Chapitre 2 (4)
En me rasseyant après l'incident avec Anoushka, j'ai vu le regard de Mélanie fixé derrière mon épaule. Axel demanda prudemment :
- ...Vous pensez qu'on est des commères ?
Je ne répondit pas. Je ne le pensais pas, mais je n'avais plus envie de parler. J'avais envie de m'enfermer dans mon atelier et reprendre mon travail. Cassiopée dit faiblement :
- Pas vraiment, on ne parle pas des autres méchamment, et vu notre situation c'est prudent de suivre leurs actions...
Axel se tourna vers Mélanie et répéta sa question :
- Et toi ?
Mais elle semblait perdu dans ses pensées. Il répéta :
- Mélanie ?
Enfin, elle s'arracha à son songe, et répondit :
- Excuse-moi, tu peux répéter la question ?
Les yeux d'Axel firent un un rapide aller-retour sur ce que Mélanie regardait. Bien que cela soit dans mon dos, je pouvais deviner de quoi il s'agissait, ou plutôt qui. L'ultime tatoueuse. Le changement fut discret, mais je vis une ombre de jalousie passer encore une fois sur le regard bleu océan d'Axel. Pendant que Mélanie répondait :
- Des commères ? Je ne sais pas, peut-être, oui, mais même si c'était le cas, je n'y voit pas le mal quand on peut potentiellement se faire tuer à tout moment, on se protège.
Sur ce elle regarda la montre fine et métallique à son poignet et reprit ses arabesques. J'ai rentré mes mains sous mes bras pour les réchauffer. J'avais l'impression de voir notre petit groupe tomber en morceaux. Cela ne faisait qu'à peine un mois que nous étions ici, mais j'avais trouvé du réconfort dans ces amitiés, et pourtant les voilà déjà menacées.
Moi, tiraillée par mon amitié avec Anoushka, et eux. Mélanie, tiraillée entre Violaine, et nous.
Une heure passa pendant laquelle l'ambiance s'allégea légèrement, bien que toujours trop lourde à mon goût. J'espérais juste qu'Anoushka s'était bien mise en sécurité en entendant le vent souffler dehors.
Soudain, entre deux silences, Mélanie s'excusa, puis se leva pour s'approcher du groupe où se trouvait Violaine... Bien sûr ce moment devait arriver. Comme d'habitude, elle coupait son temps en deux entre nous et elle. À ce moment, Axel perdit ses dernières onces de bonnes humeurs.
- Je comprend pas qu'elle puisse vouloir passer une seule seconde en sa compagnie...
J'ai redressé mes yeux vers lui, et il continua :
- Franchement, Lyslas, tu es d'accord avec moi non ? Elle est bruyante, brutale, bornée, arrogante, elle n'a aucune douceur, aucune nuance, aucune gentillesse, pas une once de remise en question... L'inverse de Mélanie !
J'étais d'accord sur la plupart des adjectifs utilisés, malheureusement j'étais moi-même dans une humeur exécrable, j'ai simplement rétorqué, sèchement :
- Tu sais finalement Anoushka n'avait pas tort, facile de critiquer quand on ne peut pas t'entendre, pas besoin d'assumer, l'hypocrisie c'est confortable.
Je le vis serrer des mâchoires. Cassiopée s'était recroquevillée dans son siège comme si elle voulait fusionner avec. Les yeux d'Axel paraissaient avoir changé de couleur pour prendre la teinte de la mer pendant l'orage : un bleu outremer sombre et troublé, il soutint mon propre regard, que je savais d'un bleu électrique, presque violet selon l'éclairage. Il se leva alors brutalement et marcha d'un pas calme mais décidé derrière moi.
À cet instant, j'ai capturé un éclair de panique dans les iris de Cassiopée, et j'ai compris l'erreur que je venais de commettre et ce qu'Axel était sur le point de faire. J'ai fermé les yeux en fronçant les sourcils, retenant l'envie de frapper mon front contre la petite table devant moi.
Bravo Lyslas, comment semer la discorde en 1 leçon : provoquer des gens en conflit déjà sur le point de craquer.
Je me suis redressée en me retournant, prête à assumer mes actions, et s'il le fallait prendre les foudres de Violaine plutôt que de laisser Axel et Mélanie ruiner leur relation à cause de Violaine.
