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★ VI - Retour de flamme ★ 1/4

🎵 Opening :  Game Of Thrones Soundtrack (S7-S8 Compilation)

Edit du 28/12/2024

Chapitre VI : Retour de flamme (partie 1)

Palais de Rubis, tour Pourpre – appartements du roi

Cette fois, le roi exécuterait vraiment ses menaces de décapitation, se dit Rey. Red était furieux, persuadé que la fuite venait de lui. Rey était plus intéressé par sa main, ne se souciant guère de la sentence que lui réservait le Grand Red. Aucune trace de brûlure. Il ne se souvenait pas du moment où s'était opérée la guérison.

Rudy était parti sans rien dire. Il avait abandonné la plupart de ses affaires et laissé beaucoup de questions. Dans la précipitation de son départ, Rudy lui avait néanmoins fait ce don : la preuve qu'il s'était épris d'un archimage. Probablement le premier ayant remis les pieds au palais de rubis en plus d'un millénaire.

Ça jasait dans les cours, les cuisines, les jardins, les casernes militaires, aux bains, aux sources. Il s'était passé quelque chose d'étrange avant le lever du soleil. Alors que le bal arrivait à son terme, le palais s'illuminait. Personne n'était en mesure d'expliquer ce phénomène. Les uns s'étaient émerveillés et avaient mis cela sur le compte d'une énième animation insolite de la fête. Les autres avaient paniqué et alerté du monde. Toujours était-il qu'on avait fait mander le roi et ce dernier avait clos le bal. Dit-on qu'il était souffrant depuis la veille mais n'avait pas voulu gâcher le plaisir de ses convives en annulant les festivités.

Rey savait le coupable. Allait-il bien ? Que s'était-il passé pour qu'un tel phénomène se produise ? Il se trouvait dans le dôme de la tour d'Ivoire au moment des faits, mais son profond sommeil l'avait privé du spectacle. Son réveil dans des couvertures froides avait été dur à digérer. Il s'était violenté pour ravaler ses larmes, il n'avait pas pu les contenir. Il avait pleuré comme un gosse délaissé sans comprendre cette réaction. Rudy et lui ne s'étaient rien promis. Pourquoi avait-il eu ce sentiment de profond abandon ? Comme si on l'avait amputé de sa moitié ; une moitié de cœur, de corps, une moitié d'âme.

Rey avait le sentiment que cette nuit unique le resterait. Il ne ressentirait plus d'élan passionnel comme cette nuit-là. Il ne se sentirait plus aussi complet que cette nuit-là. En disparaissant, Rudy avait emporté avec lui son essence. Rey se sentait vide. Alors peu lui importait la sanction de Red. Que perdrait-il, la vie ? Il avait déjà perdu sa saveur en remettant son âme entre les mains d'un archimage en plein éveil. Rudy Leblanc l'avait vraiment envouté.

Finalement, Red n'avait pas si tort lorsqu'il stipulait que le fils de Dean Leblanc l'avait eu par ses charmes. Qu'il s'était servi de l'affection du Grand Banquier pour lui soutirer des informations capitales. Sinon toute la délégation n'aurait pas disparu dans la nature avec six montures monstrueuses, le jour même où des mesures avaient été prises pour les retenir. Parce qu'il y avait eu des preuves de la présence des Orseians au palais de Rubis jusqu'aux premières lueurs de l'aube. À présent disparus, envolés, même leur espionne. Ils avaient semé dans leur sillage des soldats invalidés et des malheureux sans vie. Du contingent d'hommes envoyés à leurs trousses, une poignée était revenue bredouille. Red, irrité par les rapports faisant état de « volatilisation » de la troupe fugitive, passait sa colère sur Rey, parfait bouc émissaire.

Occupé à étudier sa main intacte Rey n'avait pas la force de démentir. Il n'avait pas rêvé cette nuit. Cet aparté ne leur apportait aucune information utile et ne les aidait pas à rebondir.

— Qu'as-tu à dire pour ta défense, Rey Lee-Cooper ? exigea Korgan, confus.

Le Triumvir avait d'abord désapprouvé l'attitude détachée du jeune homme, tandis que Red murissait de colère. À présent, ce détachement l'inquiétait. Rey maintenait son mutisme. Sacha chuchota à son époux :

— Peut-être que la disparition de Rudy lui a brisé le cœur. On le croirait en état de choc.

Or Rey souriait d'un air absent. Un chagrin d'amour n'inspirait pas de sourire. Encore moins un sermon du Grand Red... Peut-être s'agissait-il d'un état de choc en fin de compte. Soudain, Rey s'anima.

— Ma défense... Pourquoi ?

Il observa Red comme s'il le voyait pour la première fois. Ce monarque en colère était en réalité perdu. Au fond, Red ignorait dans quoi il s'embarquait en nommant Rey Intendant Royal. L'heure était venue de le lui faire comprendre. Rey eut une moue ; le roi n'apprécierait pas. Mais l'ère des tergiversations et dérobades arrivait à son terme.

— Je n'ai rien à plaider, Majesté. Cette situation démontre que le Gouverneur a toujours eu une longueur d'avance sur vous. Ayez la noblesse de le reconnaître, cet homme et vous ne jouez pas dans la même cour.

Red et Sacha cillèrent. Korgan hoqueta, indigné.

— Pardon ? Mais de quel...

