• partie 3
Seungmin se réveilla avec un énorme mal de tête. Il grogna et se redressa sur le lit pour ensuite ouvrir les yeux. Il avait du mal à émerger, il eut un moment de réflexion. Les sourcils froncés à cause du trop-plein de lumière qui inondait la pièce, il analysa les alentours. Il n'était pas dans sa chambre. D'un geste las, il se massa le front et tourna la tête sur la droite. Un petit sursaut le secoua lorsqu'il se rendit compte que Felix était à côté de lui. Ce dernier était allongé, occupé à pianoter sur son téléphone.
— Ça y est, t'es enfin réveillé ? dit-il sans décrocher de son écran.
Il ravala sa salive. Il ne se souvenait même plus de comment il avait atterri chez son ami. La dernière véritable image qu'il avait en tête était qu'il discutait avec Jisung sur le canapé. Il s'était rendu à cette fête, avait bu de l'alcool pour la première fois et, petit à petit, il s'était senti partir. Le trou noir. Il avait bien quelques bribes, mais tout était flou, comme dans un rêve. Il ne savait même plus discerner s'il s'agissait de la réalité ou non.
— On est rentrés à quelle heure ?
— Beaucoup trop tôt. Enfin, plus tôt que ce que j'avais prévu.
Un puissant soupir éclata et Seungmin s'écœura lui-même de son haleine, loin d'être fraîche. Il grimaça de dégoût et se laissa retomber en arrière, son crâne s'enfonçant dans l'oreiller. Il essayait de rassembler les pièces du puzzle, mais il était incapable de se souvenir de quoi que ce soit. Qu'avait-il fait ?
— Pourquoi on est rentrés tôt ? demanda-t-il après de longues secondes de silence.
— Tu étais bourré. Comment ça va ta tête ?
La honte l'envahit. C'était la toute première fois qu'il buvait et il s'était mis dans un état pas possible. Il aurait dû éviter de toucher à l'alcool. Si ses parents l'apprenaient, il allait passer un sale quart d'heure.
— J'ai l'impression qu'elle est pleine. Mais en même temps… vide.
Felix pouffa de rire. Il délaissa son portable pour le poser sur sa table de chevet et pivota sur le côté afin de regarder Seungmin. Celui-ci gardait les yeux rivés sur le plafond, les bras le long de son corps. Il tentait de creuser dans le fin fond de sa mémoire, mais il ne trouvait rien d'intéressant. Absolument rien.
— Est-ce que j'ai fait des bêtises ?
Son ton sonnait inquiet. C'était comme s'il savait sans vraiment savoir. Il n'aimait pas perdre le contrôle, et se dire qu'il avait peut-être fait n'importe quoi le rendait malade.
— Ça dépend ce que tu appelles « bêtises », répondit calmement Felix.
— Je sais pas. Est-ce que je me suis ridiculisé?
Felix fut incapable de retenir un nouveau rire. Mais se voyant fusillé du regard par Seungmin, il s'arrêta.
— Arrête ! C'est pas marrant !
— Oh c'est bon ! Relax !
Il se releva une nouvelle fois, mais fut assailli par une horrible douleur lancinante au niveau de ses tempes. Il avait la sensation de sentir son pouls battre dans ses oreilles.
— Tu comprends pas, bredouilla-t-il. Tu ne comprends pas que…
— Si, je comprends.
D'un geste doux et bienveillant, Felix lui caressa le dos. Il pouvait deviner ce que ressentait son ami, lui aussi était passé par-là, mais il avait fini par ne pas se laisser submerger par toutes ces incertitudes qui le hantaient. Lui aussi avait eu peur, lui aussi avait douté. Seungmin se détendit, ses épaules s'affaissèrent. Il ne pouvait rien faire pour le moment à part essayer d'obtenir des informations par le biais de Felix.
— J'ai besoin de savoir.
Il le supplia des yeux et Felix se mit dans la même position que lui. Sa main avait rejoint son épaule pour la malaxer lentement. C'était comme s'il cherchait à préparer le terrain pour ce qu'il allait lui avouer. Il savait bien que Seungmin allait très mal le prendre, qu'il allait peut-être pleurer, crier, se maudire et s'insulter de tous les noms possibles.
— Bon… D'accord.
Il ferma les yeux et inspira longuement. Il n'était pas prêt, mais il devait savoir ce qui s'était passé.
— Vas-y.
