Chapitre 5
Yuta sortit la tête de sous sa couette en entendant le signal sonore caractéristique de l'arrivée d'un mail et il déverrouilla machinalement son téléphone d'une main. Il s'agissait d'une réponse à sa proposition d'organisation, la cliente était ravie et acceptait avec grand plaisir. Le jeune homme replongea mollement le visage dans son oreiller, son mobile s'écrasant sur le matelas. La nouvelle aurait dû le réjouir, en tant que nouvel indépendant dans l'organisation événementielle chaque nouveau client était une aubaine et l'opportunité de se faire connaitre. Ce mariage était certainement une occasion unique de faire sa promotion et d'attirer de nouveaux clients, pourtant il ne ressentait aucune joie, aucune excitation à l'idée d'avoir obtenu ce juteux contrat.
C'était le cas depuis une dizaine de jours, depuis sa discussion avec TaeIl précisément. Il était maussade, apathique. Yuta se tourna de l'autre côté, sa couverture entrava ses mouvements alors il la jeta au sol. Il n'avait envie de rien, il ne souhaitait même pas aller en boite de nuit ou au bar pour oublier. Il était vraiment au fond du trou et se trouvait particulièrement pathétique. SiCheng avait eu raison, il ne s'était préoccupé que de lui-même sans se soucier des conséquences de ses actes sur les autres. Le pire étant qu'il n'avait aucune idée de comment rattraper les choses.
Il avait déçu TaeIl, SiCheng le détestait, et il évitait ses meilleurs amis depuis plusieurs jours de peur de leur réaction s'il leur avouait tout. La technique de l'autruche fonctionnait pour le moment mais Yuta ne se faisait pas d'illusion, ce n'était qu'une question de temps avant que Chittaphon et DoYoung ne débarquent en furie à son appartement. Il était d'ailleurs fort étonnant que cela ne soit pas encore le cas et le rouge se tourna sur le dos en réfléchissant. En farfouillant dans sa mémoire, et en confirmant en regardant ses messages, il s'aperçut que cela faisait plusieurs jours qu'il n'avait pas eu de nouvelles du plus jeune de leur trio et que le Thaïlandais lui avait simplement demandé comment il allait deux jours plus tôt. Il n'avait même pas répondu au message et il se sentit coupable.
Son pouce resta en suspens au dessus de l'écran alors que le jeune homme hésitait à rédiger une réponse. Trop de temps ne s'était-il pas écoulé depuis la question de l'argenté ? Hésitant, il tapota un rapide message et retourna la question à son ami avant de se recroqueviller sur le matelas. Il se sentait terriblement isolé. Yuta envoya également un message à DoYoung et fronça les sourcils en constatant que ce dernier était inactif depuis plusieurs jours. L'inquiétude s'immisça en lui, se logeant contre le sentiment de culpabilité qui s'était déjà installé. L'addiction au jeu du noiraud était un sujet de dispute entre eux trois depuis des années, qu'il soit hors ligne depuis aussi longtemps n'avait décidément rien de normal.
Il pensait tellement à SiCheng qu'il en avait négligé ses meilleurs amis, il était décidément le pire. SiCheng, SiCheng et encore SiCheng, à croire que tout tournait autour de cet homme, comme s'il était le centre de son monde. Yuta se redressa en hurlant de colère et il passa rageusement ses mains dans ses cheveux. Un cri venant de l'étage supérieur répondit à son accès de fureur mais il ne s'en préoccupa pas, ce fut à peine s'il en eut conscience.
- Je suis qu'un abruti, se fustigea le Japonais entre ses dents serrées.
Il se leva pour se passer un simple coup d'eau sur le visage, mais sa propre odeur corporelle le convainquit de plutôt porter son choix sur une longue douche bien mousseuse. Trois jours sans se laver parce qu'il broyait de noir ça avait des conséquences odorantes et il grimaça de dégout. Il était temps qu'il se reprenne en main et se bouge pour réparer ses erreurs. Il allait commencer par ses amis, TaeIl et il finirait par SiCheng, si ce dernier ne voulait pas l'écouter alors il trouverait le moyen de l'y obliger.
Le ciel de la mi-Janvier était blanc quand il mit le nez dehors, une écharpe lui montant presque jusqu'aux yeux et emmitouflé autant que possible. Le temps était à la neige mais pour le moment aucun flocon immaculé ne fendait le ciel ce qui le fit soupirer, peut-être qu'il aurait pu puiser un peu de courage dans la vision d'un paysage enneigé. Il se retrouva devant la maison de la famille Moon avant même de s'en rendre compte, perdu qu'il était dans ses pensées. Un instants sa main resta suspendue alors qu'il hésitait à toquer à la porte. Il ne le faisait plus depuis des années, allant et venant comme s'il vivait là, mais sa dernière interaction avec les occupants remontait un peu et ne s'était pas passée pour le mieux. La porte s'ouvrit alors qu'il était encore ne plein dilemme.
