ALENA LEWIN.

Les ténèbres.
Voilà la seule chose qui m'entoure. Je ne distingue que ça à des kilomètres à la ronde. C'est comme si j'étais plongée dans une pièce noire, et ceci pendant des heures.

Le froid.
Un froid qui me consume depuis des heures, des jours peut-être ? Je ne sais pas combien de temps je suis dans ces ténèbres froides et sombres.

- Alena...

Un écho. Un murmure. Une voix...
Elle paraît si faible, si lointaine que je peine à l'entendre.

Un contact. Une chaleur humaine m'envahis et me redonne une bouffée d'air. Je sens mes poumons et mon coeur fonctionner à nouveau.
Ce contact est comme une renaissance.

- Alena...

Une autre voix, différente de la première. Elle est plus claire, plus distincte. Je l'entends clairement.
C'est une supplication mêlée à des sanglots.

Une lumière blanche m'aveugle. Elle est en face de moi. Je poste mes mains devant mes yeux pour ne pas me bruler les rétines mais la lumière s'approche encore et encore, toujours plus près.

Mes paupières s'ouvrent et les ténèbres partent. Mon corps se cambre à mon réveil et je retombe lourdement sur un matelas moelleux.

- Je crois qu'elle est aveugle, dit une voix.

- Ne dis pas de bêtises Magnus! Quoiqu'il est vrai que ses yeux sont comme... voilés ? remarque une voix féminine.

Je reconnais ces voix! C'est ma famille!
Alors Thomas a réussi à nous sortir de la sucrerie ? Nous sommes chez moi, à l'Institut de New York!

- I... Izzy... murmurai je d'une voix tremblante.

- Oui! Oui Alena c'est moi ! Magnus ! Elle a parlé !

- Je...

Les mots restent coincés dans ma gorge.

- Ma douce comment vas tu ? me demande Magnus en touchant mon front.

- A... Al...

- Ton ami va bien, il se remet vite de ses blessures. C'est un vrai battant ! rit mon oncle.

- Ma...

- Non évite de parler, tu dois reprendre des forces.

- Gie...

- Tiens, en parlant du loup ! Je te laisse avec lui.

Sa main chaude se retire de mon front et un poids sur le matelas me fait pencher vers la gauche.

- Le sorcier m'a dit que tu ne pouvais pas parler alors juste écoute moi. Ta famille et tes amis sont, merveilleux, tu as beaucoup de chance de les avoir, vraiment. Il est temps que tu reparles et que ta vision soit de nouveau claire. Ton mari et ta famille t'attendent impatiemment. Et moi aussi.

Je sens ses lèvres chaudes et humides se poser sur mon front froid de sueur, puis le poids sur le lit s'enlève et je ne penche plus sur le côté.

Je dois bouger, je dois sortir de là. Je ne peux pas rester allongée toute ma
vie.

- Ma... Ma...

Les mots restent bloqués dans ma gorge, comme prisonniers de la culpabilité.

Deux ans que je suis partie...

- Magnus... Magnus ! dis je plus fort. Magnus Bane !

Des bruits de pas accourent et je laisse ma main droite pendre dans le vide, comme vidée d'énergie.

Des mains se posent de manière délicate sur les poignets, mon cou et mon front.

- Je suis là ma douce, que veux tu ?

- Je...

- Euh oui... Thomas ! Traducteur ! s'exclame mon oncle.

Je ris intérieurement et souris faiblement, sentant mes zygomatiques s'étirer.

- Oui ? demande la voix rauque de Thomas.

- Elle essayé de nous parler je crois.

- Elle peut nous voir ? Vous avez remarqué que ses yeux étaient voilés n'est-ce pas ? Il faudrait arranger ça et Alena m'a dit que la magie pouvait guérir tous les maux.

- Suis je bête ! Je n'y avais même pas pensé ! Alena mon chou, ne bouge pas.

