Chapitre 45
La porte des locaux du service de recrutement du QG s’ouvrit lentement, faisant tourner la tête à son unique occupant, qui sourit avant d’interrompre un moment son travail.
― Bonjour, chef, accueillit Owen. Je t'attendais justement. Comment s'est passé ta matinée de cours ?
Daisuke accrocha son pardessus près de la porte, posa ses livres sur la table basse vitrée puis s'installa dans le canapé.
― Sans commentaire, répondit-il en étirant ses bras l'un après l'autre vers le plafond. Pardon d'avoir dû vous fausser compagnie hier. Akira n’est pas là ?
― Il doit superviser le test d’attribution de rôle d’un major, au septième, dit Owen en allant préparer du café à la machine. Pour hier, ce n'est rien, on s'en est plutôt bien tirés. Les jeunes ont assuré pour le test de recrutement. Les résultats sont prêts si tu veux les voir. Je pense que nous avons un nouveau Défenseur tout trouvé.
― C'est parfait, lâcha Daisuke d'un air absent.
Son collègue lui adressa un regard étonné.
― Tu es sûr que ça va ? demanda son collègue roux en lui tendant une tasse remplie de café. Je te trouve un peu ailleurs, ces temps-ci. Tu n’es pas très enthousiaste pour quelqu'un qui a parié sur la qualité irréprochable de cette cible. Tu peux être fier, ta prédiction s'est encore avérée exacte. Akira va finir par te jalouser.
Daisuke avala une gorgée du liquide chaud et amer.
― L’ambiance pendant les cours n’est plus tout à fait la même depuis que Weber nous a quitté. Je sais bien que ce qui est fait est fait mais je n’arrête pas de penser qu’on aurait pu empêcher ce qui s’est passé.
― Je te comprends. Perdre un agent comme lui est une vraie déchirure. Il était en pleine progression, promis à une belle carrière. Je n'ai pas de mots pour qualifier le gâchis que ça représente.
Il fit pivoter son fauteuil vers Daisuke.
― À propos, j'ai entendu dire qu'un senior du Bureau d'Osaka a été envoyé ici pour prendre part à l'affaire. Est-ce que c'est vrai ?
Daisuke esquissa un sourire ironique.
― C'est à peu près ça, dit-il. Si on en croit Yoan, il peut être considéré comme mon remplaçant auprès du Comité.
― En parlant de ça, hésita Owen, je ne comprends toujours pas pourquoi tu as tenu à te retirer de l'affaire. C'est pourtant le type d'enquêtes dans lequel je te voyais t'investir.
― Il n'y a rien à comprendre, fit-il sur un ton neutre. Je pense qu'avec ou sans moi, ils s'en sortiront très bien. Le Comité pourra toujours m’interroger s'il a besoin de certaines informations sur Weber, mais ma coopération s'arrêtera là.
― C'est vraiment dommage. Je suppose que personne ne te fera changer d'avis.
― Tout juste, dit-il en posant sa tasse à moitié pleine sur la table basse.
Il retourna vers la porte et tira un paquet de cigarettes et un briquet des poches de son pardessus.
― Pour en revenir à nos attributions, reprit-il, je vous laisse vous charger du processus d'information de notre nouvelle recrue potentielle, avec Akira. Je m'occuperais des derniers détails et nous pourrons l'intégrer à la liste d'attente définitive pour la formation initiale. Si tu as besoin de moi, je suis au douzième.
Daisuke monta les dernières marches menant à l'étage à ciel ouvert situé au sommet du bâtiment. Le douzième étage offrait une vue imprenable sur l'ensemble du site du Bureau. Deux angles du toit étaient hérissés d'antennes aux formes variés, évoquant les outils d'un couteau suisse. Un doux vent maritime en provenance de la côte y soufflait en permanence.
Le senior se dirigea vers les hangars dressés à proximité de l’héliport qui occupait le centre de l'étage. Un espace de repos, meublé de quelques tables et de chaises pliables, était aménagé sous le hangar. Daisuke se mit à l'ombre, s'adossa à un pilier de béton, alluma une cigarette et inspira une bouffée de nicotine qui le détendit instantanément. Il prit ensuite son téléphone et consulta sa messagerie.
