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Chapitre 5





Mes mains tremblaient convulsivement alors que je cherchais la clé de mon appartement dans ma poche. J'eus un rire nerveux lorsque je m'aperçus que je l'avais perdue au marché quand je m'étais transformé.

Je m'acharnai quelque secondes, puis d'un coup de pied rageur, défonçai la fragile porte de bois et entrai précipitamment dans la pièce. Me saisissant d'un vieux sac, j'y fourrai des vêtements au hasard et soulevai le malingre matelas de mon lit pour me saisir de mes crédits d'urgence.

Une fois ces choses faites, je sortis rapidement de l'appartement et dévalai les marches de l'immeuble quatre à quatre. Une fois en bas, j'eus une mauvaise surprise : Gary, le propriétaire, me barrait le chemin dans le vestibule, les bras croisés et l'air buté. Son double menton tremblota lorsqu'il s'écria :

« Dis donc, mon garçon, tu me dois encore cinq-cents crédits ! Si tu veux t'en aller, paie au moins ce que tu me dois !

– Dégagez, Gary, » murmurai-je  dangereusement bas.

Le calme était très mauvais signe dans mon cas. Je me sentais comme une bouilloire qui sifflait, au bord de l'explosion, les nerfs à fleur de peau. La frustration et la colère m'emplirent d'un coup, brûlant littéralement ma poitrine et me faisant serrer les poings. S'il ne me laissait pas tranquille, le grassouillet bonhomme risquait de subir mes foudres. Je grinçai des dents ; il avait atteint les limites de ma patience simplement en me barrant le chemin.

Apparemment, il n'avait pas saisi le message, car il posa ses mains sur ses hanches, l'air menaçant.

« Si tu ne me paies pas, Hunter, je serai obligé d'appeler la Robolice. Je ne pense pas que tu veuilles cela, n'est-ce... »

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Je lui cassai brutalement le cou d'un coup bien placé sur la nuque. Son corps lourd s'effondra sur le sol, ses yeux exorbités encore surpris.

« Vous n'appellerez pas la Robolice, » dis-je sans émotion.

Je me détournai rapidement et m'en allai sans un regard en arrière, le laissant là, effondré tel une poupée de chiffon sur le sol.

Le fait de ne rien ressentir face à ce meurtre de sang-froid que je venais de commettre aurait dû m'inquiéter, m'effrayer même. La pensée même que je venais de terminer la vie de quelqu'un simplement parce qu'il voulait l'argent que je lui devais aurait dû me montrer la profondeur de ma déviance, de la distorsion de mes émotions. Ce n'était pas la première fois, ni même la dernière, que je tuais quelqu'un, mais jamais je ne m'étais senti si détaché, si froid par rapport à ce fait. Ma conscience me criait de réagir, de faire n'importe quoi, de crier ou de pleurer. De faire quelque chose d'humain. Mais aucune larme ne coula sur ma joue et je ne ressentis rien tandis que je repensais à la silhouette pataude de Gary au sol et aux cris d'Alexie. Rien.
Je continuai simplement à avancer et me dirigeai vers le métro le plus proche, me sentant vide, errant dans les rues comme une âme en peine.



*



Je me trouvais dans l'obscurité totale. Je n'entendais rien, ne voyais rien, ne sentais rien. Je marchais dans cette étendue d'un noir d'encre, à l'aveuglette, tout en sachant d'instinct qu'il n'y avait rien devant moi. En fait, il n'y avait rien nulle part, j'en étais convaincu. L'air n'avait aucune consistance et je me demandai s'il y avait même vraiment de l'oxygène. La sempiternelle odeur de fumée et les interminables sirènes qui ne me quittaient jamais avaient disparu.

Je marchai durant ce qui me parut une éternité, sans but ni repère. Ce lieu me semblait si calme que je songeai à y rester pour toujours, pour régner en roi du silence et de l'obscurité.
Soudain, j'entendis quelque chose, à peine un petit chuchotis et sursautai violemment.