Mais il était déjà un peu tard pour ça. Axel s'était rapproché de Violaine, Mélanie assise en face d'elle, et Mike à côté. Léo, Remington et Nikolaï, n'étaient pas très loin bien que pas directement à côté. Je n'ai pas capté la totalité du début de la conversation - ou plutôt dispute, car en me voyant prête à me mêler au conflit, Cassiopée avait agrippé ma manche :
- Tu vas les rejoindre ?
- Il faut que je retienne Axel.
- C'est trop tard, et Violaine te hait déjà assez...
Il y avait de la vraie crainte pour moi dans sa voix, et je sentais sa main trembler un peu, crispée sur ma manche.
- C'est moi qui ai provoqué Axel, je dois me rattraper...
- C'est courageux mais tu vas te faire frapper je ne veux pas que tu sois blessée.
- Non tout de même p...
Un bruit sec nous fit tourner la tête, pour voir d'où provenait le son. La scène jeta un éclair d'effroi dans mes veines. Violaine tenait sa joue rouge, et Axel, qui venait visiblement de la gifler, était retenu avec peine par Mélanie d'une main, son autre sur l'épaule de Violaine pour les séparer.
Violaine lâcha une insulte entre ses dents, et Mélanie dut utiliser ses deux mains pour la retenir de frapper Axel à son tour. Me voyant soudain, un peu en retrait, derrière Axel, elle plissa les yeux et lâcha :
- Ça vous amuse de comploter dans votre coin et de nous dresser les uns contre les autres ?!
Axel lui cracha avec dédain :
- Parce que toi tu ne complotes rien ? On t'as vu avec Aimana ! Où est-il d'ailleurs ?
À la mention de ce nom Mike intervint alors, empêchant Violaine d'en venir aux mains, pendant que Mélanie se reconcentrait sur Axel. Violaine répliqua :
- Tu n'as aucune idée de ce que je prévois avec Aimana et ça ne te concerne pas !
- Cause toujours, ça change rien au fait que TU nous dresses les uns contre les autres ! Tu continues de punir Lyslas comme si elle était coupable alors que c'est ELLE qui nous a sauvé, pas TOI !
Mélanie rabroua Axel :
- Ce sont des malentendus, Violaine essayait de nous aider aussi...
Il retira son bras brutalement d'entre les mains de Mélanie et répondit, sur un ton qui ne laissa aucun doute à la douleur que ça lui causait :
- La défendrais-tu si c'était toi qu'elle harcelait ? Elle terrifie Lyslas et ça saute aux yeux.
J'ai bredouillé, complètement paniquée d'être utilisé comme argument dans la dispute, bien malgré moi. Le regard de Violaine dériva vers moi, plus violent et venimeux que jamais.
- C'est ce que je dis, c'est elle qui nous sépare...
- Tait-toi Violaine, arrête de te rendre toujours plus dure à défendre, siffla Mélanie entre ses dents.
Violaine lui jeta un regard plein de défi, puis chercha un bref instant un regard de soutien parmi nous. Mais Léo, Remington et Nikolaï, assis à quelques pas ,ou bien évitaient ses yeux, ou ne lui rendaient que désapprobation. Se voyant seule contre tous, elle cracha un dernière juron en allemand, puis repoussant Mike qui la retenait toujours, s'élança vers la porte et sortie dans une bourrasque glacée.
Le silence retomba. Axel voulue ouvrir la bouche, mais Mélanie commença en première. Sa voix était douce, basse, mais froide.
- Qu'est-ce qui t'as pris Axel...?
Je m'étais rapprochée avec Cassiopée, et l'expression confuse, blessée, toujours en colère bien que moins qu'un instant auparavant, d'Axel.
- Il fallait que je mette les choses au claire....
- En venant plus ou moins insulter les gens gratuitement ? En giflant les gens ? C'est ta notion de "mettre les choses au claire" ?
Quelque chose changea encore dans l'air d'Axel, la colère s'effaçant petit à petit pour laisser place à plus de confusion et de tristesse, ainsi qu'une sorte de surprise face à son propre comportement.
- Je ne sais pas ce qui m'a pris j'étais furieux et quand Lyslas m'a traité d'hypocrite j'ai pété un plomb...