Tanuki lui avait adressé quatorze messages non lus. En dépit du fait qu'il avait brutalement mit fin à leur collaboration, Daisuke ne pouvait que saluer la ténacité de l'adolescent. Ce dernier n'avait pas rompu sa part d'engagement et avait continué à lui envoyer les informations recueillies chez l'ennemi en temps réel. Peut-être dans l'espoir que le senior revienne sur sa décision. À moins que ce soit par peur de se voir dénoncé. Quoi qu'il en soit, Daisuke appréciait secrètement les tentatives de l'agent pour retenir son intérêt. Il savait ce qu'il désirait et s'appliquait à le lui offrir. Il ouvrit la discussion et en parcourut les messages.
« Les Loups semblent posséder une base secrète reculée, un endroit par défaut où ils sont censés se trouver lorsqu'ils ne sont pas en mission dans le pays. Chacun d'entre eux semble avoir une sorte de mandat, un temps déterminé pendant lequel il doit assurer une mission ou plus généralement les affaires de la ''meute'', pour ensuite retourner à cette base.
D'après mes recherches, Davy en a encore pour sept jours avant de terminer son mandat. Je devrais probablement le suivre là-bas au moment venu. »
Daisuke scrolla parmi les images, fichiers et enregistrements audio qui attestaient les dires de son informateur. Il décida de les examiner plus tard. Une préoccupation l'obsédait depuis la mort de son élève. Jusqu'ici, il s'était résolu à rester ferme en s'abstenant de témoigner le moindre intérêt à Tanuki et ses agissements, comme il l’avait résolu. En règle générale, il détestait avoir à revenir sur sa parole. Mais pour l'heure, il ne pouvait compter que sur le jeune agent s'il voulait obtenir suffisamment de données pour accomplir ce qu'il avait en tête.
Il toucha alors la barre de réponse de sa messagerie et entra rapidement un message.
« Dis-moi tout ce que tu sais sur ce Davy. Les lieux qu'il fréquente, ses proches, ses habitudes, jusqu'à son coiffeur et ses heures de sieste, je veux tout savoir. »
Il envoya le message et éteignit le téléphone. Alors qu'il tirait une nouvelle bouffée de cigarette, il crut sentir une présence à quelques mètres de lui.
― Hakuya-san ? fit une voix juvénile.
Le senior détailla le blondinet au visage angélique d'à peine quinze ans qui s'approchait de lui, tenant sous le bras une boite aux dimensions d'un carton de pizza.
― Lui-même, répondit-il en lui adressant un sourire bienveillant, reprenant son masque de jovialité. Vous n'êtes pas en cours, mon garçon ?
― Je suis en visite dans ce Bureau pour les vacances. Je m'appelle Erimo Shimizu.
― En effet, vous n'êtes pas l'un de nos agents. Votre nom me rappelle celui d'un prodige du Bureau d'Osaka dont j'ai entendu dire qu'il serait entre nos murs. J'ai vu juste ?
― Vous êtes bien informé, sourit Erimo. Et vous, vous êtes bien l'éminent stratège qui conçoit les plans des opérations de haut niveau du NSIS, avec des taux de réussite impressionnants. Les interventions menées sur l'archipel d'Okinawa en rapport avec le démantèlement d'un réseau criminel russe ont beaucoup fait parler de vous.
Daisuke dût dissimuler sa surprise. Ce garçon n'était décidément pas ordinaire. À l'évidence, il avait fait des recherches à son sujet. Ses propres élèves et même certains de ses collègues au QG n'étaient pas au courant de ses implications dans les opérations de haut rang du NSIS. Et pour cause, la plupart de ces missions étaient classées secret défense et lui-même préférait opérer depuis les coulisses.
― Vous avez l'air d'en savoir un rayon sur moi, commenta-t-il avec une pointe de méfiance. J'ignorais que j'étais autant connu au Bureau d'Osaka.
― J'ai aussi appris que vous étiez très fort au shogi* et aux jeux d'échecs en général, pratiquement imbattable.
― Pratiquement ? Voilà qui me blesse, ironisa Daisuke. J'ai intérêt à vite redorer ma réputation. Peut-être souhaiteriez-vous m'en donner l'occasion ?
Erimo émit un petit rire, nullement découragé par la remarque du senior.
― Ça tombe bien, j'avais hâte de vous rencontrer et de disputer une partie, continua-t-il tout sourire en posant la boite d'échecs sur la table la plus proche. Me ferez-vous l'honneur de jouer avec moi ?