— La question n'est pas de savoir de quel côté je me trouve ! Peut-être vouliez-vous dire « de quel droit me permets-je de dire la vérité ? », Grand Conseiller, fit Rey, cassant. Le fait est que, tous autant que nous sommes, nous ignorons les véritables intentions de Dean Leblanc. En ce qui vous concerne, Majesté, vous vous êtes persuadé de sa félonie. Cependant, vous oubliez que pour être un traître, il faut avoir juré fidélité au préalable, avoir partagé une cause commune. Un traître est un tourne-casaque qui poignarde ses acolytes dans le dos, qui piétine ce qu'il avait promis de défendre à vos côtés, qui vous abandonne. Dean Leblanc...

Rey soupira, lassé. Ils brassaient de l'air à se soucier d'Orsei quand Lima et Baylor avaient des dents plus longues. À cause des dettes contractées par l'ancien roi Henri auprès de la banque limane, le roi Ethan Bosco estimait posséder un droit légitime de propriété sur Maar. 

En cas de guerre contre Lima, ce fameux « traître » de Dean serait forcé de prêter main forte au roi. Ne serait-ce que pour justifier sa diatribe au sujet de l'incompétence du Grand Red et prouver au souverain qu'il pouvait le sermonner en toute impunité. Le chef Orseian ne laisserait pas les Maarians à la merci de la boucherie des soldats Limans. D'autant plus que Baylor n'attendrait que cela pour déplacer ses pions sur l'échiquier, tel un voleur profitant de l'attention de Maar tournée ailleurs. Si Dean Leblanc possédait un honneur de Guerrier White, il n'observerait pas en silence une bataille se déroulant dans son royaume. Après Raam, sa province serait la suivante à être annexée. Red avait échoué à le voir.

Le plus important à l'heure actuelle consistait à découvrir pourquoi Dean et ses hommes avaient disparu tels des maraudeurs. Le gouverneur avait-il découvert les projets occultes de Red à son sujet ? Si non, alors la raison véritable pour laquelle cet homme avait débarqué à Aram leur était passée au-dessus de la tête. Et Dean était reparti une fois son but atteint. Était-ce l'évasion de son espionne Kohana ? Dur à concevoir. C'était disproportionné d'embarquer, pour ce faire, une délégation de seize Dissimulateurs à dos de sarricks géants. Quel seigneur prendrait autant de risques pour une simple espionne ? Rey admit que cet homme restait nébuleux.

En revanche, si Dean avait  eu vent des plans du roi, alors en cas d'attaque dans le nord il se pourrait bien qu'il se la coule douce dans son palace, par pure vengeance. Pour faire les pieds à Red, tiens ! Avec son tempérament ayatollesque, Dean s'assurerait que Red rampe à ses pieds et supplie son aide ; sa manière de lui dire qu'il appréciait « moyennement » que l'on fomente un complot de destitution déloyale. Du moins, dans la peau d'un Dean Leblanc pétri d'orgueil, Rey réagirait ainsi. Enfin, les Orseians ayant tout abandonné, même les cadeaux reçus des autres personnalités éminentes d'Aram, la précipitation de leur départ parlait de fuite. Ils ne rentraient pas chez eux « normalement ». Forte était la probabilité que le Gouverneur d'Orsei ait appris sa révocation. Cela porterait un coup à Maar.

Les Guerriers Whites se mettraient-ils sous la bannière du nouveau gouverneur sans rechigner ? Car en cas d'attaque des deux royaumes nordiques, la province régente aurait indubitablement besoin de leurs bras. Rien n'était certain cependant, et pour lever cette incertitude, Red devait se reprendre, agir en chef lucide. Rey avait donc un roi à recadrer.

— Dean Leblanc a-t-il seulement prétendu être votre acolyte, votre allié, votre loyal sujet ou peu importe ! A-t-il feint d'être du même côté que vous avant de vous poignarder dans le dos ? Il ne vous a jamais juré fidélité, Majesté. Concrètement, en quoi est-il traître ? Et je ne pose pas la question parce que ma vision est biaisée par mes sentiments envers son fils ! rugit-il face au rictus de mépris de Red. Sortez-vous cela de la tête, au risque ne nous faire perdre du temps. Nous en avons assez perdu de la sorte !

Tous l'observèrent, médusés par cette soudaine ascendance sur le roi. Korgan et Sacha ne comprenaient pas pourquoi Red se montrait si permissif. Seuls Rey et son monarque le savaient. L'étudiant prodige avait posé des conditions quand son souverain l'avait déniché à la Bibliothèque Royale avec la promesse d'un poste à la cour. À cet instant, Rey dépoussiérait ce contrat. De toute façon, nul ne connaissait sa vraie nature car on le voyait à travers le prisme déformant du petit génie, du plus jeune fonctionnaire royal. Petit, jeune, gamin, des qualificatifs loin de refléter sa personnalité.

— Quelle est la nature exacte de sa traîtrise, hm ? Vous vous êtes retrouvé avec un cas épineux de bête indomptable, un être qui ne conjugue pas la soumission et vit selon ses propres lois. Vous avez été mauvais dompteur, Majesté. Il a piétiné votre ego, puis vous a pris de vitesse et vous n'avez pas apprécié. Là est le problème. Vous rapportez les choses à votre personne et non au royaume de Maar ! Une façon bien égoïste de régner, et je pèse mes mots, asséna-t-il, dur. Vous êtes Andy Rell, souverain du royaume de Maar. Vous êtes Maar. Vous avez cessé d'être votre unique personne dès l'instant où vous avez posé votre fessier princier sur ce foutu trône. Ne l'oubliez pas ! gronda-t-il, véhément. Je sers et ne servirai que les intérêts de Maar !

