✩ VII - Haine ardente ✩ 1/3
🎵 Opening : Two Steps From Hell ~After the Fall
Edit du 02/02/2025
◢Chapitre VII : Haine ardente (partie 1)◣
Orsei – Nacir, palace Leblanc. Un mois plus tôt...
Les doigts tremblants, Jonathan pénétra dans la salle d'audience. Les représentants de chaque clan influent d'Orsei étaient là, leurs regards lourds de méfiance et de jugements déjà rendus. L'atmosphère électrique lui dressa les cheveux sur la nuque. Il avait eu des jours pour se préparer, assigné à résidence, mais il doutait d'avoir rassemblé assez d'arguments pour défendre son père. James Leblanc restait introuvable. Tout indiquait qu'il avait passé la frontière maariane, renforçant l'hypothèse d'une fuite coupable.
Une fois que le magistrat Alix Devgan eût exposé l'affaire, la première question fusa, tranchante :
— Persistes-tu à croire en son innocence ?
Le ton était trop accusateur pour un homme censé juger impartialement. Jonathan déglutit. Le verdict semblait décidé d'avance. Tous iraient dans le sens du chef de tribu. Jonathan n'avait donc qu'un seul homme à convaincre. Sinon tout serait perdu. Il redressa la tête et planta son regard dans celui, froid et insondable, de son cousin.
— Je ne veux présumer de rien... mais Père n'est pas un meurtrier.
Un grondement parcourut l'assemblée. Rires jaunes, exclamations outrées. Jonathan sentait le sol se dérober sous ses pieds, mais il jouait gros, il ne pouvait pas reculer. D'une voix forte, il couvrit le tumulte.
— Comment expliquer que Dan, un combattant aguerri, en parfaite santé, soit retrouvé mort dans son sommeil ? L'empoisonnement de nos volières confirme le meurtre par poison. Mon père a ses vices mais il ne s'abaisserait pas à celui-là. Enfin, quelqu'un voulait retarder Dean dans sa découverte de l'assassinat.
— Pour accorder à ton père le temps de fuir ! hurla un homme.
Sous son impulsion, la salle explosa. Cris, accusations, poings frappant contre les pupitres. Les cadavres d'oiseaux découverts un peu partout dans Nacir avaient fini d'instiller une ambiance morbide. Outre l'aspect macabre, cela soulevait un enjeu sanitaire car rôdait un risque d'épidémie. La cité entière s'activait à se débarrasser des volatils en pourrissement. Face à une telle hécatombe, les arguments de Jonathan ne pinçaient aucune corde d'indulgence. Les Whites voulaient un coupable. N'importe lequel. Jonathan sentit son cœur cogner dans sa poitrine. D'une voix plus urgente, il reprit :
— Père n'aurait pas commis cette erreur. Il savait combien Dan était respecté. Il savait combien il comptait pour Dean.
Il soutenait que le meurtrier n'appréhendait pas à quel point le Maître d'armes avait été apprécié.
— Ou peut-être qu'il comptait dessus, justement, glissa Kurt. Sur le chaos que cela déclencherait.
Jonathan chercha le regard de Dean, un appel muet au raisonnement comme l'homme ne bronchait pas face au commentaire qui condamnait James.
— Ne vois-tu pas ? le supplia-t-il. C'est un complot trop intelligent pour que mon père en soit l'instigateur !
Dean arqua un sourcil. Première réaction. Quelques moqueries se diluèrent dans l'indignation. Jonathan venait-il de traiter son propre père d'imbécile ?
— Tu insinues que faire accuser James est le but de la manœuvre ? demanda Dean, mesuré.
— J'en suis convaincu !
Un brouhaha s'éleva, tranché par l'analyse d'Ilona :
— Ça ressemble étrangement à la méthode de l'empoisonneur. Faire croire qu'un amateur a dilué les poisons au hasard, alors qu'il a choisi un toxique décelable uniquement sous les rayons de lune.
Les têtes se tournèrent vers elle.
— Le décès de Dan a été estimé à la nouvelle lune.
Ce détail disait à quel point l'assassin s'était montré précautionneux. Le poison utilisé avait été identifié par élimination, car les autres toxiques restaient détectables à l'autopsie contrairement aux Larmes de Lune. Jonathan ne sut si Ilona lui tendait une perche. Il sentit une brèche s'ouvrir. Une chance. Peut-être la seule. Il s'y engouffra.
