Chapitre 25 : Alastor se confie
-Ou m'emmenez-vous Alastor ?
-Vous verrez.
Le démon de la radio conduisit Vicky dans un autre couloirs du cinquième étage et s'arrêta soudain face à un cul de sac, dont une fenêtre donnait sur la rue principale de Pentagram City. Face à cette impasse, la jeune femme ressentit son rythme respiratoire s'accélérer, se rappelant de son cauchemar, notamment du moment où elle s'était retrouvée dans une voie sans issue... c'était là qu'elle s'était faite violée dans sa vie. Et si Alastor voulait... ?
Mais non, elle le vit descendre une échelle en bois venant du plafond et une trappe était ouverte, comme s'il y avait un grenier ou quelque chose dans le genre. Vicky sentit un courant d'air provenant de la trappe, lui ébouriffer ses cheveux, comme si cette trappe menait vers l'extérieur – c'était probablement le cas d'ailleurs.
-Venez Victoria, lui dit Alastor, c'est là-haut que ça se passe. Soyez prudente, l'échelle est quelque peu glissante.
Vicky laissa d'abord passer le démon de la radio, avant de s'agripper à son tour aux barreaux de l'échelle. Mais où l'emmenait-il ? Elle grimpa à l'échelle tout en prenant bien garde de ne pas marcher sur le bas de sa chemise de nuit et monta vers la trappe ouverte, le courant d'air s'était fait bien plus fort tout à coup car il fouettait le visage et les cheveux de la jeune femme.
-Un peu d'aide, myladie ?
L'Overlord tendit sa main vers Vicky, qui s'en saisit pour gravir les derniers barreaux de l'échelle. Arrivée en haut de cette dernière, la jeune femme regarda autour d'elle, ce qu'elle vit la stupéfia.
-Alastor, où sommes-nous ?
-Sur le toit de l'hôtel, ma chère.
En effet, derrière Vicky se tenait l'immense enseigne Happy Hôtel ou plutôt Hazbin Hôtel (transformé par Alastor à la fin de l'épisode Pilot), dont la totalité des ampoules brillaient d'une belle lumière blanchâtre, histoire d'indiquer l'emplacement de l'établissement aux démons qui passaient au loin. Aux alentours, la ville de Pentagram City s'étendait sur des kilomètres, le bruit des voitures qui roulaient à toute vitesse parvenait jusqu'ici aux oreilles des deux démons, les lumières des rues et des habitations formaient une petite aura luminescente dans le ciel rouge nuit du Cercle de l'Orgueil, le vent soufflait relativement fort mais ce n'était pas désagréable.
-C'est magnifique, reconnut la jeune femme.
Complétement admirative face à la capitale du Cercle de l'Orgueil qui se dressait jusqu'à l'horizon, Vicky en oublia son cauchemar et retrouva le sourire.
-Je viens souvent ici lorsque je ne me sens pas bien, expliqua soudain Alastor en regardant le paysage, de là-haut j'ai l'impression d'être seul au monde et ça me permet de réfléchir. En général, quand je redescend je me sens beaucoup mieux.
Vicky regarda le démon de la radio d'un air étonné :
-Vous m'avez amenez-là parce que je ne me sentais pas bien, c'est ça ?
-Peut-être, répondit le démon d'un air mystérieux en haussant les épaules.
La jeune femme esquiça un sourire et vint s'assoir à son aise sur le bord de l'hôtel, admirant le paysage avec quiétude, elle se sentait tellement mieux maintenant. Alastor vint s'assoir à côté d'elle et tous deux restèrent de longues minutes à regarder Pentagram City, sous leurs pieds, sans rien dire. La ville était si jolis vu sous cet angle et le vent venant de face faisait du bien à Vicky, il lui ébouriffait ses long cheveux turquoise méchés de rose fushia.
Au bout de quelques minutes de silence, Alastor décida de poser la question qui le turlupinait depuis un petit moment :
-J'imagine que vous ne voulez pas me raconter la nature de votre cauchemar ?
