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✣ III - Départ de feu ✣ 7/7

🎵 Opening : T.M.Revolution ~HEART OF SWORD

Edit du 24/05/2022

Chapitre III : Départ de feu (partie 7)

*

Palais de Rubis – tour Pourpre, quartiers royaux.

Face aux contours d'une manigance signée Lima, Red fantasmait sur un dard empoisonné planté dans le cou du roi Bosco. Cela résoudrait la moitié de ses problèmes.

Ce sournois d'Ethan utilise mon frère pour me mettre en déroute. Ou alors il me pousse à décimer ma fratrie. Avec Dorien mort, David recherché mort ou vif au risque de m'aliéner Dilan, Damien qui conspire avec Dean Leblanc, un crime de lèse-majesté puni par l'exil ou la mort, aucun Rell ne sera digne du trône si je viens à chuter.

La pensée lui fit froid dans le dos. Quand Timothy finit d'étayer son rapport, Red demanda un compte rendu des autres membres de l'assistance. Mettre en commun leurs connaissances lui donnerait une vision d'ensemble. Certes, il ne leur accordait pas le même degré de confiance, mais un fait le préoccupait. Ses ennemis exploitaient sa méfiance envers ses sujets. Les prendre de revers nécessitait une nouvelle façon de fonctionner.

Jeff récapitula les informations soutirées à Kohana, dont une mit Dilan mal à l'aise. Elle avait reçu la directive de veiller sur le prince, en plus de consulter les archives du Trésor Royal. De quoi douter de la neutralité de Dilan et se demander pourquoi elle avait ciblé le Triumvir et non le Grand Banquier. Aidé du Général, Jeff exposa ensuite les données glanées sur les dernières émeutes à Aram. Les nationalités différentes des fouines surprises à espionner et leur facilité à échapper à la garde finirent de troubler Red. Rey, qui liait cette agitation à des transactions financières occultes, souligna des zones d'ombre dans sa comptabilité.

Quand vint son tour, Jay résuma son enquête sur l'implication de l'homme-lige du prince Dorien dans le sabotage du pont Merlion.

— À plusieurs reprises, avant et après le vandalisme, Sloan aurait échangé avec un marchand d'épices Baylorian. Un certain Van Der Litz. Trouver des langues à délier n'a pas été aisé. Cette piste m'a conduit à Akkar où ses Altesses Dorien et Damien ont été vus ensemble et pour la dernière fois. J'ai alors découvert que ce Van Der Litz serait rentré au bercail, et la rumeur dit qu'il ferait commerce avec la noblesse de Baylor. Pour ma part, je doute que les échanges avec Sloan étaient purement mercantiles. En épluchant les registres des Chambres du Commerce, je devrais pouvoir retracer l'itinéraire de ce marchand et vérifier s'il s'accorde aux escales de Sloan.

Encore un labeur fastidieux en perspective, mais ils avançaient. Korgan apporta de bonnes nouvelles. La compagnie fluviale La Maariane avait reçu l'approbation des guildes marchandes des ports inspectés. L'agrandissement du pont Merlion, de nouveau fonctionnel, adoucissait un peu les mauvaises langues. Si les travaux ordonnés par sa Majesté n'avaient pas inspiré la joie, le gain de fluidité du transit satisfaisait des bourses et les usagers.

Enfin, Sacha ferma le tour de table en révélant ses échanges avec son informateur implanté au palace de Nacir. La réception du dernier courrier datait du jour même et son contenu inquiétait. Refusant à l'angoisse le loisir de troubler son raisonnement, Red essaya de procéder de manière méthodique. Tout d'abord, analyser le sujet Lima.

— Apparemment, le roi Bosco a disséminé des rats un peu partout. En plus de jauger notre température, il teste notre réactivité. L'effondrement de Maar de l'intérieur réjouira la plupart de nos voisins, si j'en crois la diversité des espions nous ayant visité. Mais certains semblent plus motivés que d'autres à précipiter ce dénouement en l'orchestrant eux-mêmes. L'accumulation de preuves de l'implication de Lima dans les attaques de mon convoi et de la cité d'Esa rendront légitime une déclaration de guerre.

Son discours arracha des hoquets à l'audience. Rey n'attendit pas qu'il finisse et parla au nom des autres :

— Dans la conjoncture actuelle, Raam ne supportera pas une campagne militaire, Majesté.

— La Légion Rouge est forte, dit Timothy. Je ne crains pas la guerre mais plutôt les marécages politiques qui pourraient affaiblir la vigueur de votre bras armé, mon roi.

Red se massa la nuque.

— De toute façon, je ne prendrai pas ce risque. Or laisser ces agressions impunies enhardira Bosco. À la longue, l'absence de représailles suscitera le zèle des autres souverains.

Encore plus quand le Général de la Légion Nord, censé tenir la frontière concernée, désertait son poste. Red s'arrêta sur un Timothy sombre qui ne nia pas quand il ajouta :

— La réputation de sanguinaires avides de trophées précède les Grands Rakams.

Donnez au royaume de Mô'Lar la moindre impression de faiblesse, et son chef suprême vous annexait comme si cela coulait de source.