— Il y a un schéma récurrent ! Quelqu'un tisse une toile derrière ces différentes manigances.
Dean croisa les bras.
— Développe.
Jonathan inspira profondément.
— D'abord, un décret royal ordonne ta destitution...
Dean l'interrompit, glacial :
— Au profit de mon oncle.
— Oui, admit Jonathan, la mort dans l'âme. Mais écoute-moi, je t'en prie ! Ensuite, Dan est assassiné et nos volières sont sabotées. Ces actes sont contradictoires ! Pourquoi mon père tuerait Dan, sachant que cela provoquerait la révolte de tes hommes, qui te sont entièrement loyaux ? Cet acte lui aliénerait tous les Guerriers Whites ! dit-il en balayant l'auditoire du regard.
Quelques mines pensives l'encouragèrent. La réplique d'une matriarche du clan Orlando doucha son soupçon d'espoir.
— Pourquoi ? Parce qu'il complotait avec le roi, pardi ! Ce n'est pas si compliqué à comprendre.
Il ne faisait aucun doute que James avait manigancé. Les murmures approbateurs se multiplièrent. Nombre de dignitaires Orseians avaient une vision figée sur l'oncle envieux du pouvoir du neveu. Et même ceux qui admettaient que James avait pu être manipulé ne le croyaient pas innocent pour autant. Rien ne le disculpait.
— Pour atteindre son objectif, il s'est fait aider du Grand Red, qui a toujours craint la popularité du Gouverneur, lança Bran Terrence, régisseur de la cité d'Izy. James Leblanc n'a été qu'un pion d'un jeu de kwija dont l'envergure le dépassait.
— Ça tombe sous le sens, non ? insista Jonathan.
C'est alors que Chayton intervint.
— Justement, c'est trop évident.
Jonathan se tourna vers lui, appréhensif. Qu'allait pondre cet homme qui allait trop souvent à son goût dans le sens de Dean ?
— Le fait que ce soit trop limpide fait douter Jonathan, poursuivit Chayton. Peut-être que James n'était qu'un instrument, comme vous dites, Bran.
Le silence s'épaissit. Seulement, au moment des faits, aveuglés par la douleur et la colère, les guerriers de Dean n'étaient pas prêts à réfléchir. En l'absence du seigneur des lieux, faute de tête à planter sur un piquet en raison de la défection de James, le moindre suspect avait été saisi. La parole du fils du félon ne pesait plus sur la balance et Jonathan s'était retrouvé entre le marteau et l'enclume, pressurisé par sa piété filiale qui l'obligeait à plaider la cause paternelle et sa loyauté white qui le poussait à condamner son père.
— Il faut croire que mon oncle avait encore une once d'intelligence, déclara Dean, un sourire mauvais aux lèvres. Sa fuite a eu lieu juste avant la découverte du corps de Dan.
Jonathan retint son souffle. La suite ne l'aida pas à retrouver une ventilation normale.
— Tu admettras que ça crie coupable, ou à défaut... complice.
Cette trahison de James avait livré son épouse et son fils à la colère des partisans du gouverneur. Jonathan avait gagné un sursis en découvrant l'état suspect des poisons et en aiguillant l'enquête sur la piste du meurtre. On l'avait forcé à se porter « volontaire » comme messager, à la suite du sabotage des volières. Les hommes l'avaient envoyé à dos de sarrick, dans l'espoir que la bête le liquide en route. Dans le cas où il y survivrait, Dean achèverait le travail. Ils connaissaient assez leur chef pour savoir qu'il voudrait étêter la personne rapportant une nouvelle aussi sinistre que le meurtre de son frère. Ils n'avaient pas été bien loin de la réalité... Enfin, ils avaient laissé Jonathan partir car ils ne doutaient pas que Dean le retrouverait, s'il lui venait l'idée incongrue de prendre la clé des champs.
L'estomac de Jonathan se noua. Cette plaidoirie n'aboutirait pas sur un sursis pour James, tant le regard dur de Dean présageait un funeste destin pour son oncle. Le Chef White analysait, contenait sa rage et se réservait le jugement de James. Quand ce jour arriverait, James mourrait. Soudain, Dean tapota du pied, signe de son impatience.
— James attendra. En revanche, reprit-il d'une voix glaciale, parlons du cas Sonia.
