Chapitre 18
"La plupart des conseils d'adultes sont des clichés d'merdes, parce qu'ils ont pas compris l'jeu mais ils suivent les règles." - Orelsan
Je sors lentement de ma chambre afin de savoir si mes parents dorment ou non. J'entends du bruit dans la cuisine, alors, je suppose qu'ils sont encore éveillés. Je descends les escaliers et trouve ma mère allongée dans le canapé gris visionnant un film Bollywoodien. Elle se redresse en me voyant arriver et me sourit gentiment.
— Tu as faim?
— Un peu oui... je fais doucement.
— Il y a des restes dans la cuisine.
Je hoche la tête et m'y dirige rapidement parce que c'est ma mère et qu'à tout moment elle peut cramer que je compte me barrer du foyer familial cette nuit. Je trouve mon père faisant la vaisselle tout en sirotant une bière. Quand il me voit il me sourit et je sais à l'avance qu'il a un service à me demander.
— Oui? Je dis tout en récupérant une assiette.
— Je me disais que puisque tu ne vas plus au lycée, tu pourrais venir me donner un coup de main au café?
— Je ne suis pas en vacances, je travaille sur mes cours à la maison.
— Mais c'est que ton père et moi, ma mère débarque dans la cuisine, pensons que ce n'est pas une bonne chose que tu restes seul durant des journées entières et enfermé à la maison.
— J'aurai bientôt dix-huit ans et vous ne me faites toujours pas confiance? Je dépose bruyamment mon assiette pleine contre la table. Vous ne savez pas ce que c'est d'être à ma place...
— Tu vas où? Ils m'interrogent en cœur.
— J'ai plus faim, je vais dormir.
Je monte dans ma chambre en sautant des marches et ferme la porte à clés. Je récupère ma valise se trouvant au-dessus de mon placard et l'ouvre au sol. Je prends un maximum de t-shirts, de jeans, de caleçons, de chaussettes et deux paires de baskets. Pour ce qui est des savons, dentifrices, shampoing... j'en trouverai sur place. Je prends ensuite mon sac à dos noir et y fourre mon passeport, mon porte-feuilles, mon ordinateur, le carnet de Jen.
Je laisse ensuite ma chambre dans la pénombre, simulant mon sommeil. Je suis sous ma couette et je regarde quand partira le prochain bus pour Sacramento. Il n'y a aucune ligne direct et je devrai d'abord me rendre dans le centre de la ville, prendre le Greyhound bus, direction Vancouvert, et descendre à Salem. De là, je monterai ensuite dans le Coast Starlight bus, direction Los Angeles, et descendrai à Sacramento. Le premier bus passe à 4h10 alors je me mettrai en route vers 3h30.
Je décide de ne pas dormir, pour me réveiller il faudrait que j'active une alarme, or les cloisons sont plutôt fines et je ne souhaite pas réveiller mes parents. Je traîne alors sur mon portable, constatant que Derek semble toujours autant s'amuser dans sa soirée, il est totalement déchiré. Aurore aussi est à une fête, elle semble s'amuser comme une folle, ses cheveux bleus volent dans tous les sens sur ses snaps. Je laisse défiler sa story et voit qu'elle prend la pose avec Nikita qui porte un débardeur et une jupe affriolants.
Il est 3h15 précisément. Je m'habille à la clarté de la lune, un jean, un t-shirt au-dessus duquel j'enfile un sweat bleu marine et une veste en jean puis chausse mes bottes. Je vérifie une dernière fois que j'ai tout et alors que je comptais m'en aller comme un voleur, je décide de laisser un mot derrière moi.
"Maman, papa, je suis désolé, j'ai besoin d'espace. Je vous aime énormément mais il faut que je parte d'ici... je reviendrai surement ou peut-être pas. Ne me téléphonez pas s'il-vous-plaît... ça ne fera que rendre la situation plus compliquée. Je vous aime. Miles."
J'enfile mon sac à dos, ferme ma valise et la porte sans un bruit jusqu'à la sortie de la maison. Je dois marcher jusqu'à la gare routière, je n'ai pas d'autre choix. J'en ai pour trente minutes, j'espère que les roues de ma valise tiendront la route.
