01.
« Bonjour », lança la jeune fille en entrant dans la petite boutique, les mains enfoncées dans les poches de sa veste.
Le vendeur répondit à peine du bout de lèvres, sans relever les yeux de son ordinateur, affalé sur un tabouret derrière le comptoir. Laureline haussa les sourcils, ravie par l'enthousiasme du vendeur, et se détourna pour s'avancer dans les rayons.
Heureusement que le vidéo club se trouvait juste en bas de la rue, sinon, sa journée - ou plutôt sa soirée - aurait été foutue. Depuis plusieurs jours, elle avait prévu de se faire un marathon de films, en l'occurence Avengers 1 et 2. Mais quelques minutes plus tôt, alors qu'elle était sur le point de commencer, elle s'était rendue compte qu'elle avait perdu le DVD du premier film. Paniquée, elle avait enfilé sa veste et ses baskets pour se précipiter dans le petit vidéo club dans lequel elle avait pris l'habitude d'emprunter des films. Et tant pis pour ses économies du mois.
Elle se dirigea machinalement vers le rayon 'blockbusters', dépassant les Star Wars et autres Jurassic Park. Ses yeux se dirigèrent vers l'étagère où étaient classés les films en 'A'. Elle fut surprise de constater qu'Avengers ne figurait pas à la première place, comme d'habitude. Quelqu'un l'aurait-il déjà emprunté ? Ce serait vraiment trop injuste.
Laureline se mit à fouiller parmi tous les DVDs. Alien, Alice au Pays des Merveilles, Avatar, Ave Cesar... Mais pas de traces d'Avengers. Frustrée, elle se dirigea à grands pas vers le comptoir.
« Bonjour », répéta-t-elle en se penchant vers le vendeur, qui s'arracha difficilement à son écran pour lever les yeux vers elle. « Je cherche le DVD Avengers », fit-elle en détachant bien les syllabes. Il avait l'air épuisé, de très mauvaise humeur. De grosses cernes violettes s'étalaient sous ses yeux. « Le premier. »
« Le DVD Avengers ? » répéta le vendeur, en la regardant de travers. « C'est-à-dire, heu...? »
« Ben, le premier volet d'Avengers. Vous savez, les super-héros... »
« Oui, merci, je vois qui sont les Avengers », rétorqua-t-il en la gratifiant d'un regard noir. « Mais je ne suis pas sûr de comprendre. Vous parlez d'un documentaire ? »
« D'un documentaire ? » répéta Laureline en haussant les sourcils. « Non, pas du tout- enfin, vous ne l'avez jamais vu ? Marvel Studios, tout ça, ça vous dit quelque chose ? » Elle essayait tant bien que mal de contenir son impatience.
« Marvel quoi ? »
Laureline s'incita à rester calme. Le pauvre vendeur n'était pas responsable du fait que sa soirée Marvel partait complètement en cacahuète.
« Non, laissez tomber », soupira-t-elle. Elle n'avait pas envie de passer des heures à se disputer avec lui. Tant pis pour lui s'il ne connaissait pas Marvel Studios et ses films, sa vie était ratée. « Merci, au revoir », lança-t-elle en sortant du vidéo-club, laissant le vendeur planté derrière son comptoir, perplexe.
Elle consulta l'heure sur son portable. Il était trop tard, la Fnac était probablement fermée à cette heure-là. Elle poussa un soupir de frustration. Sa soirée était fichue. Quel film allait bien pouvoir remplacer Avengers ? Elle n'avait qu'à regarder Iron Man. Oui, un bon vieux Iron Man, ça ne ferait pas de mal.
Elle rentra chez elle en traînant des pieds et en insultant copieusement cet incapable de vendeur. C'était tout de même bizarre, parce qu'elle était certaine d'avoir déjà vu le DVD d'Avengers dans les rayons du vidéo-club. Bah, tant pis.
Elle s'affala sur son canapé et saisit la télécommande tout en retirant sa veste et ses baskets pour s'emmitoufler dans sa couverture. Sur la table devant elle, tout était prêt : pizzas, sodas, dessert et biscuits. Elle avait tout prévu. Pour une fois qu'elle était seule chez elle, autant en profiter pour se faire une bonne soirée film. Elle saisit la télécommande et alluma sa télé, se rendant directement sur Netflix. Un 'toudoum' plus tard, elle se promenait parmi tous les films proposés pour trouver Iron Man. Elle fronça les sourcils lorsqu'elle se rendit compte qu'il n'était pas à sa place habituelle. Est-ce que tout le monde s'est mis d'accord pour me gâcher ma soirée ? Elle se pencha en avant et quitta Netflix. Tant pis, elle irait louer Iron Man sur iTunes. Hors de question de renoncer aussi à ce film.
Sa mâchoire se décrocha lorsqu'elle constata qu'il n'était pas non plus disponible. 'Aucun résultat', annonça Siri.
« Comment ça, aucun résultat ? » éructa-t-elle en se déchaînant sur la télécommande. « Je rêve ou le monde n'a subitement plus aucune culture ? »
Laureline finit par se rendre à l'évidence que maltraiter la télécommande ne l'avançait pas beaucoup, et se décida à la reposer sur la table.
Une solution, une solution, il me faut une solution... Le supermarché ! Ils avaient de tout, elle n'aurait aucun mal à trouver le DVD dans les rayons multimédia. Elle enfila sa veste et ses baskets pour la deuxième fois de la soirée, enfourcha son vélo et fila vers le supermarché en pédalant plus vite qu'elle n'avait jamais pédalé. Au-dessus de sa tête, les étoiles s'allumaient progressivement dans le ciel noir. Ses parents la tueraient probablement s'ils apprenaient qu'elle était sortie de la maison aussi tard.