Même avec mon ouïe plus que performante, je ne parvenais pas à saisir ce que la voix disait. Puis les mots devinrent de plus en plus clairs, pour finalement devenir ceux d'une petite fille. Ils flottaient dans l'air, cristallins et durs tels de la grêle un jour d'hiver, brisant l'épais silence comme une pierre éclaterait du verre.

Pourtant, la fillette parlait avec ce ton innocent qui est propre aux enfants. Elle exprimait ces phrases avec une telle candeur, comme si elle me demandait pourquoi son poisson rouge était mort. J'en frissonnai. Un mélange de légèreté et de déception transparaissait dans sa voix.

« Pourquoi, Hunter ? Pourquoi tu nous as laissés mourir ? »

La gamine apparut devant moi, si soudainement que j'eus un mouvement de recul. Je pouvais à peine la voir dans l'obscurité maintenant oppressante ; je captai un reflet de cheveux corbeau, un œil noir et vif et l'ombre d'une peau d'un riche ton chocolat.

Elle reprit plus fort, d'un ton qui vibrait d'une colère mal contenue :

« Pourquoi ?! Tu aurais dû venir avec nous ! Tu aurais dû mourir ce jour-là, Huntie. Tu le sais très bien ! »

Tandis qu'elle parlait, je perçus un changement dans son physique ; elle se décomposait devant moi ! Des plaies purulentes constellèrent ses maigres bras et jambes, ses yeux devinrent vitreux. Une partie de son cuir chevelu avait disparu pour laisser place à l'ivoire poli du crâne et elle me sourit, laissant voir des gencives noires et rongées par des asticots grouillants.
Jusqu'à présent, j'étais si terrifié que je ne pouvais pas faire un mouvement, je me trouvais pétrifié. Sa macabre métamorphose m'arracha à ma stupeur. Je me mis à courir, aussi vite que je pouvais, dans la direction opposée à celle de ma sœur jumelle. Celle dont je ne parlais à personne.

Derrière moi, j'entendis l'écho de ses hurlements de rage et de désespoir, qui se répercutaient sans fin autour de moi :

« POURQUOI, HUNTIE ?! POURQUOI TU NOUS AS LAISSÉS MOURIR ? T'es qu'un traître ! Tu m'entends ? Tu seras à jamais un couard, et tu vas mourir en lâche, parce que tu aurais dû mourir avec nous ! »

Les larmes coulaient sur mes joues tandis que je continuais à courir, à grandes enjambées, trébuchant parfois, pour m'éloigner le plus possible de la dure vérité. Je ne parvenais pas à m'échapper, ses cris me poursuivaient où que j'aille. À bout de souffle, mes muscles chauds et brûlants, je dus m'arrêter. Ses accusations me tourmentaient sans fin, m'entouraient comme un mur oppressant fait de mots et d'exclamations. Je hurlai moi aussi, ne supportant plus ces calomnies murmurées à mes oreilles. La souffrance m'enveloppa, jusqu'à devenir matérielle, intolérable et ardente, jusqu'à m'étouffer. J'avais laissé ma famille mourir ! Et ce poids pèserait toujours sur mes épaules.
Je m'effondrai à genoux, écrasé par ma culpabilité, et sanglotai en me berçant et en tentant d'étouffer les cris de ma soeur avec mes mains.

Je n'avais jamais cru, et ne croirais jamais en l'au-delà, mais pourtant leurs esprits – ou peut-être était-ce le mien ? – venaient me tourmenter chaque nuit.

Je me réveillai en sueur, les joues baignées de larmes.

Une partie de moi rêvait qu'ils n'eussent jamais existé, mes parents et ma sœur, pour que plus jamais je n'aie à endurer la souffrance de savoir qu'ils n'étaient plus là. L'autre partie voulait à tout prix garder un souvenir d'eux, ne fût-ce que la douleur de leur absence.

J'aurais tellement aimé avoir une famille normale. Tout aurait été différent, si celui qui nous avais créés n'avais jamais fait d'expériences.

Je fermai les yeux et imaginai un matin normal dans notre famille normale.