— Jisung et toi, vous vous êtes rapprochés.
Il déglutit bruyamment. Il attendait la suite, mais sans aucune impatience.
— Tu l'as embrassé et…
— Non, arrête, l'interrompit-il en quittant le lit.
Dans la précipitation, il enfila ses vêtements et replaça ses cheveux vers l'arrière. Son cœur battait à vive allure et sa tête le faisait atrocement souffrir. Mais il ne pouvait pas en entendre davantage. Il ne pouvait pas rester là à écouter ça sans sourciller. Il aurait préféré danser comme un imbécile devant tout le monde plutôt que d'embrasser Jisung.
— Seungmin, c'est pas grave tu sais, tenta de le rassurer Felix d'une voix douce.
— Si, c'est grave ! J'ai pas envie qu'on m'assimile à lui !
À son tour, son ami se leva. Il voulait le faire raisonner, mais cela semblait mal parti. Il était à la fois furieux et paniqué.
— Il est pas mauvais, tu sais.
— Tu connais sa réputation à la fac ? On dit qu'il couche avec plein de gars et… Non ! J'ai pas envie qu'on commence à dire que je fais partie de ces gars !
— Tu es dur avec lui. Il t'aime beaucoup. Il a insisté pour que je te ramène parce que ça le gênait que tu sois comme ça.
— Je m'en fiche. Je vais rentrer chez moi.
En deux temps trois mouvements, Seungmin avait quitté l'appartement de Felix. Il marcha dans les rues durant de longues minutes, sans vraiment se soucier d’où il allait. Il s'en fichait pour le moment, il avait juste besoin de prendre l'air, de prendre du recul. Une chose était sûre, il ne voulait plus revoir Jisung, et ce, même s'il s'était engagé à l'aider en maths. Ce n'était même pas négociable. Il prit son portable et s'empressa de bloquer son numéro. Plus il avançait, et plus des images de la soirée apparaissaient par flash dans son esprit.
Il se voyait dans les bras de Jisung, en train de danser, puis sa bouche sur la sienne. Il se souvint être arrivé dans un couloir, et les choses s’étaient accélérées. Il l'avait embrassé avec envie, il avait même un peu forcé. Lui, Kim Seungmin, avait osé embrasser un garçon. Son tout premier baiser. Il se sentait honteux et sale, il ne savait même pas s'il serait capable de se regarder dans un miroir. Et pourtant, quand il repensait à ce baiser, quelque chose d'agréable se produisait au fond de lui. Un sentiment de légèreté, de bien-être, comme si cet acte avait été une délivrance.
Il secoua la tête pour chasser ces pensées qui le torturaient. Que penseraient ses parents s'ils l'apprenaient ? Ils seraient anéantis. Et puis, Jisung avait une réputation sulfureuse, et il ne voulait surtout pas en pâtir. Il finit par rentrer chez lui et se mit à revoir ses cours avec acharnement, espérant enfin être capable de penser à autre chose.
***
Plusieurs jours s'étaient écoulés et Seungmin avait tout fait pour éviter Jisung. Celui-ci avait pourtant essayé d'aller vers lui, mais il l'ignorait, purement et simplement. Il agissait comme s'il n'était qu'un fantôme.
Ce serait mentir que de dire qu'il ne ressentait rien quand il le croisait sur le campus, quand il tombait malencontreusement sur lui à la sortie de la cafétéria ou quand il le remarquait assis quelques tables plus loin à la bibliothèque. Il était toujours victime de ce pincement au cœur, douloureux et persistant. Mais il n'arrivait pas à le regarder en face. Il n'arrivait pas à regarder la vérité en face. Il l'avait embrassé. Il avait passé un cap. Et c'était terrifiant.
Las de toutes ces interrogations et pensées invasives, il décida de quitter sa chambre, et par la même occasion ses révisions. Il rejoignit le salon et alluma la télévision pour regarder une série. Il avait de plus en plus de mal à se concentrer sur les cours, il ne pensait qu'à ce baiser, à Jisung, à tout ce que cela impliquait. Il ne voulait pas y penser, mais c'était plus fort que lui. Ça le bouffait de l'intérieur, et il n'avait personne à qui en parler. Il refusait d'en discuter avec Felix, ce dernier ne faisait que lui répéter d'arrêter de jouer les idiots et d'aller voir Jisung. C'était pénible et stressant, alors il l'avait envoyé balader une bonne fois pour toutes pour le dissuader de revenir sur le sujet.