— Il est vrai que les rois Mô'Larians marchent sans pitié sur ceux qu'ils jugent pleutres, confirma Timothy. Mais la contrée maariane est depuis longtemps protégée par la bravoure des Guerriers des Steppes Orseianes.

Jusqu'au jour où le chef de cette tribu aux aïeuls redoutés décide de bafouer une amitié ancestrale en se désolidarisant de Raam. Red grommela.

— Nous avons des raisons de douter de la fidélité des Guerriers Whites. Si Lima provoque ouvertement Maar, je n'aurai pas d'autre choix que de répliquer. En partie pour m'épargner une étiquette erronée de couardise qui nourrira la gourmandise du Grand Rakam.

— Pour l'instant, cette convoitise n'est qu'hypothétique, rappela Rey. Essayons malgré tout d'éviter la guerre, même quand la situation la dira inéluctable, intercéda-t-il. J'insiste, Majesté : une guerre requiert des moyens financiers dont nous ne disposons pas. Un désert sandrian jalouserait l'aridité de certaines caisses de Raam.

— Il n'y a pas plus déprimant comme comparaison, maugréa Sacha.

— On attend beaucoup de La Maariane mais elle ne sera rentable qu'à long terme, poursuivit Rey. Vous m'avez demandé de trouver des alternatives, Majesté. Et puisqu'il est exclu de contracter une énième dette auprès d'une banque étrangère, je suis au regret de vous dire que dans l'immédiat, le seul Maarian capable de renflouer ces caisses reste le gouverneur d'Orsei. Mais en se permettant la liberté d'en mesurer la sècheresse, Dean Leblanc s'informe-t-il simplement de l'état des finances d'Aram ou veut-il s'assurer que la province régente est aux abois ?

Dean cherchait-il à déterminer combien le roi avait besoin de lui ? Voulait-il prouver que Red ne pouvait pas se passer de lui alors que l'inverse était possible ? Dean Leblanc narguait Le Grand Red. Ce dernier se damnerait plutôt que laisser quiconque croire une telle chose possible. Il aurait dû se montrer ferme et s'en tenir à sa première décision de le destituer de son titre.

— Il se fourvoie en se croyant indispensable. Le Gouverneur d'Orsei l'est, pas Dean Leblanc.

Néanmoins, un Leblanc devait lui succéder afin de ne pas s'aliéner la tribu White. Placer Rudy à la tête d'Orsei, par décret royal, serait tentant mais ne résoudrait point le problème. Malgré sa sagacité, le jeune homme manquait de poigne. En outre, le fils de Dean réservait à Red son amitié, pas sa loyauté. Rudy restait l'homme de son père. Le rejeton ressemblait trop au géniteur et pas seulement sur le plan physique. Ses propres lois, ses propres choix. Le duo appartenait à l'engeance qui s'arrogeait le droit de servir ni par devoir, ni par loyauté, mais par lubie.

Et Dean a choisi Damien... Damien, quoi ! Entre lui et moi, l'idée d'un choix ne devrait même pas s'envisager, fichtre !

Depuis qu'il l'avait apprise, tôt dans la matinée, cette nouvelle révulsait Red, lui coupait l'appétit. Passé la stupeur, elle l'enrageait. L'allégeance de l'Orseian ne lui étant pas acquise, il n'aurait pas dû le prendre comme une dague plantée dans le dos. Cependant, il ne pouvait s'empêcher d'en vouloir à Dean. D'une certaine façon, son choix ne collait pas à son image et Red se fustigeait d'avoir, malgré lui, placé des attentes en cet homme. L'homme qui disait le désirer. Au fond, peut-être ressentait-il de la jalousie envers Damien. L'idée le dérangeait, aussi préférait-il se focaliser sur la traîtrise de Dean.

— À ma grande déception, Dean sert la cause de Damien. Cette divergence d'opinion ne m'agrée pas mais je ne lui conteste pas ce droit, déclara-t-il en haussant les épaules. Imposer mes convictions à ce genre d'homme revient à tirer sur une plante pour la faire grandir. En tant qu'hôte, le gouverneur ne s'est pas montré hostile à mon égard. Mais en privé, il affichait sans fard sa dissension politique.

— C'est embêtant, déplora Korgan. Il porte à bras le corps le projet de la Maariane.

— Sans surprise, il sert ses propres intérêts, ce trafic fluvial profitera à sa province, souligna Rey.

— Son oncle James, en revanche, tient un autre discours, dit Sacha.

— Mais peut-on considérer que cet oncle parle avec la voix de la sagesse ? avança Jay. On pourrait penser que par fougue, Dean se montre irrévérencieux envers la royauté, tandis que James a l'avantage de l'âge et de l'expérience. Mais peut-être que ce James saute sur l'occasion d'évincer un neveu qu'il ne peut pas blairer. Ça doit être frustrant de vivre sous les ordres du fils de son frère quand on a un brin d'ambition et d'ego. On a peut-être affaire à un homme qui nourrit du ressentiment envers un neveu assis dans le siège qu'il aurait aimé hériter après la mort de son frère.

— Je te l'accorde, acquiesça Red. Il n'est pas exclu qu'il y voit le moyen de s'élever au-dessus de sa condition. Néanmoins, l'ambition de James présente l'avantage de sa servilité si nous l'aidons à obtenir ce qu'il désire. La potentialité d'une guerre aux portes de Maar m'interdit de faire la fine bouche. Dans les circonstances actuelles, mettre James à la tête d'Orsei sera plus profitable.