- ...T'a quoi.... ?
J'ai sentis mon sang se glacer dans mes veines tandis que quelques regards se reportèrent vers moi. Axel ajouta immédiatement :
- Mais c'est ma faute pardon Mélanie, je-je vais, je vais aller m'excuser.
- Non tu ne sors pas dans cette tempête, tu restes ici, tu fais profil bas et tu me laisses préparer le terrain avant de présenter tes excuses.
Elle le rabrouait, mais même ainsi elle gardait une forme de calme et douceur. Il baissa les yeux, comme un enfant, et murmura un petit oui avant de partir s'enfoncer dans un fauteuil à l'écart.
Puis je vis le regard de Mélanie se reporter sur moi avec écœurement.
- J'espère que tu es fière de toi.
J'ai ouvert la bouche pour me justifier, mais la panique qui coulait dans mes veines gelait mes membres et m'immobilisait. Comment tout avait put dégénérer aussi vite ? Est-ce que je venais de perdre de l'amitié d'Anoushka, Axel et Mélanie en à peine une heure ? Non j'allais corriger ça, oui j'allais corriger tout ça.
Malgré les paroles de réconfort que je m'efforçais de me répéter intérieurement, je sentais l'angoisse me tordre les boyaux. Soudain la petite main froide de Cassiopée vint encore une fois se glisser dans la mienne.
- Ça va aller. C'est la tempête qui stress les gens, mais... ça va s'arranger. Je suis sûr que ni Mélanie ni Axel ne t'en veulent vraiment... et tu parleras à Anoushka, elle nous en veut à nous, pas à toi...
Je l'ai regardé avec toute la reconnaissance que j'avais en moi à cet instant. Elle ajouta avec un petit sourire qui se voulait rassurant :
- Tu veux que je te coiffe en attendant ?
J'ai accepté son offre avec soulagement. Une vingtaine de minute plus tard, le silence était pesant mais au moins personne ne s'assassinait des yeux, ou ne se criait dessus.
Les doigts agiles de Cassiopée parcouraient mes cheveux pour les natter. Sous ses mains se formait une toile de tresse qui recouvrait le reste de la masse de mes cheveux. Des cheveux presque déjà gris, abîmés, négligés, dont je n'étais pas vraiment fière mais que Cassiopée manipulait avec une facilité qui frisait la magie.
Soudain, le bruit sourd du choc d'un objet, emporté par le vent dehors venant percuter la façade de notre abri nous tira tous de nos activités. La tempête continuait de faire rage dehors et je ne pouvais complètement engloutir l'anxiété qui me tenait à l'idée de où se trouvaient ceux qui ne nous avaient pas rejoins.... Anoushka surtout qui n'avait pas consolidé ses fenêtres comme Randall.
Les pensées de chacun étaient probablement similaire aux miennes, à la différence qu'elles devaient se tourner vers différentes personnes...
Mike se leva alors, jetant un coup d'oeil sur l'horloge accrochée au mur à la vision de tous. Il lança assez fort pour qu'on l'entende tous.
- Il n'est pas même pas encore 11h... J'ai peur que cela empire... Je vais chercher les autres... Peut-être qu'ils refuseront de venir, mais je préfère quand même essayer.... Quelqu'un veut-il venir avec moi ?
Depuis le premier meurtre, Mike s'était moins imposé. Avoir vu ses certitudes s'avérer fausse lors du procès de Min-ho lui avait fait prendre du recul et devenir moins assuré. Ce dernier point avait plutôt eu tendance à me le rendre plus sympathique, mais ses propos à Aimana d'un autre côté, me disait l'inverse, et pesait plus lourd dans la balance que le positif. Malgré tout je fus reconnaissante de son initiative.
Je me suis levée et je l'ai approché :
- Est-ce que... tu pourrais dire à Anoushka que je lui présente mes excuses, et que je voudrais vraiment qu'elle revienne à l'abri... ?
- Tu veux venir avec moi pour lui dire en face ?
J'ai regardé par la neige frapper la vitre, et Cassiopée qui m'attendait avec ses grands yeux inquiets. Je savais que je ne serais qu'un boulet pour Mike, et puis s'il comptait ramener tout le monde - y compris Violaine - j'étais probablement la pire compagnie.
