Chapitre 3 ~ 28/7/2018
Tom aurait adoré avoir l'étoffe d'un héros.
Il a maintes fois espéré de devenir aussi musclé que ceux qui recouvraient les affiches au cinéma. Ou au moins, d'avoir déjà accompli quelque chose de brave dans sa vie, comme Hercule. Ça, ça lui aurait plu. Et si il n'avait pas eu de super-pouvoirs de télépathie, ni le don de lévitation, il se serait parfaitement contenté d'être courageux et menaçant.
Tom se sentait aussi menaçant qu'une pâquerette.
"-Tu ne vas quand même pas me laisser là !"
Le rouquin avait fixé longtemps sa mère, cherchant en vain un brin de réconfort dans ses yeux verts à l'identique des siens.
Il cherchait désespérément cette étincelle qui lui envoyait maintes fois un message style : "Ta place près d'elle, reste-y. Ne laisse surtout pas ta mère t'abandonner devant un car qui va t'emmener dans un endroit perdu au milieu de nulle part, et qui, pour couronner le tout, grouille d'adolescents inconnus."
Déjà, Tom avait l'impression d'avoir vu défiler une centaines de gens, tous plus bruyants les uns que les autres. Et grands. Comment pourrait-il apprendre quoi que ce soit sur ses passions, s'il risquait à tout instant d'être écrabouillé ?
D'ailleurs, que ce passerai-t-il s'ils le prenaient en grippe ? Même s'il faisait tout bien comme il faut (ce qui lui semblait insurmontable), ils pouvaient parfaitement la détester pour la simple raison qu'il était lui.
Lui, c'était un roux, petit, faiblard, pacifique mais surtout raffiné. Et pour effacer les trois derniers traits, il devait sans arrêt se museler pour essayer au moins, de rentrer dans le moule de la société, qui comme tout le monde le sait, devient impitoyable dès le passage à l'adolescence -et encore, ce sort était réservé aux chanceux qui ne se faisaient pas attaquer dès la primaire ou, voire et poursuivre après l'âge adulte.
"– Je n'ai vraiment pas du tout, du tout envie de rester là, répéta Tom d'une petite voix.
– Je sais, répondit sa mère d'un ton patient, mais il faut que tu rejoigne les autres. Ça va te faire du bien, crois moi...
-Je n'en suis pas si sûr, murmura-t-il en détournant le regard vers le sol."
Le bruit du moteur du car qui venait d'être enclenché le fit sursauter. Il pivota la tête et découvrit le chauffeur prêt à démarrer.
Avec un dernier regard vers sa mère, il sauta dans l'engin, juste à temps pour que les portes automatiques ne cisaillent pas son corps en deux.
" -Les première année Rémi Milan et Tom Müller habiteront au cottage 407!"
Tom se leva au-dessus de la masse de monde en dépliant la poignée de sa valise, et une pointe de panique le prit à la gorge lorsqu'il remarqua qu'il attirait l'attention.
Enfin, une pointe, c'était plus façon de parler.
Tom était véritablement pétrifié par ces regards rivés sur lui. Il s'imaginait déjà la foule le juger sur sa taille, critiquer ses vêtements... Que se passait-il dans leur têtes ? Qu'est-ce qu'il pourrait arriver ?
Un bruit sourd de chute interrompit son flot de pensées.
Instinctivement, le jeune fit volte-face et découvrit que son autre colocataire venant d'être appelé venait de se vautrer par terre.
Et immédiatement, un autre flot de craintes l'envahit.
"Et si il s'était cassé le nez ?"
Comme paralysé, le visage crispé d'effroi, Tom resta figé au milieu d'une foule qui riait à gorge déployée.
"Mais pourquoi ils rient...?"
Le première année se sentait on ne peut plus seul, à paniquer au milieu de cet amas.
"Ça fait de très longues minutes qu'il n'a pas bougé, alors qu'il n'a fait qu'une chute de sa propre hauteur !"
Les délégués étaient tous pliés de rire. Quand au directeur qui fixait la scène avec intérêt, il avait revêti un visage de marbre qui ne traduisait aucune angoisse. Ni aucune émotion, d'ailleurs.
Au bout de ce qui semblait être une éternité, l'autre adolescent remua enfin, puis leva la tête, son rire bruyant se fondant parmi ceux des autres.
