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— Tony...
— Non, laisse-moi réfléchir, il y a forcément un moyen de tracer le message. Il a été envoyé d'un téléphone, il ne reste plus qu'à le localiser, et...
— Tony, tu as entendu Friday, elle a dit que le signal du téléphone avait disparu, et qu'il lui était donc impossible de le localiser. L'heure tourne, il ne nous en reste plus que trois. Il faut réfléchir sur l'énigme, pas sur la localisation d'un téléphone fantôme.
— Je ne vais certainement pas rentrer dans son jeu, c'est ce qu'il veut.
— Ce type est intelligent, il n'aurait jamais réussi à entrer dans ton système dans le cas contraire. Je t'en supplie, aide-moi avec l'énigme.
Tony soupira. Il avait passé la dernière heure à regarder tous les fichiers numériques que lui avait trouvé Friday dans l'espoir de retrouver une trace de son fils, sans succès. Il se pinça l'arête du nez en refoulant ses larmes, avant de se tourner vers son époux.
— Qu'est ce que tu as compris avec ce charabia ?
Steve lui lança un sourire reconnaissant, avant de tourner son regard vers la feuille de papier sur laquelle l'énigme était retranscrite.
— Selon moi, Peter est dans les sous-sols, ou au rez-de-chaussé, d'un bâtiment ancien. Regarde, avec le « sorti d'une autre époque » et le « vaut mieux aller en bas ».
— Tu sais le nombre de bâtiments anciens qu'il y a dans toute la ville ?
— J'ai rien de mieux à te proposer, je ne comprends rien d'autre.
— Laisse-moi voir...
Tony saisit la feuille et la rapprocha de lui. Il posa ses coudes de chaque côté du papier, et soutint sa tête entre ses mains. Il relut l'énigme intégralement, avant de commencer à chercher un lien logique entre tous les éléments.
— Pourquoi il nous parle de ciel bleu ? demanda-t-il soudain.
— J'en sais rien... Relis-la une fois, pour voir...
— « Parfois on dit de moi que je semble sorti d'un autre monde. Il veulent peut-être dire d'une autre époque, au vu de ma date de construction. Mais ce n'est pas ce qui t'intéresse. En haut, tu as une belle vue, mais vaux mieux aller en bas. Oh ! Je me souviens de cette chanson française qui disait "le temps est bon, le ciel est bleu..." Il pleut aussi parfois, je le sais. » Putain, je comprends rien... J'ai toujours détesté les devinettes.
Steve ne releva pas sa grossièreté. Il avait les yeux écarquillés de stupeur, et semblait avoir compris quelque chose.
— Qu'est ce qui t'arrive ?
— L'autre jour... Je viens de m'en souvenir... dit Steve. Peter m'avait parlé d'un livre de science-fiction, ou de fantasy, enfin je sais plus. Il s'appelle Autre-Monde.
— Oui, et alors ?
— Eh bien, au début, les personnages principaux vivent à New-York si je me souviens bien. À Manhattan.
— Tu crois que c'est un indice ? traduisit Tony.
— Je ne sais pas, peut-être. Ça réduirait la zone de recherches à Manhattan, ça élimine une bonne partie de la ville.
— Ok, donc on résume. Peter est quelque part à Manhattan, dans les sous-sols d'un bâtiment ancien. C'est ça ?
— En gros.
Tony soupira. Ce n'était pas beaucoup. Le nombre de vielles bâtisses dans Manhattan était... Ahurissant. « En haut tu as une belle vue »... « En haut tu as une belle vue ». Ce qui signifiait que si on montait tout en haut du bâtiment, on avait une belle vue sur New-York ? Tony ne savait plus, il était déjà perdu après à peine dix minutes de réflexion.
— Patron, on vient de vous transférer une image.
— Quoi ? Ouvre-la Friday !
Un écran holographique apparut devant ses yeux, et la photo s'afficha en grand. Ce qu'il vit lui mit un tel coup au cœur qu'il ne put retenir ses larmes. Elles brouillèrent sa vue, et dévalèrent ses joues en moins de cinq secondes.
— Bébé... murmura-t-il.
Sur la photo, on pouvait voir une pièce nue, aux murs de torchis et au sol de terre. Au fond, allongé sur le flanc, les yeux clos, il y avait Peter. Tony pouvait voir l'acier entourer ses poignets et ses chevilles, les chaînes qui l'attachaient au mur derrière lui, mais plus que tout, Tony pouvait voir l'expression de souffrance sur le visage ensanglanté de son fils. Et c'est ce qui le fit flancher.
Ses jambes cessèrent de le soutenir, et il tomba à genoux, les yeux grands ouverts et débordants de larmes. Ils avaient fait du mal à son bébé... Ils avaient fait du mal à son bébé... Tony ne réagit même pas quand des bras forts l'enlacèrent délicatement. Il ne réagit même pas quand des lèvres douces se posèrent sur sa tempe pour l'embrasser tendrement. Il n'entendit pas les mots doux qui lui étaient chuchotés. Ils avaient fait du mal à son bébé, et c'était de sa faute.
— Il faut qu'on le retrouve... souffla Tony.
— C'est ce qu'on va faire.
— Il nous reste ?
— Deux heures et demie...
