la table présentant l'équipe de baseball appelé les Titans. Assis derrière leur kiosque, deux garçons nous sourient. Le premier, cheveux sombres rasés sur les côtés aux joues creuses et l'autre, un grand blond aux yeux couleur du ciel. C'est le blond qui parle :

-Bonjour! Vous êtes intéressés à rejoindre l'équipe, les gars?

-Bof, les sports d'équipes ne sont pas vraiment mon genre, répond d'une voix lasse Livai, pas vrai Mike?... Mike?

Je n'écoute même plus Livai qui me parle, fixant avec fascination le visage carré et les magnifiques yeux océans du beau blond. J'ai l'impression que quelque chose m'a frappé à cet instant, oui, c'est ce que je ressens. Comme si rien autour n'existait, je détaille simplement ses traits fins qui m'étaient pourtant inconnus il y a quelques secondes. Comment peut-on être si beau? Cela me tourmente.

-On signe où? Soufflai-je