Il fait nuit et les routes sont uniquement éclairées par des réverbères, diffusant une lumière jaune. J'ai enfoncé mes écouteurs dans mes oreilles et la musique m'empêche de réaliser la gravité de ce que je suis entrain de faire. Je sais que je veux voir Taylor... savoir si j'ai raison ou si j'ai tord sur toute la ligne. Je n'ai plus rien à perdre, j'ai déjà perdu Jen.
Il est 4h03 quand j'arrive sur place. Je me dépêche d'acheter un ticket de bus dans l'automate. Le bus pour Salem ne devrait plus tarder et je crois bien être le seul à l'attendre. Je m'assois sur ma valise dans l'abribus sentant progressivement la fatigue m'asséner.
Le Greyhound bus fini par arriver à 4h17, je range ma valise dans la soute et grimpe à l'intérieur. Le bus est presque entièrement vide, nous sommes sept en comptant le chauffeur. Je m'assois à un banc vide, contre la fenêtre et le bus démarre. J'observe les rues de Corvallis se dessiner sous mes yeux, nous dépassons le parc municipal, puis l'université et quand nous passons devant l'entrée de la propriété des parents de Rima, je sais que je quitte vraiment Corvallis. Je ferme les yeux quand nous dépassons le panneau "A bientôt à Corvallis". A bientôt ou à jamais.
Je n'arrive pas à trouver un sommeil profond, notamment parce que la climatisation du bus a un bruit redondant et agaçant. J'ai beau tenter de changer de position, rien à faire. Je décide alors de mettre mes écouteurs mais forcé de constater qu'écouter Logic est loin d'être soporifique, j'ouvre les yeux et observe le paysage défiler sous mes yeux.
Après quarante minutes de route, nous voyons enfin le panneau souhaitant la bienvenue à Salem. Je pousse un long soupire, ce n'est que le début du périple mais j'en ai déjà marre, j'aime beaucoup conduire sur de longues distances mais je déteste être conduit sur de longues distances, c'est ennuyant à souhait.
Je descends dans la gare de Salem qui ressemble trait pour trait à celle de Corvallis, comme toute la ville d'ailleurs. Je crois que c'est parce que nous sommes dans l'Oregon, il y a partout la même verdure, la même architecture, le même fleuve. Salem est la capitale de l'Etat, mais elle n'a rien à voir avec les sorcières de Salem et leur procès... ça, c'était à Salem dans le Massachusetts.
Pourquoi les américains sont-ils incapable de trouver des noms différents pour chacune de leurs villes? Pourquoi il y a-t-il Washington la ville et Washington l'Etat alors que ceux-ci sont placés aux deux extrémités du pays?
Je récupère ma valise et patiente de nouveau jusqu'à ce que le prochain Coast Starlight bus arrive et cette fois, je ne suis pas le seul dans l'abribus. Il y a deux hommes ayant la cinquantaine avec moi. Le bus arrive et je grimpe dedans après avoir vérifié qu'il se dirige bien vers le sud et rangé ma valise dans la soute.
Le trajet durera 14 heures contre 8 heures si je l'avais fait en voiture. Je me rassure en me disant que je pourrai me reposer.
Le bus a quitté Salem à 5h45, c'est-à-dire il y a une heure. Je suis assis seul sur ma banquette, tentant d'être le plus confortable que possible quand une sonnerie me tire brusquement de mes rêveries. Il me faut quelques temps pour réaliser qu'il s'agit de la sonnerie de mon portable. J'expire longuement en voyant le numéro de ma mère s'afficher sur l'écran. Je décroche sur les nerfs, sachant très bien ce que je dois faire.
— Quoi? Je fais durement.
— Miles! Sa voix est complètement brisée.
— Quoi? Je répète.
— Tu vas où? Pourquoi tu pars? Si c'est parce que ton père et moi te brusquons, reviens, je te promets que nous arrêterons ça... s'il-te-plaît Miles... un de mes fils m'a déjà tourné le dos je ne veux pas perdre mon tout dernier.
— Fallait peut-être réfléchir pour ça, ne pas être égoïste et ne pas quitter Manchester. Bye.