Ma sœur écouterait de la musique en mangeant ses céréales et en buvant un verre d'eau. Mon père lirait le journal, fronçant les sourcils et émettant de petits commentaires de temps à autre. Ma mère peindrait, de petits tubes de gouache sur un tabouret et une vieille toile sur son très ancien chevalet. De minuscules taches de couleur constelleraient ses fines mains et elle en rirait. Elle nous peindrait, nous, une famille ordinaire, notre petit appartement et la rue passante au-dehors. Nous serions plutôt pauvres, n'aurions pas de quoi s'offrir de la viande ou du jus d'orange ou de la vraie peinture à l'huile, mais nous serions heureux. Unis. Ensemble. Et le plus essentiel, nous serions tous vivants.

Je rouvris les yeux, battant des paupières pour revenir à la cruelle réalité, celle où je n'avais rien de cela, où tout le monde me haïssait.

Un monde où j'avais perdu Alexie, peut-être pour toujours.

Finalement, je me ressaisis et essuyai les larmes salées sur mes joues. Alexie avait été le déclencheur de tout chez moi. Avant qu'elle n'arrive, je n'avais plus versé une larme depuis... longtemps.

Son retour dans ma vie avait rouvert d'anciennes blessures, décoincé des valves de souvenirs douloureux. Elle avait un tel pouvoir sur moi, Alexie. C'était une souffrance exquise que de savoir qu'elle avait bouleversé ma vie de cette manière, en si peu de temps, mais qu'elle n'était plus là pour le voir. Quelle ironie.
Au moins, de cette façon, je me souvenais de qui j'étais, et j'éprouvais enfin quelque chose.

Secouant la tête pour me ressaisir, j'enlevai mon t-shirt, trempé de sueur, et promenai mon regard dans mes alentours. Je me trouvais dans une minuscule chambre qu'il me semblait plus juste de qualifier de placard. Il y avait le lit sur lequel j'étais allongé et une petite table de chevet en bois sec. Le matelas était si vieux qu'il grinça comme un animal à l'agonie lorsque je m'assis.

Je grimaçai lorsque mes muscles protestèrent d'avoir dormi sur une surface aussi mince et dure. J'aurais tout aussi bien pu coucher sur le sol ! Les draps étaient tachés d'une substance blanchâtre qui ressemblait à... mieux valait ne pas y penser, tout compte fait. La saleté incrustée sur les murs m'empêchait de déterminer de quelle couleur ils étaient autrefois sous la lueur vacillante de la lampe à huile qui se trouvait sur ma table de chevet. Le tout sentait la moisissure à plein nez, si puissamment que j'en eus la nausée.

Le plancher grinça quand je me levai et il me sembla qu'il se renfonçait même légèrement. Peut-être était-ce une illusion due au manque de sommeil et au mauvais état de la chambre. Je laissai mon lit défait et sortis du réduit au plus vite après m'être rhabillé, la claustrophobie commençant à m'atteindre. Je me retrouvai dans un couloir rempli d'autres petites portes qui devaient toutes mener à des chambres comme la mienne.

La nuit dernière, je me souvenais très clairement de ce que j'avais fait, bizarrement. J'avais erré dans la ville, mon cœur vide et mon esprit me criant : « Éprouve quelque chose, Hunter ! Tu n'as pas le droit de ne pas être triste alors qu'Alexie est là-bas ! »
J'avais abouti dans un bar huppé, où j'avais réussi à voler un peu d'herbe et de vodka avant qu'on ne me mette dehors sans ménagement. Je m'étais saoulé et drogué au bord d'une route, tel un pauvre ivrogne qui cherchait à fuir ses problèmes. Quand je m'étais finalement relevé, ma tête tournait et j'avais vomi toutes mes tripes sur une voiture à lévitation rouillée. L'étourdissement menaçait de me faire défaillir.
Pourtant, j'avais continué, imperturbable, mon chemin dans la mégalopole qui ne dormait jamais, jusqu'à ce que je tombe sur cette maison abandonnée. Elle se situait en périphérie de Heavens, dans la zone condamnée par les autorités.