Daisuke observa fixement Erimo et réfléchit quelques secondes. Derrière l'innocence de sa proposition, l'attitude du garçon semblait cacher une intention moins avouable, qui l'aurait motivé à entrer en contact avec lui. Daisuke décida cependant de saisir cette occasion d’en savoir plus sur l’adolescent.
― Comment refuser, face à un tel enthousiasme, répondit-il en prenant place, tandis que le garçon ôtait le couvercle du jeu. Je suppose que nous nous passerons de minuteur. J'ai l'habitude de jouer avec les Noirs.
― Alors, je prendrais les Blancs, fit Erimo en disposant les pions de chaque côté de l'échiquier. Je vous laisse commencer.
Daisuke écrasa sa cigarette dans le cendrier en bord de table puis avança son premier pion. Les deux adversaires restèrent concentrés sur le jeu durant les six premiers coups, avant qu'Erimo ne commence à faire la conversation.
― Y a-t-il quelqu'un qui rivalise avec vous dans votre entourage ?
― Je connais bien deux ou trois personnes qui font de bons adversaires, répondit Daisuke, les yeux rivés sur le jeu.
Il déplaça son cavalier de manière à capturer un pion blanc tout en attaquant le roi de son adversaire.
― Et c'est peut-être trop tôt pour le dire, mais vous pourriez bien en faire partie, poursuivit-il en levant enfin les yeux sur son adversaire. Je ne ménage pas mon jeu depuis le début et vous résistez plutôt bien. J'espère ne pas être déçu.
― J'avoue que je pensais être pris pour un débutant et avoir un traitement de faveur, sourit Erimo. Vous êtes aussi impitoyable qu'on le dit.
Il repoussa le cavalier de Daisuke en mettant sa reine en mouvement.
― Tous les agents parlent de la mort du Leader survenue la semaine dernière. Vous le connaissiez ?
― Evidemment. C’était un chef d'équipe remarquable, soit dit en passant. Il nous manquera beaucoup.
― Toutes mes condoléances. Que lui est-il arrivé ?
― Accident de voiture alors qu'il rentrait au QG, répondit-il en capturant un pion adverse pour la quatrième fois.
― Le Comité d'Enquête à l'air de penser que son accident a été provoqué. Ça prouve bien que quelqu'un avait un intérêt à le voir mort, n'est-ce pas ?
― En effet, dit-il en mettant une tour blanche hors-jeu.
― Il parait que vous étiez plutôt proche de l'agent Weber et que vous aidez habituellement le Comité dans ses recherches. Vous ne sauriez pas quelque chose qui pourrait les aider, par hasard ?
Daisuke croisa les doigts sur la table et regarda Erimo droit dans les yeux.
― J'ai accepté votre invitation à jouer pour me divertir, pas pour subir un interrogatoire. Nous ferions peut-être bien d'arrêter là, puisque de toute évidence, vous n'êtes pas réellement intéressé par le jeu.
― Mais si, je vous assure, se défendit Erimo. Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? Je ne faisais que poser des questions.
― Vous restez constamment en mode défensif et vous avez déjà perdu le quart de vos pièces. Et puis, si disputer une partie avec moi était votre priorité, je vois mal en quoi l'affaire autour de la mort d'un agent qui n'est même pas de votre Bureau d'origine devrait vous préoccuper.
Erimo compris que le senior l'avait percé à jour. Il renonça à se justifier et baissa la tête.
― Vous avez raison. Je vous demande de m'excuser. J'aurai dû vous le dire dès le début, je suis là pour aider le Comité à trouver l'agent double qui opère dans votre Bureau. Et peut-être trouver du même coup celui qui est responsable de la mort de cet agent.
Daisuke croisa les bras et se laissa aller contre le dossier de sa chaise.
― J'apprécie votre franchise. Et je ne peux que vous soutenir pour ce qui est d'essayer de rendre justice à l'un de nos agents. Mais présentement, ce n’est pas le sujet.
Puis il se pencha en avant.
― Je sens que vous feriez un adversaire intéressant si vous y mettiez un peu du votre, dit-il. Il y a longtemps que je n'ai plus eu de tournoi digne de ce nom et j'en suis nostalgique. Pour l'instant, j'avoue être déçu et vous n'avez pas l'air très intéressé non plus.
Erimo réfléchit quelques instants.
― Alors, que diriez-vous de rendre les choses un peu plus intéressantes ?
