Voices.
Les premiers battement de cils de Jisung furent brutaux et il fut réveillé en sursaut par sa propre salive coulant le long de sa joue. Il était allongé sur le ventre encore habillé dans un lieu qu'il ne reconnut pas de suite et c'est en voyant la grande pièce baignée de sa lumière du matin qu'il reprit immédiatement ses marques et qu'il reconnut le salon lumineux et spacieux de Minho. C'était instinctif, rien qu'à l'intensité de la luminosité, il savait où il se trouvait et face à la déduction, il ne pouvait s'empêcher de sourire.
L'appartement était encore plongé dans le silence quand il s'approcha avec lenteur et habitude des vastes vitres qui couvraient l'intégralité du mur en face de lui. Il pouvait y voir la ville s'éveiller, Jisung avait toujours adoré cela.
Après avoir contemplé quelques instants le brouhaha lointain d'une ville en émoi, il se demanda ce qu'il devait faire. La situation était nouvelle et bien qu'elle le rendait nostalgique, il n'était plus ici chez lui. Pour autant, il gardait l'envie quasi viscérale d'aller voir un Minho qu'il devinait encore endormi. Il s'imaginait déjà sa bouche entre-ouverte qui laissait entrevoir ses dents au sujet desquelles ils riaient souvent. Il voulait passer sa main dans ses cheveux restés collés à son front et plus que tout, il voulait pouvoir sentir son odeur et s'enivrer de celle-ci. Se rouler dans leurs draps et entendre Minho crier car il laissait entrer le froid.
Finalement et raisonnablement, il fît le choix de partir avec discrétion et si possible, sans se faire remarquer. Cependant, plus il observait la pièce en cherchant ses affaires et plus des bribes de conversations lui revenaient en mémoire. Il se rappela d'une discussion hachurée qui avait eu lieu dans la soirée entre certains de ses amis, « j'aimerais juste pouvoir lui parler ».
Ces seules paroles lui revenaient en mémoire et alors qu'il y réfléchissait, il se doutait bien qu'elles le concernaient. Il était même presque sûr d'avoir vu Minho les prononcer accompagné de son meilleure ami Seungmin. Alors, peut-être était-il temps de laisser à Minho la chance qu'il attendait, celle au moins de s'expliquer.
Il attrapa un post-il dans son bureau et le scotcha sur sa cafetière : « rdv à 16h, là où tu m'as demandé de vivre avec toi ». C'était symbolique, il le savait, mais qu'il s'agisse d'une fin ou d'un renouveau, il en avait besoin.
Il passa sa main dans le pelage doux de Dongie qui réclamait déjà des caresses et donna quelques friandises à Dori. Il savait que Soonie était probablement avec son père dans leur lit, surtout après sa petite frayeur d'hier. Il les imaginaient enlacés et c'est sur de son choix, qu'il quitta l'appartement.
—
- Je ne savais pas si tu viendrais.
Jisung était étrangement anxieux alors même qu'il savait que Minho devait l'être d'autant plus. Nerveux, il rangea ses mains dans son hoodie bien trop grand pour lui, les cheveux encore mouillés de sa douche alors qu'il regardait Minho plus intensément.
- Pourquoi est-ce que je ne serais pas venu ? J'attendais ça depuis des mois.
Minho était souriant, il essayait de détendre son ancien amant, le sachant angoissé de nature. Encore plus dans ce genre de situation. Pour autant, face à lui, le PDG n'en menait pas large et il aurait pu jurer entendre son cœur battre dans ses oreilles.
- Je sais.
- On va s'asseoir là-bas, dans l'herbe ?
- Bien sûr.
Les deux garçons s'installèrent en silence au bord de la rivière Han, loin de tous regards et c'est sans attendre que Jisung entama la conversation,
- Je ne vais pas tourner autour du pot, c'est trop stressant. Je t'ai entendu parler à Seungmin hier. Du coup... Je voulais te laisser une chance de t'expliquer mais si tu le fais, alors je veux tout savoir Minho, du début à la fin. Et je ne veux plus de mensonges, je veux savoir même les détails gênant ou douloureux. J'ai besoin de savoir pourquoi on en est là... Pourquoi tu m'as fait ça.
