Brian retrouva ses coéquipiers au réfectoire à l’heure du déjeuner. Ces derniers le couvrirent de questions sur sa santé et semblèrent ravis de constater qu’il mangeait à nouveau normalement. Plusieurs connaissances s’approchèrent de leur table pour prendre de ses nouvelles. Une certaine excitation animait la grande salle. À l'avant-veille des préparatifs pour les compétitions inter-agences, les discussions tournaient autour des tournois et concours qui approchaient.

— Je vois que l’expérience de ton enlèvement ne t’as pas coupé l’appétit, fit remarquer Mayumi à Lucas qui dévorait son bol de nouilles.
— C’est curieux quand j’y pense, ajouta Sidney. Tu réapparais comme une fleur après avoir disparu pendant des jours. A te voir, on ne dirait pas du tout que tu avais été enlevé.
— Ne me dites pas que vous vous attendiez à ce que je rentres en ambulance, totalement déshydraté, affamé et blessé, plaisanta Lucas. C’est gentil à vous, mais les choses ne se passent pas toujours comme dans les films, vous savez.
— Une chance pour toi, intervint Yoey. Parce que ces cas ne sont pas rares non plus. Tes ravisseurs devaient être drôlement sympas.
— Pas assez pour se soucier de mon confort et de la variété de mon alimentation, en tout cas. Pour le reste, désolé de vous décevoir, mais j'ai conservé tous mes moyens.
— On ne va sûrement pas se plaindre que tu nous soit revenu en un seul morceau, sourit Sidney.
— Et tu n’as pas intérêt à nous refaire un coup pareil. Tu n’imagines pas à quel point on s’est fait du souci.
— Je suis désolé pour ça. C’est fini les enquêtes en cachette, c’est promis. Après, je ne peux pas promettre de ne plus jamais me faire kidnapper.
— Les risques du métier, évidemment. Mais je suis sûr que tu sauras faire un petit effort, sourit Sidney.

Les agents déjeunèrent en silence pendant quelques instants, concentrés sur leurs repas. Brian brulait de connaitre la version de Lucas sur ce qui s’était passé le soir de leur intrusion dans la salle de contrôle. Il éprouvait le besoin de tout savoir et, de toute évidence, c’était le Hacker qui avait le plus d’informations au sujet de cette soirée. Mais il souhaitait le lui demander en privé et le moment était sans doute mal choisi.

― Ça vous dirait de faire le tour de l’enceinte pour voir les installations qui ont poussé pour accueillir l'évènement ? proposa Mayumi.
― Très bonne idée, approuva Brian avant d’enfourner son dernier morceau de dessert. On devrait aussi en profiter pour donner un coup de main, il ne faut pas l’oublier.
― J’ai vraiment hâte qu’on soit à demain, fit Luna. On aura enfin du temps libre pour profiter des évènements. En plus, c’est toujours un plaisir d’accueillir les Annexes.
― On peut dire ce qu’on veut de leur caractère, on s’est quand même fait de bons amis du Bureau d’Osaka l’année dernière.
― Alors c’est vrai ? demanda Britney. Tous les agents des trois autres Bureaux NSIS du pays vont venir ici pour les tournois ?
― Ils doivent être assez nombreux, non ? demanda sa sœur. Le Bureau Principal a de quoi tous les accueillir ?
― En fait, l’effectif des Bureaux Annexes n’est pas si énorme, expliqua Lucas. Le Bureau de l'Est compte en tout et pour tout soixante-dix agents opérationnels, toutes catégories confondues. Les agents major d’Osaka sont un peu plus d’une centaine. Pendant leur séjour ici, les seniors sont souvent hébergés au dernier étage de la Résidence ou dans les quelques suites privées du bâtiment principal. Et les majors ont tout le parc de la Résidence et même le toit pour s’installer en mode camping. Ça donne une ambiance assez agréable en fait.

Brian s’étira en lâchant un soupir.

