Yuta transpirait, alternant entre la sensation de mourir de froid et celle d'étouffer sous une chaleur accablante. Les draps sous lui étaient poissés de sa transpiration. Son esprit délirait, parvenant à faire la distinction entre rêve et réalité que sur des coups de chance. Une sensation de fraîcheur sur son front lui fit reprendre conscience et il leva son regard embrumé par la fièvre sur la personne qui prenait soin de lui. Rêve ou réalité ? Était-ce réellement SiCheng penché au-dessus de lui ou l'un de ses amis qu'il imaginait sous une autre forme ? Sa gorge douloureuse peina à laisser passer sa voix rauque. 

- SiCheng ? 

- Comment tu te sens ? 

- C'est vraiment toi ? 

Le châtain marqua un temps d'arrêt, surpris, et un sourire désabusé étira lentement ses lèvres. Il retira la petite serviette du front de son cadet, la trempa dans une bassine et l'essora avant de la replacer correctement. 

- Décidément ça n'a pas changé. Tu tombes malade une fois dans l'année mais tu fais ça toujours aussi bien. Tu veux essayer de t'asseoir ? 

Yuta hocha péniblement la tête et SiCheng lui mit des oreillers dans le dos pour l'aider à se maintenir dans une bonne position. Le Chinois le félicita, comme lorsqu'il était enfant, et le rouge sentit ses yeux se remplirent d'eau. Malade il devenait beaucoup trop sentimental et sensible, il perdait la maitrise de ses émotions et il se détestait de paraître aussi faible. SiCheng lui annonça qu'il s'absentait quelques minutes et qu'il revenait. 

Le convalescent observa la pièce où il se trouvait et fut surpris de reconnaitre sa chambre. Il était persuadé de s'être endormi dans le salon, le reste était trop vague pour qu'il parvienne à s'en souvenir. Son aîné revint comme il l'avait promis, un bol de porridge coréen  posé sur un plateau accompagné d'une tasse d'infusion brûlante. Il installa les préparations sur la petite table de chevet à côté de Yuta sous l'œil médusé de celui-ci. 

- Qu'est-ce que tu fais ici ? 

- Tu ne veux pas ? 

- Si, se rattrapa immédiatement Yuta avant d'être coupé par une quinte de toux. Tu ne m'en veux pas ? Je ne suis pas venu hier, tu as dû attendre... 

SiCheng le toisa, le visage impénétrable et les bras croisés sur la poitrine avant de soupirer. Il lui tapota le front en faisant claquer sa langue contre son palais. 

- Je reconnais que j'ai été très en colère sur le moment, j'ai même pensé que c'était la dernière fois que je voulais entendre parler de toi, avoua le châtain. 

- Alors pourquoi... ? 

- DoYoung m'a appelé tout à l'heure, chose qui a dû arriver environ trois fois depuis qu'on se connait alors j'ai décroché, c'est là qu'il m'a expliqué la situation. Je ne peux pas t'en vouloir en sachant tout ce qui s'est passé et que tu ne pouvais pas me prévenir. 

- Merci. 

- Mange un peu, le gamin t'a préparé ça hier mais tu t'es rendormi avant de pouvoir manger et t'étais à peine lucide les fois d'après. 

Yuta toussa et SiCheng lui tendit la boisson pour hydrater sa gorge sèche. Le jeune homme avait la tête qui tournait et une affreuse sensation de faiblesse imprégnait ses muscles. 

- Je me suis réveillé depuis le départ de DoYoung ? 

- Hum, trois ou quatre fois, mais tu délirais complètement. Tu restais pas éveillé plus de trois minutes. 

- Il est quelle heure ? s'inquiéta brusquement le rouge. 

- Presque cinq heures du matin. 

- Déjà ? paniqua Yuta. Tu devrais rentrer chez toi, tu travailles demain et-

- Ne t'inquiète pas pour ça, j'ai demandé ma matinée. Mange. 

Le Japonais capitula, trop malade pour essayer d'argumenter. SiCheng lui tendit des médicaments qu'il avala, puis après avoir mangé un peu il se rallongea, vidé de ses forces. Sa main accrocha faiblement la manche de son aîné. 

- Tu restes un peu avec moi s'il te plait ? 

- T'es vraiment un gosse. 