Après avoir défoncé la porte d'un coup de pied– décidément, c'était une habitude chez moi –, j'avais choisi une chambre au hasard et avais laissé mon corps épuisé choir sur le lit.

Aussitôt que j'avais touché les draps, mes paupières lourdes s'étaient fermées et j'avais sombré dans un sommeil profond, mais agité.

Je descendis des escaliers branlants pour aboutir dans une petite pièce aux armoires défraîchies et avec ce qui me sembla un four abîmé : une cuisine. Ouvrant les placards, j'eus la surprise de trouver de la nourriture. Des céréales, des boîtes de conserve, des barres énergétiques... Tout paraissait défraîchi et poussiéreux, mais en plutôt bon état.

Les personnes qui avaient habité ici avaient bien conservé leur nourriture.

« Tant mieux pour moi, » pensai-je alors que mon ventre grognait, affamé.

Je saisis une boîte de céréales Grillons&Grains entiers. Je me versai un bol et m'assis sur une chaise dans la salle à manger qui jouxtait la cuisine.

Je mangeai mes céréales en silence et dans le calme de la maison seul résonna le son des granulés qui craquaient bruyamment sous mes dents.

Je me levai finalement de table et déposai le bol sur le vieux comptoir en granit poussiéreux. Je sortis de la vieille masure et, m'asseyant sur le trottoir dans la rue, contemplai distraitement le paysage devant moi.

J'étais dans une ancienne banlieue d'une ville depuis longtemps disparue, dont je ne connaissais pas le nom.

Bien entendu, je n'avais jamais pu aller à l'école, mais j'avais une bonne excuse pour ce manque flagrant d'éducation : je n'avais pas de parents, donc pas d'argent, et de plus, j'étais un fugitif permanent. Malgré tout, j'avais fait en sorte d'avoir un minimum de culture générale et des bases en mathématiques et en science. Durant les dix premières années de ma vie, mes parents m'avaient d'abord appris à compter et je venais tout juste d'apprendre à lire et à écrire lorsque...

Je m'étais retrouvé seul, errant de logement en logement, toujours dans des quartiers pauvres ou dans des immeubles abandonnés, où on ne me demanderait pas ma citoyenneté. J'avais piqué plusieurs manuels d'histoire et de sciences, ainsi que plusieurs livres. J'avais appris moi-même en lisant et en regardant les autres autour de moi.

Un soir, alors que j'avais douze ans, je m'étais choisi un nouveau logement – une imprimerie désaffectée – quand je l'avais rencontrée : Mme Carpie, une demi-chat.

Je me souviens à quel point j'avais été effrayé, tout jeune que j'étais, en apercevant ses yeux un peu fous et ses guenilles sales. C'était une très vieille dame, pauvre comme moi, dont les cheveux argentés ressemblaient à un nid d'oiseau, peut-être d'albatros. Son dos était courbé et ses genoux noueux, et la pauvre avait les jointures des mains enflées tellement elle avait de l'arthrite. Elle m'avait regardé dans les yeux et m'avait dit :

« Mais d'où viens-tu, mon petit ? »

Malgré sa folie apparente et son physique plutôt repoussant, sa voix semblait receler toute la sagesse du monde. Ses yeux, bien que rendus aveugles par des cataractes énormes, regroupaient l'expérience de dizaines de vies, et je me souviens avoir songé qu'elle ne cesserait jamais, cette vie.

« Je ne sais pas, » avais-je répondu, ma voix jeune et hésitante détonnant après celle, grave et éraillée, de la vieille dame.

Et c'était la vérité. J'aurais tout aussi bien pu répondre que je ne venais de nulle part. Il n'y aurait pas eu plus vrai. J'avais été conçu dans un laboratoire clandestin, étais né dans le sous-sol crasseux d'un motel quelconque dans le quartier de Washington. Ma famille et moi étions toujours en mouvement, sans jamais nous arrêter, et lorsque je les avais perdus, cela n'avait pas changé grand-chose à mon mode de vie.