Un frisson parcourut la salle. Jonathan relâcha un souffle tremblant. Elle avait été détenue en attendant le retour de Dean, mais à l'arrivée de ce dernier, elle ne se trouvait plus à Nacir. Pour le plus grand mécontentement de Dean. Comment ce cas avait-il été géré ?
Les Guerriers Whites exigeaient son exécution. Sonia, en revanche, n'avait pas tremblé. Elle avait évidemment plaidé son innocence. Face aux vociférations accusatrices, elle était demeurée impassible. Pas une larme, à peine un frisson d'inquiétude, l'attitude étrangement polie, comme si elle jouait une partie dont elle connaissait déjà l'issue.
— Si j'étais vraiment coupable, pensez-vous que je serais encore ici à discuter avec une bande d'aveugles ? avait-elle lancé à la foule, au risque d'attiser la fureur à son endroit.
Dans un accès de fierté probablement, elle avait stipulé agir en toute légalité et loyauté envers son souverain. Le culot de cette femme... Elle souriait, alors qu'ils réclamaient sa tête.
— Vous voulez me tuer ? Allez-y, prouvez à quel point vous êtes barbares ! Vous n'aurez aucune réponse sur la mort de Dan et vous aurez du sang innocent sur les mains. Si vous cherchez un coupable, regardez plutôt votre roi ! Je vous le dis, vous vous en prenez à une pauvre femme sans défense !
Ses mots avaient semé le doute chez les Whites et mis les soldats de la Légion Rouge sur des feux ardents. Leur présence avait soufflé sur les braises de la vengeance, avivant un nouveau brasier de colère.
Devgan prit la parole, circonspect.
— Par une manipulation plutôt habile, elle a réussi à positionner les hommes de la Légion Rouge en défenseurs.
Les hommes du roi s'étaient moqués du fameux courage du Guerrier White. D'après le Général, l'ordre de mettre James à la tête d'Orsei émanait bien du Grand Red. En quoi cela faisait de Sonia une parjure ? Pourquoi s'en prendre à une femme qui agissait selon les ordres royaux ?
Dean haussa un sourcil.
— Ah, le fameux Timothy Medley.
— Le Général a plaidé pour elle, continua Devgan.
— Vraiment ? ironisa Dean.
Devgan frissonna.
— Elle a tant et si bien clamé son innocence, qu'avec de tels avocats, on a fini par lui accorder le bénéfice du doute.
— Et vous l'avez remise en liberté, fit Dean, la voix lisse de toute émotion.
C'était terrifiant. Devgan tenta une justification maladroite.
— Liberté conditionnelle, votre Grâce. Le Général Medley a décrété que lever la main sur elle serait considéré comme un acte de félonie envers sa Majesté Andy Rell. Et comme elle l'a expliqué, des missives royales contenant les ordres de sa Majesté ont été retrouvées dans son courrier.
Le regard de Dean s'assombrit.
— Bien. Nous verrons si Sonia survivra à sa propre audace.
Sur un ordre sec d'Alix Devgan, les lettres furent apportées et distribuées aux représentants des clans. Le scellé royal brilla à la lumière du jour. Dean les avait déjà lues et authentifiées. Le roi conférait les pleins pouvoirs à James Leblanc en tant que nouveau Gouverneur d'Orsei. Pire, il assurait qu'il se chargerait du cas Dan Leblanc... si celui-ci devenait un problème.
La révélation tomba dans la salle comme un lingot de fonte noresiane. Un silence glaçant s'y répandit.
— Elle a soutenu que si James a fui, elle en ignorait les raisons, déclara Alix avec réserve. D'après elle, son époux a toujours été un faible.
Des ricanements méprisants résonnèrent. Pourtant, ça n'avait pas ri quand Sonia, passionnée, avait admis que James n'avait rien d'un guerrier, qu'elle avait appris à le chérir ainsi et peu de femmes pouvaient se vanter d'aimer inconditionnellement un homme malgré ses travers. Une épouse loyale. Ou une manipulatrice habile.
— Elle a aussi émis l'hypothèse que James a fui parce qu'il craignait pour sa vie. Peut-être que celui qui a orchestré le meurtre de Dan voulait se débarrasser des Leblanc en entier.
Un murmure parcourut l'assemblée. Toujours était-il qu'à la suite à ce revirement, nul n'avait su que croire. Jonathan, lui, savait. Du moins, il pensait savoir. Après sa libération, il avait visité sa belle-mère dans ses appartements. Et ce qu'elle lui avait dit... le troublait encore à ce jour.