― A quoi pensez-vous ? demanda le senior avec un large sourire, comme s’il avait espéré qu’Erimo lui fasse cette proposition.
― Nous pourrions mettre des intérêts ou des récompenses en jeu. Le gagnant exigerait quelque chose de la part du perdant.
Daisuke acquiesça, apparemment satisfait.
― Si je gagne, je ne demanderais qu'à emporter votre roi avec votre signature apposée en dessous comme pièce à conviction de ma victoire contre vous, sans mauvais jeux de mots, sourit-il.
― Et si c'est moi qui gagne, poursuivit Erimo, vous répondrez à trois de mes questions en toute franchise et sans en refuser aucune.
― Ça me convient parfaitement, dit Daisuke.
― Alors marché conclu. Je vous préviens tout de suite que ces questions sont en rapport avec l'enquête du Comité.
― Ne soyez pas si impatient, vous n'avez pas encore gagné. Je suppose que nous sommes d'accord pour nous donner au maximum à partir de maintenant ?
Erimo acquiesça puis se redressa sur sa chaise.
― Alors c'est à vous de jouer, l'informa Daisuke.
Erimo réorganisa son jeu en quelques coups. Durant les minutes suivantes, il parvint à se débarrasser d'un pion et d'un fou de l'adversaire et à dominer l'échiquier de sa reine pendant un laps de temps. Pour le contrer, Daisuke exploita l'infériorité numérique de son adversaire en amorçant l'avancée d'une chaîne de pions sur le flanc défaillant du camp adverse, réussissant à rafler trois pièces sur son passage et à promouvoir un pion en reine. Dans le même temps, sans se démonter, Erimo se fraya un passage jusqu'au camp ennemi via sa tour unique, créant une colonne ouverte et dépourvue de pièces freinant l'avancée des autres pions adverses. Il profita de cette ligne de défense - et du fait que Daisuke soit occupé par sa manœuvre - pour réorganiser son jeu au plus près des pièces noires et faciliter sa prochaine attaque. Une série de coups plus tard, il parvint à capturer trois pièces adverses qu'il visait mais se retrouva avec quatre dernières pièces à son jeu : roi, reine, tour et cavalier. Il estima toutefois qu'elles seraient suffisantes pour gagner la partie. Quelques coups plus tard, contre toute attente et grâce à une organisation savante de ses dernières pièces, il parvint par deux fois à forcer son adversaire à sacrifier des pièces pour protéger son roi et à le mettre en échec sans qu'il ait d'autre choix que de se déplacer.
Mis en difficulté par les manœuvres d'Erimo et malgré son nombre de pièces plus important, Daisuke observa longuement le jeu puis lâcha un soupir.
― J'abandonne, dit-il.
Erimo lui adressa un regard étonné.
― Mais... nous n'avons pas terminé et je suis sûr qu'il vous reste d'autres atouts dans votre manche, protesta-t-il. Pourquoi vous arrêter si subitement ? Est-ce que vous êtes toujours déçu de ma manière de jouer ? À moins que vous ne craigniez d'essuyer une véritable défaite ?
― Tu as été exceptionnel et j'ai apprécié ton jeu, félicita Daisuke sur un ton sincère en passant tout à coup au tutoiement. Tu as été capable de reprendre les choses en main même après ton relâchement du début. Mais à partir d'ici, c'est joué d'avance. Si je dois continuer, nous finirons en match nul et je hais cette situation encore plus que la défaite.
― Vous auriez au moins été assuré de garder vos informations pour vous.
― Les échecs ont au moins le mérite d'offrir une occasion d'apprentissage. Un match nul n'apporte rien en lui-même, en plus de constituer une perte de temps et d'énergie. Pour moi, la partie ne vaut plus la peine d'être poursuivie.
― Dans ce cas, repris Erimo sur un ton ferme, vous devez reconnaitre ma victoire et honorer votre engagement.
Amusé de l'expression sérieuse de l'adolescent, Daisuke éclata de rire, laissant Erimo perplexe.
― Ne t'en fais pas, je suis un homme de parole.
Il alluma une autre cigarette et la porta à ses lèvres.
― Tu peux poser tes trois questions. Je te conseille de bien les choisir. Dis-toi que mes réponses seront les plus brèves possible et que rien ne m'oblige à argumenter.
Erimo ouvrit son carnet de poche, réfléchit quelques instants puis fixa Daisuke.