La jeune femme perdit son sourire suite à la question du démon, des larmes lui montèrent de nouveau aux coins des yeux. Elle répondit non de la tête.
-D'accord, dit Alastor d'une voix douce, je ne vous oblige à rien ma chère. Si vous n'êtes pas prête à me parler ce n'est pas grave, mais sachez que si un jour vous ressentez le besoin de soulager votre cœur, je serai là.
Vicky sortit soudain le mouchoir de soie blanche que l'Overlord lui avait offert à son arrivée et s'essuya les yeux.
-Merci Alastor, vous êtes vraiment adorable.
Le démon élargit son sourire légendaire face au compliment de la jeune femme et se sentit quelque peu rougir, touché en plein cœur par ses paroles. Un nouveau moment de silence s'installa entre les deux démons, tous deux observant le paysage, avant que ce dernier ne soit coupé cette fois-ci par Vicky :
-Alastor ? Croyez-vous... qu'il est possible de vivre normalement après avoir vécu un... un gros traumatisme ?
Le démon de la radio cessa de regarder la ville et se tourna vers la jeune femme, fronçant un peu les sourcils :
-Qu'entendez-vous par-là myladie ?
-Et bien... le décès d'une personne qui nous est chère, la perte de son foyer d'enfance ou... un... un viol...
Alastor tilta au dernier exemple donné par Vicky, il remarqua même qu'elle avait eu un peu de mal à prononcer ce mot, comme si elle-même avait subi ce genre de chose. Il grimaça quelque peu, la jeune femme venait de lui révéler indirectement la nature de l'un de ses « gros traumatismes » et certainement de l'affreux cauchemar qui lui avait provoqué cette crise d'angoisse.
S'il y avait bien une chose qui mettait en pétard notre démon de la radio, c'était le sexisme et les abus faites aux femmes. Déjà du temps où il vivait encore, il lui était déjà arrivé d'assister à des scènes qui le mettaient hors de lui : des hommes très costauds qui profitaient de leur carrure pour effrayer et abuser de pauvres jeunes femmes sans défenses, des moqueries dans la rue ou même dans des lieux publics ou des gestes TRES déplacés. Ce genre d'attitude écœurait et énervait Alastor au plus haut point et même en Enfer, les mains baladeuses de certains démons, propos sexistes et autres continuaient de le faire sortir de ses gonds, il avait vraiment horreur de ça.
Bon, il est vrai qu''il lui était déjà arrivé d'insulter une femme une fois dans sa vie, mais il avait une bonne excuse car il s'agissait de cette pétasse de Charlène qui lui avait brisé le cœur. A part ça, il n'avait jamais commis d'acte irrespectueux... Ah non, il y avait aussi la fois où il avait donné une claque sur les fesses de Vaggie lors de son arrivé au Happy Hôtel, mais cette petite garce l'avait cherché, elle avait passé son temps à raconter des rumeurs fausses dans son dos auprès de Charlie et d'Angel (voir l'épisode Pilot), une petite vengeance de ce genre n'a jamais tué personne après tout.
Quoi qu'il en soit, pour Alastor les femmes étaient à chouchouter et à respecter au plus haut point, elles peuvent donner la vie – ce que les hommes ne pourront jamais faire – et sont capable d'être d'une extrême douceur, il parait donc normal de bien les traiter et de les rendre heureuse... du moins, c'était le point de vue du démon de la radio.
-De mon point de vue, je dirais non, répondit-il soudain à la question de Vicky, il est impossible d'oublier un traumatisme mais on peut apprendre à vivre avec.
-Vous croyez ? S'étonna la jeune femme. Et comment fait-on ?
Un voile de tristesse s'empara soudain des yeux rouges de l'Overlord de la radio, ses propres blessures venaient de refaire surface, mais il réussit à maintenir son air souriant et jovial pour que Vicky se sente mieux et ne se fasse pas de soucis pour lui.