Je raccroche sentant ma voix s'affaiblir. Je suis désolé maman et je ne peux rien te dire, tu ne me comprendrais jamais.
Nous atteignons le deuxième stop situé à Eugène et c'est là qu'un jeune à l'air mexicain et court de taille entre dans le bus et que de toutes les banquettes et places libres il choisit celle qui est juste à côté de moi. Je ne retiens pas mon signe de mécontentement et pourtant il ne le capte pas puisqu'il m'observe en souriant.
Je me colle contre la vitre et il en profite pour se mettre un peu plus à l'aise. J'augmente la musique de mes écouteurs tentant de faire abstraction de ce malotru.
J'avais fini par ôter mes écouteur et j'étais plongé dans un profond sommeil mais c'était sans compter sur la soudaine envie de chips de mon voisin. J'entends très clairement le bruit de chacune de ses chips craquant sous ses dents. J'essaye de l'ignorer et de focaliser mon attention sur autre chose, en vain, j'ouvre les yeux et me redresse. Je masse mon cou encore endolori en visant avec haine le paquet de junk food.
— T'en veux? Il me tend le paquet.
— Non, je grimace.
— Quoi? T'aimes pas? C'est au cheddar fondu, c'est trop bon. Il reprend une poignée.
— Je vois juste un truc super gras et rempli d'édulcorants.
Il me dévisage avant de se mettre à lire l'étiquette du paquet. En temps normal, j'aime les chips, mais je n'ai juste pas envie que ma main traîne là où traîne la sienne. Il hoche la tête, mime une tête écœurée, replie son paquet et le fourre dans son sac.
— T'as raison mon pote.
Je me racle frénétiquement la gorge. Mon pote? Non je ne crois pas non.
— T'es anglais, hein? T'as l'accent et l'attitude qui va avec. Il reprend.
— Ouais, je soupire fatigué.
— Je suis trop fort! Il s'écrie. Tu sais mon pote, j'ai un don pour capter ces trucs là. Je devine que tu t'appelle John, tous les anglais s'appellent John.
Il a déjà été en Angleterre pour avancer des âneries pareilles?
— Raté. Tu descends où, mon pote, je me force.
— Je vais à Los Angeles, tu sais pour suivre ma carrière dans le monde du cinéma, Hollywood, les stars, c'est mon milieu. Il dit convaincu. J'ai joué dans un film une fois.
Je le regarde en biais n'y croyant pas du tout et il explose de rire.
— Je rigole! J'ai déjà tourné dans un court-métrage quand j'étais au lycée... mais c'est tout. Je vais à Sacramento et toi?
— Pareil.
— Wow mais c'est trop bien, on pourra se voir alors mon pote! T'y vas pourquoi? Moi mon oncle a besoin d'aide dans son café. Il se rapproche de moi et chuchote. C'est un café super branché et apparemment plein de jolies filles y passent.
— J'y vais pour un truc privé.
— Pardon, monsieur a des secrets! Il ironise. Tu t'appelles comment au fait mon pote? Moi c'est Ludovic, mais tu peux m'appeler Ludo.
— Miles. Je m'appelle Miles.
Il sort son ordinateur de son sac et lance un film avec Jim Carrey, Dumb et Dumber De. Il me propose de partager ses écouteurs mais je refuse poliment. Je le regarde du coin de l'œil en souriant. Il doit avoir 16 ans et il quitte déjà son foyer pour une plus grande ville. Ça me rassure passablement sur ma situation.
Je profite du fait que Ludovic, je refuse de l'appeler Ludo, soit occuper pour sortir le journal intime de Jen. Je caresse la couverture et reprends ma lecture à l'endroit même où je m'étais arrêté quelques jours auparavant.
Elle a dessiné des personnes et je crois qu'il s'agit d'elle et moi. Nos tête sont quelques peu difformes mais je crois tout le même nous reconnaître. Mes yeux vers sont justes représenté par deux petits points et mes cheveux sont en piques. Je lui tiens la main alors que son visage est triste et que son cœur dans sa poitrine est apparent.
Sur la page d'après c'est son écriture, enfin celle qu'elle avait en apprenant à écrire.