― Tout d'abord, j'aimerais m'assurer d'une chose. Est-ce que vous pensez que la mort de l'agent Weber a vraiment quelque chose à voir avec sa dernière mission d'infiltration ?
― Oui, aucun doute là-dessus.
― Bien. Avez-vous déjà essayé de dissuader Weber de rapporter certaines informations de cette mission au Comité d'Enquête ?
― Oui, répondit le senior.
Erimo fronça les sourcils.
― Je croyais que faire obstruction au rapport des informations issu des missions était interdit par la règlement. Vous l'avez menacé ? Il ne m'avait pas l'air de quelqu'un qui aurait pu accepter de désobéir aussi facilement.
Daisuke attrapa sa cigarette entre son majeur et son index puis haussa un sourcil.
― Est-ce ta dernière question ?
― Non, se reprit Erimo, réalisant la bêtise qu'il avait manqué de commettre. Compte tenu de ces confidences, est-ce que l'agent Weber ou vous-même saviez qui est l’agent double qui opère au sein de ce QG ?
Cette fois, Daisuke hésita. Conscient que les questions posées par le jeune analyste lui indiqueraient si le Comité se rapprochait ou non de la vérité, il n'avait vu aucun inconvénient majeur à accepter le défi d'Erimo. Mais la révélation qu'il s'apprêtait à faire ne serait peut-être pas sans conséquences.
― Nous le savions tous les deux avant qu'il ne décède, avoua-t-il.
Erimo n'en revenait pas. En vérité, ce cas de figure était au nombre des dernières hypothèses qu'il avait pu considérer.
― Vous connaissez l'agent de ce Bureau qui est de mèche avec l'ennemi et qui est complice ou même auteur de la mort de l'agent Weber ?
― Je viens de répondre.
― Mais pourquoi ne dites-vous rien à personne ? demanda Erimo avec un étonnement mêlé d'indignation. Quel intérêt avez-vous à taire ces informations ?
― Tu as épuisé ta dernière question tout à l'heure, mon garçon, dit-il en regardant sa montre puis en se levant de table. Excuse-moi mais il faut que je te laisse. Merci de m'avoir diverti.
― Qui est cet agent ? insista Erimo en quittant sa place pour le suivre. Pourquoi le protégez-vous ? Vous rendez-vous compte qu'en gardant le silence, vous serez considéré comme un complice dans cette affaire ?
― C'est adorable de t'inquiéter pour moi alors qu'on se connait à peine, le nargua Daisuke. Si tu veux savoir, je suis prêt à assumer pleinement ce qui adviendra.
― Et moi dans tout ça ? fit Erimo dans un élan de panique. Qu'est-ce que je suis censé faire maintenant que je suis au courant ? Vous ne craignez pas du tout que j'aille rapporter ce que vous venez de m'apprendre au Comité ?
― Tu es libre de faire ce que tu veux de ces informations, lança le senior sur un ton désinvolte en se dirigeant vers les escaliers menant à l'étage inférieur. Je ne t'en voudrais absolument pas. Tu les as gagnées, après tout.
Confus, ne sachant plus comment réagir, Erimo le regarda refermer la porte derrière lui. Loin de s'attendre à ce retournement de situation, il ignorait quelle attitude adopter. Tout était trop facile à son goût. Il savait que le senior avait répondu sincèrement, mais Daisuke s'était peut-être habilement moqué de lui en lui laissant la responsabilité des secrets qu'il croyait lui avoir soutirés.
Il n'en restait pas moins que l'instructeur semblait étonnamment indifférent à son propre sort et qu'il ne pouvait le contraindre à se dénoncer de lui-même aux autorités du Bureau. À moins qu'il ne se sache intouchable d'une manière ou d'une autre ? Sans compter que ces affirmations en elles-mêmes ne suffisaient pas vraiment à inquiéter le senior.
Erimo lâcha un soupir dépité. À présent, c’était à lui de trouver les preuves nécessaires et suffisamment crédibles pour accuser un cadre supérieur du NSIS de couvrir un agent double.
Il retourna à la table où ils avaient disputé leur partie et commença à ranger les pièces et l'échiquier dans leur boite. Il considéra un moment les pièces noires utilisées par Daisuke, se protégea la main d'un mouchoir et en attrapa quelques-uns qu'il mit de côté.
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*Shogi: Jeu d'échecs japonais
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