-Avec du temps... beaucoup de temps et aussi grâce à l'entourage j'imagine. Au mois d'Octobre de cette année, cela fera officiellement 92 ans que je suis mort et je parvins à peine à trouver la paix intérieur...
-La paix intérieur ? Répéta Vicky. Que voulez-vous dire ?
L'Overlord ne répondit pas tout de suite à la question de la jeune femme, il prit un moment pour regarder la ville. Il venait de perdre son légendaire grand sourire qui faisait tout son charme, le voile de tristesse qui s'était emparé de lui il y a quelques minutes seulement, assombrissait un peu plus son regard perdu...
-La paix avec mon passé, si vous préférez. Moi non plus je n'ai pas eu une vie très joyeuse... enfin, mon enfance a été merveilleuse, j'avais des parents aimants, mais... ma vie d'adulte a été quelque peu... malheureuse sur certains points.
La jeune femme avait écouté le récit de l'Overlord, sans jamais l'interrompre, mais elle avait vu la tristesse dans son regard s'abattre soudainement sur lui. Le Alastor joyeux et toujours souriant en toutes circonstances venait de laisser place à un Alastor triste, au passé douloureux et au cœur lourd.
-Et du coup, tenta Vicky, que vous est-il arrivé dans votre vie d'adulte ? Je sais déjà que vous avez perdu votre père sur un champ de bataille durant la Première Guerre Mondial et que vous avez dû vous occuper de votre mère, mais... je ne sais rien d'autre.
Alastor esquiça un sourire mince sans pour autant quitter le paysage des yeux, il trouvait ça drôle que Vicky lui demande des détails sur sa vie, alors que jamais personne avant elle ne s'était intéressée à lui plus que ça.
-Pour faire simple, au départ j'avais une vie magnifique, répondit le démon de la radio, j'ai un jour rencontré une femme adorable dont je suis tombé fou amoureux (Charlène pour rappel), on s'est marié au bout de deux ans de relation. Nous nous sommes installés dans la maison de mon enfance parce que je refusais de laisser ma mère seule et au bout de quelques mois, l'année de mes 26 ans j'ai eu un enfant avec cette... femme.
Vicky sentit qu'Alastor avait eu quelques difficultés à prononcer le dernier mot de sa phrase, comme s'il avait un certain mépris pour la femme qu'il avait épousé dans sa vie.
-Je me suis retrouvé papa à mon tour d'un adorable petit garçon, poursuivit Alastor en regardant le ciel rouge du Cercle de l'Orgueil cette fois-ci, j'avais ma propre petite famille, un boulot stable et qui payait bien, ma chère maman toujours à mes côtés, une belle maison, des amis formidables avec lesquels j'allais à la chasse tous les Dimanches. Bref, j'étais heureux...
L'Overlord marqua une pause et ramena ses jambes un peu plus près de lui, afin de poser ses coudes sur ses rotules, avant de poursuivre le récit de sa triste vie :
-Et puis, l'année de mes 30 ans, tout à basculer. J'ai tout perdu en l'espace de quelques mois à peine : d'abord ma mère qui a été assassinée à la suite d'un cambriolage qui a mal tourné, ensuite mon fils mort d'un arrêt cardiaque à seulement 4 ans, puis la maison de mes parents partie en fumée dans un incendie et pour finir, j'ai finit par découvrir que la femme que j'aimais de tout mon cœur me trompait avec un autre...
Peinée pour le pauvre démon, Vicky s'approcha un peu de lui et posa doucement sa main sur son épaule, comme un geste de soutien. Même si Alastor n'aimait pas être touché, il ne resta pas insensible à la petite main de la jeune femme, posée délicatement sur son épaule. C'était la première fois en 92 ans d'existence en Enfer qu'il parlait de sa vie à quelqu'un, même sa meilleur amie Rosie – une autre Overlord des Enfers – n'était pas au courant de tout ça.
-Et que vous est-il arrivé après ? Demanda timidement Vicky.