— Gardons-nous d'une conclusion hâtive, préconisa Rey. Certaines choses ne s'additionnent pas. Si Dean soutient préférentiellement vos frères, pourquoi son espionne a-t-elle aidé le meurtrier de son Altesse Dorien à s'échapper ?

Red soupira. Il se passionnait pour la stratégie mais la politique l'éreintait.

— Sait-on pour quelles raisons ton espionne a aidé ce condamné à se sauver ?

Jeff se retint de renchérir que ce n'était point son espionne.

— Je peine à le comprendre, Majesté. Cet acte a ruiné sa couverture.

— Vous ne vous doutez vraiment pas de ses motivations, Grand Conseiller ? insista Rey.

Jeff lui opposa un regard hostile. Ce sale garnement le poussait à bout. Bien sûr qu'il savait ! Que cherchait Rey à la fin ? Ravalant sa colère, il reprit ses esprits. Il avait saisi : ce bougre difficile à cerner lui offrait une possibilité de prolonger le sursis de l'espionne.

— Ce fait m'échappe. Je n'ai pas pu lui soutirer des aveux à ce sujet avant qu'elle ne s'ouvre le crâne contre le roc ; raison de son séjour à la tour Tulipe.

Ce plan pourrait fonctionner...

— Il est évident que les origines sandrianes de l'assassin de Dorian ont motivé cette traitrise ! renifla Dilan. Ta catin travaille pour le gouverneur d'Orsei mais reste une exotique de ces contrées-là. Nous l'avons entendue s'exprimer en sandrian.

Ce plan fonctionnerait à condition que le prince la ferme ! Jeff craqua des doigts, démangé par l'envie de planter une dague dans la poutre derrière le prince, à un centimètre au-dessus de sa chevelure. Dilan déglutit, intimidé par l'aura assassine émanant du Triumvir. Il se souvenait de l'agilité féline avec laquelle le Grand Conseiller avait donné la chasse aux fugitifs, en s'élançant dans l'arène. Le sortir de ses gonds n'était pas recommandé.

Red étudiait Jeff, d'abord intrigué puis inquiet. Il avait l'impression de voir un autre homme. Tout cela à cause d'une femme ? Traîtresse, en plus ! Mais Sacha soutenait que des hommes guerroyaient pour les faveurs de l'objet de leurs désirs.

Dean Leblanc guerroierait-il pour moi si je lui accordais mes faveurs ?

Il ravala un grommèlement. À force de personnifier une femme, il frisait la crise identitaire ! Il maudit Dean de lui avoir implanté ces idées tordues.

« C'est donnant-donnant, Majesté. J'ai ce que je désire : vous. Et vous aurez ce que vous désirez : ma loyauté. »

La remarque de Jeff le tira du bourbier de sa mortification et de ses sentiments mitigés.

— Vous taisez le contenu codé de votre courrier avec votre jumeau, Altesse, mais si j'étudie le reste, il apparait que vous êtes rentré en contact avec lui récemment. La fraicheur de certains détails indique que le prince David se trouve à Aram ou dans sa périphérie.

Red se tourna vers son aîné, qui essaya de ne pas blêmir. Il pouvait comprendre les cachoteries de Dilan. Néanmoins, il choisissait la transparence sur la question d'Orsei, alors que le reste de sa fratrie pactisait avec cette dernière dans son dos afin de le destituer. Dilan pouvait appartenir au lot ; l'espionne de Dean veillait sur lui sans doute pour rassurer David. Red avait une carte à jouer s'il voulait rallier le dernier frère présent au palais. Il retira la chevalière à son majeur et la tendit à Dilan. Lui céder le sceau royal personnel du Grand Red signifierait bien quelque chose dans leur relation bancale.

— Tu feras abroger la mise à prix de la tête de David à une condition.

— Laquelle ? demanda Dilan, fébrile.

— Qu'il te transmette toute information avérée, de préférence étayée de faits, sur les mercenaires derrières les attaques. David est innocenté jusqu'à preuve du contraire. J'ouvre une enquête. Je ne te la confie pas pour ne pas la biaiser, mais ton aide est requise. Reste au palais.

— Comme il plaira à sa Majesté.

Le pas léger, Dilan prit congé. Plus vite il s'exécuterait, mieux David se porterait. Rey pouffa.

— En voilà une manière subtile de congédier des oreilles devenues indésirables.

— Es-tu sûr de toi, Andy ? s'enquit Sacha. Est-ce le roi qui a parlé ou le frère ? Et si, malgré tout, David s'avère coupable ?

— Alors il aura un procès avec des preuves irréfutables, argüa Jay. Dois-je me charger de la commission d'enquête ?

Red assentit.

— Timothy mettra des hommes de confiance à ton service. Quant à ton investigation sur Sloan, elle laisse entendre qu'il bénéficiait d'un appui de Baylor.

— Il est probable que l'appât du gain a fait vaciller son intégrité, dit Jay. Reste à déterminer si ces transactions ont été instiguées par la cour de l'Impérateur Arrow, si Sloan avait des accointances avec la noblesse bayloriane, ou pas du tout.