- Non je ne pense pas que ça soit une bonne idée... Mais insiste sur le fait que je suis désolée... s'il te plait.
il hocha la tête, d'un air sérieux, et un peu morne. En me rapprochant de lui comme ça, j'ai remarqué les cernes qui creusaient son visage, et son teint un peu cireux. Il semblait épuisé... Je suis retournée à ma place
- Personne ? redemanda-t-il.
Comme personne ne se portait volontaire, il enfila son manteau sortie à son tour. Le nombre de personne dans la pièce se réduisait petit à petit. À peine cinq minutes s'était écoulées depuis le départ de Mike quand la porte s'ouvrit de nouveau, avec une vague de froid :
Trois silhouettes se dessinaient dans l'encadrure de la porte.
- Randall !
s'exclama Remington en reconnaissant la première. Le garçon de café épousseta la neige qui le recouvrait et entra pour les rejoindre. La seconde silhouette ne me posa aucun soucis à identifier, puisqu'il s'agissait d'Anoushka. Sa présence ne pouvait pas être due à Mike puisque ce dernier n'était pas partie il y assez longtemps. De plus, la troisième silhouette était trop petite pour être lui. Quand cette dernière retira sa capuche, je reconnu Mizuki.
L'ultime démineuse se retira de son côté sans rejoindre les autres se dirigea vers un petit comptoir d'où elle tira un paquet de cigarettes et se mis à fumer dans un coin. Anoushka elle, hésita un long moment sur le pas de la porte, évitant de me regarder, avant d'enfin céder, enlever son manteau, et s'approcher de moi et Cassiopée.
Je lui aie proposé un fauteuil mais elle resta debout. Avec difficulté, et en marmonnant presque elle avoua un peu honteuse :
- Désolée pour tout à l'heure. Je me suis braquée trop vite. Encore.
Cassiopée, l'air plus soulagée qu'autre chose, expliqua :
- Tout à l'heure... J'ai été maladroite, je voulais simplement dire que Mike est visiblement homophobe et que sa réaction ne me surprenait pas, pas que c'était justifiée ou méritée d'une quelconque façon...
- Je suis juste contente de te voir à l'abri Anoushka. J'ai simplement ajouté.
Je lui re-proposais le siège, mais elle le refusa, et demanda à la place :
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Elle jetait un coup d'oeil à Axel à moitié caché par une étagère, Mélanie avec le petit groupe formé par Léo, Remington, Nikolaï et maintenant Randall. Cassiopée répondit à ma place :
- Une dispute... mais ce sont des malentendus...
Suite à cela Anoushka, alla s'isoler derrière une étagère elle aussi. Elle ne semblait pas encore prête à passer de nouveau du temps en groupe, peut-être aussi à cause de la présence de Cassiopée. Le temps passa, passa, passa, mais Mike ne revenait pas.
Une pointe d'inquiétude s'enfonça petit à petit de plus en plus dans ma poitrine et je ne n'étais pas la seule.
Au bout de 30 minutes d'attente, c'est Remington qui craqua en premier.
- On doit aller voir ce qu'il se passe.
Personne ne le contredis. Quand il fallut se mettre d'accord sur qui irait voir, il fut décider qu'il était plus prudent d'y aller tous ensemble. La tempête était quasiment devenue un blizzard.
Une fois tout le monde paré à affronter l'extérieur, on se mit d'accord pour aller chercher chez Aimana en premier. Il n'y avait aucun moyen de savoir où est-ce que Royale se trouvait, et on ne préférait pas aller chez Violaine en premier.
Notre petite expédition se mis en route, et nous avion atteint le chalet d'Aimana qui était éclairé de l'intérieur, un filet de fumée sortant de la cheminée. Je n'étais pas au premier rang, mais cela ne m'empêcha pas d'assister à la scène à la fois étrange et horrible qui s'offrit à nous :
Derrière la porte, au beau milieu du chaos dans lequel le chalet d'Aimana était plongé, se trouvait Mike et Violaine, en pleine bagarre, et le corps étendu immobile d'Aimana un peu derrière.
Coucou, c'est moi l'autrice ! Petit sondage parce que c'est drôle :
- Personnage(s) préféré(s) pour l'instant ?
- Personnage(s) le(s) moins aimé(s) pour l'instant ?
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