Chapitre 6
Yuta se tenait à une barre dans le métro, ses écouteurs vissés dans les oreilles, et le regard perdu sur les sièges occupés. Il était parti en courant de la maison de son meilleur ami, plein de motivation et de courage, mais le doute s'était installé après quelques minutes. Il voulait réparer ses erreurs, il voulait s'expliquer avec SiCheng, mais comment faire si ce dernier n'acceptait pas de le voir ? Il aurait fait le chemin pour rien et devrait attendre comme un idiot devant une porte qui ne s'ouvrirait jamais. Maussade, le jeune homme fit glisser ses yeux sur l'annonce du métro, son arrêt était bientôt. Il se rapprocha des portes tranquillement et se décala pour laisser passer devant lui une personne âgée qui le remercia d'un sourire édenté. Yuta l'aida à descendre la petite marche et se retrouva avec un pain fourré glisser de force dans la poche de son manteau.
L'événement eut le mérite de lui tirer un sourire et de dissiper ses angoisses. Il était grand comme le lui avait rappelé TaeIl, il était temps qu'il assume ses choix et ses erreurs comme un homme de vingt-cinq ans. Yuta monta les escaliers lui permettant de regagner la surface et resserra les pans de son manteau sur son corps. Le vent était glacial et s'engouffrait dans le moindre espace, le laissant transi jusqu'aux os. Ses doigts gelés eurent du mal à déverrouiller son téléphone pour vérifier l'adresse sur le GPS et il en profita pour lire le message que Chittaphon venait de lui envoyer. Les yeux plissés, il appuya sur la touche "appeler", n'ayant pas la foi de taper un texto.
- Tu peux pas écrire comme tout le monde ? râla immédiatement la voix du Thaïlandais.
- Trop froid, alors c'est quoi cette histoire ?
- T'es insupportable. Bah c'est comme je te l'ai dit, je me suis pointé devant chez lui et on a refusé de m'ouvrir le portail en me disant qu'il n'était pas disponible. J'ai insisté un peu, tu me connais, mais ils ont rien voulu me dire de plus à part que Dodo avait d'autres choses plus importantes à faire pour le moment que de me voir.
- Et t'es parti comme ça ? demanda Yuta qui avait du mal à y croire.
Un reniflement dédaigneux le fit sourire d'anticipation.
- Tu m'as pris pour qui ? J'ai escaladé le portail.
- Et ?
- Et la prochaine fois que je me fais chopper ils appelleront les flics.
Yuta manqua de s'étrangler de rire et tenta de le camoufler sous une quinte de toux, la scène qui se jouait dans son esprit étant particulièrement drôle. Il n'avait aucun mal à imaginer la tête qu'avaient dû faire les employés guindés de la maison des Kim. Il espérait simplement que DoYoung n'ait pas de problèmes à cause de l'argenté et qu'ils auraient bientôt de ses nouvelles, la situation commençait à vraiment l'inquiéter.
- J'imagine que tu ne comptes pas raconter tes exploits du jour à tes parents ? ricana le Japonais.
- Tu déconnes, grinça Chittaphon d'un ton pince sans rire, je suis en train de faire toutes les chocolateries et les magasins de fleurs au cas où ils appellent ma mère pour lui en parler. Je suis mort si ça arrive alors j'essaye de limiter la casse et de prévoir de quoi apaiser ses nerfs.
- Tu me tues Chi. Je vais devoir te laisser, je suis arrivé aux portes de l'enfer.
- Bon courage avec Cerbère, évite de lui demander de te donner la patte, il pourrait te sauter à la gorge.
- Ahah très drôle. Je raccroche le nain.
Yuta raccrocha avant que son ami n'ait le temps de s'offusquer du surnom dont il venait d'être affublé et il rangea son téléphone dans sa poche. Un petit portail bloquait l'accès à la petite allée permettant d'accéder à l'immeuble et il plissa les yeux en tentant de trouver le nom de SiCheng à côté de l'interphone. Chittaphon lui avait glissé que son frère n'avait pas encore mis son nom et que c'était encore celui de l'ancien propriétaire. Il y avait deux Kim sans aucune précision à côté et il finit par appuyer sur le premier en désespoir de cause, espérant que l'un des deux soit le nom de l'ancien habitant. Un grésillement se fit entendre.
- SiCheng ? hésita le rouge.
- Vous êtes qui ? questionna une voix vacillante.
- Oh, désolé monsieur, je voulais rendre visite à un ami mais je ne savais pas quel Kim il était sur l'interphone alors j'ai appuyé sur le premier. Je ne voulais pas vous déranger.
- Il n'y a pas de soucis mon petit, j'ai déjà dit à la concierge de modifier ça mais rien n'est jamais fait dans cet immeuble. Je vais ouvrir.
- Merci beaucoup monsieur et désolé du dérangement.
Yuta se sentait un peu honteux d'avoir dérangé un inconnu et il baissa la tête en passant le portillon. La petite allée était parfaitement entretenue, mais il se retrouva face au même problème que précédemment en arrivant devant la porte vitrée. L'interphone reprenait le même schéma que celui du portail alors il se décida à appuyer sur l'autre bouton. L'attente était insupportable et le rouge commença à agiter sa jambe sans s'en rendre compte.
