Chapitre 4 (7)
Je me suis assise au bord du lit. Mes yeux étaient secs, mes pensées étaient claires. J'avais un but.
Cassiopée s'est réveillée alors que j'enfilais des vêtements chauds, et l'air tout endormie elle me demanda :
- Qu'est-ce que tu fais Lyslas ?
Je lui fit un maigre sourire et lui expliquai brièvement :
- Je dois mener l'enquête. Je vais interroger tout le monde. Trouver le coupable.
Elle se redressa en se frottant les yeux, en essayant de se réveiller un peu, et me demanda sans l'ombre d'une hésitation :
- Tu veux commencer avec moi ? Je peux t'aider ?
J'ai hésité un instant. Je ne devais pas faiblir et me laisser à la subjectivité. Écouter mon instinct oui, car il s'est montré juste jusqu'ici, mais pas complètement. Les gens restant ici étaient quasiment tous des gens en qui je faisais confiance. Je ne pouvais pas me laisser aller à mes émotions, et face à une Cassiopée si pleine de bonne foi, ses longs cheveux bruns un peu ébouriffés, je ne pouvais pas rester de marbre.
Je lui sourit de nouveau pour la rassurer un peu.
- Pas tout de suite, je vais interroger les autres pour l'instant, je reviendrais te poser des questions plus tard.
Elle hocha la tête en signe d'acceptation.
- À tout à l'heure alors.
J'allais partir quand elle ajouta :
- Et Lyslas....
Je me suis retournée pour voir une dernière fois son expression pleine d'inquiétude.
- S'il te plait n'oublie pas qui tu es.
Cette phrase un peu énigmatique me rappela celles que Royale me lançait toujours sans prévenir et je me suis détournée avec un pincement au cœur. Ma première étape fut d'aller interroger Monokuma.
Le procès aurait lieu à l'heure habituel du dîner, qui était donc annulé. Le rapport d'autopsie devait donc forcément être prêt. J'ai trouvé le cyclope dans la salle de spectacle, ce qui semblait être son lieu par défaut. Quand je suis entrée il s'est directement tourné vers moi. D'après ce qui s'était passé durant... durant la mort de Royale, il était facile de conclure que ce dernier pouvait suivre notre rythme cardiaque.
Ce qui expliquait aussi qu'il semblait pouvoir nous repérer même derrière un petit mur comme c'était déjà arrivé quelques fois.
Il ne dit rien jusqu'à ce que j'arrive en face de lui et il m'interpella de sa voix vide :
- J'imagine que tu es là pour le rapport d'autopsie.
J'ai hoché la tête :
- Je veux plus d'informations sur le poison, sa date d'ingestion et sa nature.
- Bien sûr.
Mais il resta silencieux plusieurs seconde avant de répondre d'un ton encore plus mécanique que de coutume :
- Information découlant de l'autopsie : Heure de la mort : 19h43, cause : Arrêt cardiaque découlant d'hémorragie externes et internes du à un empoisonnement.
J'attendis la suite, mais rien de vint.
- Et ? Empoisonnement à quoi ? Quand ?
Monokuma ne répondit rien et me regarda encore plus inexpressif que de coutume :
- Informations inaccessibles.
J'ai froncé les sourcils. Comment ça ? Maintenant Monokuma refusait de nous donner ne serait-ce que les informations de base ?
- Je croyais que nous avions le droit à un minimum d'informations ?
Monokuma sembla se reprendre, autant qu'il l'état possible pour un robot quasiment vide de toute émotion et me répondit et tournant sa tête vers les sièges de la salle :
- Je ne choisis pas ce que j'ai le droit de vous dévoiler ou non.
Je me souvins des longues conversation que Royale menait avec l'enfant mécanique pour tirer chaque bribes d'informations de son système compliqué. En ignorant la douleur de chaque pensée liée à l'ultime Croupière, je me suis demandée si je pouvais en faire de même.