- Je te le promets... je.. je vais tout te dire Jisung, absolument tout, merci de me laisser l'opportunité de le faire.
Le silence se fît un instant entre les deux hommes avant que Minho ne souffle un grand coup en arrachant quelque morceau d'herbe. Il était beaucoup plus anxieux qu'il n'imaginait alors même qu'il attendait cette opportunité depuis des mois. Il s'était pourtant fait le scénario des milliers de fois dans son esprit, mais malheureusement pour lui, ça demeurait toujours aussi difficile.
- Changbin et moi on plaisantait tout le temps de la fille avec qui je serais plus tard. De celle qui devra supporter mes chats, mes obsessions et mes bizarreries... Mais depuis qu'ils me connaissent, lui et Chan ne m'ont jamais vraiment vu avec quelqu'un en fait. J'ai connu Hyunjin plus tard donc je l'inclus pas mais c'est pareil, il m'a jamais connu amoureux ou attaché à quelqu'un et moi non plus d'ailleurs. Je ne savais pas pourquoi, mais je n'avais jamais été attiré par une fille et l'être d'un garçon ne mettait même pas venu à l'esprit.
Minho inspira profondément, la conversation était difficile pour lui alors que ses doigts continuaient d'arracher tout un tas de touffe d'herbe qu'il entreposait dans un coin, à côté de sa chaussure.
- Puis, deux ans auparavant, avant qu'on se rencontre, Changbin à commencer à plaisanter du fait que j'étais probablement gay ou asexuel ou aromantique, bref j'en sais rien, un truc comme ça.
Minho sembla réfléchir un instant et Jisung l'observa avec beaucoup de soin. Il ne l'avait jamais vu ainsi, jamais aussi vulnérable et il ne pensait pas un jour pouvoir en avoir l'opportunité.
- Je crois au final qu'il projetait ses propres angoisses sur moi, maintenant ça semble plutôt évident, mais à l'époque ça ne l'était pas vraiment... Mais bon bref, je crois que ce qui est important de savoir c'est que ça me faisait du mal d'entendre ça car je savais au fond de lui qu'il avait raison. Au fond de moi, une voix me disait qu'il disait vrai et que je ne pouvais plus l'ignorer.
Le menton de Minho commença à trembler alors qu'il se mit à observer le lointain. La vision de l'eau l'apaisa un peu et il poursuivit son discour, la voix nouée,
- Je le savais parce que j'ai toujours craqué pour toi. Je ne rigole même pas c'est ça le pire... Tu crois toujours que tu as craqué en premier pour moi, mais c'est faux Jisung... À chaque produit présenté, à chaque test, chaque idée et dès qu'il fallait descendre aux labos... J'étais volontaire. On est côté des millions en bourse, mais je descends aux labos voir mes ingénieurs, ça n'a aucun foutu sens... Je perdais un temps fou à faire ça, mais c'était ma petite manière à moi d'être avec toi, de te voir.
Minho rit tout seul à cette réplique, d'un rire amer qui attendrit Jisung. Cette après-midi-là, il semblait à son amant que Minho ne lui parlait pas vraiment, mais qu'il s'adressait davantage à lui-même. La vérité, c'est que pour la première fois depuis des années, Minho voulait être honnête. Surtout envers lui-même. Alors, en silence, il continua d'arracher quelques herbes, évitant le regard de son cadet et à cause de cela, Jisung le savait près à exploser en sanglots.
- Tu n'es pas asexuel, si ça peut te rassurer...
Minho explosa de rire en essuyant une larme qui s'était écoulée sans qu'il ne s'en rende compte. C'était au tour de Jisung de détendre l'atmosphère et ça fonctionnait bien. Il se doutait de combien cette conversation devait être pénible et nouvelle pour Minho et Jisung lui fît un signe de tête complice en souriant, pour l'encourager à continuer.
- Puis Changbin et Chan ont commencé à me brancher à ce sujet, souvent.