Red s'arracherait les cheveux s'il ne tenait pas à sa belle crinière. Les cabrioles de Lima ne devaient pas lui occulter la présence de Baylor dans la danse.

— Quel est le patronyme de ce cafard ?

— Hudson, répondit Jay.

— Les historiens du clan Mineli détiennent des archives sur toutes les familles Reds, en exagérant à peine. Korgan, rassemble tout ce qu'on peut trouver sur le nom Hudson. L'aide de ton père sera bienvenue. Nous comprendrons mieux ses actes si nous savons qui était en réalité Sloan Hudson, dit Red, songeur.

Il y avait probablement une raison occulte derrière sa présence auprès du prince Dorien. Red se trompait sans doute mais la piste méritait d'être explorée.

— Bosco et Arrow jouent à un jeu de dupes. Je refuse d'être le dindon de la farce.

L'Impérateur de Baylor n'avait jamais rien inspiré à Red, si ce n'est de la méfiance et elle prenait du galon. Il eut le désagréable pressentiment que le pire restait encore à venir.

— Je parierais que si Sloan avait pu plaider sa cause, il aurait affirmé avoir été piégé, marmonna-t-il. Par deux fois, on a porté atteinte à Maar et le coupable est un sujet n'ayant jamais agréé à mon ascension au trône. On y verrait une évidence. On s'attend à ce que j'accorde du crédit à toute information qui accuse mes détracteurs d'avoir commis des actes criminels visant à me nuire...

Ce serait d'autant plus crédible si lesdits détracteurs se révélaient bel et bien coupables. Or traquer les criminels détournerait l'attention de Red d'un problème plus pernicieux : une potentielle alliance entre Ethan Bosco et Mathiew Arrow.

Ces deux-là sont capables d'associer leurs dents longues si cela leur permet de rogner Maar jusqu'à l'os.

— Des espions Limans et Baylorians échappés avec l'aide de milices rebelles. Des mercenaires souhaitant une reconversion militaire dans la Légion Nord et un groupe désirant suivre l'entraînement de la Légion Rouge. Désertion des deux côtés. Les premiers soupçonnés d'être Limans, les seconds, Baylorians.

— Majesté... insinuiez-vous une alliance entre Baylor et Lima au détriment de Maar ? souleva Rey, tendu.

— Je n'aime pas cette éventualité mais, vu la similitude du mode opératoire, on ne peut décemment pas l'écarter, grogna Red.

— Ça nous fait combien d'adversaires à gérer en même temps ?! geignit Jay.

— Si entrer en guerre est ce qu'ils veulent, ce sera la dernière chose à faire ! s'affola Korgan. Ils nous prendraient alors en tenaille. Il est primordial de ne pas jouer leur jeu.

— Mais si on ne fait rien, on s'attirera les regards gouailleurs et convoiteurs des autres royaumes ! grommela Jay, dégoûté. Ça multipliera le nombre d'adversaires.

— Même Sandres, qui n'avait rien d'une menace, a commencé à bouger, soupira Jeff. Excepté son nom, impossible d'arracher quoi que ce soit d'utile à leur foutue espionne ! Cette femme finirait mutilée qu'elle ne piperait mot.

Il était fort possible qu'elle emporte ses secrets dans la tombe. La résistance de Narsha à la douleur énervait Jeff à un point tel qu'elle suscitait son admiration.

— Vous avez raison de craindre que Mô'Lar y verra une aubaine, mon roi, dit Timothy. C'est une certitude.

Il l'affirma surtout à l'intention de Rey, dont le scepticisme se lisait sur le visage. L'intonation lugubre du Général lui interdit d'émettre ses doutes.

— Selon la conception tordue du Grand Rakam, la négociation et le pacifisme sont l'apanage des faibles. Le Faible se soumet au Fort, c'est un principe fondamental mô'larian. Ne pas réagir ou choisir les pourparlers seront autant de raisons qui donneront à Mô'Lar la « légitimité » de changer Maar en vassal. Le Grand Rakam n'y verra qu'une occasion justifiée d'exercer son droit souverain de protecteur. Car les faibles vivent sous la houlette des plus forts, et en tant que « Fort », il dispose du droit inné de dominer le faible né pour se soumettre. Le Grand Rakam ne connait pas d'autre conception de la cohabitation que la domination.

Timothy renifla son mépris. Son poing serré exprimait une haine tenue en laisse. Red se demanda quelle avait été le vécu de ce Guerrier Mô'Lar sur sa terre natale. Lui raconterait-il son histoire un jour ? De manière tacite, ils n'en parlaient pas. En affranchissant Timothy de son joug de gladiateur, le roi avait compris que le jeune homme considérait son passé effacé. Il renaissait sous un nouveau patronyme qui jetait le tabou sur le précédent, celui dont la condamnation à l'esclavage l'avait dépossédé. Quel crime avait-il commis ou quelle menace avait-il représentée, pour que le Grand Rakam le dépouille de son nom et, de ce fait, le prive de l'accès au paradis selon leurs croyances ?

Timothy régna sur ses émotions saumâtres. Son roi, l'homme qui l'avait sauvé des limbes du purgatoire, avait besoin de sa lucidité. Colère et haine étaient mauvaises maîtresses.