Par chance, le supermarché était encore ouvert à cette heure-là. Elle ne prit pas la peine d'attacher son vélo et manqua de rentrer dans les portes automatiques tant elle voulut se précipiter à l'intérieur.
Le magasin était presque désert, et Laureline fila entre les rayons jusqu'à atteindre celui des multimédias. Avengers, Avengers... Quelque chose clochait forcément. Comment se faisait-il que le film ne se trouve plus nulle part ? Ni aucun autre film Marvel, constata Laureline après une rapide vérification du rayon. C'était... absurde.
N'y tenant plus, elle traversa le grand supermarché en courant et se jeta sur le premier vendeur qu'elle croisa.
« BONJOUR », s'écria-t-elle si fort que l'intéressé eut un mouvement de recul. Il ouvrit la bouche pour répondre, mais la jeune fille le coupa aussitôt : « Est-ce que vous connaissez les Avengers ? » Le vendeur parut très étonné.
« L-les Avengers ? Bien sûr, je veux dire, tout le monde connaît les Avengers. » Il fronça les sourcils en la dévisageant, comme si quelque chose ne tournait pas rond chez elle.
« Alors pourquoi vous n'avez pas le DVD dans vos rayons ? » reprit-elle.
« Le DVD ? » répéta-t-il en clignant des yeux très vite.
« Oui, le DVD ! Enfin, c'est pas compliqué, si vous connaissez les Avengers, vous connaissez le film ! Le film !! » répéta-t-elle en articulant avec exagération, au bord de la crise de nerfs.
« J-je ne comprends pas, mademoiselle », rétorqua le vendeur, légèrement effrayée par le regard meurtrier de la jeune fille. « Je ne connais pas de... de film ou de DVD sur les Avengers. »
Laureline recula, et le vendeur poussa un soupir de soulagement. Qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Elle n'était tout de même pas devenue folle ?
« Attendez, mais- qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Comment vous connaissez les Avengers, dans ce cas-là ? »
Le vendeur fronça les sourcils, comme si la question était absurde, et la réponse évidente.
« Mais enfin, depuis New York, tout le monde connaît les Ave- »
A cet instant, une grosse secousse ébranla le sol, et Laureline n'eut pas le temps de s'interroger sur la réponse de son interlocuteur. Ils échangèrent un regard paniqué, et la jeune fille n'hésita pas plus longtemps pour se précipiter vers la sortie du supermarché. Les portes automatiques grincèrent en s'ouvrant devant elle, et le froid de la nuit l'enveloppa aussitôt.
Elle ouvrit des yeux ronds en découvrant qu'un gros cratère s'était creusé au beau milieu du parking, qui, heureusement, était désert à cette heure-là.
« Oh mon dieu, mais qu'est-ce que- » commença-t-elle, s'adressant au vendeur qui l'avait suivie.
Elle se tut aussitôt lorsque quelque chose émergea du cratère. Quelque chose... de gros. Quelque chose qui ressemblait à un... un crapaud - ? -, mais un crapaud avec des bras et des jambes et une armure bizarre.
Derrière elle, le vendeur étouffa un hoquet de stupeur.
Le crapaud poussa un rugissement de rage et brandit une... une hache - ? - au-dessus de sa tête. Laureline était trop stupéfaite pour esquisser le moindre geste. C'était tellement horrible et tellement incroyable à la fois. C'était comme... comme dans tous ses films, tous ses comics, toutes ses histoires de super-héros ! Cette soirée tournait vraiment au vinaigre.
A ce moment, quelque chose d'autre émergea du cratère : une armure rouge et or, vacillante, flottant au-dessus du gros trou qu'avait creusé le crapaud en armure au beau milieu du parking.
« Woah, on dirait que t'es bien énervé, cette fois », lança l'armure, s'adressant au crapaud XXL.
Laureline se demanda si elle devait s'évanouir ou hurler ou s'enfuir en courant ou se réveiller. A quel moment de la journée tout avait-il commencé à aller de travers ? Comment était-ce possible que le super-héros qu'elle avait contemplé tant de fois sur grand écran ou sur des pages de BD se tienne en face d'elle à cet instant ? Elle avait définitivement fumé quelque chose de pas net.
Le crapaud rugit de fureur une nouvelle fois et essaya de faucher Iron Man avec sa hache. Ce dernier l'évita de justesse et riposta en foudroyant la chose d'un rayon doré. Le crapaud poussa un autre hurlement et envoya balader le super-héros dans les airs d'un geste du bras.
Laureline aurait probablement été heurtée de plein fouet par Iron Man si le vendeur ne l'avait pas tirée sur le côté juste à temps. Les yeux ronds, elle le regarda s'écraser dans la vitrine, sans faire attention à l'éclat de verre qui se ficha dans son avant-bras.
Le super-héros se releva en grognant, et aperçut la jeune fille et son vendeur.
« Bonsoir », fit aussitôt Laureline. Le mot s'était échappé de sa bouche avant même qu'elle s'en rende compte.
« Bonsoir », répéta Iron Man. C'était très perturbant parce qu'elle ne pouvait pas voir son visage, et elle n'était pas sûre que son ton soit sarcastique. Enfin, il était probablement sarcastique.
« Vous existez », ajouta-t-elle.
« Visiblement, oui. »
Elle le fixa pendant une fraction de seconde, puis désigna la créature qui se tenait toujours au milieu du parking, sans pour autant quitter le super-héros des yeux.
« Je crois que vous avez un super crapaud de l'espace à affronter. »
« Ah oui, effectivement. »
Il décolla aussitôt, droit sur le crapaud de l'espace. La jeune fille le suivit des yeux.
Sa soirée était vraiment bizarre.
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