- Oui ?
- SiCheng ? C'est Yuta, est-ce que je peux te parler ? S'il te plait ? ajouta rapidement le jeune homme.
- Pourquoi ?
- Parce que je te dois des excuses et des explications, répondit docilement le Japonais.
Un long silence s'étendit, simplement perturbé par le grésillement de l'appareil et Yuta attendit nerveusement la décision de SiCheng. Le silence était pire que tout, et sans visuel il n'avait aucune idée de ce qui pouvait se passer dans la tête du Chinois. Est-ce qu'il allait le renvoyer chez lui sans lui laisser la moindre chance ou au contraire il allait le laisser le rencontrer pour s'expliquer ?
- Monte. Je suis au quatrième, la porte marron.
Il raccrocha immédiatement, ne laissant pas à Yuta l'occasion de le remercier et celui-ci prit une profonde inspiration. Il était à un moment décisif de sa vie et il se doutait que tout ce qui touchait à sa relation avec son aîné allait se jouer maintenant. S'il n'était pas convainquant il pouvait faire une croix définitive sur SiCheng et c'était tout ce qu'il ne souhaitait pas.
L'ascenseur l'emmena sans problème à l'étage demandé et il n'eut pas vraiment de mal à trouver l'appartement du châtain. Il n'y avait que deux portes et la seconde était peinte dans un vert pomme plus que voyant. Le cœur battant comme s'il venait de terminer une course, Yuta se posta devant le battant, la main en suspens. Celui-ci s'ouvrit avant qu'il n'ait l'occasion d'y cogner ses phalanges, s'ouvrant sur la silhouette élancée de SiCheng.
Le Chinois était aussi beau que dans ses souvenirs. Vêtu d'un jean basique, d'un tee-shirt blanc et d'un gilet à motifs, il était pied nu et sans maquillage, pourtant Yuta le trouvait aussi resplendissant que dans un costume sur mesure. A l'exception peut-être de ses yeux cernés et de ses joues légèrement émaciées qu'il n'avait pas lors de leur dernière rencontre et qui ne firent qu'ajouter du poids à la culpabilité qu'il ressentait déjà.
- Entre, ne reste pas sur le palier.
- Merci...
Yuta se déchaussa dans l'entrée et son regard glissa sur l'espace convivial ouvert. Tout était parfaitement rangé malgré l'emménagement récent, pas un carton ne trainait dans le coin et il reconnut l'obsession de SiCheng pour le rangement. Le Chinois ne supportait pas le bazar, si bien qu'il avait refusé d'aller chez le rouge lorsqu'ils étaient plus jeune et que celui-ci n'avait pas rangé sa chambre.
Il suivit son aîné et alla s'asseoir sur le rebord du canape, le dos droit. Les yeux froids de SiCheng le faisaient se sentir bizarre et tout le courage qu'il avait réuni fondait une nouvelle fois comme de la neige en plein été. En deux secondes.
- Excuses et explications hein ? Vas-y, je t'écoute.
- Je suis désolé pour ce que j'ai fait quand j'étais au collège et toi au lycée, s'excusa Yuta d'une traite et les yeux fermés. J'étais un petit con jaloux et j'aurais jamais dû faire ça. Je te devais des excuses depuis longtemps et je sais que je mérite pas ton pardon ni même que tu me parles. Je suis désolé de ne rien avoir fait plus tôt et je comprends que tu m'en veuilles.
- Pourquoi t'as fait ça ?
Coupé dans sa tirade, Yuta se stoppa net et il baissa la tête, embarrassé de devoir avouer ses motivations d'adolescent prépubère. Il se mordilla la lèvre inférieure avant de soupirer.
- J'étais jaloux, souffla le jeune homme.
- Jaloux ? De moi ? demanda SiCheng incrédule.
- Pas de toi, enfin oui mais non.
SiCheng posa son coude sur le rebord du canapé et glissa son menton dans sa main, son regard de glace scrutant les expressions faciales du rouge.
- Tu peux être plus clair ?
- J'étais jaloux des autres qui étaient avec toi, parce que moi tu m'ignorais. Tu plaisantais avec eux, tu jouais avec eux, tu allais chez eux, et tu passais de moins en moins de temps avec moi alors que je ne voulais que ça...
- Alors tu as décidé de détruire ma vie par jalousie ?
- C'est stupide comme explication pas vrai ?
- Plutôt oui, je m'attendais à mieux après près de quinze ans d'attente pour connaitre tes motivations, grinça SiCheng.
- Je suis désolé. A l'époque tu étais tout mon monde, chuchota faiblement Yuta. Je me rends compte avec le recul que j'étais carrément obsédé par toi, j'avais l'impression que tu m'avais abandonné et j'ai eu envie de te faire autant de mal que tu m'en avais fait. J'étais un gamin immature, je n'avais pas imaginé les conséquences.
SiCheng fronça les sourcils et lui fit relever la tête pour planter son regard dans celui de son cadet.