- Bah tu rentres pas Yuta ?
La frimousse interrogatrice de Shotaro lui fit reprendre ses esprits et un sourire bancal se déploya sur son visage tendu. Le petit dernier de la fratrie semblait perplexe et Yuta lui ébouriffa les cheveux en passant à côté de lui.
- C'est rien, j'étais juste perdu dans mes pensées. Comment tu vas ? T'es pas en cours à cette heure-là toi ?
- Ca va, répondit le plus jeune en souriant grandement, j'ai jamais cours le jeudi après-midi. Maman vient me chercher le midi et elle me dépose à la maison avant de repartir travailler.
- Je vois, tes frangins sont là ?
Shotaro fit mine de réfléchir.
- Chi est dans sa chambre, je crois qu'il essaye d'appeler DoYoung depuis ce matin et qu'il rage parce qu'il n'y arrive pas.
- Et... SiCheng ?
Sa voix était nouée alors qu'il posait la question et son cadet le regarda étrangement avant de se mordiller le pouce.
- Tu n'es pas au courant ?
- Au courant de quoi ?
- Il a déménagé en début de semaine, il a trouvé un appartement près de son lieu de travail. Je croyais que tu le savais.
Yuta accusa la nouvelle en affichant un visage neutre. SiCheng avait convenu avec ses parents de rester chez eux jusqu'à ce qu'il puisse prendre son habitation sans devoir souscrire un crédit afin d'éviter les intérêts bancaires, d'après ce que lui avait dit Chittaphon SiCheng aurait dû rester encore deux ans au domicile parental. S'il était parti plus tôt que prévu ça ne pouvait être que de sa faute.
- Je ne savais pas, marmonna le rouge, merci Shot, je vais monter voir Chi.
- Ok, tu pourras lui dire que je vais certainement aller chez SungChan cet aprèm ? Maman est au courant.
Le jeune homme lui promit de transmettre l'information, retira ses chaussures et monta à l'étage. Il ouvrit la porte de son ami sans prendre la peine de s'annoncer, et un sentiment de satisfaction le fit sourire alors que Ten sursautait. Il était tellement rare de surprendre l'argenté que ça se savourait.
- La vache, un revenant ! C'est bientôt l'apocalypse ou quoi ? Ou alors tu t'es souvenu que t'avais un pote ?
- Je suis désolé Chi, tu vas m'en vouloir longtemps ?
- J'sais pas encore, j'étudie la question et je te redis ça dans environ dix jours ça te va ?
Yuta alla vers le lit pour attraper un coussin qu'il lança sur le Thaïlandais.
- T'es un abruti le minus. Au fait, Shotaro va chez un de ses potes, il voulait que je te prévienne.
- Mais c'est comme ça qu'on m'aime, sourit Chittaphon. Hop là, pose pas tes fesses on y va !
- On va où ?
- Voir bébé Do, cet idiot me répond pas alors je commence à m'inquiéter. C'est vraiment parce que je vous aime sérieux, sinon je me coltinerai jamais la moitié de la ville juste pour aller vous voir.
- J'habite à côté de chez toi, lui fit remarquer Yuta en soulevant un sourcil.
- Rooh ça va, t'as compris ce que je voulais dire.
- Grâce à des années de pratique longues et douloureuses j'ai en effet acquis ce pouvoir.
Chittaphon lui renvoya le coussin à la figure et le rouge le réceptionna en riant. Il se sentait un peu mieux maintenant qu'il avait vu Ten, mais sa culpabilité ne voulait pas le lâcher, alors quand Chittaphon passa à côté de lui il lui attrapa le poignet pour le stopper. Yuta baissa la tête et se mordit la langue. Il devait la vérité à son ami, mais il y avait aussi cette promesse qu'il avait faite à SiCheng. Le jeune homme soupira et, lorsqu'il croisa le regard empli d'incompréhension de celui qu'il considérait comme un frère, il fit son choix.
- Chi, faut que je te parle. C'est vraiment important, et je suis pas sûr d'avoir les tripes de le faire plus tard.
- Tu sais le courage ça part pas en trois minutes, le charria gentiment l'argenté.