- Et qui décide de cette sélection ?
- Je ne suis pas autorisé à révéler cette information.
Et il commença à inspecter les robots, passant d'un côté de la scène à l'autre en m'ignorant. Bon visiblement ça n'allait pas être facile.
- Tu as l'air doué d'une intelligence développée... tu ne peux pas faire de choix ? Ou bien c'est que tu choisis de suivre leur ordre sagement ?
Il s'arrêta soudain. Ses membres semblèrent vouloir continuer ses mouvements mécaniques, mais il finit par s'immobiliser complètement et se tourner vers moi. Son ton était terriblement froid et inhumain lorsqu'il me lâcha :
- Information hors d'accès.
J'ai poussé un soupir et j'allais faire demi-tour quand soudain il reprit. Encore une fois quelque chose me marqua. Sa voix grésillait, je veux dire, encore plus que d'habitude. Et de petits soubresauts, comme des erreurs et des bugs s'insinuaient dans sa voix.
- Crois-moi Lyslas si j'avais mon mot à dire...
Mais il ne finit pas sa phrase, sa voix se corrigea, éliminant les sons parasites, et pris soudain une intonation creuse et dénuée de vie :
- Je suis mon code. Je suis une machine.
J'ai encore tenté quelques questions après cela, mais il ne me répondit que de manière froide et sommaire, se contentant du minimum. J'ai tenté d'apprendre quand les aliments auraient-ils pu être empoisonnés.
J'ai ensuite décidé de mener l'enquête en posant des questions aux autres.
La première personne que je suis allée interroger après ça était Mizuki. C'était la personne en qui je faisais le moins confiance ici. Peut-être est-ce pourquoi mes pieds me menèrent devant son chalet.
Elle m'accueillit avec une mine effroyable, mais elle ne protesta pas quand je lui demandai de me laisser entrer pour lui poser des questions.
Je suis de nouveau entrée dans le chalet impeccable, peut-être même encore plus que d'habitude.
Je ne me sentais pas en sécurité ici, la propreté et l'ordre excessif de l'endroit me donnait froid dans le dos.
Je me suis assise néanmoins sur la chaise qu'elle m'offrit et elle s'assit en face, allumant une cigarettes entre des doigts un peu tremblants. Un tremblement minuscule mais qui ne m'échappa pas.
J'ai tenté de ne pas me laisser déstabiliser par l'ultime démineuse et son aura austère et imposante malgré sa petite taille.
Je détestais l'odeur de sa cigarette mais j'ai tenté de ne rien laisser paraître et j'ai récapitulé toutes les informations que j'avais pu recueillir.
- Je me suis renseignée, le seul moment où les plats servis à table sont accessibles sont les 5 minutes avant que tout soit servie. Sinon, seuls les aliments eux-mêmes peuvent être contaminés dans la réserve, mais Royale mangeait exactement les mêmes choses que nous pendant le diner, juste venant d'un plat différent, donc ça n'était pas les aliments, c'était les plats qui l'ont tués.
Elle souffla un petit nuage et me coupa laconique :
- J'étais assise à table bien plus que 5 minutes en avance.
Je ne me suis pas laissé déstabiliser.
- Tu étais juste à côté de Royale, tu aurais facilement pu glisser quelque chose dans le plat-
- Tu sais aussi bien que moi que Royale m'aurait vu. Son regard n'échappe pas à grand-chose, comme toi d'ailleurs.
Elle tira encore sur sa cigarette avant de conclure :
- Tu ne rates aucun détails sous ton air de petite vieille.
Je n'ai pas relevé la provocation car je savais qu'avec mes cheveux déjà gris et mes cernes je pouvais effectivement passer pour une « petite vieille » comme elle le disait. Mais puisqu'elle voulait jouer à ce jeu, moi aussi je pouvais le faire, j'ai assené du ton le plus froid que je pouvais.
