- Où est Jeongin ?

Seungmin semblait inquiet, il s'était habitué à la présence du plus jeune et ce dernier était maintenant pleinement investi et intégré au groupe d'ingénieur.

- On devait tous se rejoindre ici, il ne manque personne à part lui, quelqu'un l'a vu repartir ?

Les six garçons se regardaient dans l'incompréhension. Minho était parti avant eux afin de rattraper son absence et d'au moins présider la dernière conférence, mais Jeongin ? Seungmin n'en savait pas plus et il semblait inquiet, ce n'était pas dans les habitudes du jeune homme de disparaître ni même d'inquiéter ses proches.

- J'ai essayé de l'appeler mais il ne répond pas... qu'est-ce qu'on fait ?

Jisung semblait prit au dépourvu ne sachant pas trop quoi faire. Alors comme toujours dans ces situations, il regarda Félix avec attention, lui qui trouvait toujours remède à tout.

- Je le connais que de vu les gars, je ne connais pas ses habitudes alors je ne sais pas quoi vous dire... mais je peux demander aux gars de la sécurité d'ouvrir l'œil si vous voulez, peut-être qu'il a juste du retard et qu'il va arriver ? Dès qu'on l'aperçoit, je demande aux vigiles de me passer un coup de fil. Ça vous va ?

Changbin essayait de rassurer le groupe et particulièrement son petit ami en attrapant discrètement son regard. Changbin aurait fait n'importe quoi pour rassurer Félix.

- On n'a pas vraiment le choix de toute manière... Si on n'a pas de nouvelles d'ici deux heures, on ira à son appartement.

Seungmin, toujours aussi pragmatique et lucide lors de situation douteuse s'emparas immédiatement du lead quant aux décisions. Cela rassurait toujours Jisung, lui qui se sentait rapidement débordé par ses émotions, d'autant plus lors de situations nouvelles ou imprévues. Alors, entre Félix capable de le soutenir et de gérer le changement, et Seungmin, toujours en capacité de prendre des décisions et de l'épauler, Jisung était définitivement bien entouré.

- Parce ce que tu as déjà été chez lui ?

La voix d'Hyunjin avait été lancée sans que personne ne s'y attende. Froide et autoritaire, et pourtant, pour qui savait écouter, désespérément tremblante, comme soucieuse d'une réponse qu'il ne voulait pas entendre. Son regard, lui, demeurait perçant, cerclé par un trait de crayon noir qui ne le rendait que plus venimeux.

- Oui.

Seungmin saisit parfaitement sa provocation sans pour autant en comprendre la raison ni même la source. Il ne savait ni comment, ni pourquoi ou depuis quand, mais il était maintenant persuadé que Hyunjin et Jeongin se connaissaient et si ce n'était pas le cas, alors quelque chose lui échappait et il détestait cela.

- On t'entends si rarement habituellement Hyunjin...

Ce n'était plus une question, mais davantage une affirmation lourde de sous-entendu que Seungmin lui lançait au visage. L'ingénieur semblait curieux de voir ou cette conversation pouvait les mener alors qu'Hyunjin le regardait de plus en plus froidement. L'air supérieur de Seungmin l'horripilait et de savoir qu'ils s'étaient vu chez Jeongin le rendait fou malgré lui.

- On va être en retard, on y va !

Changbin pointa de la main la devanture du bâtiment alors que personne n'avait fait attention à cet échange. En silence, tous se suivirent jusque dans le hall d'entrée.

- Je te dois 30 000 wons Seungmin ! T'avais raison.

Jisung avait un sourire en coin et il désigna d'un mouvement rapide de tête son ami Félix qui était sur le point d'entrer dans la plus grande salle de conférence du bâtiment, spécialement décorée pour le gala. Seungmin ne comprit pas tout de suite alors il prit le temps d'observer avec attention l'espace devant lui. C'est là qu'il aperçut un peu plus loin son ami et de là où il était, tout le monde pouvait aisément apercevoir la main de Changbin, possessivement posée sur la chute de rein de leur ami, le guidant dans la salle. Il s'était fallu d'une seconde pour que sa main disparaisse, comme un geste fantasmé, mais les garçons en avaient suffisamment vu.

- On parie sur la durée maintenant ? Mr « Félix est incapable de garder un secret plus d'une minute » ? Pour ma part, je dis qu'ils sont ensemble depuis au moins quatre ou cinq mois !