- Peut-être, mais ça fait quinze ans que je le cherche alors maintenant que je l'ai trouvé autant m'en servir...
Le Thaïlandais cessa de rire et referma la porte qu'il avait ouverte. Il fit signe à son ami et ils allèrent tous les deux se poser dans le lit, le dos contre le mur. Yuta sentait son rythme cardiaque s'emballer au point d'en être douloureux, il était terrifié et craignait plus que tout la réaction de son ami. Il n'aurait pas la même crainte avec DoYoung, mais Chittaphon était différent, plus sensible et sanguin que le noiraud. Yuta en avait presque des vertiges en songeant à ce qu'il était sur le point de lui avouer.
- Vas-y, je t'écoute.
- C'est... à propos de SiCheng.
- Je m'en doute un peu, leva les yeux au ciel Ten. De qui d'autre est-ce que tu pourrais bien me parler avec un air aussi dramatique ? Quoique il y a eu la fois où tu pensais avoir mis cette nana enceinte.
- C'était toi ça, n'inverse pas les rôles.
- Ah oui ? T'es sûr ? J'me souviens plus vraiment, sourit innocemment le Thaïlandais.
La parenthèse eut le mérite d'aider Yuta à reprendre contenance et les battements de son cœur cessèrent de suivre un rythme diabolique.
- Bref, y a longtemps j'ai fait une méga connerie, et je savais pas à quel point ça avait été dramatique avant que TaeIl m'en parle au début du mois. Je suis vraiment désolé Chi, j'ai été tellement stupide et c'est toi, enfin vous qui en avez payé le prix...
- Maître Yoda il peut me parler de manière non énigmatique ? Je pige que dalle à ce que tu racontes, marmonna Chittaphon en s'étirant nerveusement.
- Tu savais que ton frère avait des cicatrices ?
Ten le regarda étrangement, dérouté par la question qu'il n'avait pas vu venir. Yuta garda son regard fixé sur le plafond, oscillant entre ses pensées et la réalité. Il connaissait déjà la réponse de son ami, sa demande avait été purement rhétorique, pourtant il attendit que l'argenté ouvre une nouvelle fois la bouche.
- J'ai vaguement vu une fois mais c'était par accident, c'est quelque chose dont il ne parle jamais. Pourquoi ?
- Quand on était plus jeunes j'étais très proche de lui, en même temps j'en suis amoureux depuis toujours je crois donc je le lâchais pas d'une semelle. C'est arrivé très rarement mais je l'ai déjà vu sans haut, il a une grande cicatrice sur son ventre et il la déteste. Il m'avait dit de n'en parler à personne, que c'était un secret et j'étais super content de savoir quelque chose que personne d'autre ne savait.
- Tu m'étonnes, se plaignit Chittaphon, il m'a jamais rien dit à moi alors que je suis son frère. Espèce de chouchou.
Le Japonais sourit tristement, les yeux perdus dans le vide. Vider son sac lui faisait autant de bien que de mal, et la peur de la réaction de son ami se faisait plus pressante alors qu'il arrivait au cœur de ses aveux.
- Quand on est entrés au collège, lui il allait au lycée et on se voyait de moins en moins. Avec le recul je me dis que c'était normal, il avait quinze ans, c'était un ado, et nous on était encore des gamins quelque part, mais j'arrivais pas à l'accepter. J'acceptais pas qu'il ne s'occupe plus de moi, qu'il me délaisse, qu'il voie d'autres personnes. Je crevais de jalousie et je piquais des crises de colère.
- Je l'ai fait aussi tu sais, c'est par pour autant qu'il me déteste ou ne me parle plus. Bon par contre le défi c'est clairement la raison pour laquelle il veut plus me voir mais c'est une autre histoire qu'il va falloir que je règle rapidement...
- Ouais, mais toi t'as pas balancé son secret et des rumeurs juste pour te venger parce qu'il ne s'intéressait pas assez à toi.
Un long silence fit écho à la bombe qu'il venait de lâcher, et Yuta sentit le regard noir de Ten se poser sur lui. Pourtant son ami ne dit rien, et après plusieurs minutes sans un bruit il en conclut qu'il devait continuer ses explications, que l'argenté attendait ça avant de parler.
- J'étais stupide à l'époque, mais les autres n'étaient pas plus intelligents que moi. S'ils l'avaient été rien ne se serait passé de cette façon... Les rumeurs se sont amplifiées et j'ai mis du temps avant de comprendre que j'avais été à l'origine du harcèlement dont SiCheng était victime...
- Continue.