"16 Janvier 2006,
Cher journal,
Désolée de ne pas t'avoir écrit pendant longtemps. J'étais occupée avec mon meilleur ami, Milou! Je te promets de te raconter plus de choses heureuses avec lui plus tard, mais tout à l'heure il pleurait parce que mon cœur a encore voulu danser dans moi. Papa me dit qu'il fait ça parce qu'il s'ennuie et qu'il veut s'amuser, mais ça me fait mal. Milou a eu peur et il est venu avec moi à l'hôpital même si sa maman ne voulait pas. Je me suis endormie mais quand je me suis réveillée le docteur m'a dit que j'étais la plus forte, il m'a donné une sucette et il en a donné une à Milou qui est resté sage comme une image pendant que je dormais."
Une larme coule doucement sur mon visage et je l'essuie immédiatement. Je me retourne vers mon voisin il regarde encore son film. Je regarde l'heure, il reste sept heures de trajet. Je m'enfonce un peu plus dans mon siège et regarde le paysage défiler sous mes yeux, sous les rires étouffés de Ludovic focalisé sur son écran.
Ça y'est! Il est tout juste vingt heures quand je pose un pied sur le sol de Sacramento. La gare est située en plein centre ville ce qui facilite la recherche de taxis. Je récupère ma valise et salue rapidement Ludovic.
Je rentre dans le premier taxi et mes jambes qui se sentaient déjà soulagées d'être tendues doivent de nouveau se plier, me créant quelques engourdissements dans les pieds. J'indique l'adresse que j'avais noté sur un bout de papier au chauffeur et il la rentre dans son GPS. Sur le chemin, j'observe les bâtiments qui sont rudement hauts par rapport à ceux de Corvallis même s'ils sont loin d'être gigantesques.
Le trafic est fluide ce qui me permet d'arriver rapidement dans l'Est de Sacramento. Si ma mémoire est bonne, c'est de ce côté que se trouve l'Université d'Etat de Californie à Sacramento. Le taxi s'engage sur Folsom Boulevard et après quelques minutes tourne sur la 47ème rue, puis sur Henry Way avant de couper le conteur et de se retourner vers moi. Je règle la somme attendue et le remercie d'avoir sorti mes bagages.
Je regarde autour de moi. Je suis dans un quartier résidentiel qui ressemblerait presque à un de Corvallis. Les maisons sont charmantes sans même être immenses. Je m'avance dans le jardin de la quatrième maison, elle est blanche sur deux étages et a même une petite niche en bois dans le jardin.
Je suis juste devant la porte et je suis étonné d'entendre des rires en provenance de l'intérieur. Je lis l'étiquette, oui je suis bien chez Austin Bell, mon frère de 6 ans mon aîné. Je prends une grande inspiration avant d'appuyer sur la sonnerie. Les rires se déplacent vers moi et bientôt j'entends un bruit dans la serrure et la porte s'ouvre lentement.
Je retiens mon souffle tandis que j'observe ce visage à la fois si lointain et familier. Ses yeux d'un marron presque noir et son visage carré. Il a changé. Il a beaucoup changé. Il a une barbe d'une semaine, ses cheveux sont longs mais ils les a rattaché dans un man-bun. Il a plusieurs tatouages sur son torse, sur ses bras. Je suis encore son actualité sur les réseaux sociaux et nous parlons une fois comme ça au téléphone mais je ne l'avais pas revu en chaire et en os depuis qu'il a foutu le camp de Corvallis dès qu'on lui a remis son diplôme. C'était il y a six ans.
Il fronce les sourcils et me dévisage de haut en bas. Il voit très bien qui je suis mais ne réalise pas vraiment. Il sort complètement de la maison, me rejoignant sur le perron et ferme la porte derrière lui.
— Miles? Il hésite.
— Salut... je tente un sourire.
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Hey!
J'espère que vous allez bien,
Et que ce chapitre vous a plu !
J'espère que vos vacances se passent bien et que vous en profitez bien! ❤️
Si vous avez fêté Halloween, en quoi vous êtes vous déguisés?
Cœur cœur ❣
Noémie =)
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