- Et qu'est-ce que tu avais imaginé au juste ?
Yuta sentit la honte s'emparer de son visage et celui-ci se réchauffer. Il devait la vérité à son aîné mais c'était ridicule.
- Je m'étais dit que tu me disputerais et que je pourrais te faire un câlin pour me faire pardonner, comme quand je faisais une boulette plus petit. Je m'étais dit qu'on redeviendrait comme avant, j'avais pas compris que c'était stupide.
- Vraiment stupide, confirma le Chinois en hochant sobrement la tête.
Le rouge toussa et se massa la gorge. Il avait la bouche sèche à force de parler sans s'arrêter et sa tête tournait sous le stress. Le plus vieux sembla se rendre compte de son état déplorable car il se leva et revint un instant plus tard avec un verre d'eau entre les mains. Yuta but doucement, appréciant de sentir le liquide rafraîchir sa gorge asséchée.
- Et pour le cahier ? Pourquoi est-ce que tu m'as choisi comme cible, tu n'avais personne d'autres à piéger ?
Yuta fit tapoter nerveusement ses doigts contre le rebord du verre et ses yeux se fixèrent sur le sol.
- C'est pas aussi gamin que tu croies, geignit le rouge. D'accord c'était pas la bonne méthode, mais on voulait vraiment pas mal faire.
- C'est-à-dire ? s'impatienta le châtain.
Le plus jeune s'éventa d'une main et rassembla chaque once de courage que son corps était en mesure de contenir, puis il se tourna pour faire face à SiCheng. Il redressa le dos, ses yeux trouvant ceux de son aîné.
- Je t'aime. Je t'aime depuis toujours SiCheng.
- Que-
- S'il te plait ! Laisse-moi finir...
Le châtain lui fit signe de continuer en pinçant les lèvres, le regard troublé.
- Je t'aime et j'assume pas de t'avoir blessé. Je savais pas comment faire pour rattraper mes erreurs, ni comment m'excuser auprès de toi alors j'ai essayé de passer à autre chose mais c'est impossible. J'ai l'impression de devenir complètement taré SiCheng, je pense tout le temps à toi, j'ai jamais réussi à aimer quelqu'un d'autre, c'est toujours ton image que j'ai en tête.
Yuta s'étrangla, les sanglots bloquant son flot de paroles. Il déglutit difficilement, son regard brouillé par les larmes distinguant tout juste les traits parfaits à ses yeux de SiCheng.
- On était déchirés pour le nouvel an, je me souviens même pas comment on en est arrivés là. Mais Chi a eu l'idée de créer une sorte de défi pour lequel on devait trouver une personne avec qui on voudrait sérieusement se poser et j'ai tout de suite pensé à toi, c'est pour ça qu'il y a ton nom dans ce carnet. Je pensais pas à mal, je voulais vraiment m'excuser et te draguer normalement mais YeonJun a trouvé le bouquin et c'est parti en vrille.
Il ramena ses jambes contre sa poitrine et enroula ses bras autour. Il avait la sensation d'être redevenu un enfant attendant une punition. Mais SiCheng ne parlait et ne bougeait pas. Il était statique, son expression indéchiffrable.
- Je suis vraiment désolé SiCheng, pardon, pardon, pardon...
- C'est bon, j'ai compris, finit par soupirer le châtain.
Un mouchoir apparut sous les yeux de Yuta et il remercia son aîné entre deux sanglots. Il se sentait soulagé d'un énorme poids et complètement vidé, son énergie était retombée à zéro.
- C'est... ça fait beaucoup de choses Yuta, je ne sais pas vraiment quoi te dire. J'ai besoin de temps pour assimiler tout ça et décider quoi faire. Tu comprends ?
Le jeune homme hocha la tête en reniflant. Au moins il ne s'était pas fait sèchement remballer, il y avait un progrès par rapport à leur dernière confrontation. L'indécision se lisait sur les traits du châtain et il finit par soupirer en se levant.
- Tu me fais peine, lève-toi.
- Tu me mets dehors ? demanda piteusement Yuta.
- Je te raccompagne chez toi. Il fait froid et tu as de la route, je peux au moins faire ça pour te remercier d'avoir répondu à mes questions. Dépêche-toi avant que je ne change d'avis.
Le Japonais sauta sur ses jambes puis se précipita dans l'entrée pour enfiler ses chaussures. Quand SiCheng arriva à son niveau il était déjà prêt. L'ombre d'un sourire étira fugacement la bouche du plus vieux, trop vif pour que Yuta soit sûr de ce qu'il avait vu mais la possibilité lui fit chaud au cœur. Il était à présent certain qu'il avait pris la bonne décision en venant s'expliquer. Maintenant seul l'avenir pourrait lui dire à quel point il avait fait le bon choix.
Nda :
Bonjour et désolée pour l'inactivité sur cette fiction dernièrement, j'ai profité de ce temps-là pour boucler certains projets donc je vais prochainement pouvoir me concentrer exclusivement sur elle !
J'espère que l'histoire vous plait et que vous passez un bon moment à la lire ;)
Dalion~ Kiss :3
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