Il se cala dans le canapé et, bien vite, ses paupières se fermèrent. Il était fatigué de cette situation. Elle était ridicule et embarrassante. Il réfléchissait à cent à l'heure, jour et nuit. Il cherchait à oublier ce dérapage, alors pourquoi revenait-il sans cesse dans sa tête ? Ça tournait à l'obsession, et ça devenait invivable. Même à cet instant-là, il était incapable de ne pas y penser. Encore et toujours.
Soudain, la sonnette tinta dans la maison. Seungmin sursauta ; il n'attendait personne. Ses parents étaient partis dans le sud du pays, pour rendre visite à une tante éloignée dont le mari était décédé, et ils lui avaient permis de rester là pour qu'il se consacre à ses révisions. Quand la petite mélodie retentit à nouveau, il se leva du canapé et traîna les pieds jusqu'à la porte d'entrée.
Il l'ouvrit mollement, et son cœur bondit dans sa cage thoracique. Jisung était là, devant lui, le regard vide. Il ne peut rien dire, rien faire. Il était tétanisé.
— Il faut qu'on parle, dit-il sèchement.
Seungmin fronça les sourcils et chercha à refermer la porte, mais Jisung l'en empêcha en la bloquant avec son pied.
— Laisse-moi entrer, s'il te plaît.
— Qu'est-ce que tu fais ici ?
— Je suis venu te demander des explications.
— J'en ai aucune à te donner.
La mâchoire de Jisung se crispa, ses poings se serrèrent. Il en avait assez de ce silence qui durait. Il en avait assez d'être snobé par Seungmin, alors qu'ils avaient passé du temps ensemble et s'étaient rapprochés.
— Tu peux pas faire ça.
Seungmin relâcha la porte et un soupir quitta sa bouche. Se comporter de cette façon l’embêtait, il n'avait pas envie d'être mauvais, d'être dur. Ce n'était pas lui. Ce n'était pas ce qu'il voulait. Il adressa un petit signe de la tête à Jisung pour l'inciter à entrer. La porte fermée, il déglutit. Ils étaient seuls, face à face, et il ignorait comment la situation allait évoluer.
— Je peux pas faire quoi ? demanda-t-il finalement.
— M'éviter après ce qui s'est passé.
— C'était une erreur. J'étais bourré et j'ai fait ça parce que…
— Parce que c'était plus facile de te laisser aller sans avoir vraiment conscience que t'allais embrasser un mec ! l'interrompit Jisung d'une voix forte.
Seungmin en resta pantois, la bouche entrouverte, incapable de rétorquer. Il était conscient que oui, l'alcool l'avait aidé sur ce coup-là. S'il avait été sobre, jamais il ne l'aurait fait. Jisung avait raison. Et ça l'énervait beaucoup. Il avait le don de lui faire perdre ses moyens et il ne comprenait pas bien pourquoi. Pourquoi ressentait-il ce petit truc au fond de lui ? Pourquoi il n'arrivait pas à cesser de penser à lui, même en s'en éloignant ?
— Je tiens à toi Seungmin. Je tiens vraiment à toi. J'ai pas du tout envie de te perdre pour cette histoire de baiser.
Il pouvait discerner, dans sa voix, qu'il était réellement blessé par son indifférence.
— J'ai pas voulu te perturber quant à ton attirance pour les mecs. J'ai pas voulu te forcer à faire quoi que ce soit pour que t'acceptes enfin que oui, t'es gay. J'ai pas cherché à aller plus loin parce que je voulais pas que tu subisses ma réputation. Je suis pas quelqu'un de mauvais alors…
Jisung s'arrêta et ferma les yeux. Il sentait l'émotion l'envahir. Tout ce qu'il avait accumulé durant ces derniers jours était en train de ressurgir et, lui qui ne pleurait pas souvent, était sur le point de craquer.
— Je suis désolé, marmonna Seungmin, honteux.
