Je fixe Jean sans savoir comment réagir alors que les questions fusent dans ma tête. Comment a-t-il trouvé ma maison et surtout, pourquoi mange-t-il avec mes parents? Même si nous nous côtoyons tous les jours à l'école, je n'ai pas souvenir que nous soyons amis. Ce garçon est drôle et apprécié, tout le contraire de moi.

Toujours perdu, je m'assois aussi à la table pour commencer à manger mon repas maintenant froid. Au moins, il s'agit uniquement de spaghetti facile à réchauffer au micro-onde. Entre chaque bouchée, mes yeux lèvent vers l'intrus dans l'espoir de comprendre sa présence. Cette situation est loufoque...

-Ce gentil garçon attendait devant la maison que tu arrives, explique ma mère, je l'ai invité à entrer en attendant que ton entrainement se termine, mais quand j'ai vu que tu étais en retard je l'ai invité à souper.

-Oui, j'étais avec un ami. Je ne pensais pas qu'on m'attendait.

-Avec Reiner? Essai Jean, depuis un moment vous semblez très proches. Vous êtes en couple?

Je lui lance un regard assassin, la bouche pleine de nouille. Ça ne va pas de dire ce genre de chose devant mes parents! J'avale ma bouchée, essayant de me calmer afin de ne pas devenir une tomate. Ce serait trop louche.

-Reiner? Répète mon père, qui est ce garçon?

-Un ami.

Jean semble comprendre mon malaise et il n'insiste pas, préférant parler avec mon frère comme s'il était son nouveau meilleur ami. Ce dernier parait déjà l'adorer, racontant sans gêne des anecdotes de son école en y ajoutant de gros mots pour être « cool » aux yeux de l'invité. Je n'ai jamais compris l'intérêt d'employer un langage cru pour se sentir valorisé... Moi, ça m'agace et je trouve que la vulgarité n'a rien d'attirant. Heureusement, ma mère intervient rapidement pour remettre Marcel à sa place.

Une fois mon spaghetti englouti, je sors de table et je fais signe à Jean de me suivre. J'ai mangé si vite que mon ventre fait un peu mal, mais le besoin de réponses a pris le dessus. L'intrus salue ma famille en les remerciant pour le repas, puis il m'enjambe le pas jusqu'à ma chambre.

Je pénètre en premier dans la pièce, courant pour cacher les dessins qui couvrent mon bureau. Si Jean les voyait, il pourrait se moquer de moi... Il est préférable que mon secret reste uniquement révélé à un cercle restreint.

Le joueur regarde partout, curieux de découvrir ma chambre alors que je m'assois en tailleur sur mon lit, prêt à recevoir une explication à son intrusion. Sans même me demander la permission, Jean s'assoit sur la chaise de mon bureau.

-J'ai besoin de conseils, affirme-t-il.

-Tu l'as déjà dit. Pourquoi c'est moi que tu viens voir? On ne se parle jamais.

-C'est justement pour cette raison que c'est toi que je viens voir. Quand tu vas me conseiller, je sais que tu seras impartial et que tu ne vas pas me juger. J'ai déjà vu un documentaire qui disait que les gens qui parlent le moins sont ceux avec les meilleurs jugements.

Jean semble sincèrement croire ce qu'il affirme, donc j'évite de le contredire, restant muet comme une carpe. J'attends qu'il en vienne aux faits. Ce conseil qu'il souhaite recevoir doit probablement avoir un rapport avec le comportement de Marco à l'entrainement, ce qui me rend légèrement curieux.

Le garçon passe timidement sa main dans ses cheveux avant de se lancer.

-J'ai une question, souffle-t-il, est-ce que tu aimes uniquement les mecs ou est-ce que tu as déjà eu de l'attirance pour les filles?

Je hausse un sourcil, surpris par cette question. Comme Jean semble réellement avoir besoin de conseils, je décide d'être transparent dans mes réponses :

-En fait, quand je suis arrivé au collège, j'avais un faible pour Annie puisqu'elle était l'unique personne à me parler. Cependant, j'ai vite compris que ce n'était pas les filles qui m'attiraient.

Jean baisse les yeux.

-J'aime les filles, soupire-t-il, j'aime leur corps, leurs seins, leurs fesses... Je n'ai jamais désiré un mec et pourtant, j'en ai vu des mecs à poil. Tu savais que Mike se promène nu dans les vestiaires à l'école?

-Je ne vois pas pourquoi tu dis ça.

-Là où je veux en venir, c'est que cette affirmation était vraie jusqu'à récemment. Je... C'est embarrassant à dire... Ne dis rien s'il te plait quand je vais te raconter.