Il toisa son souverain de ses yeux acerbes et attendit que Red encaisse Le Grand Red avait intérêt à se remémorer les clauses sous lesquelles Rey avait consenti à le servir. Au moment de son investiture, il avait juré de servir Maar, pas la monarchie. La tension dans la pièce rendait la respiration laborieuse. Face au silence du roi, Rey jugea qu'il avait toujours la main.

— C'est facile de remonter les bretelles aux autres. Encore faut-il être irréprochable. J'ai observé le comportement de Dean avec votre Majesté et j'ai aussi étudié vos réactions face au Gouverneur. Je ne pense pas faire preuve de déloyauté en refusant de prendre parti sans avoir entendu toutes les versions. Enfin, si la fuite vient de ma personne, alors ç'aura été à l'insu de mon plein gré, déclara-t-il d'un ton posé. Et quand bien même ce serait le cas, la priorité n'est pas de nous crier dessus mais d'éviter le pire des scénarios.

— Qui serait ? soupira Red, « à court » de colère.

Sidéré, Korgan n'en revenait pas. Qu'est-ce qui liait Red et Rey, en réalité ? Pourquoi le roi, si sanguin d'ordinaire, acceptait-il de se laisser chapitrer par un gamin ? Certes, un gamin qui avait du mordant pour oser clouer le bec royal tel un adulte réprimandant un gosse. Dire qu'on le sermonnait il y a cinq minutes, et voilà les rôles inversés.

Depuis la veille, Red se comportait de manière étrange. Korgan le soupçonnait d'être aux prises d'un cas de conscience, en lutte contre ses remords. Le roi n'aimait pas les remords, raison pour laquelle il préférait désamorcer une situation explosive ou s'amender le jour même de sa querelle avec vous lorsqu'il s'estimait en faute. Seulement, au sujet des Leblanc, il avait pris des décisions sur lesquelles il ne reviendrait pas. Dans ses principes aussi carrés que l'angle droit d'une équerre, un souverain n'avait qu'une parole. Le Grand Red et Andy étaient en conflit dans la tête du roi. Le recadrage de Rey y remettait certainement un peu d'ordre.

Cela soulevait une vieille question : que s'était-il vraiment passé entre Dean et Red à Nacir ? Pour que Red n'ait pas le cœur à danser face à l'homme qu'il avait déjà condamné, alors il y avait anguille sous roche. Car cela n'aurait pas été la première fois que le Tueur Écarlate sourie chaleureusement à la cible qu'il prévoyait de supprimer dans la nuit.

Korgan aurait été plus avancé s'il avait compris à quel point Red portait en estime le fils du gouverneur et se sentait mal pour Rudy, vu les décisions prises à l'encontre de son père...

— Le pire des scénarios, annonça Rey, serait qu'Ethan Bosco ait vent de l'absence de Timothy Medley à Raam et attaque.

La capitale Aram serait totalement exposée, à présent que le prince David, Général de la Légion Nord, ne gardait plus le Nord. Mais ô combien il se fourvoyait.

*o*

Chaine montagneuse des Vyrez, non loin de la cité de TarN.

Rudy détourna les yeux, ébloui par un reflet. Junior grommela.

— C'est la troisième fois.

— Je pense qu'il nous cherche, dit Iris.

Le jeune homme dans son dos paniqua.

— Les hommes du roi ?

— Ils ne viendraient pas de cette direction, rétorqua Iris avec patience.

— Pourquoi prend-il la peine de lui expliquer une telle évidence ? soupira Mareva.

Iris s'irrita.

— C'est quoi ton problème, Reva ?

— Mon problème, ce sont les boulets, particulièrement ceux qui pèsent leur poids !

Rudy retint un soupir comme l'adonis catalogué pièce rapportée d'Iris rentrait la tête dans les épaules. 

Il se trouvait dans les bras d'Iris, dans une position acrobatique, lorsqu'on avait annoncé au White de quitter le palais en catastrophe. Il avait fallu prendre une décision. Le tuer, pas de témoin, avait suggéré Rick. Ou pas, avait contré Iris. Lui trancher la langue, avait avancé Kurt. Un bon compromis, il resterait en vie mais ne cafterait point. Iris avait menacé d'infliger à Kurt ce châtiment, « histoire de voir si tu débiteras encore des âneries aussi grosses que toi ». Mareva avait proposé de le bâillonner, de l'attacher quelque part sur le bord de la route et de laisser la nature lui accorder ou non sa clémence. Iris avait montré les crocs. Le ton était monté. Jimmy avait tranché : faire de lui un complice.

— Mine de rien, je tiens à la vie. Je refuse de la perdre simplement parce que j'étais au mauvais endroit, au mauvais moment. C'est injuste d'écourter ma vie si prometteuse à cause de l'indiscrétion d'un autre !