Mis à part que je me sentais vide, vieux de cent ans au lieu de douze, et déprimé. Je n'avais plus de raison de vivre, et j'avais beau eu en chercher, je n'en avais pas trouvé. J'avais fini par l'accepter. Je ne mangeais plus beaucoup, j'étais si maigre que je pouvais compter mes côtes et voir mes phalanges jouer lorsque je bougeais les doigts. Je dormais peu ou pas, les cauchemars et les remords qui en étaient à l'origine me hantaient et me terrifiaient à un point tel que je ne pouvais jamais m'endormir, même si rester réveillé n'était guère mieux.

Des cernes affreuses mangeaient mon visage, je ne portais que des torchons, mes cheveux étaient si sales qu'ils en étaient bruns. Je devais probablement avoir l'air d'un pauvre gamin déluré, le genre d'histoire d'horreur qu'on raconte aux enfants lorsqu'ils désobéissent : « Si jamais tu continues dans cette voie, tu finiras comme lui, tiens ! ». J'étais devenu ce genre de personne que l'on évite, pour lesquelles on change de trottoir en serrant son bambin tout en lui interdisant d'approcher. Je devais avoir l'air misérable.

Pourtant... Pourtant Mme Carpie avait pris soin de moi. Le soir-même, sans savoir comment je m'étais retrouvé là, j'étais dans son petit appartement, un bol de soupe dans les mains, devant un feu plus chaleureux que la plupart des personnes que je croisais. Elle m'avait donné de nouveaux vêtements. Elle les avait volés, mais tout cela ne m'importait pas. Le plus fondamental pour moi, c'était qu'ils soient doux contre ma peau, qu'ils soient d'une couleur définissable et qu'ils sentent bon. Elle m'avait même préparé un petit lit avec des draps minces et un petit coussin.

C'était le luxe pour moi, et je me suis demandé si elle ne m'avait pas menti et qu'en vérité elle n'était pas pauvre.

En fait, elle travaillait comme voyante dans les rues de Vegas, et ses affaires marchaient plutôt bien, assez bien pour qu'elle me prenne en charge, m'avait-elle dit.

Et elle l'avait fait. Le matin, je me transformais en petit loup blanc, que les gens prenaient pour son chien, et allais avec elle gagner notre vie. Elle disait m'avoir appris des tours et je faisais ce qu'elle m'ordonnait d'exécuter. C'était des choses plus compliquées les unes que les autres, trop compliquées pour un véritable chien, et les gens se mirent vite à apprécier nos spectacles.

Lorsque nous rentrions le soir, nous avions beaucoup de monnaie, assez pour s'offrir de véritables fruits et légumes, et elle me félicitait. En contrepartie, en plus du gîte et du couvert, elle m'éduquait. Elle connaissait plusieurs langues et me les avait inculquées. Elle m'avait appris l'algèbre et l'histoire, censurée par le gouvernement, qu'il me manquait. J'apprenais extrêmement vite, et en un laps de temps aussi court que ces trois ans, j'avais maîtrisé à peu près toutes les matières qu'elle m'avait enseignées.

J'avais passé ainsi mes trois années chez elle. Nous étions devenus proches, et un soir, pendant le souper, elle m'avait confié un secret, son plus grand :

« Hunter, je ne t'ai jamais dit mon âge. Quel âge penses-tu que j'ai ?

– Je ne sais pas, je dirais... cinquante ans, » mentis-je, soucieux de ne pas la vexer.

En vérité, elle en paraissait au moins soixante-dix.

« Non. J'en ai quarante-et-un. »

Comment était-ce possible ?

Elle m'avait expliqué que les êtres comme nous, les demi-animaux, avions certes de meilleures capacités physiques que les humains, mais une vie bien plus courte que la leur. Bien entendu, l'espérance de vie variait selon l'espèce, mais pas de façon très significative.

J'avais été choqué de l'apprendre. Moi qui avais perdu goût à la vie à l'âge de douze ans, je ne voulais pas me trouver dans cet état et mourir si jeune. Je voulais vivre longtemps, au moins quarante ans, cinquante, soixante ans, tout ce que je pourrais soutirer à la vie.