— Que décidez-vous de faire, mon roi ?

— Attendre.

La réponse le prit au dépourvu.

— Mais...

Korgan coupa sa contestation :

— Cela ne remet pas en cause la vaillance de tes hommes, Général, mais on ne peut pas se permettre d'entrer en guerre. L'ennemi ne rode pas qu'à l'extérieur. Avant d'affronter le mal étranger, il faut réparer celui qui ronge Maar de l'intérieur.

— Toi et tes paraboles de vieux bonobo ! soupira Jay.

— Sans Orsei, difficile de gagner la moindre guerre, éclaira Korgan. Quel sort réservez-vous au gouverneur, Majesté ?

— Timothy, que se passe-t-il lorsqu'un de tes subordonnés se conduit mal ?

— Il est puni, mon roi.

— Eh bien, Korgan a sa réponse et tu as ta mission. Tu te rendras à Nacir investi du pouvoir de destituer Dean Lightfoot Leblanc du titre de Gouverneur. La charge de cette fonction reviendra dorénavant à son oncle, James Leblanc.

La gravité de la décision pesa dans la pièce. Le Général portait un autre poids dont il se plaignit :

— Vous m'éloignez encore de vous, mon roi, alors que votre province court un danger !

Il avait mal encaissé le départ du monarque pour Nacir. Il s'en voulait. En sa présence, le convoi royal n'aurait pas essuyé autant de pertes au retour. S'éloigner à nouveau de Red, quand rodait une menace, ne lui convenait pas. Or confier personnellement cette mission au Général de la Légion Rouge en disait long sur le cas épineux de ce foutu gouverneur qui forçait la main au roi. Si Timothy se rappelait les propos coléreux de son souverain, l'avant-veille, ce corniaud avait menacé de scinder Maar en deux si son roi ne se donnait pas à lui.

Je lui ferai ravaler ces mots odieux !

Pour cela, il devrait se rendre à Nacir en personne. Vaincu et frustré, Timothy grogna. Red compatit.

— Je comprends ta frustration, mais un héraut, un ambassadeur ou un magistrat ne sera jamais de taille. Le Général de la Légion Rouge possède plus d'arguments. Je t'envoie affronter un descendant de Guerrier White, Timothy.

Ce dernier contint un frisson d'excitation. La mission devint soudain très intéressante.

— Mais avec, pour première arme, la diplomatie.

Le frisson mourut. Refroidi, Timothy reformula :

— Si j'ai bien saisi, mon roi me demande de choisir peu d'hommes et non de faire une descente en force à Nacir.

Red valida d'un bref hochement du menton.

— Avec la possibilité de ne pas y trouver Dean. D'après l'informateur de Sacha, un Conseil des Clans Whites se réunira bientôt à TarN. Soit tu le prendras de vitesse à Nacir, selon la vélocité de tes hommes...

— Soit je le rencontrerai à TarN, entouré des autres chefs de clans, termina Timothy.

Il ne voulait pas croire que le roi l'envoyait en mission suicide mais sa dangerosité venait de grimper. La réputation des Guerriers des Steppes Orseianes les précédait. La petite escouade de la Légion Rouge se retrouverait dans leur fief à un contre cent, voire plus. Cela dit, un Guerrier Mô'Lar ne craignait pas un Guerrier White. Et contrairement à Dean, Timothy se consacrait corps et âme aux arts et devoirs martiaux, au même titre que ses meilleurs hommes formés à la manière mô'lariane.

— Le Conseil des Clans est un évènement festif, dit Red. Il y aura des femmes et des enfants. Éviter le conflit sera le premier réflexe. Si possible, entoure-toi de tes Frères d'Encre et de Sang.

La première arme qu'il préconisait étant la diplomatie, la seconde se nommait brutalité. En dépit de ses spéculations, Dean pourrait très bien réagir violemment, une fois acculé. Timothy aurait besoin des meilleurs. Celui-ci secoua la tête. Les auteurs de son tatouage-rituel ne pouvaient pas l'accompagner.

— Lou-Ahn est écartée d'office. Elle a sympathisé avec les hommes du palace de Nacir, je ne lui imposerai pas de les affronter. Elle reste assignée à votre protection. Hayden a mis le cap sur Fort-Red. Il vous servira de relais avec la Marine Rouge. J'assigne Enzo au commandement de Blame. Le régisseur Alistair est un homme d'armes, mais son étoffe a plus de fibres politiques que guerrières. Alex gardera sa mobilité pour parer aux annexions éventuelles des citées à la frontière nord par Lima ou Baylor.

— Poste-le plutôt à Pizê, ordonna Red. Le Gouverneur Brent Scott a la responsabilité de TarQ. Assure-toi que ton frère renforce son armement, dit-il à Jeff. De grâce, sans bavure.

Lèvres pincées, Jeff opina du chef. Ils étaient sur des charbons ardents face aux royaumes voisins. Ce trublion de Dean Leblanc choisissait mal son moment pour la jouer rebelle. Red quitta son fauteuil et tourna le dos à la petite assemblée, perdu dans ses pensées. Les cinq autres hommes et l'unique femme respectèrent son temps de réflexion.