Tom détourna le regard en soupirant tristement.
"Pourquoi ils ont tout de suite ri sans même demander s'il allait bien ? Non parce que, moi aussi, si une personne tombe, je rigole, mais je me soucie au moins de son état..."
Il grogna, honteux et énervé contre lui même.
"Je me fait toujours du souci pour rien, pas étonnant qu'on me traite de faible !"
Mais il n'y pouvait rien...
Suivant le plan fourni dans sa lettre, Tom commença par suivre les routes de goudron, afin de rejoindre son cottage par le chemin le plus court tout en restant sur les lignes présentes sur la carte - faut dire que les chemins paumés dans la forêt, lui, ça lui inspirait pas trop confiance.
Toutefois, il trouvait que cette colo avait l'air vraiment sympa. Tous les locaux flambants neufs étaient très jolis à son goût. À vrai dire, les petites maisons de toutes les couleurs lui rappelait beaucoup d'où il venait, l'Alsace.
Il soupira, ayant déjà presque le mal du pays.
Tous les cinquièmes étaient inscrits à un concours cette année et le gagnant qui avait remporté la première place, c'était... Eh non ! Pas lui !
Tom n'était même pas sur le podium. Il avait récolté la cinquième place.
"-Carrément arrivé au pied du pied, comme avait dit sa mère en soupirant.".
Cependant, comme le gagnant n'était pas venu -et pas intéressé par l'offre-, le deuxième partait déjà en vacances pendant tout l'été, le troisième à eu la place. Ce n'est que lorsqu'il est tombé malade, que comme il habitait relativement proche de chez lui, il lui avait redonné la place. Bizarre non ?
Ça lui était tellement tombé dessus qu'il n'avait même pas eu le temps de peser le pour et le contre avant de se retrouver dans le bus.
Mais bon, maintenant qu'il y était, tout le stress qu'il avait accumulé durant durant le voyage commençait à se calmer à petit feu.
Loin du gros amas de foule où l'on devait hurler pour se faire entendre, les environs ne comportaient à présent que quelques petits groupes de personnes qui s'exclaffaient et riaient avec enthousiasme, créant quelque chose de convivial. S'ajoute à cela que la plupart n'ont absolument aucune gêne à se balader avec des housses pour saxophone, harpe voir contrebasse qui fait limite trois fois leur taille, tels des egyptiens en train de construire une pyramide.
Les oiseaux gazouillent, les ruisseaux clapotent gaiement, la nature est présente partout -même sur le toit des cottages !- et selon les panneaux, des daims se baladent dans les environs.
"Peu ordinaire pour une colonie de vacances", pensa le rouquin.
En effet, HipPop! Ressemblait plus à un village-vacances conçue pour les adolescents.
Une odeur de chlore interpella Tom et le tira de ses pensées lorsqu'elle vint lui chatouiller le bout du nez. Il tourna la tête et vit une bâche à bulles posée au ras du sol qui se mouvait de temps à autres à côté d'un grand bâtiment, il en déduisit donc que c'était la piscine et le Spa don't le directeur avait parlé à l'assemblée.
Plus il se rapprochait de sa destination, plus le parfum de chlore se dissipait pour laisser place à une brise marine salée qui apportait avec elle l'odeur âcre d'algues en décomposition. La plage était le jardin des cottages de la zone 4, qui étaient tous tournés vers la mer.
Cependant, cette zone avait un inconvénient qui le gênait pas mal : la saturation de l'air en humidité, causée par les marais l'entourant, qui rendait l'air chaud irrespirable.
Tom ne craignait pas vraiment la chaleur, le froid le gênait plus. Mais ce n'était absolument rien par rapport à l'humidité.
Bien sûr qu'il prenait sa douche, et non il n'avait pas peur de l'eau, mais il n'aimait pas s'y trouver, c'est tout.
Le soleil qu'il affectionnait tant d'habitude le grillait sous son haut noir, bien qu'il n'allait pas tarder à se coucher. Tom avait l'impression d'être aussi rouge que la flamme qui ornait son t-shirt favori qu'il portait à l'instant.
Il remercia son lui du passé qui avait pensé à prendre une bonne demi-douzaine de litre de crème solaire. Un peu moins et c'était le bronzage vanille-fraise assuré !