Cet aveu m'avait donné un coup de fouet et m'avait définitivement redonné du poil de la bête. Je profitais plus de la vie, savourais ma nourriture, la caresse des vêtements sur ma peau, la lumière du soleil caché de façon quasi-permanente derrière une épaisse couche de nuages gris. J'appréciais toutes les petites choses de la vie.

Un soir, alors que j'étais revenu d'une promenade, j'avais entendu Mme Carpie parler à quelqu'un, un homme, que je ne connaissais pas. Ils étaient au salon. Je m'étais caché derrière un canapé râpé et avais tendu l'oreille tout en observant son interlocuteur.

Celui-ci était si costaud que j'avais pensé durant un instant que son costume trois pièces sur mesure allait exploser à cause de ses muscles hypertrophiés. Il me tournait le dos tandis que Mme Carpie lui parlait de sa voix grinçante, face à moi.

Je m'étais demandé ce qui se passait. Je ressentais un sentiment diffus de trahison, sans savoir exactement pourquoi. Cette intuition s'était renforcé au fil de leurs paroles :

« Oui, avait murmuré Carpie en regardant autour d'elle, l'air suspicieux, soupçonnant probablement que je reviendrais bientôt de ma balade. Oui, il me fait confiance. Il ne soupçonne pas du tout ce qui se passe. Il sera bientôt de retour et vous pourrez l'embarquer.Vous me donnerez l'argent comme prévu ? »

L'homme l'avait regardée avec une moue de dédain.

« Finalement, qu'est-ce qui m'empêche de vous embarquer avec lui ? Après tout, vous êtes aussi une mutante.

– Il ne me reste plus aussi longtemps à vivre. Cinq ans, au maximum, tandis que lui est fort et jeune. Je ne vous servirai pas à grand-chose pour les expériences, alors que lui...

– Ouais, bon. Ça va, je vous embarquerai pas. Mais vous n'aurez pas l'argent. »

Elle avait soupiré, déçue.

« Ce garçon m'est cher, vous comprenez ? C'est déchirant pour moi de le laisser partir comme ça. J'aurais au moins besoin d'une compensation... »

J'avais froncé les sourcils, comprenant qu'elle m'avait berné et qu'elle s'était servie de moi durant trois ans. J'avais été une abondante source de revenus, et maintenant que je commençais à effrayer les gens sous mon apparence de loup, elle se débarrassait de moi. Je me maudis de ma naïveté et sentis la colère, une colère immense, digne d'un orage lors d'un chaud jour d'été, m'envahir.

« Tu vas me le payer, vieille bique ! » pensai-je, rageur.

J'étais resté là, le choc, la tristesse et la colère se mélangeant en moi et me clouant sur place.

Les deux m'attendaient, assis sur les chaises de la salle à manger. Au bout d'un moment, mes courbatures m'avaient rappelé que je devais agir. Ils s'impatientaient et se rendraient vite compte que j'avais compris que j'étais destiné à être jeté aux lions et que j'avais pris la poudre d'escampette.

Je m'étais relevé et étais simplement parti par la porte d'entrée. Ils ne m'avaient jamais retrouvé.

Toujours est-il que je n'avais jamais refait l'erreur de faire confiance à quelqu'un une nouvelle fois. Je ne m'attachais jamais, c'était ma règle. Je ne l'avais transgressée qu'une seule fois, avec Alexie, et je l'avais payé cher.

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Chapitre hyyyper long! Waouh, désolée. J'espère que vous avez aimé ❤️
On apprend beaucoup de choses sur Hunter et son passé dans ce chapitre ?
Que pensez-vous de sa soeur ?
Pensez-vous qu'il est coupable ?
Mme Carpie ?
Comment a-t-il perdu sa famille ? Des théories ? Je veux tout savoir !
Comme d'habitude, si vous avez aimé ce chapitre, un vote fait toujours plaisir, de même qu'un petit commentaire comportant votre avis;)
À vendredi prochaiiin les lapins !
Bisous
Lecrivaine123

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