― Je me demande où est Erimo. Ça m’étonne un peu qu’il ne soit pas venu déjeuner avec nous. Quelqu’un l’a vu de la matinée ?
― Non, il est sûrement occupé avec Yoan, comme d'habitude.
― Ou alors, il est tout simplement en train de déjeuner avec lui dans l’aile VIP à côté, fit Yoey en triturant un morceau de poulpe, tout en essayant de paraitre désintéressé.

Ses gestes contenus lorsqu’il posa ses baguettes et vida le contenu de son bol de soupe miso le trahirent malgré tout.

― Ça me rappelle qu’on avait prévu de régler un certain problème à notre arrivée au Bureau, sourit Lucas.
― Je dois admettre qu'à ta place, je trouverai injuste que mon frère ne m'ait jamais invité à un dîner VIP alors qu'il le fait régulièrement pour un autre, fit Mayumi avec un sourire taquin. Pour cette fois, ta jalousie est plutôt justifiée.

Les agents portèrent leurs plateaux vides jusqu’au tapis roulant devant les acheminer aux cuisines. Alors qu’ils se dirigeaient vers la sortie, Brian aperçut Tatsuya trois tables plus loin.

― Partez devant, je vous rejoins tout à l’heure, fit-il à l’intention de ses coéquipiers.

Lorsqu’il s’installa en face de son jeune rival, celui-ci le toisa d’un œil froid avant de faire mine de s’intéresser à nouveau au contenu de son assiette.

― Qu’est-ce que tu me veux ? marmonna-t-il sur un ton glacial.
― Seulement discuter, dit Brian avec calme. Amicalement. Je sais que ça ne doit pas être facile pour toi en ce moment. Moi aussi j'avais le trac lorsque...
― Tu n’en sais rien du tout, répliqua Tatsuya avec agacement. Et ce n’est pas parce que tu as déjà gagné ce concours que j’ai besoin de toi pour le faire.
― Non, tu as raison. Mais c’est pour le Bureau qu’on doit remporter la victoire, ne l’oublie pas. Et même si je ne participe pas, je tiens au moins à donner ma contribution. On n’est pas ennemis, tu le sais. Si tu as été sélectionné comme candidat à ce concours, c’est parce que tu peux le remporter. Et je serai vraiment ravi que ce soit le cas. Mais je ne peux pas t'y aider si tu ne m’expliques rien.

Tatsuya se décrispa. Son expression s’adoucit quelque peu. Brian se sentit soulagé. Avec un peu de chance, son jeune rival finirait peut-être par s’ouvrir à lui.

― Alors laisse-moi t’aider, s’il te plait. Tu pourrais peut-être commencer par me dire pourquoi tu tiens tant à gagner ?

Le jeune major s’arrêta de piquer dans son assiette de raviolis et regarda le Leader en face, le regard détendu. Un regard dans lequel Brian crut lire une certaine tristesse.

― Je m’entraine tous les soirs après les cours, jusque tard dans la nuit. Il faut que je sois au top si je veux remporter la première place à cette compétition. Il y a quelqu’un en particulier dont j’aimerais attirer l’attention. Mais ça ne sera pas le cas si j’échoue encore une fois. Et puis, tout le Bureau attend de voir si je suis à la hauteur pour obtenir les mêmes résultats que toi.
— Tu cherches à impressionner quelqu’un, répéta Brian. Et je peux savoir qui c’est ?
— Comme si j’allais te le dire, maugréa Tatsuya.
— Excuse-moi de m’en mêler, mais si c’est une affaire de cœur, je pense qu’il doit y avoir des moyens moins compliqués et plus romantiques d’attirer l’attention d’une fille, tu ne crois pas ?

Tatsuya le dévisagea comme s'il avait fait la remarque la plus stupide au monde.

— Tu plaisantes, c'est ça ? Il faut que je gagne ce concours, c’est tout. Comme ça, tout le monde reconnaîtra enfin que je suis un agent d'exception. Je deviendrai senior avant même d'avoir 15 ans et les minables dans ton genre arrêterons de me regarder de haut.

Brian poussa un soupir. Tatsuya avait sans doute simplement besoin de se prouver sa propre valeur.