SiCheng soupira mais ne refusa pas. Il se glissa à côté de son cadet et étendit son bras pour que celui-ci puisse venir y installer sa tête. Yuta se blottit immédiatement contre lui, ne percevant pas la tension qui s'empara de l'autre avec le brouillard qui embrumait son esprit. Des souvenirs lointains lui revenaient, quand SiCheng prenait soin de lui enfant et qu'il le laissait venir dormir dans sa chambre avec lui, alors que Yuta avait sa propre maison et ses parents aux petits soins. Son ainé l'avait toujours laissé faire et le rouge savait qu'il en avait régulièrement profité, ne loupant aucune occasion de se rapprocher de l'autre. Il retrouvait cette sensation cette nuit-là et regretta presque de ne pas être tombé malade plus tôt. 

La sensation d'une main qui passait avec légèreté contre son visage, les battements de cœur qui pulsaient lentement sous son oreille, l'odeur propre à SiCheng, tout était fait pour qu'il se sente dans un cocon de bien-être. 

Lorsqu'il se réveilla la fois d'après un visage familier était dans son champ de vision mais ce n'était pas celui qu'il espérait. La mine désolée de Chittaphon s'approcha de lui. 

- Comment tu te sens ? 

- Un peu mieux, reconnut Yuta. T'es là depuis longtemps ? 

- Une heure à peu près, SiCheng a dû aller travailler et Dodo a cours. Je suis passé chez moi avant de venir, ma mère m'a donné des trucs pour te remettre sur pieds. Tu veux manger ou boire quelque chose ? 

- Je vais plutôt aller prendre une douche, je colle c'est horrible. 

- Ok mais vas-y doucement. SiCheng a dit que t'étais vraiment pas frais cette nuit. 

Yuta sourit faiblement, amusé de voir le côté mère poule de son ami qui ressortait. Cela n'arrivait que rarement mais il pouvait être certain que Chittaphon ne le lâcherait pas tant qu'il ne serait pas à nouveau en pleine forme. 

L'eau chaude fit du bien à son corps lourd et odorant. Elle enleva la sueur qui le couvrait et il se frotta vigoureusement le crâne pour laver également ses mèches colorées. Une serviette autour de la taille, il s'appuya un instant contre le meuble de son lavabo. Il avait toujours la tête qui tournait et de légers vertiges. La voix de son ami lui parvint à travers la porte et il lui assura que tout était sous contrôle pour ne pas l'inquiéter davantage. Le jeune homme avait l'impression d'être aussi maladroit qu'un nouveau né et il avançait avec une lenteur extrême ce qui le fit grincer des dents. Il était plutôt actif en temps normal et se retrouver aussi diminuer était particulièrement irritant. 

La fièvre ayant décidé qu'il était temps qu'il meure de froid, il alla se blottir dans une combinaison en pilou peu esthétique mais diablement chaude. La capuche rabattue sur son crâne, elle lui tombait devant les yeux et masquait les cernes sombres qui creusaient son visage. 

- Outch, t'as vraiment pas l'air bien, grimaça Chittaphon. Tu veux pas aller te recoucher ? Je t'apporte ce que tu veux dans ta chambre. 

- Pas envie, marmonna faiblement Yuta, j'ai l'impression que j'ai fait que ça dernièrement, dormir. 

- Certainement parce que tu es malade comme un chien et que ton organisme a besoin de récupérer. C'est normal. 

- Je vais essayer de bosser un peu et si ça va vraiment pas j'irai m'allonger ok ? 

Chittaphon leva les yeux au ciel, désespéré par le côté buté de son ami mais céda à la volonté de ce dernier. Yuta le remercia silencieusement au travers d'un sourire en allant se poser dans son canapé. L'argenté le rejoignit peu de temps après, deux tasses de café chaud à la main. 

- Bébé Do m'a dit que tu étais sur un tournage hier ? 

- Ouais, un film a petit budget pas ouf mais c'est mieux que rien. Leur costumier les a plantés au dernier moment et comme j'avais déjà bossé avec le producteur l'année dernière il s'est souvenu de moi et m'a demandé si j'étais dispo. 

- Pas trop bizarre de rebosser sur des costumes après tout ce temps ? 

- Un peu si, mais je crois aussi que ça m'avait manqué, sourit Chittaphon. J'adore le stylisme, mais c'est un autre univers qui me plait beaucoup et l'expérience était vraiment sympa. 

- Tant mieux alors. 