Le damoiseau avait de la verve. Il en avait à revendre derrière son attitude maniérée. Même s'il avait bramé comme une biche effrayée face aux sarricks, alertant les hommes en faction. Ceux-là n'avaient pas demandé de tergiversation, Iris les avait fait taire. Définitivement. On avait alors demandé à Jimmy s'il voulait toujours être le complice de tels actes. « C'est être accusé de meurtre ou être tué », avait-il rétorqué. Il n'était pas dupe, seul un imbécile y verrait un choix. Dans tous les cas, il était condamné.

Finalement, Jimmy se révéla fort utile. Son père possédait un domaine de villégiature en périphérie d'Aram. Domicile souvent inoccupé car le maître de céans lui préférait sa villa en bord de mer, à Seav. Les fugitifs s'étaient autorisé une halte afin d'établir un plan d'action plus réfléchi qu'une fuite effrénée qui se solderait par des pertes. De plus, l'état de Kohana ne lui permettait pas de voyager dans les conditions de leur échappée, avec des hommes à leurs trousses.

D'après le verdict d'Ilona, elle avait été torturée, soignée, torturée à nouveau, puis on l'avait maintenue dans un état permanent de sédation depuis des jours. Ce traitement inhumain l'avait laissée malingre, dans un état jetant le doute sur ses chances de survie. Sur avis médical, Dean avait été forcé de l'abandonner et de concocter un mensonge crédible.

Jimmy avait donc informé la valetaille de l'agression barbare d'une cousine éloignée, comme elle se rendait au bal des Demoiselles. Sans les hommes à dos de sarricks, elle n'aurait pas vu le jour se lever. Des cas similaires se produisaient lors de cette nuit dédiée aux innocentes pucelles et femmes moins vertueuses. La loyauté des servants raffermie par une forte hausse salariale, le boniment s'avala sans encombre. Ainsi Kohana bénéficierait d'un traitement suivi, avec en prime des égards destinés à une parente de la maisonnée.

Et quoi de mieux que cacher une personne recherchée sous le nez de ceux qui la recherchaient ? Cela s'appliquait au reste du groupe. Tandis que les hommes du roi sillonnaient les routes, les ports ou se lançaient dans les montagnes, ils n'avaient pas bougé de la capitale. Jimmy avait assuré leurs provisions, leur équipement, puis s'était greffé aux bagages. Dean lui avait juré que son aide bienvenue l'avait soustrait de son funeste sort. Il n'était plus obligé de jouer les complices. Or Jimmy s'était entiché de son Guerrier White et n'avait pas l'intention de le laisser filer. Alors on se l'était coltiné. Et dans le genre boulet, il pesait son poids une fois que la nature sauvage avait repris ses droits. C'était un fils de la ville. Il avait de la conversation, aussi souffrait-on sa présence.

— C'est un homme à dos de sarrick, dit Jimmy, scrutant au loin via sa longue-vue. Il se sert d'un miroir pour nous éblouir, ajouta-t-il, comme un autre reflet leur parvenait.

C'était donc volontaire. Iris lui prit l'outil des mains.

— Dan ? demanda Dean.

— C'est Rebel, mais Dan n'est pas son cavalier, répondit Iris.

— Qui est-ce ? soufflèrent Yakim et Chayton en chœur, aussi perplexes que les autres.

— Jonathan...

Un silence accueillit cette révélation. Puis ils partirent tous d'un grand éclat de rire, Jimmy et Iris excepté. Elan soupira en s'essuyant le coin des yeux ; il était du genre à rire aux larmes.

— Elle était bonne celle-là !

— Je ne plaisante pas.

Le sérieux d'Iris tua le rire gras. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Dean avait envoyé un courrier à vol d'oiseau à son maître d'armes, lui sommant de prendre la tête des opérations à Nacir quoi qu'ait pu dire le roi. De son côté, il se dépêcherait de rallier sa province malgré son contretemps. Aucune réponse. L'absence de communication avec Dan n'avait cessé de le ronger. Alors qu'il leur restait le quart du chemin à parcourir afin d'atteindre les portes de TarN, première grande ville aux frontières d'Orsei, Jonathan venait à leur rencontre sur la monture de Dan. Chose insolite, sachant sa phobie de ces bestiaux. Un cas de force majeur l'avait poussé à surmonter cette peur, et Dean n'aimait pas ce que cela impliquait.

— Oncle Danny..., murmura Rudy, sombre.

Un malheur était arrivé à Dan. Dean remua la tête de dénégation et se raccrocha à son ignorance. Dan était fort, intelligent. Contrairement à lui, Dan se ferait de vieux os. Dan était sage et les sages vivaient longtemps. Dan était encore en vie. Avec sa longue-vue, il s'assura lui-même de l'identité de l'homme qui les éblouissait.

Rudy retint sa langue. Il n'aurait pas pu rajouter un mot, de toute façon, avec la boule dans sa gorge. La sensation désagréable de picotements au bout des doigts et la moiteur subite de ses mains revint. Quand il comprit leur signification, son cœur rata un battement. Les rênes de sa monture semblèrent glisser de ses mains, malgré ses mitaines en peau de skeyf. Une larme dévala sa joue.

— Rudy, qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta Ilona.

— Non, gémit Dean, d'une voix à fendre l'âme. Non, non, non.

La plainte fut d'autant plus poignante qu'elle venait d'un homme aussi solide que Dean. Un sanglot lui échappa.

— NON !