L'esprit tranquille, je ne bouge pas. Une vague vient me soulever, faisant cambrer mon dos. La vague m'engloutis et je me sens soudainement si petite. Immergée, je sens la vague m'aspirer, m'emporter avec elle, c'est sans compter ses torrents violents qui m'enfonce sous l'eau, bloquant ma respiration. Je cris à l'aide, me retiens à quelque chose, gigote.

- Tenez là ! s'écrit une voix angoissée.

Je sens qu'on attrape mes membres, mes bras, mes chevilles et qu'on les bloque. Non arrêtez je vais me noyer ! Je vais couler ! Laissez moi ! Mon intérieur hurle à la mort tandis que les liens qui me retienne ne cessent de se serrer un peu plus à chaque bouffée d'air hors de l'eau. Je sens mon esprit divaguer et se laisser emporter par les vagues. Soudainement, la vague se retire, m'emportant avec elle dans un tourbillon pour finir par ne jamais s'écraser.

Je me redresse, à bout de souffle, plus rien ne me retenant. Les yeux écarquillés, le coeur battant la chamade et mes poumons gonflés d'air, je retrouve les sensations qui me font sentir vivante. Mes pupilles, aveuglées par la lumière, bougent dans tous les sens et je distingue tous les objets qui se trouvent dans cette pièce. Je regarde mes mains et les vois, clairement, avec mes ongles rosées, mes longs doigts fins, mes mains fines avec le cartilage et les veines qui ressortent; je vois le bleu de mes veines, le léger duvet sur mes doigts et ma main.

- Alena ?

Je remonte mon attention sur mes bras qui sont couverts de cicatrices, de plaies, d'égratignures et de poils bruns.

- Je peux voir.

Je relève la tête et vois le visage de Thomas, souriant malgré les béquilles qui le soutienne.

- Salut toi, me sourit il.

Je m'apprête à sortir du lit mais prise de vertiges je laisse des bras me maintenir assise.

Une main forte et ferme attire mon attention. Je tourne mon regard vers son visage. Ses yeux verts me regarde.

- Alec.

- Je... Je t'ai entendu hurler depuis notre... depuis ma chambre et, et je suis venu aider, dit il gêné en se grattant la nuque.

Il enlève rapidement sa main et rougit de façon si mignonne que j'en tombe à nouveau sous le charme.

Je pose ma main sur sa joue et lui assène une violente gifle.

- Comment tu as pu en embrasser une autre, murmurai je en serrant les dents, le regard noir.

Seul Alec a pu entendre ces mots. Nous restons figés ainsi, moi dans la colère lui dans l'incompréhension de mon acte et de mes paroles. Jace, Clary, Simon se joignent à nous et une brunette reste à l'entrée de l'infirmerie, les bras croisés, le dos voûté, honteuse.

- Tu es réveillée ! s'écrit Clary qui me saute au cou.

Ses cheveux roux avec leur odeur de jasmin me chatouille les narines et je souris à ce genre d'affection qui m'avait tant manqué. Mes bras se resserrent autour de son corps si frêle et je souris à son contact.

- Tu es enfin avec nous. Tu es de retour pour de bon ! s'exclame-t-elle en me regardant dans les yeux.

Simon me fait une tendre accolade en souriant et en me rappelant à quel point sans moi tous les Shadowhunters sont désagréables.

- Alors tu te sens bien ?

- Et toi "beaux yeux" ? Content de me retrouver ?

Il sourit et me soulève du matelas pour me faire tourbillonner quelques secondes, ma santé est encore fragile. Nous rions et je retombe sur mes pieds, chancelante.

Je tourne la tête vers la seule personne silencieuse et effacée jusqu'ici.

- I... Izzy.

Je m'avance vers elle, de quelques pas, puis mes vertiges reprennent et je manque de m'écraser sur le sol.

[...]

ÇA Y EST ALENA EST DE RETOUR !