My pace.
Hyunjin entra avec vitesse et appréhension dans la cour intérieure de son atelier et c'est sans surprise qu'il y vit de la lumière. Il n'était pas non plus étonné de constater que la porte avait été ouverte sur quelques centimètres et il parierait à quiconque tout ce qu'il possédait que Jeongin était là.
Il le connaissait et il savait qu'il s'y trouverait. Tout simplement car il était sûr que son cadet avait profité de son absence certaine pour s'y rendre. Cela le blessait un peu, il ne voulait pas se mentir, mais au fond de lui il comprenait. Aurait-il fait différemment ?
Il hésita un instant avant de faire coulisser la porte, sachant pertinemment que sa présence serait remarquée, mais après tout, il n'avait plus rien à perdre et plus que tout, il voulait le voir. Jeongin lui avait manqué terriblement. Alors, armé de courage, il souffla un grand coup, il ferma ses yeux un instant et il tira d'un coup sec sur la porte coulissante.
Sans attendre, il pénétra dans l'atelier sans prendre la peine de refermer la porte derrière lui, il ne voulait pas lui donner le sentiment d'être ici prisonnier avec lui.
Son souffle était chaud et saccadé à cause de l'appréhension qui l'habitait et ses mains devenaient de plus en plus moites, les frotants contre son pantalon noir. Il était habillé d'un costume unicolor sous lequel se glissait une chemise blanche cintrée qui venait encadrer avec sensualité son torse fin et esthétique. Ses cheveux mi- longs étaient plaqués en arrière venant dévoiler encore davantage ses lèvres charnues qu'un baume mentholé venait discrètement mettre en avant. Il savait que Jeongin aimait cela et ce soir, il n'avait pu s'empêcher d'essayer de lui plaire. Ses yeux étaient cerclés d'un noir profond qu'il maquillait à l'aide d'un khôl charbonneux que ce dernier lui avait offert pour un anniversaire. Cette couleur lui rappelait sans cesse leur histoire, ce charbon les accompagnait toujours.
Dans la vie, certains éléments restent pour toujours et viennent sans cesse nous rappeler un état, une époque et même parfois, une personne qui nous a traversé. Comme une madeleine de Proust, ou parfois, comme un violent coup de pied dans le dos qui nous ramène 10 ans en arrière.
Une musique, une odeur, une couleur, du charbon... Elle vous contamine et s'introduit en vous comme le nouveau trait d'une personnalité construite sur l'expérience et l'émotion. Parfois même, sur l'amour.
Jeongin ne se retourna pas, il savait déjà et de son côté, Hyunjin n'osa ni parler ni bouger. Il suivit simplement de son regard la silhouette de son ancien amant qui balayait distraitement les œuvres de la pièce pour finalement s'arrêter sur celles en face de lui.
Une dizaine de tableaux de toutes tailles se présentaient face à Jeongin. Certains étaient posés sur des supports, d'autres étaient entreposés sur le sol. Probablement ceux dont il n'était pas satisfait... D'autres n'étaient que des croquis épinglés de manière désordonnés sur un mur blanc poreux. Cela donnait une vue d'ensemble magnifique, aussi brouillon que pourtant ordonnée. Finalement, tout comme son propriétaire l'était.
Jeongin supposait, et avec justesse, que ceux-ci étaient liés entre eux. Avec le recul de son emplacement, de sa posture, et de la vision qu'il pouvait avoir sur leur histoire, cela lui semblait évident. Il s'agissait pour la plupart de corps entrelacés au charbon. Les contours étaient flous, ni abstraits, ni figuratifs. Tantôt des bouches, tantôt des mains, puis finalement des bustes, des yeux, des doigts qui s'entremêlaient et d'autres qui se perdaient...
Les formes se devinaient à peine alors que les émotions, elles, se transmettaient avec brutalité. Jeongin s'en approcha doucement, timidement. De plus près, il comprit qu'il s'agissait là de la suite de l'œuvre qui ornait son salon. Il comprit alors que depuis toutes ces années, Hyunjin s'était évertué à conceptualiser une suite qui n'avait pourtant jamais eu lieu...
De son côté, Jeongin n'était pas mieux. Il n'avait pas pu se débarrasser de ce tableau au-dessus de son canapé. Il y était attaché comme on s'accroche désespérément à ses meilleurs souvenirs de jeunesse. Le laisser partir aurait été renoncer à une part de lui-même, à la meilleure partie de sa vie. L'œuvre présente dans son salon représentait un jeune homme nu, de dos. Son profil était à peine visible, caché par ce qu'on devinait être des rayons du soleil, sans trop en être sûr. Les muscles de son dos étaient contractés et l'un de ses bras pendait nonchalamment le long de son corps. Le dessin s'arrêtait à la naissance de ses fesses sur un fond blanc cassé texturé qui lui rappelait avec difficultés les murs présents en face de lui.
