Chapitre 20
"C'est toujours difficile de revoir une inconnue, alors que c'est si simple d'en croiser tous les jours" - Suzanne Jacob
Il m'a fallu deux semaines pour en savoir plus sur Taylor, sur ses habitudes, ses fréquentations... Au départ je la suivais juste via les réseaux sociaux et puis un jour elle s'est rendue à Southside Park et j'ai décidé de l'y rejoindre. Je m'étais habillé normalement et j'avais enfoncé une casquette sur ma tête car elle ne doit se douter de rien.
Je me suis rendu en bus au parc, regrettant passablement ma bicyclette abandonnée à Corvallis. Le parc est bien plus petit que ceux que nous avons à Corvallis, mais il n'est pas non plus minuscule. J'ai dû me promener à travers durant plusieurs minutes, marchant doucement et observant mes alentours. Il y a un petit lac au milieu rempli de nénuphars, de crapauds et de canards, entouré d'aires de repos, de jeux, de fitness, un terrain de basket, un autre de tennis. Il est bien plus équipé que ceux de Corvallis, je ne peux pas le nier. Là-bas il y avait uniquement un terrain de basket sur lequel Derek et moi avons passé de nombreux après-midis sous les fervents encouragements de Jen.
J'avais cru apercevoir Taylor plus d'une fois, mais chaque fois que je m'en rapprochais, je perdais légèrement espoir. Mais j'avais fini par la voir, elle était installée à même le sol au bord du lac avec deux amis. Leurs visages me sont familiers puisque Taylor a posté un nombre incalculable de photos d'eux trois. Il s'agit de Lou et de Claude, je suppose qu'ils sont meilleurs amis.
Quand je l'ai reconnue, j'ai eu un temps d'arrêt parce que je ne savais plus quoi faire. Avant de la voir en chaire et en os, tout semblait irréel et là tout devient concret. Elle portait une robe bleue marine, légère, face à la vague de chaleur qui planait sur Sacramento ce jour-là. Ses cheveux blonds sont longs et fins, ils brillaient à la lumière du soleil.
D'où j'étais, elle ne pouvait pas me voir et c'est tant mieux, elle aurait certainement flippé en surprenant un étranger à la regarder fixement et de façon statique.
J'ai totalement perdu mon courage en la voyant, elle est vraiment belle et elle semble heureuse dans sa vie. Sur le coup, j'ai voulu tout abandonner, j'ai voulu partir en courant, j'ai voulu rentrer à Corvallis. Mais je ne pouvais cesser de me remémorer la promesse que j'ai faite à Jen... alors j'ai fermé les yeux, serré son pendentif dans ma main et quand la bande d'amis s'est relevée, je les ai suivi... jusqu'à ce qu'ils me sèment en entrant tous les trois dans une berline noire.
Et j'ai continué, me rapprochant chaque fois un peu plus d'elle.
J'observe la devanture de C8H10N4O2 qui est un café de Sacramento. La devanture est simple, une vitrine ajourant la vue sur plusieurs tables remplies et le nom écrit en capitales bleues sur un fond blanc. Je crois que ce café, ayant la formule chimique de la caféine comme nom, est bien plus fréquenté que celui de mon père. Enfin je ne crois pas, c'est carrément certain, chaque minute au moins la porte s'ouvre pour laisser entrer ou sortir un client.
Je regarde l'heure, il est 8h02. Ils ne devraient plus tarder. Je tourne la page du journal de Jen pour découvrir un nouveau jour. Je l'ai pas mal épluché ces derniers temps, il m'a permis de me rattacher à quelqu'un puisque Derek et moi ne communiquons plus vraiment. Nous parlons, mais je ne lui dis rien quant au fait qu'il ait décidé de se joindre à une fraternité et il ne me dit rien quant à mon départ de Corvallis. Nos discussions sont donc assez hypocrites et se font de plus en plus rares. Je garde pourtant sa bague, elle est coincée sur mon annulaire et je n'ai pas encore pris le temps de trouver une manière de l'extirper. J'ignore s'il garde ma chaussette... peu m'importe.
"9 Novembre 2008
Cher Journal,
C'est encore moi, Jen, enfin c'est normal puisque tu es à moi. Je ne t'ai pas écrit depuis deux mois je crois, mais entre temps j'ai été à l'hôpital et tu sais que je n'aime pas vraiment t'en parler. Je préfère garder tout pour moi. Mais bon, je crois que j'ai, encore, faillit mourir. Je me suis réveillée en pleine nuit, mon cœur battait vite et j'ai fini à l'hôpital. Les docteurs m'ont gardé longtemps et puis ils m'ont laissé retrouver ma chambre. Il y avait Milou et j'en ai profité pour lui réciter la poésie que j'ai trouvé dans un livre de mes parents. Je sais pas pourquoi, mais il s'est mis à pleurer... pourtant j'aime bien la poésie, elle dit tout ce que je veux lui dire mais en mieux.
Mais bon ça c'était il y a un mois déjà! Aujourd'hui, c'était l'anniversaire de Milou. Il m'a rejoint dans le club des grands et a maintenant neuf ans comme moi. Il m'a invité chez lui pour une fête et je croyais être la première à arriver puisque j'habite à côté de chez lui mais non, il y avait déjà un autre garçon qui s'appelle Derek. Il est vraiment trop beau et j'adore ses cheveux bouclés mais il est méchant. Quand je suis arrivée les garçons jouaient au basket, Milou a tout arrêté pour me dire bonjour mais Derek se moquait de moi parce que je refusais de jouer avec lui, il me traitait de "poule-mouillée". Quant il m'a lancé le ballon me disant de faire un panier, j'ai fini par lancer le ballon sur lui, pile dans son visage, j'ai rigolé. Milou et ses parents étaient un peu fâchés contre moi et Milou m'a dit que Derek est son ami, que je dois essayer de le supporter, mais pour l'instant je trouve de c'est juste un vieux imbécile.
Mais sinon la fête était trop bien, il y avait du gâteau au chocolat, des bonbons, on a joué à Uno et à pleins d'autres trucs mais là je suis fatiguée, je vais faire dodo."
Je le range dans mon sac et souris dans le vide. Je me rappelle très bien de leur rencontre électrique. Sans grande surprise leur mauvaise entente s'est poursuivie jusqu'à ce que nous soyons tous les trois dans le même collège. Je crois qu'ils étaient plus matures et qu'ils étaient au final très similaires, même s'ils n'étaient pas non plus meilleurs amis.
Je vois la bande d'amis marcher sur le trottoir d'en face. Ils rigolent entre eux dans une bonne humeur indéniable. Je sais qu'aujourd'hui est le jour où je dois faire bouger les choses. Il est temps. J'attends que cinq minutes s'écroulent et pousse la porte du C8H10N4O2. Je n'ai même pas encore mis un pied dans le commerce que mon nez est déjà embaumé par cette forte odeur de café. Il y a la queue près du comptoir et presque toutes les tables sont prises. Du coin de l'oeil, je constate que le trio d'amis est déjà installé et qu'ils touillent tous dans des mugs transparents.
Je sais que je dois avoir l'air normal, alors je fais mine de ne pas me préoccuper d'eux et me concentre sur la sélection de boissons chaudes et froides. Je suis content de constater que les cafés sont classiques ici, pas d'extravagances et bons si j'en crois sa fréquentation. Mais six dollars le café au lait ça fait cher. Il y a aussi des parts de gâteaux qui ont l'air alléchantes. J'avance d'un pas, hochant légèrement ma tête au rythme de la musique électro.
Quand vient mon tour, je manque de pousser un cri en découvrant mon serveur.
— Ça alors! Mon pote! Il s'exclame. J'ai tellement flippé en remarquant que tu m'avais pas filé ton numéro de téléphone et voila qu'on se retrouve! Je suis trop content!
Il s'exclame fort et son accent légèrement hispanique est bien perceptible. Il est toujours aussi court sur pattes et visiblement toujours aussi bavard. Il est toujours Ludovic en somme.
— Choisis ce que tu veux, c'est la maison qui offre! Il m'annonce en souriant.
— Un café au lait s'il-te-plaît. Je dis en hochant la tête.
— Le mot magique!
— J'ai dit s'il-te-plaît.
— S'il-te-plaît qui? Il me montre son badge sur lequel est écrit son surnom.
— S'il-te-plaît Ludo, je soupire afin de ne pas faire perdre du temps aux autres clients.
Il me sourit et s'active derrière le comptoir, il semble plein d'assurance dans ce cadre là, plus mature en fait. Je tourne un instant la tête sans vraiment orienter mes yeux et ceux-ci captent le regard de Claude posé sur moi. Le blond vénitien aux lunettes de style aviateur passe une main dans ses cheveux avant de détourner le regard. Je le dévisage un instant, tentant de comprendre la situation. Je n'ai pas été assez discret? Quelque chose comme cinq secondes plus tard, Taylor se retourne vers moi et je me sens soudainement très mal à l'aise, je détourne la tête et me masse la nuque.
Je me suis assis à une table seul. Je crois que j'attends que Ludovic prenne sa pause comme il me l'avait dit. J'aime bien Ludovic au final, il est sympa et puis il est très gentil. Je ne me considère pas comme un bâtard alors je l'attends tranquillement, jetant de nombreux coups d'œils à la table de Taylor. Je suis assez inquiet, j'ai peur qu'ils aient remarqué ma présence derrière eux depuis plusieurs jours, pourtant j'ai toujours été super attentif. Putain.
— Celle qui a la peau matte c'est Lou, la blonde c'est Taylor et le roux c'est Claude.
Commence Ludovic en s'installant face à moi. Il a retiré son tablier et maintenant on aurait tendance à croire, que des parents ont oublié leur enfant dans ce café.
— Tu les connais. Je plisse les yeux.
— Non, mais je les sers tous les matins depuis que je suis ici, alors c'est tout comme. Laquelle ou lequel, je ne juge pas, t'intéresse?
— Je suis hétéro et aucune ne m'intéresse, je réponds sur la défensive.
— C'est ça! Il sourit. Je suis certain que c'est Taylor.
— Ta gueule, je peste. Elle ne m'intéresse pas plus que ça.
— Si tu le dis, tu veux pas qu'on sorte deux minutes? Il sort un paquet de cigarettes de sa poche.
— Parce que toi tu fumes? Je pouffe. T'as quel âge au juste?
— J'aurai 19 ans en Décembre.
Ma mâchoire se décroche tandis que je le scrute attentivement. Il est plus vieux que moi? Non, il fait erreur. Je lui donnais 16 ans juste parce qu'il quittait sa petite ville natale pour aller s'installer dans une capitale, mais physiquement il fait 14 ans. C'est juste impossible. Il n'a pas le moindre signe de pilosité faciale ni même de restes de puberté.
— Tu te fous de moi? J'hésite.
— Ouais, je sais, je ressemble à un enfant, il lève les yeux au ciel. Dans mon lycée tout le monde se moquait de moi à cause de ça. Mais ouais j'aurai bientôt 19 ans et je ressemble toujours à un fœtus. C'est pour ça que je fume, la cigarette ça donne une voix grave et puis ça vieillit le visage.
— Mais ça stoppe pas ta croissance ta connerie là? Je désigne son paquet de cigarettes.
— Peut-être bien, il hausse négligemment ses épaules.
Je laisse passer pour cette fois et n'oublie pas de sortir avec ma boisson chaude à la fois corsée et douce. Ludovic m'accompagne à l'extérieur et nous nous reposons contre la vitrine. Je regarde du coin de l'œil Ludovic allumant sa cigarette. Il finit par m'en proposer une mais je refuse, ce n'est pas mon truc.
Je déguste mon café tout en observant les voitures défiler sous mes yeux et tente d'éviter au maximum la fumée recrachée par Ludovic. Ce dernier me raconte toutes les fois où on l'a accusé d'avoir falsifié sa pièce d'identité tant il semble jeune.
La porte du café s'ouvre une fois de plus, laissant sortir Claude suivi de Lou puis de Taylor. Claude me dévisage avant de porter son attention sur Ludovic et de lui faire un signe de main. Les deux filles en font de même mais j'évite leurs regards sentant un malaise grandir en moi.
— C'est dingue! J'aurais parié que t'étais un vrai dragueur. T'aurais carrément pu répondre au regard enflammé de la brune mais que dalle. S'étonne Ludovic une fois le trio éloigné.
— Hein?
— Bah ouais, je crois qu'elle craque totalement pour toi. Elle est canon, non?
— Ça va, je hausse les épaules indifférent.
— Sérieux, il y a tant de belles filles d'où tu viens et tu n'es même pas étonné par cette beauté pure?
— Il faut croire que oui, je souris en pensant à Jen.
— J'hallucine! T'es déjà amoureux, il s'écrie. Comment elle s'appelle? Comment vous vous êtes rencontrés.
Je tourne ma tête vers lui, lui lançant un regard on ne peut plus ennuyé. Je n'ai aucunement envie de lui parler de Jen, tout simplement parce que c'est impossible, comment peut-on être fou amoureux d'une morte. On est simplement fous.
Il déglutit sa salive difficilement puis vient prendre une nouvelle taffe dans sa cigarette. Je porte mon attention sur l'intérieur du café, où les serveurs semblent encore s'activer derrière le comptoir. Mon sang ne fait qu'un tour dans mon corps, je tourne immédiatement ma tête vers Ludovic. Je souris, j'ai une idée.
— Par hasard, vous ne cherchez pas à recruter quelqu'un? Je demande.
— Si, mon oncle cherche quelqu'un depuis quelques temps. T'as de l'expérience dans le milieu?
— Mon père tient un café depuis que je suis petit, alors oui je m'y connais plutôt bien.
— Trop cool! Faudra que tu rencontre mon oncle Miguel. Je pourrai travailler avec pour pote, ce sera trop génial!
Je lui souris pendant qu'il tapote mon épaule. Je pourrai revoir Taylor tous les jours et j'aurais une raison légitime de lui adresser la parole. Tout se passe bien jusqu'ici je crois.
*******
Hey!
J'espère que vous allez bien,
Et que ce chapitre vous a plu !
Je galère vraiment en ce moment, j'ai trop de trucs à faire et trop peu de temps pour le faire :( mais bon je garde la foi ça ira hein!
Mais bon hier soir j'ai réussi à regarder mon premier film de Noël de l'année, je sais plus trop comment il s'appelle mais y avait « Noël » et « Cendrillon » dans le titre, c'était super cucu et cliché mais c'est le but! (Il est dispo sur mytf1 si vous souhaitez)
Merci pour tout ❤️
Noémie =)
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