Dans un hurlement, il lança sa monture au galop. Dans son dos, Inna se cramponna pour ne pas être désarçonnée. Farrell la maintint en place, s'aidant de sa forte stature. Rudy ravala avec peine la gêne dans sa gorge et prit le commandement. Il aurait dû dissimuler cette larme.

— Suivez-le, ne le perdez pas de vue. Jonathan est en danger si on le laisse s'expliquer seul avec Père. Ne me demandez pas pourquoi, exécution ! ordonna-t-il, autoritaire, face aux regards interrogateurs.

Le convoi s'ébranla à la poursuite de Dean. Cependant, Pacha était une bête imposante. Ce n'était pas tâche aisée de suivre ce mâle dominant lancé au galop et guidé par un cavalier hors pair. Évitant tant bien que mal les pièges et dangers du chemin escarpé, ils eurent enfin Jonathan en visuel. Dean les devançait de loin.

Jonathan Leblanc arrêta sa monture et attendit. Son appréhension, une entité vivante face à six sarricks monstrueux, Pacha en tête. Il avait beau avoir surmonté sa crainte, voir autant de bêtes gargantuesques scorpioïdes à la mobilité de lézards nourrirait ses cauchemars. Néanmoins, le foyer de sa peur restait alimenté par autre chose. Comment annoncer cette nouvelle-là, sans que Dean ne l'éborgne ? Plaider son innocence soulignerait simplement sa culpabilité et lui garantirait un aller simple vers les enfers de Saunes.

Il avait eu tout le temps du trajet pour formuler et reformuler son propos. À présent qu'il voyait les traits lugubres du Gouverneur d'Orsei à l'approche, les mots se dérobaient. Tout à ses pensées, Jonathan réalisa à peine que Dean quittait son coursier d'un bond et se plantait devant lui. Son cousin empoigna le col de sa tunique de voyage et lui postillonna dessus :

— Pourquoi la monture de Dan est-elle en ta possession, Nat ?

— P-parce qu'elle a p-perdu son cavalier. Dan a été assassiné, répondit-il d'une voix vacillante.

La version directe restait encore la meilleure. Mais pouvait-on seulement parler de « meilleure » façon d'annoncer une nouvelle lugubre ? Le message macabre suspendit le temps. Même la nature refusa de troubler le silence qui s'imposa. Le sang de Dean ne fit qu'un tour. Dans le regard du gouverneur, douleur et folie supplantaient la raison. Jonathan sut qu'il était perdu.

Le projetant à terre, Dean sortit sa dague. Jonathan ferma les yeux. Tenter de s'échapper ? Dérisoire. S'il voulait le tuer, Dean y arriverait quelle que soit la manière dont il résisterait. L'aura meurtrière de son chef satura l'air. Il allait mourir de la main de son cousin, sans aucun doute. Défendre chèrement sa vie ? Une perte de temps et d'énergie. Cela prolongerait son agonie. Jonathan pria que le coup soit rapide et ne le fasse pas souffrir plus qu'il n'en fallait pour être mort.

La main de Farrell se referma autour de celle de Dean. Une sensation poisseuse de sang suspendit le geste. Dean réalisa alors qu'il s'apprêtait à exécuter Jonathan comme le reste de la cavalerie les rattrapait. Les hommes quittèrent leur sarrick et se rassemblèrent autour d'eux. Inquiets et sceptiques, ils firent la navette entre Jonathan à terre, les doigts saignants de Farrell, le désespoir sur le visage d'Inna. Dean semblait de marbre, comme statufié. Seule sa pâleur dénotait un état anormal pour un homme ayant bronzé durant le périple dans les montagnes.

— Dean, que se passe-t-il ? s'enquit Chayton, alarmé.

À la surprise générale, les jambes de Dean se dérobèrent. À genoux, il resta prostré sans piper mot, les livrant à la perplexité. La nouvelle vint d'Inna.

— Dan est... mort. Assassiné.

Les yeux brûlant de larmes, elle se frottait les bras comme si elle avait froid sous un soleil à son zénith. À nouveau, le silence accueillit cette déclaration. Ilona dévisagea Rudy et comprit. Le jeune héritier l'avait su avant tout le monde.

*

Chaine montagneuse des Vyrez.

Lors d'un bivouac sur le premier tiers du trajet, le chef de la tribu White et son héritier révélèrent des choses surréalistes pour ne pas dire grotesques. Des révélations sur la nature étrange de Rudy et celle de sa défunte mère. Les hommes de Dean y avaient porté foi car la réputation du jeune maître le précédait.

De façon tacite, l'entourage de Rudy devinait que sa faculté de confondre les gens malhonnêtes relevait d'un don peu naturel. Cependant, personne ne s'était penché sur la question de manière sérieuse car l'on ne remettait pas en cause la souveraineté Leblanc en Orsei. Pourquoi, d'ailleurs, quand la plupart vivait bien avec et d'aucuns s'en amusaient ? Bien des gens imputaient cela à la candeur de Rudy qui brillait par une relative innocence et spontanéité de bambin malgré son âge adulte. Si la vérité sortait de la bouche des enfants, alors Rudy avait simplement gardé son âme d'enfant en grandissant. Un grand « enfant » particulièrement vigilant qui détectait vos tics de mensonge comme le nez au milieu d'un visage.

Nul n'aurait imaginé une histoire d'aura... et d'odeur. C'était tellement tiré par les cheveux ! Pour les sceptiques, Rudy s'était volontiers plié à plusieurs tests. Yeux bandés, il avait identifié sans faute les personnes s'étant présentées à lui dissimulées sous une lourde couverture.