— Si ce Leblanc abhorre les effusions de sang, il se pliera à mes doléances. S'il choisit la voie de la rébellion...

Les épaules raidies, Red marqua une césure nécessaire à rassembler son courage. Il n'avait pas besoin de verbaliser la suite, Timothy la devinait. Pourtant il devait la formuler et lui donner un caractère officiel.

— S'il s'oppose au commandement du roi, tu as l'ordre de le tuer. Lui, uniquement.

À en juger par la tension étouffante dans la pièce, cette décision ne faisait pas l'unanimité. Mais personne ne le contredirait. La décision appuyait plus lourdement sur ses épaules. Il s'écouterait, Red ne s'y résoudrait pas. Ordonner la mise à mort de Dean trahissait Rudy. Or sa prise de position, si cruelle soit-elle envers le jeune homme, servait le plus grand nombre : la sécurité de son royaume. Flancher n'était pas une option devant les enjeux et les vies innocentes en sursis. On ne régnait pas avec du sentimentalisme, encore moins avec de l'indécision.

— Maar ne peut pas se permettre un tel trouble-fête à l'orée d'une guerre. Si soumettre Dean Leblanc n'est pas possible, je l'écarterai. Mais je crains que cela soit inéluctable, cet homme ne « conjugue » pas la soumission.

Le Général carra les épaules. Il devait donc considérer le combat inévitable.

— Bien, mon roi.

— Maintenez son espionne en vie, dit Red sans un regard à Jeff. J'aurais volontiers envoyé sa tête à Dean mais elle servira d'autres desseins. À son sujet, Timothy, tu transmettras ce message au gouverneur : « C'est discourtois de fureter dans les dessous d'une prima. »

Timothy arqua un sourcil, dubitatif. Était-ce un message codé ? Sacha se massa les sourcils, dépitée, quand les hommes la questionnèrent du regard.

— Il saura ce qu'il en coûte de laisser traîner ses espions en ma demeure ! rumina Red.

Ses doléances seraient retranscrites de façon manuscrite, le document paraphé des signatures du Triumvirat, puis mis en attente d'une authentification par le sceau royal. Red aborda ensuite le problème des fuites financières.

— J'aimerais qu'on examine plutôt le cas du chasseur de primes, fit Rey.

Jeff retint sa respiration. Il croyait s'offrir un répit avec le report de l'exécution de Kohana. Remettre à l'ordre du jour le procès de ce Ranmaru redirigeait l'attention sur elle. Où Rey voulait-il en venir ? Comprendrait-il un jour les motivations de ce phénomène insaisissable ?

— Il a apporté un document paraphé du sceau royal. Vous l'avez, si je ne m'abuse, dit Rey à Jeff.

Appréhendant la réaction de Red, Jeff apporta le document. Comment Red prendrait-il sa décision d'exécuter un possible innocent afin d'envoyer un message aux partisans des insurrections ? Il espérait contenir l'agitation via la politique de peur prônée par Le Grand Red. En outre, le prince Dilan réclamait rétribution pour le meurtre de son frère et ne voulait rien entendre d'autre qui ne s'apparentât pas à la mort du mercenaire. Arrêter son jugement avait été casse-pied, mais le Triumvirat cumulait des actes blâmables au nom de la cause royale. Ils n'avaient rien de saints. L'ironie avait conduit cette situation à dévoiler la véritable identité de Hana et les intentions du gouverneur d'Orsei. En tenant compte des circonstances, Jeff espérait un allègement de peine. Mais le roi n'était pas connu pour la légèreté de sa rétribution.

— C'est un faux, précisa Jeff, soulageant Red de quelques interrogations.

— De quoi s'agit-il ? s'enquit Korgan.

— D'après ce Ranmaru, au moment de son procès expéditif, commença Rey, un brin caustique, il aurait reçu ce document d'une femme qui s'en est servie pour berner Sloan et le pousser à tuer le prince.

— Pourquoi ? fit Jay, intrigué.

De toute cette débâcle, il déduisait que le bon fonctionnement du Triumvirat reposait sur l'équilibre de leur trinité. Seul, Jeff se retrouvait dépassé, une fois distrait par une jolie paire de seins. Parce qu'elle était espionne et Orseiane, son ami se ferait méchamment taper sur les doigts. Mais peut-être aurait-il des circonstances atténuantes vu le caractère mystérieux de l'affaire.

— Le document stipule que le roi absout son porteur de ses crimes s'il rapporte son Altesse Dorien au palais de Rubis, mort ou vif, expliqua Jeff.

La sidération des absents au procès fut sans commune mesure. Étudiant Red, Sacha se heurta au masque inexpressif qu'elle détestait et, paradoxalement, admirait. Le roi avait l'art de gommer ses émotions lorsqu'il taisait ses intentions. Difficile de savoir l'impact de la découverte et prévoir ses réactions.

— Le travail de faussaire est presque un chef d'œuvre, nombreux s'y tromperaient, apprécia Rey. J'ai décelé la supercherie mais ma voix n'a pas de poids dans un conseil juridique, déplora-t-il. Et même sans cela, elle n'aurait pas été entendue dans un procès mené par son Altesse Dilan. Je n'étais pas le seul impuissant, la prima Vestis s'est un peu retrouvée désœuvrée, Majesté.

