Minho était dans l'ascenseur, probablement à deux ou trois étages de son appartement qu'il entendait déjà la musique et les cris hystériques, et probablement ivres, de ses amis sur le refrain entêtant « I'll be fucked up if you can't be right here ». Minho sourit pour lui tout en détachant son nœud papillon bordeaux qui l'étouffait depuis déjà plusieurs heures. Il le glissa dans sa poche de pantalon et il détacha les deux premiers boutons de sa chemise.

Il pouvait enfin respirer.

- Ça fait du bien putain.

Il se parla à voix haute dans le couloir de son étage avançant d'un pas décidé et pressé, il avait déjà envie d'y être. La musique se faisait de plus en plus claire et il pouvait désormais entendre très nettement le brouhaha de cette fête qui battait son plein à l'intérieur de son appartement. L'ambiance semblait survoltée et les hurlements de Changbin lui vaudrait probablement quelques regards tendancieux de la part du concierge demain matin, il le savait déjà.

Minho s'était absenté deux heures seulement et l'alcool devait probablement couler à flot, lui qui avait seulement bu deux coupes de champagne de tout l'après midi et la soirée.

Quand il entra dans son appartement il pouffa de surprise autant que de malice. La scène qui se jouait devant ses yeux était invraisemblable et il aurait aimé avoir un appareil photo sous la main pour pouvoir l'immortaliser. Jisung était debout sur la table de son salon, il faisait semblant de tenir un micro entre ses mains grâce à ce qui lui semblait être l'une des aubergines de son bac à légumes. De temps en temps, il tendait le légume à Changbin qui hurlait dedans alors que l'homme aux robustes épaules avait sorti son légendaire déhanché qu'il poussa jusqu'à une limite que son ami ignorait.

Seungmin bougeait de gauche à droite, les yeux fermés, hurlant maladroitement les paroles de la musique qui se jouait. Ses mains en l'air semblaient totalement molles alors qu'il tenait dans l'une d'elle un verre rempli d'un liquide rougeâtre dont il ne fît tomber aucune goutte, à la grande surprise de Minho. Seungmin tenait debout par il ne savait quel miracle. Ce dernier semblait avoir envie de tout relâcher ce soir, seul dans un angle de la pièce. Il semblait totalement ivre et au lieu de l'inquiéter, cela fît sourire Minho. Seungmin lâchait rarement prise, c'était agréable de le voir s'amuser avec légèreté et d'être capable de se montrer pleinement lui-même. Amusant, irritant et plus que tout, terriblement touchant, comme en cet instant.

De son côté, Félix était assis sur le canapé, accompagné de Jeongin. Ils enchaînaient un chifoumi endiablé qui semblait les envoûter par son importance. Les deux garçons souriaient de toutes leurs dents et tout en se jaugeant avec attention. Chacun tentait malicieusement de deviner les futurs gestes de l'autre alors que Minho se demandait quel était le sujet de leur bataille. Cependant, sa rêverie fut vite interrompue quand il entendit un verre se briser dans sa cuisine.

Déjà épuisé de savoir de qui il s'agissait, il tourna la tête vers la droite et croisa le regard surpris et coupable de son ami Chan. Comme si ce genre d'accident n'arrivait pas toutes les semaines.

- Euh..., Salut ?

Chan leva ses sourcils en biais tout en riant légèrement d'un air coupable quand Minho s'approcha de lui pour le prendre avec vigueur dans ses bras.

- Hey... qu'est-ce qui se passe poussin, ça ne va pas ?

Chan reprit un visage sérieux et c'est avec force qu'il répondit à l'étreinte de son frère, légèrement inquiet.

De part son parlé, Minho savait que son ami avait déjà consommé plusieurs verres. L'avocat devenait affectueux et ce, même physiquement que lorsqu'il était sous substances et pour une fois, Minho en était heureux et, le temps d'un instant, il en profita.
En ces circonstances, Chan l'affublait toujours de tout un tas de surnoms affectueux adorables, parfois même drôles et Minho ne lui faisait jamais remarquer. Il savourait même cette proximité. Alors pour ce soir, poussin lui allait bien.

- Je vais bien justement, merci pour ça.

Minho se recula en tapant doucement l'épaule de son ami, fier de lui.

- Faudra dire merci à Félix honnêtement. C'est grâce à lui qu'ils sont là, enfin... qu'il est là.