Ça me détruisait de l'intérieur, je n'en dormais plus, j'arrêtais pas d'y penser et de penser à mon obsession pour toi, c'était tellement évident que ça devenait ridicule mais au fond de moi je ne voulais pas, je ne pouvais pas... Pour autant, je sais qu'ils n'avaient conscience de rien. J'en ai jamais parlé, je n'ai même jamais évoqué le sujet, c'était juste quelques vannes un peu lourdes entre potes. Comment auraient-ils pu savoir à quel point c'était difficile pour moi ? C'était même pas un sujet en fait. Je ne pouvais pas envisager d'être gay. Parce que qu'est-ce que ça faisait de moi ? Dans notre société ? Devant mes parents ?
Une autre larme traversa la joue de Minho et c'est avec surprise que Jisung lui barra la route. Il avait toujours eu l'habitude de remettre une mèche de ses cheveux en place, ou de lui retirer une trace de chocolat à l'angle de la bouche. Il ne s'attendait juste pas à le faire maintenant. Pour autant, cela n'arrêta pas Minho qui semblait totalement habité par ce qu'il disait.
- J'avais peur de tout, surtout de ce que je ressentais. Alors quand Changbin m'a vu te regarder un peu trop souvent, il m'a dit qu'il me mettait au défi de te séduire... Je pense qu'il faisait ça pour m'aider, d'une certaine manière... On ne savait juste pas que le pari irait si loin ni même que ce serait un problème. Quand il m'a balancé ça, j'ai sauté sur l'occasion pour me rapprocher de toi et voir ce que ça donnerait, je crois que je savais que je te plaisais, mais je ne m'attendais pas à ça.
Minho sembla hésiter un instant à dire ce qu'il voulait dire, alors Jisung lui confirma d'un signe de tête de continuer. Il voulait tout entendre, il en avait besoin.
- Honnêtement, je me disais que ça me dégouterais une bonne fois pour toute et que j'y penserais plus. Je crois que je voulais me prouver que j'étais hétéro ou au pire, bisexuel, mais surtout pas gay, car c'était pire que tout pour moi. J'ai commencé à être envahi par des pensées obsédantes et c'est là que mes compulsions et mes TOC ont été les pires..., J'avais peur de décevoir mes amis, ma famille, mes investisseurs..., J'avais peur de tout perdre et de perdre mes parents. J'ai encore peur, même à mon âge, même avec tout ce que j'ai accompli Jisung...
Je reste l'enfant de mes parents, tu comprends ?
Un silence lourd de sens se fît et Minho lâcha sa bombe au grand jour, dévoilant toute sa vulnérabilité et résumant toutes ses blessures. Toutes ses angoisses pouvaient se résumer en une seule phrase et lorsqu'il s'en rendit compte, il ne pouvait plus se taire,
- J'avais peur de me décevoir moi-même.
Minho s'arrêta, comme à bout de souffle. Il arrachait maintenant frénétiquement des touffes d'herbes sous ses doigts, comme pour contenir ses émotions. Croiser le regard de Jisung était d'une douleur et d'une lourdeur insoutenable pour lui tant il se sentait honteux. Cela faisait déjà des mois qu'il ne pouvait plus se regarder en face, songeant parfois au pire tant cette situation et ce quotidien lui était difficile, tant la solitude et la culpabilité l'accablaient.
- Puis un jour tu m'as prit dans tes bras au réveil, un matin lambda puis tu m'as embrassé le front avant de réajuster mon bonnet, tu as prit ma main en sortant d'un supermarché à la con et tu m'as passé un mouchoir alors même que je ne l'avais pas demandé et mon cœur a failli exploser à chaque putain de fois. J'ai compris que quelque chose n'allait pas chez moi. J'avais l'impression que tout mon corps était électrisé à chaque fois que tu me touchais. Ton contact a été la plus belle chose que j'ai jamais connu de ma vie et mon corps me suppliait de recommencer, il me suppliait de me laisser te toucher et te sentir, il voulait t'éprouver à tout prix. Mon esprit était dépassé, je me refusais à toute pensée, alors, j'ai fini par me déguiser. Je me suis fais croire que tout ça n'était qu'un jeu, un pari, une mise en scène. Je me suis prit au jeu pour ne pas prendre la mesure de ce que ça signifiait pour moi et voir qu'en réalité, pour la première fois, il s'agissait de moi, de mon vrai moi.