― Bon écoute, je suis aussi passé par là, repris Brian. La première fois que j’ai eu à participer à ce concours, j’avais le champion de cette époque comme mentor. Il trouvait que j’étais capable de le remplacer en tant que champion du QG Principal et m’a chaudement recommandé pour cette compétition.

Il fit une pause comme pour rassembler ses souvenirs.

― Au début, ce n’était pas pour me déplaire et j’appréciais qu’il ait autant confiance en moi. Mais dès que j’ai vu que nos concurrents Annexes avaient beaucoup plus d'expérience que moi, j’ai commencé à m’inquiéter. D’un seul coup, je me suis senti incapable. J’étais tellement stressé que j’ai fait un peu n’importe quoi le jour J. Bien entendu, j’ai fini dernier. 

Tatsuya, qui l’avait écouté avec intérêt, pouffa de rire au récit de cette mésaventure.

― Tout ça pour te dire de ne pas te prendre la tête. Qui sait de quoi tu serais capable si tu participais à ce concours avec la hargne qu'on te connait ? Et puis, avec moi en moins dans la course, tu as quand même toutes tes chances.
― Mais quel frimeur ! le railla Tatsuya.

Puis il adressa à Brian un regard de défi.

— Ne vas pas croire que je serai plus sympa avec toi parce que tu es venu me parler. Je finirai bien par te dépasser un jour. Et la prochaine fois qu’on s’affrontera, tu n'as pas intérêt à me refaire le coup de la boussole détraquée !
— Compte sur moi, champion, sourit Brian.

Il se leva de table et regarda en direction de ses coéquipiers, qui lui faisaient signe près de la sortie.

― Je dois te laisser. Si tu as besoin de moi avant le grand jour, n’hésite surtout pas. J’ai du temps à revendre d’ici demain vu que je ne participe plus. Et je te conseille de te reposer complètement un jour avant la compétition si tu veux participer avec toute ton énergie.
― Ouais, ouais, okay, fit Tatsuya d’un air désinvolte, s’efforçant de dissimuler son embarras. En fait, je crois bien que ça pourrait m’aider que tu viennes me voir en coulisses avant le début de l’épreuve.
― Avec plaisir, Tatsuya. Appelle-moi au moment venu si tu ne me vois pas arriver, on ne sait jamais.

Brian retrouva ses coéquipiers à la sortie du réfectoire.

― Eh bah, je ne m’attendais pas à ce que tu fasses la causette à ton rival avant la compétition, fit remarquer Yoey.
― Un vrai phénomène, ce petit Tatsuya, renchérit Mayumi. Qu’est-ce que tu lui as dit ?
― Simplement qu’il pouvait compter sur moi pour l'aider à se préparer au concours.
— C'est de bonne guerre, admit Yoey en haussant les épaules. Même s’il m’agace profondément, s'il gagne ce sera quand même au profit de notre QG.

Brian regarda sa montre.

― Je dois me dépêcher, je vais être en retard à mon entraînement de judo.
― Moi aussi, dit Lucas. On y va tout de suite ? Je suis prêt.
― Je dois d’abord passer à l'appartement récupérer mon sac, signala Yoey. Vous pouvez me devancer, je vous rejoins.
― On se retrouve devant le dojo, indiqua Lucas.
― Je n’aurai peut-être pas dû manger autant avant un entrainement de ce genre, grimaça Brian. En plus, il y a cet escalier interminable à monter. Je sens que je vais le regretter.
― Tu n’as pas intérêt à tout rendre, le prévint Mayumi. Pour une fois que tu avales quelque chose après des jours sans appétit.
― Ne force pas trop à l’entrainement non plus, l’avertit Luna. Il y en aura d’autres, tu peux même reporter si tu ne te sens pas bien.

Brian était ému par tant de sollicitude de la part de ses compagnons.

― Ne vous en faites pas, sourit-il. Je saurai me ménager dorénavant, promis.

Presque aussitôt, son téléphone et ceux de ses coéquipiers produisirent simultanément une alarme caractéristique. Le message d'urgence qui s’afficha à l’écran annonçait une opération de terrain.
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