Les deux amis se sourirent avec complicité, inutile de spécifier de qui ils parlaient.

- J'y manquerais pas alors... Par contre, pour le verre, tu ramasses mec, et de suite !

La remarque de son meilleur ami fît rire Chan qui s'étonna de ne pas s'être fait réprimandé plus tôt. Encore hilare, il se pencha pour ramasser précautionneusement les débris.

- À quel moment Jisung et Changbin sont devenus proches au point de twerker ensemble sur ma table à 3 000 dollars ?

Minho était souriant alors même qu'il lançait quelque chose qui ressemblait à un reproche. De la cuisine ouverte, il regardait les deux hommes se déhancher en faisait absolument n'importe quoi, espérant d'une manière un peu plus pragmatique que ces derniers ne tombent pas, ce qui ne manquerait pas d'arriver au fil de la soirée.

- Franchement, j'ai même pas vu à quel moment c'est autant parti en couilles...

Chan explosa d'un rire franc puis il se retourna plus doucement vers Minho, un air davantage soucieux sur le visage,

- Et au fait Minho... Hyunjin ne répond pas, appelle-le s'il te plait.

- Il n'est pas là ? »

Minho fronça les sourcils, ça lui ressemblait tout en ne lui ressemblant pas. Il ne savait pas le décrire.

- Non, et il n'était pas là non plus au gala ou en tous cas, il n'y était plus quand on s'est rejoint. Il est pourtant arrivé en voiture avec nous vers la fin d'après-midi.

Minho s'éloigna doucement de la joyeuse troupe pour se poser dans sa chambre. Il en profita pour se déchausser, enfin. Il déposa son nœud papillon dans son dressing, à sa place, et passa ses chaussons déjà prêts à être portés, déjà posés contre le rebord de son lit. Chaque objet avait sa place et chaque chose était là où elle devait être. C'était apaisant, c'est la pensée qui lui traversa l'esprit en entendant le rire caractéristique de Changbin se répercuter contre les murs de son appartement. Le calme de sa chambre contrastait drastiquement avec le chaos qui régnait dans la pièce attenante. Ce sentiment de contrôle rassurait Minho et, pris par le fil de ses pensées, il ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil rapide au dressing de Jisung, désespérément vide depuis des mois.

Minho secoua la tête, il essaya de chasser ses pensées négatives. Il avait plus urgent à gérer.

- On est chez moi, on t'attend Hyun. T'es où ? Je t'envoie une voiture.

Minho repartit de la chambre pour rejoindre le salon, il croisa le regard de Chan et d'un sourire entendu, il hocha la tête. C'était réglé, Chan le savait, Hyunjin arrivait.

Minho se servi un fond de verre de whisky, qu'il but d'une traite, après avoir laissé un bref instant le liquide glisser sur sa langue. Le goût âpre dans sa bouche, cette brûlure dans sa gorge, c'était un délice. C'est ce qu'il se disait à chaque fois qu'il en portait à ses lèvres. Il s'en servi un deuxième, à dose normale, avant de venir s'asseoir lourdement sur son canapé, tout en expirant la pression de sa journée. Il se massa doucement la nuque en bougeant sa tête de gauche à droite, les yeux plissés d'une douleur musculaire dont il prenait à peine conscience, il se sentait exténué.

Jeongin, de son côté, se retrouvait assis dans ce même canapé, à quelques centimètres à peine de Minho. Il était seul avec lui et sans le vouloir, il commençait à se sentir terriblement mal à l'aise. Il prenait enfin conscience du fait qu'il était chez le PDG de la boîte qui l'employait et qu'actuellement, ce dernier se retrouvait assis à quelques millimètres de lui, leurs cuisses se touchant presque. Pour couronner le tout, Jeongin se dit, tout en triturant nerveusement les coutures de son jean, qu'il lui avait déjà probablement parlé en tout et pour tout, deux fois dans sa vie. Et cela était en comptant le parcours d'embauche...

Nerveux, il attrapa sa bouteille de bière sur la table basse en face de lui et d'un œil déterminé, il osa regarder nulle part ailleurs que sur le goulot de cette dernière.

- Tu peux me parler tu sais, je ne mords pas promis ! Du moins pas le premier soir.