- Je sais qu'en sport il y a eu plusieurs incidents où les autres l'ont obligé à montrer ses cicatrices, que certains se moquaient en disant qu'il avait eu un enfant ou que c'était pour ça que ses parents biologiques l'avaient abandonné... J'ai voulu rattraper le coup, mais j'en ai pas eu le courage et finalement SiCheng a changé de lycée. J'avais tellement honte que je n'ai même pas été capable d'aller m'excuser auprès de lui.
Une larme roula sur la joue du rouge et il l'écrasa du plat de la main. Sa poitrine lui faisait mal, la culpabilité ne l'avait jamais quitté pendant tout ce temps. Yuta tourna le regard, et il put voir que Chittaphon pleurait silencieusement à côté de lui. Il reçut un faible coup de poing dans l'épaule mais ne fit rien pour l'esquiver, il l'avait mérité.
- Tu pouvais pas m'en parler ?
- Je voulais pas que tu me détestes, avoua Yuta. J'avais perdu SiCheng avec mes conneries, je voulais pas refaire la même chose avec toi...
Chittaphon soupira profondément et laissa sa tête reposer contre l'épaule de son aîné.
- Je m'attendais pas vraiment à cette réaction... je croyais que j'allais finir à l'hôpital et que tu ne voudrais plus jamais me voir.
- Ouais, c'est probablement ce qui se serait passé si je n'étais pas déjà au courant.
Yuta manqua de s'étouffer et délogea son ami en voulant changer de position pour le regarder. L'argenté détourna le regard et croisa les bras sur sa poitrine, les joues gonflées.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Ce que je dis c'est que Dodo s'en est souvenu, apparemment il en avait entendu parler à l'époque mais ne s'y était pas intéressé plus que ça. Il s'en est rappelé quand tu es parti après le nouvel an, à cause de ta prise de tête avec mon frère. Je lui ai demandé ce qu'il y avait entre vous deux et il m'a sorti ça tranquillement deux jours après, bébé Do quoi... Tu lui demandes un truc il te répond dix ans plus tard.
- Je savais même pas qu'il était au courant. Cette histoire avait surtout fait le tour chez les lycéens.
- Aucune idée, il se retrouve toujours à savoir des trucs que personne ne soupçonne, même moi j'étais pas informé... TaeIl t'avait parlé la veille alors je lui ai demandé si ça avait un rapport, il n'était pas au courant de tout mais on a parlé et j'ai fait les liens comme je pouvais. C'est aussi pour ça que je t'ai pas appelé de la semaine, je réfléchissais, ça fait pas mal à encaisser et j'avais envie de t'encastrer...
- Je comprendrai si tu me détestes, murmura Yuta en baissant la tête.
- Je te déteste pas, c'est ma conclusion, répondit honnêtement Chittaphon. Je t'en veux de l'avoir blessé et de ne pas t'être excusé, mais sincèrement on se ressemble beaucoup Yuta. Je sais que c'est exactement le genre de connerie que j'aurais pu faire, alors ce serait hypocrite de te le reprocher... C'est con mais c'est vrai. Et ça vous concerne surtout tous les deux, moi j'ai pas vraiment à m'en mêler. Je veux juste que tu me promettes une chose.
- Laquelle ? s'enquit le rouge avec espoir.
- Je veux que t'ailles le voir et que tu t'excuses sincèrement, que tu sois honnête avec lui. Vous méritez tous les deux d'avancer, ça sert à rien de rester bloquer sur un truc de presque quinze ans.
- Je te le promets, jura Yuta.
- Maintenant.
- Maintenant ?
- Oui, bouge de là. Je m'occupe de Dodo et je te tiens au courant, je compte sur toi pour arranger les choses !
Chittaphon le força à se lever et le mit à la porte après lui avoir glissé la nouvelle adresse de son frère dans la poche de son manteau.
- Hé Yuta !
Le jeune homme se retourna pour faire face à son ami et celui-ci lui fit un grand sourire.
- T'es un gros con, mais je t'aime comme ça !
Nda :
C'est pas exactement ce que j'avais prévu de faire, je crois que je me suis laissée dépasser et c'est un peu bizarre ^^" J'espère que vous comprenez un peu mieux l'attitude de SiCheng à présent et sa rancœur à l'égard de Yuta x( Aucun des deux n'est foncièrement mauvais, mais ils font des erreurs. C'est honnêtement le chapitre que j'aime le moins, en tout cas sa fin ^^"
J'espère que cette fiction vous plait toujours même si elle n'est pas très cool, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez :)
Dalion~ Kiss :3
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