Yuta bailla et toussa dans son coude alors qu'un frisson le traversait. Son ordinateur finit par s'allumer et il se rendit sur sa boite mail pour traiter tous les messages qu'il avait reçu depuis deux jours. Il y en avait un petit paquet, dans une mairie que le harcelait pour avoir la réponse d'une location de salle. Le jeune homme leur répondit une fois de plus que les futurs mariés ne s'étaient pas encore décidés et qu'il leur transmettrait l'information dès qu'il l'aurait. Il soupira et se laissa tomber contre le dossier de son canapé. Ce n'était que le premier et il était déjà vidé de son énergie. La réception d'un texto lui permit de repousser l'échéance de quelques secondes et il se jeta presque sur le mobile. Un grand sourire barra aussitôt son visage. 

- Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que mon frère est responsable de ce sourire affreusement niais ? se moqua gentiment Chittaphon. 

- Il me demande si je vais mieux. 

Yuta ramena les jambes contre sa poitrine en attendant une réponse à son texto. Celle-ci ne tarda pas et il gloussa doucement. 

- T'es flippant. 

- Je m'en moque, SiCheng me demande si j'ai besoin de quelque chose. 

- Si tu lui sors la disquette "toi" je te jure que notre amitié prend fin maintenant, grimaça l'argenté. 

- C'est ton truc à toi les disquettes je te rappelle d'abord. 

Le jeune homme subit une nouvelle quinte de toux. Lorsqu'il regarda une nouvelle fois son écran son sourire s'affaissa et il reposa l'appareil.

- Qu'est-ce qui se passe ? 

- Il doit retourner travailler, bouda Yuta. 

- C'est bizarre. 

- De quoi ? Qu'il bosse ? 

- Mais non idiot, toi. C'est bien la première fois que je te vois courir après quelqu'un et râler parce qu'il ne te parle pas assez. T'es plutôt du genre distant d'habitude. 

Yuta but une gorgée de café pour se réchauffer et ses doigts pianotèrent doucement contre la céramique de sa tasse. 

- Peut-être parce qu'avant c'était juste pour le sexe ? Il n'y avait aucun sentiment, enfin moi je ressentais rien. Hormis pour coucher je m'en foutais d'avoir de leurs nouvelles, mais ton frère est différent. 

Il se mordilla l'ongle, hésitant. Il voulait redemander un rendez-vous à SiCheng, mais son aîné lui avait bien fait comprendre qu'il était occupé en ce moment, il craignait de se prendre un refus. Surtout que même si l'autre lui avait dit ne pas lui en vouloir à cause des raisons qui avaient mené à l'annulation de leur Saint-Valentin, il n'était pas sûr que ce soit totalement vrai. Explications ou pas explications, Yuta savait que lui l'aurait quand même mal pris et aurait boudé pendant un moment. 

- Tu penses que je peux lui renvoyer un message ? 

- Essaye, au pire tu te prendras juste un vent ou il te répondra plus tard. Tu risques pas grand-chose. 

Juste de se faire brise le cœur, mais Yuta était trop fatigué pour lui faire la remarque et se contenta donc de taper quelques mots sur son clavier avant d'envoyer le texto. Il tenta ensuite de se reconcentrer sur son travail sans succès, la maladie se manifestant avec une intensité accrue. Chittaphon l'envoya se recoucher et le borda comme un enfant. Yuta grommela qu'il avait passé l'âge et que c'était gênant, mais cela ne fit que renforcer l'hilarité de son ami qui lui infligea un bisou baveux sur le front. 

-J'espère que je t'ai refilé mes microbes sale nabot, toussa Yuta. 

- Même pas en rêve, je suis ultra résistant moi, lui tira la langue Chittaphon. Allez, dors bien princesse, je tiens Dodo et SiCheng au courant de ton état. 

Le rouge grommela une litanie de jurons à l'encontre de l'argenté qui disparut en riant. Yuta se retourna dans son lit, caché sous deux couettes épaisses, et il sentit le sommeil l'appeler pour la énième fois en trop peu de temps. Il espérait ne plus être malade à son réveil, même s'il ne se faisait pas vraiment d'illusions. 

Nda :

Chapitre du vendredi bonjour ! J'espère que vous avez aimé le lire et n'hésitez pas à me laisser vos avis, c'est toujours un réel plaisir de savoir ce que vous pensez de cette fiction :D

Pour ceux que ça intéresse j'ai publié un nouveau recueil d'os, tout beau tout propre ^^

A la semaine prochaine sur cette histoire !

Dalion~ Kiss :3