— Je salue ta loyauté filiale, Jonathan.
Sourire insolent, presque amusé. Jonathan l'avait fusillée du regard.
— Que cherches-tu à faire ?
— Moi ? Rien du tout.
Son ton était léger. Ironique. Trop léger. Une façade ?
— Et je ne suis loyal qu'à la vérité, Sonia. Elle finira par se savoir.
Elle avait ri doucement, un son à la foi moqueur et désabusé, qui lui avait insufflé une bouffée de haine.
— La vérité, hein ? Alors continue à la chercher, murmura-t-elle, soudain grave. Pendant que ton père, lui, est en fuite.
Jonathan avait refusé de lui montrer à quel point cela l'affectait. Il ne voulait pas non plus compatir à sa peine de femme abandonnée.
— Tu devrais plutôt te demander pourquoi.
La phrase avait flotté dans l'air, tel un défi. Jonathan avait senti ses entrailles s'agiter, comme Sonia jouait de l'instrument de ses doutes.
— Tu veux le défendre, mais tu ignores pourquoi il est parti.
— Je suppose que toi, tu sais !
Sonia s'était contentée de le dévisager, énigmatique. Jonathan était parti, la gorge serrée, car il ne tirerait rien d'elle. Elle l'avait emprisonné dans ses doutes, depuis. Les avait-elle nourris à dessein ou tentait-elle simplement d'avoir un ascendant malsain sur lui ? Il n'avait jamais fait mystère de son désamour pour Sonia et elle le lui rendait bien. Désormais, Jonathan se demandait si elle n'était pas plus vicieuse qu'elle ne le prétendait. Manipulatrice ou simple opportuniste ? Un double jeu périlleux.
Elle avait retourné l'opinion de la Légion Rouge en sa faveur. À saluer, vraiment ! Certains Guerriers Whites supportaient de moins en moins cette situation, or sans preuve, leur colère restait un feu sans foyer et Sonia en attisait les flammes. Jonathan avait fini de se convaincre qu'elle était plus dangereuse que son père. Si elle avait su exploiter les tensions pour sa propre survie, c'était qu'elle bénéficiait du soutien d'un individu haut placé, dans l'ombre. Le Grand Red, ou quelqu'un d'autre... ? Les pièces du puzzle restaient éparses.
S'il s'agissait du roi lui-même, avait-il été judicieux de l'exposer comme elle l'avait fait ? L'avait-elle fait accuser pour détourner l'attention de sa personne ou d'autre chose ?
Pendant ce temps, les hommes cherchaient Dean. La loyauté de ses guerriers restait indéfectible, quoi qu'en pensent les dignitaires et politiciens ayant capitulé face aux sceaux royaux. L'on arpentait la Route Royale à la recherche du Gouverneur. Cependant, envoyer des rapaces porteurs de messages était trop risqué. Après l'empoisonnement des volières, la prudence était devenue une nécessité. En plus d'ignorer la position de la délégation en visite à Aram, l'on craignait aussi que les oiseaux ne soient interceptés. Subsistait le risque que le courrier fût surveillé.
Et puis il y avait Timothy Medley.
Le Général, installé en plein territoire hostile, restait étrangement confiant. D'aucuns ratissaient la province, se demandant si le roi n'avait pas embusqué plus d'hommes aux abords de Nacir, tant le calme du Général, malgré sa poignée d'hommes, inquiétait. Soit il était inconscient, soit il avait un plan et savait pouvoir compter sur un atout ou des renforts. Et Sonia en avait tiré parti. Jonathan le voyait maintenant. Cette femme sauverait sa peau, peu importe le prix. Même si cela signifiait pousser Dean à déchaîner sa fureur sur Raam, en rejetant la faute sur le Grand Red.
Jonathan devait être plus malin. Son père avait été un pion et avait tout perdu en suivant aveuglément Sonia avant de prendre la tangente, mettant une cible sur son dos. Jonathan ne commettrait pas la même erreur. Lui aussi tenterait de la jouer intelligemment. Sans preuve infeutrable incriminant James, il persisterait à imputer la mort de Dan aux manigances de sa belle-mère ; manigances visant à écarter Dean et sa coterie des rênes du pouvoir.
Concrètement, Sonia n'avait pas à correspondre avec sa Majesté. Elle ne possédait aucun titre officiel, si ce n'est celui octroyé par la seconde noce de l'oncle du gouverneur d'Orsei. Cela ne justifiait pas le courrier serti du sceau royal, trouvé en sa possession. Conclusion : James n'avait toujours été qu'un pantin entre ses mains.