— On va y arriver.
Évidemment qu'ils allaient y arriver. Ils ne survivraient pas dans le cas contraire.
* * * *
Peter, allongé dans la boue, essayait d'ignorer la douleur. L'homme l'avait frappé, encore et encore, jusqu'à ce que chaque centimètre carré de son corps lui fasse mal. Son nez cassé saignait abondamment, son arcade sourcilière avait éclaté, sa pommette s'était ouverte, plusieurs de ses côtes étaient brisées, sa rotule était sans doute fracturée, et il ne serait pas surpris si on lui annonçait que sa cheville s'était également cassée. Il n'osait plus bouger d'un pouce, de peur d'aggraver ses douleurs.
Après que l'homme s'était lassé de la frapper, il avait lâché un petit rire en le prenant en photo, et lui avait annoncé que ça partait directement pour ses parents. Et Peter avait senti son cœur se briser, car il savait que ses parents allaient difficilement supporter de le voir dans cet état. Puis, l'homme était parti, en lui disant qu'il reviendrait plus tard.
Peter était désormais seul. Il essaya de se relever, et retint un cri quand son genou lui lança une pique de douleur. Appuyé sur ses coudes, Peter tenta de reprendre le contrôle de sa respiration, qui s'était emballée sous la douleur. C'était définitif, sa rotule était cassée. Et ça ne l'arrangeait pas.
En faisant extrêmement attention à ne pas plier sa jambe, Peter parvint à se rasseoir. Il souffla un grand coup pour se calmer, et ramena sa jambe intacte contre lui, afin d'essayer de se réchauffer un peu. Il posa son front sur son genou, et ravala ses sanglots. Il avait suffisamment pleuré, il fallait qu'il se ressaisisse. L'homme avait très certainement menti, ses parents allaient arriver d'une minute à l'autre. Il avait été stupide de croire son ravisseur sur parole.
Mû par un désir soudain de s'enfuir, Peter releva la tête et commença à tirer sur les chaînes qui retenaient ses poignets. Il serra les dents quand le métal écorcha sa peau, et tira encore plus fort. Cependant, ses muscles ne suivirent pas, et Peter abandonna après une dizaine de minutes d'efforts. Cela ne servait à rien. Avec sa jambe, il n'arriverait jamais à briser les chaînes qui retenaient ses chevilles. Et même s'il y parvenait, il n'irait pas bien loin. La porte ne s'était pas envolée.
Peter fit de son mieux pour ne pas pleurer. Il ne pouvait plus compter que sur ses parents pour le sortir de là. Lui-même ne savait pas où il était, alors il espérait que ses parents allaient résoudre l'énigme que l'homme leur avait envoyée. C'était son dernier espoir.
Peter attendit. Il attendit longtemps que ses parents arrivent. Au fur et à mesure que le temps passait, le stress montait, car Peter savait que la fin du délai approchait. Et plus le temps passait, plus sa respiration se faisait difficile. Lorsqu'il entendit des voix en provenance de l'autre côté de la porte, il releva la tête, plein d'espoir. Avec un cliquetis métallique, la porte s'ouvrit, et les espoirs de Peter fondirent comme de la neige au soleil.
Ce n'était pas ses parents. C'était l'homme. Et il était accompagné par trois autres hommes à la mine patibulaire. Son ravisseur s'approcha de lui avec un sourire, et s'agenouilla.
— Le délai que j'avais offert à tes parents pour qu'ils viennent te chercher est écoulé ! dit-il, avec une joie non dissimulée. Je te présente les membres de 'Ndrangheta, tu vas partir avec eux c'est clair ?
Peter ne répondit pas, il se contenta de plonger la tête dans les bras, et de serrer son genou contre lui, tentant de respirer correctement. L'homme le força à relever la tête et à le regarder dans les yeux.
— J'ai dit : c'est clair ?
— Oui, souffla Peter.
L'homme le lâcha avant de sortir une clé de la poche de sa veste de costard. Il saisit son poignet et introduit la clé dans la serrure de la menotte. Il tourna, et l'entrave s'ouvrit avec un cliquetis. L'homme répéta l'opération avec son autre poignet et ses chevilles, et il se releva.
— Il est à vous, dit-il en direction des trois mafieux.
Aussitôt, ils s'approchèrent de lui pendant que son ravisseur reculait, et ils l'attrapèrent par les bras. Peter cria quand ils le forcèrent à se relever. Sa jambe le faisait tellement souffrir... Et son souffle qui ne voulait pas descendre dans ses poumons... Il faillit retomber à peine debout, mais les hommes le retinrent.
— Je peux savoir ce qui lui est arrivé ? dit l'un d'eux, avec un fort accent italien.
— Oh, il se pourrait qu'il soit un peu abîmé, mais c'est pas grand chose.
Le mafieux qui avait parlé le regarda avec un air suspicieux, et Peter baissa aussitôt les yeux. Il ne voulait pas qu'ils voient les larmes qui dévalaient ses joues sales. Peter savait que tout espoir était perdu, qu'il n'avait plus aucune chance de retrouver un jour sa vie d'avant. Il le savait, mais il ne parvenait pas à l'accepter, c'était bien trop dur.
Ses prières avaient été vaines. Il allait mourir en captivité.
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