Dean avait étayé les propos de son fils et l'affaire ne fut plus à prendre au second degré. En réalité, son héritier mettait à profit leur séjour au palais de Rubis pour perfectionner son don et en apprendre davantage sur sa nature. En termes de découverte, la révélation de Rudy bouleverserait toute l'histoire de Maar quand elle serait éventée. Un archimage avait vu le jour à Nacir dans le plus grand secret et la plus banale ignorance. Un archimage White dépoussiérait le manteau de mythe de l'archimagie et en faisait une réalité tangible. La Grande Chasse aux sorcières distordait en partie le passé, car les archimages avaient pâti de cette inquisition génocidaire.

Jimmy s'était félicité d'être du voyage. Voir un archimage de ses propres yeux relevait de la bénédiction divine. Plus sidérant, Rudy avouait son implication involontaire dans le curieux évènement lumineux des toits de rubis du palais royal. Le phénomène s'était vu à des kilomètres à la ronde. Depuis, la délégation énumérait les bizarreries de l'héritier Leblanc, que nul n'avait osé pointer du doigt par crainte de paraître inconvenant. Rudy avait confirmé certaines, démenti d'autres, explicité ce qui le méritait et confessé son ignorance sur le reste.

De fil en aiguille, les souvenirs de sa mère avaient ressurgi. Ses origines étrangères, son côté secret malgré son amour palpable pour Dean et leur rejeton, le mystère autour de sa personne... Un mystère emporté dans la tombe, léguant tâtonnements et hypothèses à mari et enfant. L'on découvrit alors que la défunte épouse du gouverneur ignorait elle-même sa véritable nature. À l'instar du reste de la population ignare, elle avait imputé cela à une forme de sorcellerie au point de se brimer et mettre ses dons sous le sceau du tabou. Dean déplorait de n'avoir jamais pu l'aider. Peut-être aurait-elle su quoi faire contre son mal mystérieux si elle avait eu accès à la bonne connaissance. Cependant, les « peut-être » et « si » arrivaient trop tard. Le débat s'était clos quand les hommes de Dean avaient réalisé qu'ils grattaient la croute d'une blessure à peine cicatrisée.

Plus que jamais intriguée par sa particularité, Ilona gardait désormais un œil sur les réactions de Rudy. La larme qui avait coulé comme le jeune homme mentionnait Dan trahissait sans doute un don de prémonition. De quelle engeance était donc un archimage ?

Ainsi Dan les avait quittés... Mort, assassiné. Par qui ?

— Parle, Jonathan, ordonna-t-elle.

Jonathan se ratatina sur lui-même. Le ton menaçant de la Médicure lui rappela un serpent à sonnette. Il ne miserait pas sur ses chances de survie avec ces individus prêts à l'écorcher vif.

— Pourquoi n'avons-nous eu aucun épervier ? le pressa Yakim.

— T-toutes les volières de Nacir ont été empoisonnées, balbutia Jonathan.

Le cœur de Rudy plongea dans un gouffre obscur. Il ne se sentit pas la force d'encaisser une autre nouvelle désastreuse. Junior le retint comme il vacillait. Probablement pour le rassurer, Jonathan ajouta :

— Je n'ai pas trouvé Griffon dans les dépouilles, par contre.

L'épervier préféré de Dan, un grand rapace d'une envergure d'un mètre, avait peut-être survécu. L'autour des palombes au plumage bleu-gris strié de noir était reconnaissable à sa longue queue de plumes blanches, un trait qui la différenciait des autres éperviers de la volière du gouverneur. Le volatil choisissait les personnes pouvant l'approcher. Le nourrir relevait du privilège.

— Elle doit être encore vivante, marmonna Elan, secoué. On l'a éduquée à ne recevoir sa pitance que de quelques personnes. Sinon, elle chasse.

L'un d'eux finit par craquer. Mir se libéra de son corset d'hébétude et beugla :

— Mais comment est-ce possible ?! Pourquoi ? Qui est derrière cela ? (Il s'avança d'un pas prédateur vers Jonathan.) Tu ne pensais pas nous annoncer ces horreurs sans explication, dis-moi ?

Toujours au sol, l'homme recula précipitamment, frappé de plein fouet par son envie meurtrière. Notant sa frayeur, Mir se contint avec violence. Il comprenait la pulsion première de Dean. Cette envie d'éviscérer celui qui se faisait l'augure de malheurs afin de soulager sa peine et extérioriser sa colère.

Ils pensaient tous s'être tirés du piège de sa Majesté. Dieux qu'ils se fourvoyaient ! Le piège refermait ses dents et, surtout, ressemblait à une vaste toile d'araignée. 

Après les découvertes troublantes de Rudy, à la suite de sa virée « astrale » dans les souvenirs du Grand Banquier, il apparaissait que Dean et les siens s'étaient jetés dans la gueule du loup en croyant prendre le roi au dépourvu par leur visite à l'improviste. En dépit des éléments qui lui échappaient, le Grand Red restait fin stratège et leur prouvait qu'il avait le bras long. Le tribut pour l'avoir sous-estimé : la vie du Maître d'armes Leblanc.