— Père ne serait jamais allé voir le roi de lui-même. Il ne lui serait pas venu une telle l'idée.
Il posa ses mains à plat sur le haut pupitre derrière lequel il se tenait et planta ses yeux dans ceux de Dean. Bien que vulnérable devant l'audience juge, il se montrerait audacieux, quitte à se mettre en danger dans sa quête de vérité.
— Mon père est couard.
Un murmure d'étonnement parcourut la salle. Admettre cela était un risque. Jonathan n'en avait plus rien à faire. Au diable l'honneur White !
— Il boit et tout le monde le sait. Jamais il n'aurait eu le cran et le sang-froid d'initier un accord avec le roi.
La nature des chuchotements évolua. On lui donnait raison. Puis il lâcha la question fatale :
— Pourquoi le Grand Red l'aurait-il choisi, lui ?
Sur quelle base avait-il décrété James soudain plus apte à gouverner Orsei, quand la province était florissante sous le mandat de Dean ?
— Et cette histoire de félonie dont la cour royale accuse Dean dans la missive... D'où sort-elle ?
Le concerné grimaça. Son cousin ne nota pas qu'il y avait matière à relever, tout investi dans sa diatribe.
— James a fui. Un homme qui reçoit du roi toute légitimité à gouverner... fuit ?
Un rire amer résonna dans la salle. Il la dirait, cette vérité brutale.
— Mon père n'a jamais été à la hauteur. Il savait qu'il ne serait pas de taille face à ton ire, Dean.
— Lâche ! cracha quelqu'un.
— Est-ce une surprise ? grogna un autre.
James avait toujours redouté son neveu car il ne lui arrivait pas à la cheville. Aussi bien sur le plan guerrier que politique. Naturellement, James pensait à sa survie. Surtout avec une si faible défense pour clamer son innocence. Jonathan redressa les épaules. Son plaidoyer était clair. L'heure était venue d'exposer le véritable coupable.
— Personnellement, je trouve la décision du roi injuste, ridicule et motivée par une jalousie déguisée. En fin de compte, le vrai fautif, en dépit des manigances de Sonia et Père, reste le Grand Red.
Un silence lugubre tomba. Galvanisé, Jonathan poursuivit :
— À cause de ses décrets arbitraires, Nacir est en plein chaos. La mort de Dan, les complots, le sabotage de volières, l'angoisse dans les rues... c'est lui qui a semé cette pagaille ! Certains conseillers se servent du prétexte de la mort des rapaces voyageurs pour ne plus faire leur rapport. D'autres conspirent pour gagner en ascendance dans la gouvernance d'Orsei.
En l'absence du « nouveau » gouverneur James, de Dean et de Dan Leblanc, Jonathan avait noté des écarts de conduite qu'il avait couché dans un rapport trônant sur le bureau de Dean. Une des raisons pour lesquelles Dean le maintenait à son poste d'intendant, malgré la déloyauté de son père, était la conscience professionnelle avec laquelle Jonathan s'acquittait de ses tâches. Dean avait mis à profit la fenêtre durant laquelle il n'avait plus d'autorité légale, selon la décision royale, pour déraciner des rhizomes de rébellion. Non content de laisser les choses péricliter à Aram, le roi était venu semer le désordre à Nacir.
Jonathan chercha une réaction chez Dean. Un mouvement. Rien. Seulement un mutisme insondable, une ombre de colère voilée derrière ses yeux sombres. Certains n'avaient pas sa retenue et grondaient leur indignation. Enfin, Dean inspira profondément. Puis, il serra les poings. Le cuir de skeyf de ses mitaines grinça sous la pression de sa rage contenue. Il expira lentement. D'une voix posée, troublante par sa monotonie, un calme en contraste avec la tempête en attente d'éclater, il déclara :
— Nacir, jadis paisible, vit une période de deuil. Sa Majesté apprendra... que les Leblanc sont des créanciers exigeants.
Sa décision était irrévocable. Le chef de la tribu Red payerait. Peu importait que le roi n'ait pas été la main ayant directement entraîné le trépas de Dan. Il payerait son tribut pour avoir donné des ordres allant dans le sens du chaos. Jonathan sut, sans l'ombre d'un doute, que Dean ne pardonnerait pas.
*
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