Hyunjin avait dessiné cette part de leur intimité après une nuit d'amour dans ce même atelier, face à ce même mur, allongés à même ce sol que le plus jeune foulait maintenant avec aigreur.
Ce jour-là, Jeongin s'était tenu debout, totalement nu et le temps d'un instant, dos à son amant, Hyunjin avait été subjugué par la violence de cette scène. Il avait eu le souffle coupé par la beauté de l'homme qui partageait pourtant sa vie depuis des années. Lui qui pensait l'avoir vu de toutes les manières possibles se trompait, car ce jour-là, Jeongin lui était apparu plus majestueux qu'il n'avait jamais été. Le soleil était en train de se lever et quelques-uns de ses rayons perlaient déjà par les vitraux du mur adjacent. La verrerie du plafond se reflétait alors dans les cheveux presque blancs de son premier amour et jamais, comme jamais plus, il n'avait été si beau. À ce moment-là, une légère odeur de peinture à l'huile avait embrasé la pièce, comme glissant sur son corps et, le temps d'un instant, Hyunjin avait cru ne jamais se remettre de ce qu'il voyait.
Alors aujourd'hui, voir son ancien amant de nouveau dos à lui dans ce même atelier, lui rappelait avec douceur et douleur cette aurore partagée.
C'était dur, c'était brutal. L'image était aussi magnifique qu'acide et Hyunjin devait furieusement se retenir de venir le prendre dans ses bras et de rester coller à tout jamais contre lui, contre son odeur. À cet instant, il aurait pu le supplier de rester ici, dans cette position et de ne plus jamais partir, de ne plus jamais le laisser seul face à ces odeurs, face à cette couleur, face à cette douleur.
Ignorant le trouble de son ancien amant, Jeongin s'approcha encore davantage des tableaux de l'artiste et de ses longs doigts fins, il toucha une des toiles représentant des mains entrelacées. Il ne lui fallu qu'un coup d'œil pour reconnaître ses doigts osseux autant que les veines toujours apparentes de son ancien petit-ami. Sur la toile, ce dernier portait à son majeur un anneau discret que Jeongin connaissait par cœur, il le lui avait offert pour leur première année et malgré la douleur, il ne put s'empêcher de sourire un court instant.
Son aîné était toujours aussi doué pour transmettre l'intransmissible.
Hyunjin avait toujours su matérialiser et sublimer ce qui échappait au langage, pour autant, il n'avait jamais su lui-même se saisir de la parole, l'isolant considérablement.
Invariablement, Hyunjin finissait seul, abandonné de tous ceux qui n'avaient jamais eu la patience de vouloir comprendre son parler. Est-ce que lui aussi en faisait partie ? L'avait-il abandonné ?
Douloureusement, Jeongin ferma ses yeux, englué par une nostalgie qui lui remontait jusque dans la gorge. Tout cela était trop difficile. Être ici était définitivement une mauvaise idée.
Tout à coup frileux, Jeongin recula et décida qu'il était temps de partir. Ressasser le passé n'avait pas forcément été sa meilleure idée mais il n'avait pu s'en empêcher. Il était parfois difficile de laisser certaines choses se finir.
En se retournant, il capta alors les yeux sombres qui l'avaient tant éprouvé et une fois perdu en eux, le temps d'un instant, d'un très court instant, Jeongin eut l'impression d'être de nouveau à lui, rien qu'à lui.
Plus abattu qu'il n'était en arrivant, il lui sourit timidement en passant à côté de lui et sans se retourner, il partit.
Pourtant, avant de passer la porte, d'une voix timide, hésitante si ce n'est tremblante, Jeongin l'entendit derrière-lui,
- Je t'aime Jeongin.
—
- T'étais ou mec ? On a eu peur, on s'est inquiétés ! La prochaine fois réponds au moins aux texto s'il te plait.
Jisung ne plaisantait pas et Jeongin fut surpris. Il n'avait pas compris que ses collègues tenaient à lui de la même manière que lui, tenait à eux. Il était touché et c'est avec humour, de la seule manière qu'il savait aimer, qu'il répondit,
- D'accord papa, c'est promis !
Jisung lui tapa affectueusement l'épaule tout en gardant un regard entendu et les autres suivirent le mouvement.
- Je ne plaisante pas Jeongin. Tu connais pas Seungmin, la prochaine étape c'était l'armée.
Tous rièrent, premièrement parce que c'était drôle, mais également et surtout, parce que c'était vrai.
- Très drôle Han.
Et alors que les trois garçons s'apprêtèrent à démarrer une conversation sérieuse, tels que les galas de bienfaisance le voulaient, Félix arriva comme une bombe entre eux,
- On a AU MOINS trois verres d'avance sur toi alors va falloir boire mec car moi je suis déjà SÛR-EXCITÉ.