Goûtant peu à l'ironie, Red soupira.

— Où veux-tu en venir, Rey ?

— Au fait que cela remet en question les véritables intentions de cette Hana. Contre toute attente, elle a été la seule à plaider la cause de Ranmaru, convaincue de son innocence.

— Ah bon ? fit Jay, perdu. Savait-elle quelque chose ?

Red se tourna vers Jeff.

— Et d'après toi, était-il innocent ?

— Il a réclamé la prime de Sloan en reconnaissant l'avoir tué. Il a nié toute responsabilité dans le meurtre de son Altesse. Mais en dehors de sa parole, nous n'avons rien eu qui prouve que le document falsifié en sa possession venait d'un tiers.

— Il aurait en effet très bien pu se le faire faire pour masquer son crime, spécula Korgan.

— Ça reste absurde du point de vue d'un chasseur de primes, contra Timothy. Vivant, son Altesse Dorien possédait plus de valeur. Ranmaru n'aurait collecté sa prime que dans ce cas-là. Il n'aurait pas rapporté la tête du prince au palais, en sachant ce qu'il risquait, s'il était coupable. Il s'en serait débarrassé !

— Peut-être ne s'y attendait-il pas, tenta Sacha.

— Mon point ici n'est pas de nous appesantir sur les motivations du mercenaire, s'impatienta Rey. C'est la femme qui lui aurait remis ce faux document qui m'intéresse. S'il est vrai qu'elle a piégé Sloan, cela lève les incertitudes sur les manipulations trompeuses derrière le saccage du pont Merlion et de la cité d'Esa. Il faut déterminer s'il existe un lien entre tous ces attentats mais nous devons aussi envisager que les maîtres marionnettistes n'aient rien en commun et poursuivent chacun un but différent.

Red se rassit lourdement dans son fauteuil. Rey voyait souvent le monde sous un angle différent, sous une perspective qu'il n'envisageait pas de prime abord.

— On a déjà établi que plusieurs personnes tirent des ficelles en coulisses, récapitula-t-il. Mais tout converge vers un point : nuire à mon règne. Dans l'éventualité où ces gens auraient chacun leur but, ils partagent néanmoins un intérêt commun.

— Votre éviction, maugréa Jay. Ils ont fait un mouvement. Ils attendent de voir le vôtre.

Korgan émit une mise en garde.

— Riposter contre un ennemi dont on sait peu de chose est voué à l'échec.

Aucune stratégie militaire ne le recommanderait. Red soupira.

— Raison pour laquelle je commence par celui que je « connais ». Pars pour Nacir demain matin, Général. Jay, tu chercheras aussi l'existence ou l'inexistence de passerelles entre Esa, Lima, le Merlion et Baylor.

— Bien, Majesté.

— Sacha, informe James Leblanc de ma décision le concernant. Qu'il se prépare en conséquence, mais en toute discrétion, jusqu'à l'arrivée de la délégation officielle.

— Ce sera fait, Majesté.

— Korgan, tu aideras Rey à trouver le responsable des fuites financières. Ils anticipent les mesures prises par le Grand Banquier parce qu'ils doivent le côtoyer au quotidien ; ils connaissent ses méthodes. Tu apporteras de l'imprévisibilité. Je me chargerai de faire parler cette Narsha. Laissez-la mariner un moment. Jay, assure-toi que la tour Tulipe se consacre aux soins de cette Kohana et surtout renforce la surveillance. Il est exclu qu'elle s'échappe à son réveil. Il me la faut consciente pour faire d'elle un exemple. De toute évidence, son heure n'est pas venue, marmonna-t-il. La séance est levée.

Jeff réprima un frisson.

— Majesté ? osa-t-il.

Son souverain l'avait ignoré. De manière délibérée. Humiliant et mortifiant.

— Tu as commis assez d'impairs ! gronda Red.

À sa forte inspiration, Jeff devina que sa sanction tombait. Il serra les dents.

— Rends-toi à Esa. Tu rempliras la fonction de gouverneur, le temps de redresser la situation. Et ne t'avise pas de faillir à cette cité comme tu as failli au trône.

Une excommunication du palais de Rubis. Telle était sa sentence. On l'éloignait du roi qu'il avait échoué à servir et le dépouillait de ses prérogatives de Triumvir. Connaissant Red, cette sanction transpirait la clémence. Jeff devait lui en témoigner de la reconnaissance. Pourtant ses pensées allèrent à Hana. Elle n'était toujours pas tirée d'affaire. L'obéissance de Jeff ne la sauverait pas mais sa rébellion aggraverait la situation de l'espionne. Reculer l'aiderait à mieux sauter.

— Quel sera le statut du Gouverneur Brest ? Il ne verra pas d'un bon œil l'ingérence de la cour... C'était un partisan de votre père, Majesté.

Red devint pensif.

— Je n'ai jamais vraiment sur le positionner. C'est un vétéran White. La cour d'Henri ne devait son allégeance qu'à son désaccord avec l'ancien chef Vince Leblanc.

— Gageons que le désaccord s'est maintenu avec le fils de Vince, marmonna Korgan.

— Un rapport de mes hommes mentionne l'arrivée de nombreux Passeurs Whites venus d'Ezier, dit Timothy.