- Non en effet je ne rate aucun détail, comme le fait que tu brillais d'impatience quand tu as vu Violaine prendre le couteau. On aurait même dit que tu voulais qu'elle te plante au plus vite.
J'ai croisé les bras et je l'ai fixé pour voir sa réaction, qui ne se fit pas attendre. Elle écarquilla les yeux, visiblement surprise. Peut-être avait-elle remarqué que je voyais beaucoup de choses mais elle ne pensait-elle pas que je les dirais à voix haute. Ça, ou elle ne croyait pas que j'aurais remarqué un détail pareil que l'éclat dans ses yeux pendant une fraction de seconde avant que Nikolaï n'arrête Violaine. Elle se reprit en un instant, mais trop lentement, ça aussi je l'avais vu.
Les gens s'amusaient à me parler de mon « regard » ou je ne sais quoi ? Très bien ils auront ce qu'ils veulent.
- Plutôt étrange que ta super soupe aient soigné Randall et Cassiopée mais que Royale n'ait rien eu non ?
- C'est un hasa-
Je ne l'ai pas laissé reprendre l'avantage dans la conversation avec son ton acerbe et son air dur.
- On serait tenté de te soupçonner d'avoir prévu le coup et sélectionné ta victime après avoir contaminé plusieurs personnes, mais c'est moi qui suis spontanément venue te voir pour Cassiopée, et qui ait aussi dirigé Randall vers toi. C'est ma faute si je ne l'ai pas conseillé à Royale non plus, tu n'aurais pas refusé, et tu ne pouvais pas prévoir que je le ferais ou pas.
Pour la première fois Mizuki semblait déstabilisée, mais je le remarquai à peine, lancée dans mon élan :
- Et même si c'est louche, quelque chose me dit que tu n'as pas tué Royale, et tu sais pourquoi ? Parce que je sais que ta salle de bain est un capharnaüm et que tu as décroché le miroir pour le cacher face au mur, je me souviens que tu nous as déjà parlé de toutes les horreurs que tu avais vu, notamment de tes amis que tu as vu mourir, j'ai vu la façon dont tu dis que tout le monde peut être un meurtrier et comme tu les méprises avec une haine brûlante. Tu prends plaisir à nous provoquer sans cesse, à t'isoler en permanence. Cette pique sur Mélanie était à peu près aussi subtile que le crush de Léo sur Remington. Je crois que tu n'as pas tué Royale parce que tu ne veux tuer personne Mizuki, tu veux que quelqu'un te tue. Je crois que tu as du sang sur les mains mais tu n'arrives pas à y ajouter le tien, alors tu espères que quelqu'un s'en charge pour toi. Mais tu n'arrives pas à te montrer vulnérable, juste désagréable. Alors personne n'ose t'attaquer malgré tes provocations.
Je l'ai vu serrer des mâchoires, elle semblait blessée. Je me suis immédiatement adoucie en voyant la douleur sur son visage, mais je n'eus pas le temps d'ajouter quoi que ce soit, elle s'était levé lentement, et elle a pointé du doigt la porte d'un geste qui semblait tranquille mais ne l'était pas, c'était de la rage à peine contenue. Elle déclara la voix grave :
- Sors d'ici.
- J-
- MAINTENANT
Elle avait aboyé son ordre avec une violence si brutale que j'ai sauté de ma chaise et je suis partie vers la porte d'entrée sans protester. Je regrettais, j'étais allée trop loin, je-
...Non ce que je devais faire c'était trouver le meurtrier. J'ai posé mes poings sur mes paupières closes en respirant profondément.
J'avais bien fait, j'avais bien fait. Ça suffisait de me cacher et de me recroqueviller à la moindre agression et au moindre danger. Je n'avais plus 10 ans, je n'étais plus là-bas, j'étais capable de le faire.
J'ai rouvert les yeux et je me suis dirigée vers le suspect suivant.
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