Dan avait dû s'opposer à l'avènement de James, sur ordre de sa Majesté, à la tête d'Orsei. En l'absence de Dean, son bras droit assurait la gouvernance. Face à ses réticences ou sa résistance, les individus en mission pour le roi l'avaient mis hors d'état de nuire. Tel était le pourquoi. Restait le comment. Venir à bout de Dan exigeait des prouesses de la part de ses assaillants.

— Nous l'avons retrouvé mort dans son sommeil, dit Jonathan. Les Médicures n'ont rien décelé au début, puis ont exploré la piste de l'empoisonnement. Il manque une quantité de poison à ta nouvelle collection, celle rapportée de ta dernière expédition, qui n'avait pas fini d'être expertisée avant ton départ de Nacir.

Il osa regarder Dean dans les yeux. Son débit de parole se précipita face au regard assassin.

— C-c'est la d-découverte de l'empoisonnement de la volière du palace qui m'a poussé à y jeter un œil. Quelqu'un s'est servi dans le tiroir à poisons liquides mais cette personne n'était pas connaisseuse.

— C'est-à-dire ? fit Ilona.

— La personne les a dilués à l'eau pour ne pas en modifier la quantité. Or pour parfaire la supercherie, certains poisons auraient dû être dilués par des solutions huileuses, acides ou alcalines. Avec le temps, il s'est formé deux phases liquides, quand ce n'était pas une modification de la couleur ou une sédimentation.

Jonathan en concluait que le coupable manquait de connaissance en alchimie des solutions ou avait agi dans la précipitation.

— Donc ce n'est pas l'œuvre d'un maître des poisons ? dit Yakim.

— Néanmoins, cela n'a pas aidé à déterminer quel poison a été utilisé.

— Est-ce que ça a une quelconque importance ? Le mal est fait ! cracha Kurt. Des méthodes de femmelettes et de lâches ! Dan n'a même pas eu droit à une mort de Guerrier White ! gronda-t-il, révolté.

Il n'y avait que trois façons de mourir pour ces hommes : l'arme au poing, de maladie incurable, de vieillesse. Un empoisonnement privait un Guerrier des Steppes Orseianes de sa mort honorable. Dean renifla.

— Les méthodes de sa Majesté. Cela ne devrait point m'étonner, avec sa dégaine ! Danny... il avait demandé à m'accompagner et j'ai refusé... (Sa voix se  fêla.) J'ai refusé !

Il s'en voulait de n'avoir pas cédé à la demande de son frère. Dan serait toujours de ce monde s'il avait renfloué les rangs de leur délégation.

— Père..., ce n'est pas ta faute.

Dean se violenta pour se reprendre. Pas de larmes. Pas de larmes pour l'heure. Pas de larmes, bon sang ! Elles humidifiaient ses joues. Tant bien que mal, il regagna de l'emprise sur sa voix.

— Quand j'ai fait l'acquisition de nouveaux poisons de Sandres, je n'en ai pas référé à l'équipe médicale, pensant que j'aurais le temps. Mais cela m'est sorti de la tête et...

Et Dan en payait l'erreur. Il se remit sur pied en ravalant un sanglot.

— L'un des poisons n'est décelable que les nuits où brille la lune. La députation royale, en visite au palace, possédait une maîtresse des poisons.

Après l'annonce du trépas de Dan, ils avaient cru que plus rien ne les choquerait. Ils réalisèrent combien ils se trompaient quand Dean poursuivit :

— Je le tiens de la bouche même de l'empoisonneuse, elle a testé un de ses poisons sur moi.

À mesure que lui venaient ses pensées, il emprisonnait lentement mais sûrement ses émotions dans une gangue de contrôle. Il mobilisait toutes ses cellules pour raisonner. Aux yeux de ses hommes, le gouverneur cédait à un chef de tribu à l'aura obscure, qui concentrait son énergie sur sa mission prochaine : trouver le coupable et appliquer sa justice. Nul besoin d'être archimage pour ressentir l'émanation sinistre autour de sa personne.

— Le roi se mithridatise. Il entretient donc un trafic ou un réseau de poisons rares et variés. Je vais cesser de le sous-estimer. Aussi je ne partirai pas du principe qu'il ignorait la présence de Larmes de Lune dans ma nouvelle collection.

La voix résolue de Dean donna la chair de poule, tant elle fut glaciale. Ilona observa Rudy. Elle vit le changement : le moment où les yeux écarquillés du garçon décelèrent chez son père une chose qui échappait au commun des mortels. Qu'avait noté l'archimage ? Comme elle, ressentait-il cette impression de côtoyer un berserker entravé, un prédateur en traque d'indices incriminant un coupable déjà désigné ?

Dean scellait une rage destructrice et son impulsivité car il réclamerait sa vengeance froide. Parce qu'il s'assurerait de la savourer lentement, glaciale et corsée, dans un assouvissement pourtant cataclysmique. Personne ne s'y trompa. Ce serait la guerre. Bienheureux qui n'entraverait pas Dean Leblanc lorsqu'il marcherait sur la capitale royale. Dans un calme sidérant, il s'enquit :

— James ?

Sa voix plate dépourvue d'émotion obligea Rudy à élargir sa palette extrasensorielle. Il n'osait pas croire ce que lui renvoyait visuellement l'aura de Dean. Elle s'assombrissait. Son odeur se dénaturait, devenait capiteuse au point de lui irriter un peu ses narines surnaturelles. Des nuances qui s'en dégageaient, Rudy essaya d'identifier les véritables émotions de Père. La pulsation migraineuse à l'avant du crâne lui apprit l'émergence d'une autre facette de son don. Toutefois, la douleur en son cœur supplanta ses céphalées.