Des larmes silencieuses coulaient sur les joues de Minho. Il les essuyait avec rage en regardant l'horizon s'étendre devant lui. Le fleuve était tranquille à l'inverse du torrent qui s'abattait en lui. Alors doucement, Jisung se mit à arracher lui aussi quelques herbes, celles toutes à côté des doigts anxieux de son amant. Il les arracha jusqu'à pouvoir le frôler, jusqu'à le rassurer.
- Juste, avant que tu continues..., J'aimerais juste me permettre de te reprendre sur quelque chose. Rien ne cloche chez toi Minho. Tu as le droit d'aimer quelqu'un du même sexe que toi. Ça ne change rien aux sentiments que tu ressens, ça ne les invalide en rien. Ils sont ce qu'ils sont, peu importe le genre de la personne que tu aimes et peu importe pour qui tu ressens de l'attirance. Tu n'as à te justifier de personne, si ce n'est de toi-même. Et si tes justifications personnelles portent sur ce que la société veut te faire croire ou sur ce que les autres veulent te faire penser de toi, alors tu es sur la mauvaise route mon ange.
Minho explosa et face à son amant, il laissa toute sa rancœur et sa culpabilité se déverser sur son visage. Il essayait de se cacher maladroitement, dans la manche de son pull, mais c'était impossible et surtout inutile. Des larmes acides et salées maculées ses joues pendant qu'il reniflait bruyamment, incapable de continuer son discours. Sa respiration était entrecoupée par un fardeau devenu paradoxalement plus léger, maintenant qu'il avait été entendu.
Jisung le regarda avec indulgence, pensant en lui-même que l'essentiel avait été dit. Sans attendre davantage, il captura avec douceur la main de son amant, le rassurant de ses quelques caresses discrètes et le regardant d'une vision nouvelle.
- Que ce soit avec moi ou avec un autre Minho, je te soutiendrais toujours. Tu es qui tu es, magnifique, intimidant, drôle, vulnérable et en même temps tellement puissant. Je ne laisserais personne te faire croire que tes sentiments sont anormaux, même pas toi-même.
Jisung sera davantage la main de son aimé alors que Minho continuait silencieusement de pleurer, il ne pouvait plus s'arrêter.
- Tu mérites de savoir que tout ce que tu ressens est réel, que tout ce que tu subis est injuste et que ton besoin de validation est normal.
Minho le regarda avec soin, les paroles que venait de prononcer son amant étaient probablement celles qu'il avait toujours attendu d'entendre et ses sanglots commencèrent à s'atténuer. Il le contempla alors de son voile amoureux, admirant plus que jamais l'homme présent devant ses yeux et prit d'un élan viscéral, il captura ses lèvres.
Jisung était surpris, mais il devait dire qu'il attendait cela depuis longtemps, bien trop longtemps. La douceur du contact sembla les ramener à la vie et dans leurs esprits c'était comme si, dans ce parc, au bord de cette rivière, tous les astres venaient de s'aligner. La ville semblait moins bruyante et l'air leur apparaissait plus doux. Plus rien n'avait d'importance, ils étaient deux, deux contre le reste du monde.
Minho se recula un court instant, capturant la joue de son amant de sa main chaude et ancrant son regard en celui de l'homme de toute une vie,
- Je t'aime Jisung.
C'était la première fois que Minho disait à Jisung qu'il l'aimait et ce dernier se mit furieusement à sourire en triturant les lacets de ses chaussures. Son cœur battait la chamade dans sa poitrine alors que ses joues devenaient rouges. Il semblait avoir attendu cela depuis toujours...
La ville, à nouveau, s'arrêta un instant pour observer ses deux amants s'aimer, nouant discrètement leurs mains face au soleil couchant.
Plus un mot, plus un son, juste le murmure discret de la promesse d'un avenir heureux.
--
Ce chapitre a été vraiment difficile à écrire pour moi, je crois qu'une part de mon histoire s'est glissée ci et là.. En espérant que l'histoire vous plaise toujours. Surprise.s par les aveux de Minho ?
Sachez tous et toutes que vous êtes valide, quoi qu'il arrive et quoi qu'on vous dise ! Comme dirait mother mother "what define a straight man straigth" ?
Des baisers,
M.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro