Chapitre 27
"Faire confiance c'est se destiner à être trompée." - France Théoret
— Dis donc, mon pote! Me lance Ludovic amusé. Tu es resplendissant. Vous avez fait quoi avec Taytay pendant cette pause?
— Taytay? Je lève un sourcil en observant le jeune mexicain.
— Taylor!
— Rien de spécial. Je mens mais un sourire m'échappe.
Il ricane, me tapote l'épaule et s'en va chercher des briques de lait dans le local de stockage. Quant à moi, je me reconcentre sur mon job, faire la vaisselle, nettoyer le comptoir et les plans de travail, servir les clients. Une routine qui pour l'instant est loin de me déplaire. J'aime énormément avoir l'odeur du café durant toute la journée, le contact avec les clients ne me dérange pas plus que ça et en prime je peux voir Taylor quasiment quotidiennement.
En parlant d'elle, je vois son meilleur ami, Claude, accoudé contre le comptoir. Il me fixe du regard au travers de ses lunettes aux verres épais. Il passe sa main dans ses cheveux roux et je m'approche de lui, l'air perplexe.
— Salut Claude, il y a un problème?
— Aucun. Il me sourit innocemment.
— Ok... et qu'est-ce que tu fais ici?
— Je suis ici parce que ma meilleure amie, j'ai nommé Taylor et une bras cassés.
Je la cherche du regard et la trouve sur sa banquette habituelle, elle semble à crans et quand elle pose ses yeux sur moi, elle force un sourire. Je fronce les sourcils et reporte mon attention sur le roux face à moi.
— Ouais, aussi belle soit elle, reprend Claude, elle n'est pas capable de te demander si tu souhaites que vous fassiez quelque chose tous les deux ce soir. Elle dit qu'elle est une fille mais nous sommes en 2017, les filles sont clairement supérieures à nous... il s'arrête face à mon expression amusée. Qu'est-ce qui te fait rire?
— Rien, tu me rappelles juste quelqu'un que j'ai connu.
Le féminisme... c'était la marque de fabrique de Jen. Je dois l'oublier. Je secoue la tête et prends une grande inspiration.
— Si Taylor souhaite que nous fassions un truc plus tard, je suis partant, mais je crois que je préférerais que ce soit elle qui vienne m'en parler, tu vois? Je me racle la gorge.
— Complètement! Je m'en vais de ce pas te ramener ta belle.
Quelques instants après, Taylor pointe le bout de son nez devant le comptoir. Je me dirige vers elle, profitant du fait que l'heure d'affluence soit passée, elle me sourit mais triture ses mains qu'elle a posées sur le comptoir.
— Je te manquais déjà? Je la nargue pour qu'elle se détende.
— Non, hum... je me disais que puisque tu ne connais pas vraiment cette ville, tu ne connais certainement pas tous les trucs sympas qu'on peut y faire. Et puisque nous aimons tous les deux le basket et que nos équipes respectives s'affrontent ce soir, je crois que nous devrions nous rendre au Stade Hornet, celui de l'Université, ils font toujours des projections en direct des matchs et beaucoup de jeunes s'y rendent, elle dit le tout d'une traite avant de prendre une grande inspiration, l'ambiance est super.
— C'est d'accord. Je hoche la tête.
— Vraiment? Son regard s'illumine.
— Oui, ça a l'air cool et puis tu seras là alors je vais certainement m'amuser. Sans compter le fait que les Warriors vont vous mettre une véritable raclée.
— C'est ce qu'on verra.
Je souris en lui faisant un clin d'œil et elle s'en va. Ses cheveux valsent gracieusement quand elle s'éloigne de moi.
Ok je ne verrai pas les Warriors jouer en live, mais ce n'est pas plus mal, je n'aurais pas à tenir la chandelle entre Austin et Brandy, pas à tout faire pour les sortir de mon champs de vision quand ils se feront des papouilles. Je serai avec Taylor, c'est mieux.
***
Nous avons convenu avec Taylor de nous rendre à l'université chacun de notre côté. Elle m'a juste dit qu'elle avait de petites courses à faire et ça m'arrangeait puisque Austin avait besoin de sa voiture pour se rendre au Golden 1 Center, le stade des Kings.
J'ai vêtu tout ce que j'ai trouvé chez mon frère pour surligner le support indéniable et indélébile que je porte aux Warriors, un t-shirt jaune canard avec le nom de l'équipe et le numéro 30 de Stephen Curry au dos ainsi qu'une casquette du bleu de mon équipe.
Taylor avait raison, il y a déjà beaucoup de monde et la moyenne d'âge ne doit pas dépasser les 25 ans ici. L'entrée de l'université est noire de monde et j'essaie de dégoter Taylor parmi cette foule. Elle m'a dit être déjà arrivée et se trouver non loin d'une roulotte servant des hot-dogs et des nachos. J'ai repéré la roulotte et je me demande si la blonde au cheveux rattachés dans deux tresses sous une casquette violette et portant un t-shirt noir se trouve être Taylor.
J'hésite parce qu'elle n'est pas toute seule contrairement à ce qu'elle m'avait dit. Je m'en approche et reconnais bien Taylor et Charles, son ex. Je fronce les sourcils et mes poings se serrent sans que je n'ai à réfléchir. Taylor capte ma présence et semble mi-gênée, mi-enjouée. Quand j'arrive assez près d'elle, elle s'empresse de compresser ma main dans la sienne, tandis que Charles émet un sourire narquois. Je sens les ongles de Taylor s'infiltrer dans ma peau et je tourne la tête vers elle pour m'en plaindre, mais c'était avant que Charles ne se mette à parler.
— Comme ça tu m'a remplacé? Il pouffe de rire. Et tu l'amènes ici pour te pavaner comme si tout allait bien dans ta vie?
— Je vais bien... la voix de Taylor est fébrile.
— T'essayes de convaincre qui? Toi-même?
— Laisse-la un peu mec, j'expire longuement. Crois-moi, elle est bien mieux sans toi.
— C'est ça, il ricane, bon courage mec pour supporter une hystérique folle furieuse comme elle.
Il s'en va enfin et Taylor baisse les yeux. Elle a défait l'emprise qu'elle avait sur ma main. Elle cache son visage derrière ses mains. J'essaye de retirer ses mains de sa figure mais constate rapidement qu'elle camoufle juste sa tristesse.
— Eh! Je la prends dans mes bras. C'est un vieux con, il ne faut pas que tu laisses ses mots t'affecter. Tu es plus forte que ça et tu vaux tellement mieux que lui.
— Je le déteste.
— Il y a de quoi! Tu as vu toute cette arrogance injustifiée qu'il porte sur lui? Et puis il met encore du gel dans ses cheveux. Non, très franchement Taylor, je me demande comment as-tu pu rester aussi longtemps avec un mec comme lui.
Elle se décolle de moi et je suis content de constater que ses yeux sont secs et qu'un sourire est présent sur son joli visage soulignant son menton fin. Quand elle fixe un point dans mon dos, son sourire s'évanoui et je me retourne. Il y a Charles, embrassant langoureusement la fille avec qui il l'a trompé. Je prends la main de Taylor dans la mienne et embrasse son dos.
— En vrai, c'est lui le plus à plaindre, il est passé de Chanel à Walmart. Je hoche la tête.
Je sais très bien que Jen m'en aurait voulu d'avoir sorti quelque chose de la sorte car toutes les femmes sont parfaites chacune à leur façon d'après elle, mais puisque j'ai décidé de l'oublier je peux le dire haut et fort.
— Et moi je suis passée de quoi à quoi? Elle me demande en rougissant.
— Ça me paraît pourtant évident! Tu es passée d'une boutique d'une station service dans un coin pommé et sans nom à un Gucci Store.
— Vraiment? Elle rigole. Tu te considères comme un Gucci.
— Ce n'est pas de la considération ma jolie, c'est la réalité.
— D'accord Miles! Elle se retient de rire. Prêt à perdre?
— Les Warriors perdre contre les Kings? Je me moque. Prépare tes mouchoirs.
— On parie?
— Pari tenu ma jolie.
Taylor m'entraîne à travers le campus qui semble juste immense et je me rappelle soudainement que je dois encore passer un examen en fin d'année avant de peut-être avoir la chance d'étudier dans un endroit comme celui-ci mais que jusqu'ici à cause de mon job au café et de ma récente petite-amie je n'ai pas fait grand chose...
L'entrée était à 5$ par personne, je voulais payer, Taylor aussi alors ça a été à celui qui sortait un billet de 10$ le plus rapidement. J'ai gagné et ça c'est parce que mon porte-feuille est tout le temps dans la poche arrière de mon jean contrairement à Taylor qui s'évertuait à dénicher le sien dans son sac à main qui semble plein à craquer de choses inutiles.
Nous nous asseyons dans les gradins et je suis forcé de constater que 90% des jeunes présents supportent les Kings. Ce n'est pas grave, ça fera simplement 90% de déçus.
J'observe mes alentours, il s'agit originellement d'un stade de football américain, football bien moins séduisant que le soccer inventé par nous les anglais. En plein milieu, il y a un écran géant diffusant simplement pour l'instant le nom de l'université tandis qu'une musique pop/électro se diffuse dans les hauts-parleurs.
La mascotte, que tout le monde ici appelle Herky the Hornet (Herky le frelon) fait son show sur le terrain tandis que des cheerleaders font une démonstration. Il y en avait dans mon lycée, à Corvallis, mais elles ne faisaient jamais de figures aussi acrobatiques et leurs chorégraphies étaient toujours approximatives. Je plisse les yeux et crois bien reconnaître Lou dans l'uniforme vert foncé.
— C'est Lou? Je demande en pointant celle avec de longs cheveux bouclés et la peau noire.
Pour toute réponse Taylor hoche la tête et je veux lui demander pourquoi elle n'est pas elle aussi sur la pelouse, mais si c'est comme pour le mannequinat, Charles n'est certainement pas étranger à cette situation et je préfère ne pas ramener ce sujet sur la table.
Taylor sort un sachet de congélation de son sac cabas aux couleurs des Etats-Unis de chez Tommy Hilfiger. Il contient deux généreuses parts de gâteau.
— C'est toi qui l'a fait? Je l'interroge.
— Oui, je suis passée chez mon père, c'est son gâteau préféré alors je lui en ai fait un.
Jen aussi adorait les gâteaux à la cannelle mais ses parents aussi et puis je ne crois pas que les goûts alimentaires soient transmis dans les gênes.
— C'est aussi mon gâteau préféré, elle admet finalement.
— Tu aimes cuisiner?
Elle hoche la tête et dépose une part dans un mouchoir avant de me la donner. J'y goûte et son gâteau se trouve être vraiment excellent. Je veux le lui dire, mais un coup de sifflet retient mon attention, le match va débuter.
Nous ressortons du stade plus de deux heures plus tard, je suis surexcité! Les Warriors ont gagné. Oui, je m'y attendais puisque le palmarès des Kings n'est pas des plus doré contrairement à nous qui sommes champions du titre de la saison dernière. Mais qu'on gagne de 41 points d'écart? C'était juste inespéré... et surtout tellement beau putain. Taylor rumine à côté de moi et je ne fais rien pour améliorer la situation.
— Tu as vu la contre-attaque mémorable de Stephen Curry? Personne n'a rien pu faire, même pas Hield!
— C'est parce que la saison vient tout juste de reprendre... elle bredouille.
— La saison vient de reprendre pour tout le monde et les Warriors sont très en forme.
Elle hausse les épaules en soupirant. Elle est aussi triste que tous les autres supporters des Kings ici présents. C'est drôle à voir, mais comme c'est Taylor, je dois faire des efforts. Je lui propose que nous nous asseyons au bord d'une fontaine et que l'on discute, puisqu'un match de basket n'est pas vraiment un endroit opportun à quelconque rapprochement, enfin, sauf si on passe sur la Kiss Cam, mais ça, c'est une autre histoire.
— J'ai gagné le pari. Je ressasse ce qui me vaut un regard passablement agacé de sa part.
— Qu'est-ce que tu veux? Elle soupire.
— Je ne sais pas... enfin si, je veux mieux te connaître, savoir plus de trucs sur toi.
— Comme quoi? Elle porte ses yeux verts sur moi.
— Ta couleur préférée?
— Le bleu marine.
— Ton acteur préféré?
— Joseph Gordon-Levitt. Elle hoche la tête amusée.
— Ta destination de rêve?
— Paris.
— Ton groupe sanguin?
— Mon groupe sanguin? Elle rigole. Vraiment Miles?
— Tu n'imagines même pas à quel point c'est important! Moi, je suis B+, je préfère que tu le saches comme ça c'est plus rapide en cas de problème. Je déblaie.
— D'accord, elle rigole peu convaincue, je suis du groupe O-.
Je pousse un cris intérieurement. J'en étais sûr c'était l'information nécessaire pour confirmer ma théorie. Taylor est la fille génétique de Karen et Jorge. Leurs groupes sanguins correspondent contrairement à celui de Jen. Et puis, la cardiomyopathie dilatée est une maladie héréditaire alors que ni Karen ni Jorge n'en sont atteints. Jen et Taylor ont été échangées à la naissance ce qui signifie qu'au moins un des parents "adoptifs" de Taylor a une cardiomyopathie dilatée. Ou peut-être devrais-je dire avait... elle m'a parlé de son père plus tôt... sa mère.
Les mots sortent de ma bouche sans que je n'ai vraiment pu réfléchir, certainement à cause du fait que j'ai raison sur toute la ligne, et se précipitent dans les oreilles de Taylor.
— Comment s'appelle ta mère?
Elle écarquille ses yeux et de la tristesse s'accumule subitement sur son visage. Sa lèvre inférieure se met à trembler. Elle pose sa main sur la mienne et comme pour se donner du courage, elle inspire profondément.
— Elle... Linda. Elle s'appelait Linda. Elle est morte d'un problème de coeur...
— Je suis désolé... je dis à voix basse en caressant sa main.
— Tu ne pouvais pas t'en douter. Elle secoue la tête.
Si...
Je suis pris de culpabilité. Je vois très bien dans ses yeux que Taylor se ressasse les événements dans sa tête. Une larme s'écoule sur sa joue et je m'empresse de l'essuyer. Elle reste silencieuse et fixe son regard sur le sol en graviers. Je passe ma main sur sa cuisse avant de lui déposer quelques baisers dans le cou pour la réconforter.
— Si tu ne te sens pas bien, je peux te ramener en taxi chez toi...
— Non.
Elle pose sa main sur mon torse et je m'écarte d'elle. Je la détaille avec attention et elle en fait de même, me jaugeant par la même occasion.
— Je veux vraiment faire quelque chose... mais j'ai tellement de mal, elle s'exténue.
— Qu'est-ce que tu veux faire?
— Je veux te faire confiance, croire que je peux tout te dire, que tu es gentil... Tu as confiance en moi?
— Oui.
Je réponds sans mentir, je sais très bien que j'octroie ma confiance facilement, contrairement à elle visiblement. Mais elle a raison de se méfier de moi, mes intentions sont tordues et elle finira par en souffrir. Je devrais lui dire sur le champs que je veux qu'on arrête tout, que c'est devenu trop sérieux, que je préfère ne pas m'attacher, mais mon petit doigt me dit que ce serait la rupture de trop pour elle. De toutes façons je finirai par la faire souffrir, autant le faire maintenant. J'ai mes réponses, elle est du groupe O et sa mère "adoptive" avait une cardiomyopathie dilatée, c'est assez pour que je continue mon enquête sans elle.
J'entrouvre la bouche pour me lancer dans un monologue de rupture, mais, elle me prend de court.
— J'avais 6 ans quand elle est morte. Elle avait une maladie du cœur depuis sa naissance et elle était considérée comme une miraculée de la vie du haut de ses 36 ans. Elle allait souvent à l'hôpital et petite je pouvais passer des semaines sans retrouver ma mère à la maison. Mes parents ne voulaient pas que je les accompagne à l'hôpital sauf le dernier jour. J'étais contente d'aller à l'hôpital parce que j'aimais beaucoup jouer au docteur et quand j'ai vu ma mère allongée dans un lit et branchée à d'énormes machines, je n'avais envie que d'une chose, qu'elle vienne jouer avec moi. Je me rappellerai toujours de notre discussion, elle m'a dit de rester sage, de toujours écouter mon père, de prendre soin de lui, qu'elle m'aimait de tout son cœur malade, qu'elle était prête à tous les sacrifices pour moi mais qu'elle devait s'en aller. Elle m'a fait un bisou sur la joue qui a duré presque deux minutes et puis quand je me suis écartée d'elle, elle m'a dit de mettre mes deux mains devant mon visage, elle m'a dit que c'était mon bouclier et que je peux le sortir dès que je le veux puisqu'il ne peut blesser personne, juste me protéger. J'ai mis mes deux mains devant mon visage et quelques secondes plus tard, un bip incessant s'est mis à sonner dans la chambre d'hôpital. Ma mère est morte...
Et c'est comme ça que je décide de ne pas faire souffrir Taylor... même si cela signifie de ne pas lui dévoiler la vérité. Elle a déjà trop souffert pour découvrir les parties sombres de son existence.
C'est une promesse et, moi en vie, je tiens toujours mes promesses.
*******
Hey!
J'espère que vous allez bien,
Et que ce chapitre vous a plu !
Ouii un chapitre un jeudi, suis-je certaine d'aller bien ? Oui! En fait pour tout vous dire j'ai fini d'écrire Heart Monitor... je ne vous dirai pas combien de chapitres il reste, mais je peux vous dire que vous en aurez jusqu'à mars! Pourquoi je ne poste pas tout d'un coup? Parce que sinon ce n'est pas drôle :( je préfère vous laissez mijoter entre les chapitres ❤️ (et puis ça me permettra de prendre de l'avance sur ma prochaine histoire ❤️)
Mais croyez moi j'ai trop hâte que vous arriviez jusqu'à la fin!
Cœur cœur ❣
Noémie =)
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