Seungmin semblait sûr de lui et Jisung était joueur,

- Va pour deux mois max !

Sans attendre de retour, Jisung s'enfonça rapidement dans la salle au-devant de son ami avant de finir par le rappeler,

- Au fait, Seungmin ?

Ce dernier regarda vivement son ami avec un regard interrogateur surplombé d'un sourire fier perché sur le bout de ses lèvres provocatrices. Jisung lui envoya alors son troisième doigts avant de se retourner à nouveau vers la salle et d'avancer vers le buffet.

Seungmin ria franchement face au geste rageur de son ami et sur son passage, il attrapa une coupe de champagne que portait gracieusement un serveur sur un plateau à la couleur de l'or.

Lorsque l'ingénieur s'apprêta à approcher la coupe de ses lèvres pour boire une gorgée, il vit dans son angle de vision Hyunjin quitter discrètement la fête.

C'est là que tout à coup, tout finit par s'éclairer pour lui et que Seungmin termina d'effacer le moindre doute qui pouvait lui rester.
Hyunjin et Jeongin se connaissaient et même plus que ça,

Hyunjin savait parfaitement où se trouvait Jeongin.

—

Au même moment, dans un quartier voisin, Jeongin faisait glisser une porte massive de métal qui donnait sur un atelier d'art. Cette dernière était si lourde qu'il devait se tenir sur un pied pour la déplacer. Il avait presque oublié à quel point il fallait forcer pour l'ouvrir.

Accéder à Hyunjin était toujours truffé d'étapes.

Un fois ouverte, Jeongin fît face à ce qu'il avait toujours eu envie de revoir, presque autant qu'il en redoutait pour autant l'apparition.

Devant lui s'étendait une pièce d'une trentaine de mètres carrés qu'il connaissait par cœur.

La hauteur sous plafond de l'espace lui rappela instantanément le sentiment d'immensité autant que d'intimité qu'il ressentait autrefois, en venant ici. Le sol, lui, était fait d'un béton trempé gris couvert de tâches de peinture ou encore de plâtre séché depuis des années. En s'avançant, il pouvait même apercevoir quelques morceaux de fusains écrasés. Cette vision le fît sourire. De sa hauteur, Jeongin s'accroupie pour en saisir un morceau entre ses doigts fins et aussitôt, ils devinrent noir de charbon, terminant de le plonger dans une époque pourtant révolue.

Pensif, il porta ses doigts à son nez pour en humer l'odeur terreuse dont Hyunjin était toujours porteur... En captant cette essence, Jeongin se pensa qu'il était parfois fou de se rendre compte combien quelque chose d'aussi simple que du fusain pouvait nous ramener à un sentiment, une émotion, ou encore, un souvenir bien précis...

Il y a bien longtemps, dans les secrets d'un atelier :

- Toi, tu sais dessiner ? Dessiner quoi ? Des bonhommes bâtons ?

Hyunjin, moqueur, s'approcha de son petit ami alors qu'il était encore hilare. Ce dernier boudait et ainsi, avec cette mine renfrognée, il le trouvait adorable. Impulsif, tel qu'il savait l'être, l'artiste lui écrasa du charbon sur le bout du nez, amusé de voir la réaction de son amant.

- Comment oses-tu Hwang ?! Me salir, MOI Yang Jeongin ? Je croyais que j'étais ta plus grande œuvre !

Hyunjin ria plus franchement et d'un pas doucereux il s'approcha encore davantage de son cadet encore porteur de son air théâtral. Il lui embrassa du bout des lèvres la pommette, d'un baiser fin et discret, de ceux que l'on fait par habitude et confort. Jeongin, calmé par son touché, lui sourit avec douceur et intimité tout en abaissant sa vigilance, attendris par cet homme qu'il aimait tant.

Et c'est là que fut son erreur, car il ne fallut pas moins de quelques secondes à Hyunjin pour se retourner afin d'attraper un pinceau encore posé dans de l'acrylique. Sans hésiter, le plus âgé lui colla le plumeau coloré sur le visage, le maculant de cette couleur qui lui allait pourtant si bien.