Les oreilles de Jeongin virèrent au rouge pivoine et ses yeux s'agrandirent de surprise. Minho, quant à lui, explosa d'un rire guttural en penchant sa tête sur le dossier du canapé. D'un instinct provocateur, Minho ne se lassait pas du pouvoir qu'il pouvait avoir sur les autres et il devait admettre que son poste ne faisait qu'exacerber ce trait de sa personnalité. Ça le faisait toujours autant rire de jouer sur l'ambiguïté, se doutant de plus que Jeongin savait pertinemment qu'il aimait les hommes.

Rieur, si ce n'est légèrement moqueur, Minho lui tapa sur la cuisse, fière de lui-même. Par ce geste, il essaya de détendre l'atmosphère et par extension, son nouvel ami. Outre son goût douteux pour la provocation et sa manière de mettre à l'aise, il voulait que les choses se passent bien.

- T'es un ami de Jisung, de Seungmin et de presque tous en fait, maintenant que j'y pense ! Alors si ça te vas, gardons les formalités pour le boulot si tu veux bien ? Sois à l'aise s'il te plait, je sais que c'est pas évident, mais je ne veux pas de mon statut professionnel dans ma sphère privée. Ça n'a rien à faire là, ça marche ?
- Ça marche !

Jeongin lui sourit, il était content. Il avait peur que les choses puissent être délicates ou bizarres, mais lorsque l'on passait outre son statut ou la première impression, Minho était vraiment sympa.

Jisung, de son côté, observait la scène de loin alors qu'une pique inattendue lui traversa la poitrine. Ses mains étaient légèrement moites et malgré lui, il ne suivait plus ce que lui disait Changbin. Curieux, il se surprit à se demander pourquoi Minho riait autant. Ce n'était pourtant pas quelqu'un qui s'esclaffait facilement.

Il observa alors plus consciencieusement le duo assis sur le canapé et de son œil d'ancien partenaire il ne pouvait s'empêcher de se dire que Jeongin était séduisant dans son genre. C'était un homme doux, discret et sensible. Avec ses cheveux presque blancs et ses yeux rieurs, il était peut-être même le type d'hommes dont Minho pouvait tomber amoureux.

En portant plus d'attention à la scène, Jisung se rendit compte que même si Minho aimait parfois flirter ou provoquer, sa seule manière d'aimer était inconditionnelle, intense. S'il devait s'abandonner de nouveau à quelqu'un, c'était sans aucun doute possible dans l'espoir d'un toujours et en les observant ce soir, il prenait difficilement conscience qu'il n'était pas prêt à ce que ce toujours, soit avec un autre que lui...

- Va lui parler, sauve-le de là !

Changbin tapa doucement dans l'épaule de Jisung avec la sienne, un verre ambré en main et un sourire sur le coin des lèvres.

- T'inquiète, Minho fait ce qu'il veut, puis il finit toujours par se débrouiller.
- Je parlais de Jeongin...

Changbin pouffa de rire, bu une gorgée de son verre et d'un regard entendu et accusateur adressé à Jisung, il se dirigea vers Félix.

Jisung se dit qu'il était vraiment trop con, c'était évident qu'il faisait référence à Jeongin... On lisait en lui comme dans un livre ouvert et ce trait de sa personnalité l'énervait particulièrement alors même que ses amis l'adoraient. Ils disaient de ce trait qu'il faisait partie de son charme, mais à cet instant, Jisung aurait voulu se montrer un peu moins charmant !

Malgré lui, son observation perdura et de celle-ci, il se mit à penser, si ce n'est constater, qu'il était l'inverse absolu de Jeongin. Un goût amer s'infiltra alors dans sa bouche, le faisant déglutir avec difficulté. Peut-être n'était-il pas prêt à lui pardonner, mais ce qui ressortait de ce soir, était qu'il semblait encore moins prêt à le laisser partir...

Dans l'entrée, discrètement, Hyunjin était en train de se déchausser. Il passa rapidement dans la cuisine, posa son blazer noir sur une chaise haute et remonta les manches de sa chemise qu'il termina de tâcher de traces grises. L'eau devint noire de charbon dans le lavabo et il pria le ciel que Minho ne vienne pas vérifier l'état de son évier en granit ou il en entendrait parler pour l'année à venir.

Les aller et venu du jeune homme étaient discrets, mais ces derniers n'avaient pas échappé à l'homme assis dans le canapé qui, tout à coup, n'écoutait plus un traite mot de ce que son patron lui disait...