Je ne comptais pas dire quoi que soit de toute façon. Dans le silence, j'attends qu'il trouve le courage d'ouvrir la bouche. Après une grande inspiration, il commence son histoire :

-Voilà... En fait, hier je suis allé me baigner avec Marco à la plage qui se trouve près du grand lac. Tu sais, celle où il faut payer une fortune pour y aller? Elle ferme vers vingt heures, donc moi et Marco avons pris l'habitude d'y aller après la fermeture pour que ce soit gratuit. On laisse notre voiture et nos vêtements un peu plus loin et l'on passe par la forêt. Il n'y a personne pour nous dire quoi faire et c'est agréable. De toute façon, Marco n'aime pas se baigner quand il y a trop de gens. Ça le met mal à l'aise, mais ça, ce n'est pas important. Bref, hier il faisait beau, donc on y a été... Nous nous baignions depuis un moment quand un type est arrivé. Je crois que c'était le proprio. Il nous a crié qu'il appellerait la police avec une batte de baseball, donc on s'est enfui le plus rapidement possible dans la forêt. On s'est caché derrière un arbre en gloussant. C'est là que les choses ont dérapé... Je l'ai regardé droit dans ses petits yeux noisette. Ils sont terriblement mignons avec ses points de rousseurs. Et là, je ne sais pas ce qu'il m'a pris, mais je me suis avancé... Comme si tout était naturel, je lui ai roulé une pelle. On s'est très longtemps embrassés. Je... j'ai aimé.

-Et?

-Et quand j'ai réalisé ce qui venait de se produire, je me suis enfui comme une mauviette, sans rien dire. J'ai embrassé mon meilleur ami! Un gars! Marco!

-Et ?

-Et... Et je ne sais pas quoi lui dire maintenant! Qu'est-ce que les autres vont en penser? J'veux dire, je ne peux pas aimer embrasser Marco. Je ne peux pas ressentir quelque chose pour lui. J'imagine déjà la réaction d'Eren quand il va voir ça... En plus, j'étais ami avec son ex. J'étais ce gars de qui il ne faut absolument pas être jaloux. Est-ce qu'il va sentir que je le trahis?

Je penche la tête sur le côté, un peu surpris d'apprendre que Marco a un ex. Qui est-ce? Jamais je ne l'ai entendu affirmer sa sexualité, pourtant. Jean semble désorienté et inquiet, les yeux perdus dans le vide alors qu'il mordille sa lèvre inférieure. Je ne comprends pas pourquoi il s'inquiète tant pour tout ça. Marco est mignon et probablement la personne qui tient le plus au brun. Il est toujours là pour lui, donc la naissance de ses sentiments amoureux n'a rien de surprenant.

-Je ne savais pas que c'était Eren qui allait sortir avec Marco, répliquai-je.

-De quoi tu parles? Ce n'est pas ce que j'ai dit.

-Tu as dit que tu imaginais déjà la réaction d'Eren. Si c'est toi qui apprécies Marco, je ne vois pas pourquoi sa réaction t'influencerait. Ce n'est pas son problème ce que tu aimes, ni le problème de quiconque. C'est un choix à toi.

Jean semble réfléchir et ses yeux se remplissant doucement d'eau. Il ne va quand même pas pleurer? J'ignore comment consoler une personne en triste. Les relations humaines, ce n'est pas mon fort.  Comme je m'y attendais, le garçon fond en larmes.

Je grimace en le regardant pleurer, totalement perdu. Pourquoi a-t-il fallu que je me retrouve seul avec lui? D'un geste maladroit, ma main va tapoter son épaule de manière réconfortante. Ça fonctionne dans les films. Cependant, plutôt que se contentent de verser docilement ses larmes, Jean m'attire pour me serrer dans ses bras. Sous la surprise, je viens près tomber du lit. Il aurait pu m'avertir! Le garçon sert trop fort, rendant cette étreinte improvisée désagréable.

-Et tu sais, ajoutai-je, si tu as peur de la réaction de son ex, c'est idiot. S'il n'est plus avec Marco, c'est son problème.

-Hum... En fait, ils seraient surement restés ensemble pour toujours s'ils avaient pu. Bref, ce n'est pas à moi de te raconter ça, mais j'imagine que Marco a le droit d'être heureux à nouveau. Merci pour tout. Sincèrement.

Pourquoi me remercie-t-il?

***

Le lendemain à l'école, ni Jean, ni Marco ne sont présents. Je n'ai toujours pas compris pourquoi Jean m'a remercié hier. Ensuite, il n'a rien ajouté d'autre et il est parti. Suis-je un expert en conseil de couple sans le savoir? Si ça se trouve, je viens de trouver ma nouvelle vocation : Bertholdt, conseiller en relation. 

-Tu penses à quoi? S'enquiert Reiner en s'adossant au casier voisin du mien.

Je sursaute, ne l'ayant pas vue arriver. Le beau blond me sourit tendrement, ce qui me fait rougir. Puis-je dire qu'il est mon petit ami ou pas? Probablement pas encore... Nous nous embrassés uniquement deux fois et nous ne nous sommes pas encore dit les grands mots.

-À rien d'important, répondis-je, j'ai seulement appris que Marco avait déjà été en couple et ça me surprend.

-Ah? Il n'en parle jamais, pourtant... Au fait, j'ai quelque chose à te demander! Tu fais quoi ce week-end?

Pourquoi personne n'accepte-t-il de parler de ce mystérieux ex? Tout ça me rend atrocement curieux, mais il doit y avoir une bonne raison pour que ce sujet reste secret. Si ça se trouve, ce type a fait quelque chose d'horrible à Marco.

-Je ne sais pas, répondis-je, mes parents et mon frère vont chez ma tante. Elle ne m'aime pas beaucoup, donc j'imagine que je vais rester chez moi à dessiner.

-Si tu as besoin d'un modèle, je peux venir te tenir compagnie?

N'hésitez pas à laisser votre avis! ^^