Jeongin était sans voix, contrit par sa naïveté et abasourdie par l'audace de son petit ami ! À présent, de la peinture verte foncée maculait la moitié de son profil tout en commençant par couler sur son t-shirt favori. Il ferma ses yeux un instant, le temps de comprendre ce que son amant venait de faire et lorsqu'il comprit, Hyunjin savait qu'il en était fini de lui. Des fossettes de malice commençaient à apparaître sur la commissure des lèvres du plus jeune et sans plus de sommation, la guerre avait été lancée.

- T'es un homme mort Hwang !

De l'extérieur on pouvait entrevoir deux enfants se courir après, pinceaux et verres d'eau sales en main. Du charbon traversait la pièce comme s'il n'y avait pas eu de lendemain et à cet instant, sans le savoir, ils vivaient leurs plus beaux instants.

Leurs rires rebondissaient sur les murs de l'atelier, ne donnant que plus de symbolique à ce lieu de création dont Jeongin avait imprégné les murs, captivant Hyunjin durant des nuits entières. Il semblait même que la ville toute entière s'était arrêtée pour les regarder vivre l'instant

L'insouciance du moment et la beauté de leur intimité était telle que personne n'aurait pu prédire la moindre faille à venir. Leurs sourires électrisaient l'air ambiant et chaque goutte de peinture lancée semblait les amener un peu plus loin dans leur complicité.

Et alors qu'il continuait de se courir après, Hyunjin glissa sur un morceau de carton posé par terre et attira Jeongin à lui dans sa maladresse. La chute avait été brutale et sans artifice. Le béton ne pardonnait jamais et pourtant, les deux garçons étaient hilares. À cette époque, rien n'aurait pu ternir leurs instants.

Épuisés, ils déposèrent leurs armes respectives avant de prendre un instant pour se contempler dans le silence. Jeongin était allongé sur son flanc gauche, la tête appuyée sur sa main alors qu'il observait Hyunjin avec soin. Couché sur le dos, ce dernier regardait également son amant. Heureux, il ne pouvait dévisser les yeux de ceux de son petit ami, c'était au-delà de lui. Hyunjin l'aimait à en perdre la tête et à cet instant, c'était comme si la terre venait d'arrêter de tourner.

Eux deux contre le reste du monde.

D'où ils étaient, les deux amants pouvaient entendre les bruits environnants de la vie qui les entourait. Les klaxons discrets de la ville, étouffés derrières les parois massives de leur cocon, les rires des enfants qui rentraient de l'école, le souffle du vent qui venait caresser le toit des bâtisses environnantes, et pourtant, rien n'aurait pu les distraire du spectacle dont chacun était témoin.

Téméraire, Jeongin caressa du bout des doigts le visage de son aîné. Comme si ce dernier était une statue dans un musée, il avait peur de l'abîmer. Il le trouvait si beau en cet instant qu'avoir le droit de le toucher lui semblait irréel. Il était un homme chanceux, il le savait et pourtant, cet instant le lui rappelait encore. Jeongin avait toujours admiré profondément Hyunjin. Il le trouvait plus fort qu'il n'était, et probablement encore plus qu'il ne sera jamais. Il lui semblait courageux, impulsif, créatif. Il était de ces hommes que l'on ne croise qu'une fois dans une vie et dont il est difficile de se montrer à la hauteur. Alors pour toujours, il espérait l'être.

Et c'est lorsque que Jeongin se dit en lui-même qu'il n'avait jamais vu pareille beauté qu'Hyunjin pensait que personne d'autre que Jeongin n'aurait pu être si doux avec lui. Il était le seul à pouvoir le toucher ainsi, et il ne parlait pas ici de physique.

Alors, perdu dans cette contemplation mutuelle, Jeongin puisa dans la force que lui donnait son amant pour lui aussi faire preuve d'impulsivité,

- Je t'aime Hyunjin.

—

Du plus vieux qu'il se souvienne, Jeongin n'avait jamais été si heureux de sa vie que lors de cette fin d'après-midi là et pourtant, ce même charbon maintenant froid sur ses doigts lui faisait mal. Le sol lui paraissait gelé et son corps se mit à trembler.

Il ne savait plus si c'était une si bonne idée d'être venu ici, mais au moment où Jeongin prit la décision de partir, il lui sembla entendre le bruit caractéristique de la porte en métal qui s'ouvrait et à cet instant, il sut qu'il était trop tard,

Ils allaient devoir se confronter. 

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À votre avis, que s'est-il passé ? Sur quoi va se jouer la confrontation ?
Ce chapitre m'a beaucoup ému omg !

Des baisers, 
M.