Les sentiments paternels étaient pollués de colère. Rudy fut parcouru d'un frisson désagréable. La chimie émotionnelle de Dean ressemblait à un bouillon dangereux et morbide. Se cristallisait une haine que même Rudy ne saurait refréner. La quintessence de l'animosité et de l'aversion. Il ne pourrait pas l'arrêter, encore moins la contenir. Ne restait plus qu'à prier pour la cible vers laquelle Dean dirigerait cette flèche empoisonnée.

Les Quatre aient pitié, implora Rudy. La façon dont Dean bâillonnait son cœur n'était pas saine. Extérioriser ses émotions aidait à se débarrasser de leur toxicité lorsqu'ils vous rongeaient de l'intérieur telle de la rouille. Or Rudy eut la prémonition que Dean s'en imprégnerait, puis relâcherait tout dans sa furie. Et nul n'en serait épargné, innocent comme coupable. Hélas, il ignorait comment agir, comment apaiser cette folie, car lui-même luttait contre son affliction. Son propre sang en détresse chantait une mélodie funèbre.

« Tu vas échouer... même si tu désires sauver la situation, les évènements t'en empêchent. Ton honneur de Guerrier White réclame rétribution. En guise de représailles, tu n'arrêteras pas le bras de ton père. »

Ce, même si pour sa justice vengeresse, Dean s'armait de cruauté ? Le doute creusa des sillons dans le cœur du jeune archimage. Assisterait-il au massacre depuis le bord de la route si Dean décimait tout sur son passage ? La réponse de Jonathan le détourna de ses sombres pensées :

— James... (Il déglutit.) Père a quitté Nacir.

— Quand ?

Le contraste entre le ton calme et l'aura meurtrière dérangea les guerriers, désormais sur le qui-vive. Ils n'avaient rien à craindre de leur chef, mais dans leur douleur et leur peine, ils trouvèrent en eux la force de rester sur leurs gardes. Une action inconsidérée, un mot déplacé, leur vie cessait sur le champ.

Iris se plaça subrepticement devant Jimmy. Ce dernier eut la présence d'esprit de ne pas fixer Dean dans les yeux. Son instinct lui intimait de prendre ses jambes à son cou, sa tête lui disait que ce serait l'acte le plus stupide et surtout le dernier de son vivant. Fuir positionnait en proie face à un prédateur, et Jimmy tenait à sa vie contrairement à ce fameux James ayant déserté Nacir. Qui qu'était ce malheureux, il venait d'autoriser une chasse à l'homme.

Avec la patience que l'on réservait aux simplets, Dean réitéra :

— Quand, Jonathan ?

— Q-quand lui est parvenu le message de ton retour. Celui adressé à Dan.

— Il a pris la fuite. Il a une marge d'avance compte tenu de la durée de notre périple depuis Aram, souligna Yakim. James peut être très loin à présent.

— Même hors de Maar, en Askheron ou à Sandres, supputa Chayton.

— Sandres, trancha Dean. Sa fille s'y trouve. Le dénicher n'est pas prioritaire.

Cela amoindrissait les chances de le retrouver, mais ils le retrouveraient.

— Eh bien, c'est la chose la plus censée qui ait traversé l'esprit de mon oncle depuis qu'y a germé l'idée farfelue de me supplanter à la tête d'Orsei.

— Il ne lui serait pas venu une telle idée sans la femme à ses côtés !

— Serais-tu en train de plaider sa cause ? susurra Dean.

Sentant croitre le danger, Jonathan couina :

— N... non.

Il exhalait la peur à des mètres à la ronde. Un comportement pusillanime qui excitait dangereusement des guerriers en soif de sang. Libérer leur fureur sur Jonathan ne servirait même pas d'amuse-gueule. En dépit de cela, bien que parfaitement conscient de risquer sa vie, Jonathan donna son point de vue.

— Je reste persuadé que si l'on doit répartir les torts au procès de James, Sonia écopera du gros lot. Cette manipulatrice a entraîné Père dans son avidité, tout en nourrissant son aveuglement.

Certes, James était en pleine possession de ses moyens lorsqu'il l'avait suivie. Quoique, avec son vice alcoolique, difficile de statuer. La façon dont Sonia utilisait sa Majesté dénotait une envie insatiable de pouvoir. En l'absence du gouverneur, trop d'incidents inquiétants et imprécis ne permettaient pas de conclure à la culpabilité de James. Jonathan soupçonnait son père d'avoir pris peur à la mort de Dan. Sa réaction de fuite indiquait que le décès du Maître d'armes n'était pas son objectif. James n'avait jamais souhaité un tel scénario macabre. Malheureusement, son fils ne possédait rien de solide pour sa défense même s'il croyait en son innocence. Il osa soutenir le regard de Dean, comme son chef le toisait sans ciller.

— Soit, je t'accorderai la permission de plaider la cause de ton père, concéda Dean. Hâtons-nous de rentrer, nous avons des funérailles à tenir.

Il savait que ses hommes choisiraient de momifier Dan en attendant son retour pour le grand bûcher en l'honneur du défunt. Il mènerait le rituel. Et il le vengerait.

*o*

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