Il l'avait peiné. Au lieu d'en discuter et de se comporter en adulte, il avait préféré fuir comme un lâche. Pourtant, il n'avait eu aucune envie de perdre Jisung lui aussi. Il avait appris à l'apprécier, à le découvrir, à voir qu'il n'était pas seulement un jeune homme volage. Cette réputation qui lui collait à la peau était superficielle. Il était plus que ça. Tellement plus que ça. Il avait eu l'occasion de le constater à maintes reprises et peut-être que dans le fond, ça le dérangeait. Peut-être qu'il aurait préféré avoir affaire à un Don Juan, qu'il aurait préféré le considérer comme un étudiant qui aimait s'amuser et profiter de la vie sur tous ses aspects. Mais en fait, il était juste Han Jisung, un jeune homme de son âge qui lui plaisait terriblement et qui lui faisait perdre tous ses moyens.
Il avait accepté de se rendre à cette soirée en sa compagnie et il avait aussi imaginé à quoi ressemblerait son premier baiser avec lui. Il avait été dans le déni beaucoup trop longtemps. Et ça ne pouvait plus durer. Il fit un pas vers Jisung et se pencha pour que sa bouche atteigne la sienne. Ce fut bref, il se recula très vite, les cils papillonnants et le cœur presque douloureux tant la peur le submergeait. Mais il en avait assez d'avoir peur. Il en avait plus qu'assez de craindre qui il était réellement. Il en avait assez de mettre son véritable lui de côté. Jisung était sur le point de parler lorsqu'il revint à la charge. Cette fois, il se fit insistant. Hors de question de faire machine arrière. Il resta là, les lèvres collées à celles de son camarade, comme attendant que ce dernier le guide dans la suite.
Prenant vite conscience de ce qui se passait, Jisung réagit. Ses mains trouvèrent le visage de Seungmin, et il avança pour que leurs corps se rapprochent davantage. Timidement, Seungmin s'agrippa à son t-shirt pour le serrer tandis que leur échange débutait. C'était un peu gauche jusqu'à ce qu'ils se calent sur le même rythme. Seungmin se laissait transporter, tentant de répondre tout aussi lentement et sensuellement. Son estomac ne cessait de se soulever, la sensation qu'il ressentait à chaque fois que le visage de Jisung pivotait d'un côté ou d'un autre était juste folle.
Ils s'embrassèrent ainsi pendant de longues secondes, dans le hall d'entrée. C'était interminable et en même temps, ça passait si vite. Le silence était entrecoupé de bruits humides et de bruissements de vêtements. Le baiser s’approfondissait de plus en plus, Jisung faufila sa langue entre les lèvres de Seungmin et celui-ci ne se fit pas prier pour lui autoriser l'accès à sa bouche. C'était sucré, suave, comme du miel. Il resserra les doigts sur le haut de Jisung, il sentait son petit muscle rose titiller le sien, et c'était exquis. Il aimait ça. Il aimait le fait que ce soit avec lui.
Ils finirent par se séparer afin de reprendre leur souffle. Ils soupirèrent de concert, c'était un véritable soulagement.
— Seungmin…
Le concerné le regarda dans les yeux.
— Je sais que ta situation est pas simple, mais sache que je tiens à toi et que… tu me plais.
— Jisung, toi aussi tu me plais, vraiment beaucoup. Mais j'ai peur.
— On peut toujours y aller en douceur.
— Mes parents…
Jisung écrasa l'index sur ses lèvres entrouvertes, l'empêchant de continuer.
— En douceur j'ai dit. Tes parents n'ont pas besoin de tout savoir, c'est ta vie privée Seungmin. Et si un jour, tu te sens capable de leur dévoiler qui tu es vraiment, je veux être là pour t'aider.
— Merci pour tout. Et encore désolé de m'être comporté comme ça.
Jisung sourit et lui caressa la joue avant de venir l'embrasser d'une manière chaste. Seungmin souriait, lui aussi, à en avoir mal aux joues. Il aurait dû avoir cette discussion avec lui bien avant. Il avait perdu du temps, mais il comptait bien le rattraper. Il irait à son rythme, sans bousculer ses habitudes, mais il ne mettrait plus jamais son véritable lui de côté. Et avec Jisung, il pouvait être celui qu'il était réellement, avec ses forces, ses faiblesses, ses doutes, ses peurs. Et il savait qu'il serait là pour le soutenir et qu'il ne le lâcherait pas.
•••
Hello (◕ᴗ◕✿)
Heaven est donc terminée ! C'était court, mais de base ça devait être un one-shot.
En tout cas, j'espère qu'elle vous aura plu, et que le message qu'elle véhicule était assez clair !
Merci de l'avoir lue, et je vous dis à bientôt sur mes autres travaux 💜
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