Libby, Montana.
Quatre ans plus tôt.

Je frissonne tandis qu'une bourrasque de vent glacé vient balayer ses longs cheveux ébène. Ses joues et son nez sont rosis par le froid et ses beaux yeux verts sont brillants de larmes. Le regard perdu, ses lèvres légèrement bleutées se mettent à trembler et des larmes viennent dévaler ses joues silencieusement.

C'est terminé. Fini.

Prononcer ces mots m'a tué, mais je fais tout pour ne pas le lui montrer. Je serre les dents, le plus fort possible pour m'empêcher de la prendre dans mes bras. Je voudrais pouvoir détourner le regard, mais je ne peux pas. Je n'arrive pas à détacher mes yeux des siens. Ils me supplient silencieusement de reprendre chacun de mes mots.

Mais mon cœur est de glace. Je peux le sentir se fissurer à chaque battement. Un peu comme celles qui se forment sur le lac lorsque celle-ci est trop fragile. J'ai mal. Je sens ses craquements, il est sur le point de se briser comme du verre. Si c'est ça avoir le cœur brisé, je comprends pourquoi l'amour fait autant flipper.

J'ai mal au cœur, tout le temps. La douleur est lancinante. Je n'arrive plus à éprouver quoique ce soit. Encore moins de l'amour. Rester avec elle alors que je ne parviens plus à lui dire que je l'aime me paraît impossible. J'ai l'impression de lui mentir. Je fais semblant et ce depuis des semaines et ça ne peut plus durer.

J'aime cette fille, à en crever, mais pourtant je n'arrive plus à l'aimer. Mon cœur est cassé, brisé. La mort de mon père a tout changé. Son absence m'est insupportable. J'ai perdu mon modèle, mon repère. Je n'arrive plus à être moi-même. Il me manque. Terriblement. J'étouffe, je souffre.

J'en veux à tout le monde et je suis bouffé par la colère. La douleur est écrasante, j'agonise lentement. Zeppelin cherche à m'aider et moi je la repousse, je lui fais du mal. Je vois bien qu'elle souffre elle aussi alors, je mets fin à notre histoire. Parce que c'est la meilleure chose à faire. Pour elle, pas pour moi.

Je voudrais pouvoir embrasser ses lèvres une dernière fois, blottir mon nez dans son cou et sentir son doux parfum floral me chatouiller les narines. Glisser mes doigts dans ses longs cheveux doux et brillants, mais je ne le ferai pas. Il ne faut pas.

Si j'avance d'un pas, alors je n'arriverai pas à reculer ensuite.

Je ferme les yeux, lui demande pardon encore une fois et lui tourne le dos pour m'éloigner. La laissant seule au milieu du lac gelé. Les mains enfoncées dans les poches de mon sweat à capuche, je marche prudemment sur la glace. La vue brouillée par les larmes, je ferme les yeux et serre les dents de toutes mes forces lorsque Zeppelin éclate en sanglot.

L'écho de ses pleurs vient percuter mon dos, mais je ne me retourne pas. Je ne m'arrête pas. Je continue à marcher en essayant de refouler mes propres larmes.

Un jour, quelqu'un a dit : on ne se rend compte de ce que l'on avait qu'au moment où on le perd. Je crois que cette personne ne pouvait pas être plus près de la vérité.