Leur nombre élevé pourrait provoquer le basculement de l'allégeance d'Esa vers Orsei. Red s'en inquiéterait plus tard.

— Toute aide est bienvenue. Les états d'âme du gouverneur Brest ne sont pas ma priorité. Il faut donner à la population sinistrée des raisons de rentrer ou de rester chez elle. Peu importe comment tu t'y prends, ménage la chèvre et le chou s'il le faut, mais ta mission est de faire disparaître la peur et l'insécurité qui ont élu domicile à Esa.

— Comme il siéra à sa Majesté, souffla Jeff, docile.

— Il ne me sied point ! tonna Red.

Sans crier gare, il explosa, libérant une frustration contenue depuis des jours.

— Tout ceci ne me sied guère ! Je le fais parce que je le dois et non parce qu'il m'agrée ou parce que cela me sied !

Un silence épais rampa dans la pièce. La respiration sifflante, Red s'imposa un rythme de ventilation lent.

— Laissez-moi seul !

Tous quittèrent le bureau, à l'exception de Sacha.

— Ne m'as-tu pas entendu ? demanda-t-il d'une voix sourde.

Elle sortit d'un petit sac en tissu brodé une fiole dont la couleur évoquait de l'améthyste. Elle la posa au milieu de la table. Red ferma les yeux. Avec tout ce qui lui tombait dessus en ce moment, il avait oublié sa dose journalière.

— Il est nouveau. On commence à une goute, préconisa Sacha. J'insiste. Une de trop et tu le regretteras. Tu as beau avoir une résistance inhabituelle aux poisons, ne tente pas le sort. Il est aussi indétectable qu'une goutte d'eau dans de la salive. Cela le rend intéressant mais emmerdant.

De toute évidence, la létalité du poison n'emmerdait pas Sacha mais plutôt la difficulté à l'identifier afin d'établir le bon contrepoison.

— Ce sont des Larmes de Lune. Un poison de contact, à la base. Il tue très vite ou lentement en fonction de la dose. Je t'en donne la version « goutte » et diluée, pour sa simplicité de prise et de dosage. Mais il faudrait qu'on établisse un protocole pour les poisons cutanés. Je ne comprends toujours pas ta faiblesse contre les poisons topiques alors que tu présentes une quasi immunité contre ceux ingérés ou injectés.

Red haussa les épaules. Il devait à Dorien la découverte de cette faiblesse. Toutes les autres tentatives d'empoisonnement avaient échoué, mais un liniment vénéneux avait failli avoir raison de lui. Sa résistance étrange aux poisons avalés était un secret que sa mère avait jalousement fait garder. Quand le poison qui l'avait rendue malade n'avait eu aucun effet sur son dernier fils, qui avait pourtant partagé son repas, la reine Tina avait mené des expériences. Sous la supervision d'un Médicure, elle avait instauré une mithridatisation. En grandissant, le prince Andy s'était « amusé » à augmenter les doses et à tester différents modes d'administration. Quelle que soit la nature de la toxine consommée, inhalée ou inoculée, les doses mortelles le barbouillaient simplement.

Par coquetterie, sans doute, il avait manqué d'esprit en refusant d'associer l'acte hideux de l'empoisonnement à ses petits rituels cosmétiques. Il aimait prendre soin de sa peau. Sa mère lui avait appris à en faire des moments de détente, d'amour envers son propre corps. Badigeonner un toxique sur sa belle carnation revenait à la profaner et à souiller le doux souvenir maternel.

Red n'avait jamais été friand des contacts physiques, à l'exception des câlins de sa génitrice. Après le funeste épisode de son empoisonnement par voie cutanée, ce qui le mettait mal à l'aise l'écœurait désormais. Pourtant, il n'avait pas ressenti du dégoût quand Dean l'avait acculé de tout son corps contre le mur de sa chambre. Balayant la réminiscence, Red s'interdit de nommer la sensation dégradante ravivée par l'image.

— D'où vient-il ? Ce n'est pas une de tes fioles.

— L'épouse de James Leblanc, Sonia, m'a été d'une grande aide sur les poisons qui circulent en Orsei.

Red hésita. Il ne connaissait pas cette Sonia. Elle avait beau être l'informatrice de Sacha, elle avait beau clamer son désir de servir son roi, son ambition rendait Red frileux. Accorder sa confiance à une espionne, dans son cas, ne relevait pas de la naïveté mais de la stupidité.

— Est-ce judicieux en cette période trouble ?

— Pour être honnête, la plupart des poisons dont j'ai fait l'acquisition à Nacir proviennent de la collection personnelle du gouverneur, avoua Sacha. Ses nombreux voyages lui ont permis d'acquérir une collection de poisons extraordinaires ! s'extasia-t-elle. Le moment ne peut pas être mieux choisi. Avec tous ces espions étrangers qui furètent partout, te mithridatiser contre ces substances venues d'ailleurs s'impose. On n'est jamais trop prudent.

— Si tu le dis. À ta santé !

Red dévissa le bouchon compte-gouttes de la fiole et déposa sur sa langue une goutte de Larmes de Lune.

*

Chapitre enfin fini !

Red vient de prendre une décision terrible ! J'ai peur des conséquences. Les assumera-t-il ou les subira-t-il?

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