C'est ça quand on à la peau tellement sensible qu'on bronze rouge si l'on ne se tartine pas assez...
Le jeune arriva enfin devant la fameuse petite maison où il allait passer son été.
Devant la porte déverrouillée avec son collier, il tendit le bras pour la pousser, mais le recula au moment de l'effleurer.
Tom avait peur que tout tourne mal dès l'instant où il entrerait dans cette maison. Une petite voix au fond de lui le lui soufflait.
Souvent, c'était la même voix qui l'empêchait d'appeler quelqu'un au téléphone, de lever la main en classe, ou de sortir de chez lui pour discuter avec des amis.
Souvent, il lui obéissait, par prudence. Comment pouvait-il faire autrement ? Elle n'avait pas forcément tort.
Une petite conversation pourrait tourner au vinaigre en un rien de temps et ruiner une amitié. Une réponse bégayée pourrait servir de pique que lui assenerai les autres. Ceux qui le voyait le jugerai sûrement dès qu'il pointait le nez dehors, et il détestait leurs visages plissés et leur regards mauvais s'infiltrant sous sa peau, qui traduisaient qu'ils le connaissaient mieux que lui-même.
Dehors, c'était l'inconnu. Le non maîtrisé. Tout pouvait arriver. Le seul moyen de contrer toutes ces horreurs était d'obéir à sa voix intérieure qui lui disait de rester cloîtré chez lui, en sécurité.
Parfois, c'était lourd. C'était comme se balader avec un énorme crocodile bleu fluo qui vous menaçait de vous manger la main si vous ne faites pas ce qu'il dit, mais invisible pour les autres, qui justifiaient vos actions par ce qu'ils auraient fait eux.
Mais ce n'était pas le moment de lui céder.
Tom soupira un bon coup, agita un peu les épaules, puis tira d'un coup sec la sangle de sa pochette de guitare, comme pour oublier l'angoisse qui lui serrait les côtes.
"Allez, ça ne peut pas être si terrible que ça... non ? "
La porte de la chambre se referma avec un BAM!, laissant Tom planté au milieu de la pièce, incrédule.
Son colocataire venait tout juste de lui claquer la porte sous le nez, affirmant que c'était le chef, sans même qu'ils aient échangé leurs noms.
"-Mais qu'est-ce que je suis nul ! S'écria Tom en jetant sa valise."
Il sentit son sang bouillonner dans ses veines, l'envie folle de réduire quelque chose en cendres lui faire tourner la tête. Il laissa échapper un grognement de rage, une force invisible crispait ses mains en un poing qui allait atterrir en plein sur la barrière du lit superposé, c'est-à-dire l'objet le plus proche de lui.
Et lorsqu'il n'était qu'à quelque centimètres de réduire l'imposant cadre de bois en miettes, il se rendit compte de la folie qui l'avait possédé et baissa sa main levée.
Ce lit ne lui avait rien fait. C'était contre lui qu'il était énervé.
Tom baissa les yeux.
Son anxiété lui faisait faire n'importe quoi, comme s'enrager sans aucune raison pour évacuer le stress. Certains mangent, certains pleurent, d'autres ont des crises de panique... Lui, son problème, c'était d'éclater dans une colère aveugle qui lui faisait perdre les pédales, et quand il reconnectait, tout était détruit autour de lui.
"Ne t'énerve pas pour des idioties pareilles" pensa-t-il. "Réfléchis aux conséquences."
"-Ouais, t'as raison. À plus."
Le rouquin tourna la tête et aperçut le visage d'un inconnu.
Ouvrant plus grand la porte d'un coup de bras indifférent, il raccrocha puis rangea son téléphone dans la poche droite de son short avant de se rendre compte que quelqu'un était dans la pièce.
Il fit face à Tom, et la première chose que ce dernier remarqua chez lui était ses yeux bleu-gris croisés.
"-D'où est-ce que tu sors ?
-Euh... Du couloir, répondit l'inconnu en un haussement d'épaules, tout en gardant ses yeux croisés et en le regardant le visage légèrement de côté.
-Euh... D'accord... Mais... Bon sang tu veux bien arrêter de loucher ? C'est énervant !"
Il pince les lèvres une seconde.
"-Je ne peux pas"
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