Le ton de Félix était enjoué, à la limite d'être euphorique, encore plus qu'à son habitude. Il sautillait déjà de partout et son comportement laissait aisément deviner qu'il avait probablement plus que trois verres d'avance sur eux. Jeongin explosa d'un rire franc, amusé et indirectement réconforté par son ami, il avait fait comme si de rien était et il le remerciait pour cela. Seungmin, de son côté, observait Jeongin avec soin. Maintenant qu'il était soulagé de sa présence, ce dernier se questionnait que davantage sur son absence.
- Tu sais où est Hyunjin ?
- Hyunjin ?
Jeongin avait un air interrogateur, essayant de ne donner aucune matière à son aîné alors que ce dernier ne le regardait qu'avec plus d'intensité, comme s'il voulait sonder ses pensées.
- C'est le secrétaire du président, le gars qui était là aujourd'hui chez Minho. Il est assez discret, grand, cheveux longs, pourquoi tu demandes ça Seungmin ?
Jisung semblait, à la différence de Jeongin, assez surpris par la demande.
- Je me suis dit qu'il l'avait peut-être croisé en arrivant, j'ai cru entendre tout à l'heure que Minho le cherchait.
Jeongin se dit en lui-même que Seungmin était doué pour obtenir ce qu'il voulait et qu'il demeurait bien trop curieux pour son propre bien. Il se demandait même combien de fois cela lui avait joué des tours. Cependant, il espérait que sa réponse lui fasse comprendre qu'il n'y avait rien à attendre de plus de sa part. Sa vie privée était privée pour une raison et cette partie-là, particulièrement, le resterait.
- Les gars...
Changbin semblait gêné, ce n'était pas forcément dans ses habitudes de passer du temps avec eux, initialement, puis plus intensément depuis ce qu'il appelait « l'incident ». Il avait beau s'être excusé et expliqué auprès de Jisung, il se sentait toujours coupable et il n'était pas toujours pleinement à l'aise.
- Finalement..., aujourd'hui tout s'est super bien passé entre nous tous alors vu qu'on va finir la soirée ailleurs, on se disait que vous pourriez peut-être nous rejoindre ?
Un silence se fît dans le groupe et Seungmin regarda Jisung avec plus de sérieux, c'était à lui de décider. Les deux avaient bien compris de quoi il retournait et Changbin le confirma sans attendre,
- Genre tous ensemble ? Ce sera pas comme avant, évidemment, mais on peut juste faire ça pour ce soir... En plus Minho a été stressé toute la journée alors je me disais que...
- OLALA c'est beaucoup trop sérieux pour moi ! Allez, HOP, on se retrouve tous dehors ! Devant la station de taxis dans 3 minutes, on se disputera demain. Ceux qui sont en retard viendront à pied !
Tout le monde se retourna vers Félix, des regards tantôt surpris, tantôt hilares. C'était lui. C'était Félix et on pouvait bien lui reprocher des choses à cet homme ; son comportement parfois princier, ses habitudes de divas ou sa propension à dire tout ce qui lui passait par la tête sans y réfléchir avant, mais une chose était certaine, c'était bien grâce à lui qu'il restait un semblant de groupe parmi eux. Car si Félix était autant capable de gravité que de légèreté, il demeurait pour autant le noyau du groupe. Les gluants les uns aux autres comme des aimants.
Seungmin lui caressa alors le dos avec affection, un regard reconnaissant le couvant doucement de sa chaleur. Qu'est-ce qu'ils feraient sans lui...
- Félix est déjà bien entamé, c'est officiel !
Seungmin ria en entendant l'évidence énoncée de son meilleur ami, le rassurant quant à la suite de la soirée et à la proposition, si ce n'est, imposition de Félix.
Les quelques verres que Jisung avait ingéré lui permettaient probablement de moins réfléchir et d'éviter le questionnement auto-saboteur qui découlait habituellement de ses pensées nocturnes. Aujourd'hui, il avait débarqué chez son ex, sans même le prévenir ni même se prévenir... Alors à quoi bon s'inquiéter maintenant ? Demain serait un autre jour.
C'est ainsi que Félix, Changbin et Jisung attrapèrent un premier taxi pendant que Seungmin, Chan et Jeongin en attendaient un second. Les trois premiers entrèrent dans l'habitacle sans trop se poser de questions pendant que Chan donnait l'adresse au chauffeur par la fenêtre de ce dernier. Une dizaine de minutes plus tard à peine, ils se retrouvèrent tous devant le building de Minho. Jisung comprenant ainsi que la fête se déroulerait ici. Cependant, il n'en dit rien, après tout il s'en doutait. Seungmin capta son regard afin d'être certain que c'était ce que son ami voulait et Jisung lui sourit d'approbation en retour, le rassurant.
C'était officiel, ce soir, Jisung comptait bien s'amuser.
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Les choses deviennent plus sérieuses... ou alors beaucoup moins, à voir :p.
J'espère que cela vous plait toujours autant.
Des baisers mes fées,
M.
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