-J'ai vécu quelques temps chez un ami, avant de m'acheter un appartement en ville, pour me reloger. Je continuais de travailler mais je n'avais plus le cœur à rien, j'ai sombré dans une sévère dépression et... je crois que c'est à ce moment-là que j'ai perdu le contrôle de ma vie, le contrôle de moi-même également. Je suis devenu fou et c'est à ce moment que j'ai commis de terribles pêchés... qui m'ont fait atterrir ici après ma mort.
Le démon de la radio acheva son récit dans un murmure, le regard toujours absent, il observait toujours le ciel rouge de Pentagram City avec un air plus qu'absent. Son esprit vagabonda quelques minutes ailleurs, sa vie passant en boucle dans sa mémoire tel un film projeté sur un écran. Il repensa à sa mère, à son fils et enfin à cette garce de Charlène qui l'avait trompé avec un autre homme que lui...
Vicky pour sa part, ressentit une immense peine pour Alastor. Il n'était pas très différent d'elle enfin de compte, lui aussi en avait bavé dans sa vie et visiblement, tout ce que Vox lui avait raconté sur lui était bel et bien faux ! Alastor n'avait rien à voir avec le démon cruel et profondément méchant de nature que le lui avait toujours décrit son meilleur ami, ce n'était qu'un pauvre homme blessé, à qui la vie en avait fait voir de toutes les couleurs...
-Et... qu'est-ce que vous avez commis exactement comme pêchés pour finir en Enfer ? Demanda de nouveau la jeune femme. Quelque chose de très grave j'imagine...
-Euh...
Le démon de la radio se sentit quelque peu gêné, il ne voulait pas parler de la nature de ses péchés à la seule personne en qui il avait confiance à qui il venait de confier sa triste vie, il craignait qu'elle ait soudain peur de lui et s'enfuisse, en refusant de lui adresser la parole. Alastor appréciait beaucoup Vicky et la voir s'éloigner de lui à cause de la nature de ses crimes serait pour lui une déchirure, il la considérait comme une amie maintenant, alors qu'il la connaissait seulement depuis peu.
Alors, il trouva un prétexte pour ne pas répondre à sa question, il sortit sa montre à gousset de sa robe de chambre et l'ouvrit pour regarder l'heure :
-Aux noms des sept cercles de l'Enfer ! Il est déjà 4h05 du matin ?! Avons-nous réellement passé tout ce temps sur le toit de l'hôtel ?!
Il rangea sa montre dans sa poche, se leva et tendit sa main à Vicky :
-Nous devrions retourner nous coucher myladie, en ce qui me concerne il faut que je me lève tout de même à 8h00 pour préparer le petit-déjeuner.
-Oui, je comprends.
Vicky glissa sa main dans celle d'Alastor et les deux démons quittèrent le toit de l'hôtel, afin de retourner se coucher. Le démon de la radio raccompagna la jeune femme dans sa chambre et l'aida à se remettre dans son lit.
-Merci d'être venu à mon secours et de m'avoir remonté le moral, remercia la jeune femme avec des yeux brillants de gratitude, vous êtes vraiment adorable.
Alastor remit les couvertures sur Vicky pour qu'elle ne prenne pas froid et esquiça un magnifique sourire qui découvrit toutes ses dents, en guise de réponse.
-Je vous en prie ma chère et merci à vous de m'avoir écouté en retour, c'était la première fois que je parlais de ma vie à quelqu'un, je ne l'avais jamais fait avant de faire votre connaissance.
Vicky sourit en retour au démon, comme pour lui répondre que le plaisir était également partagé. Alastor lui souhaita alors une bonne nuit en lui baisant la main et fit demi-tour en direction de la porte de la chambre, mais la jeune femme lui saisit soudain son poignet et lui dit d'une voix suppliante :
-Attendez, ne partez pas s'il vous plait !
Le démon de la radio se retourna et l'observa.
-Si... si jamais je... refais un cauchemar et que vous n'êtes pas là pour me rassurer... Alastor, j'ai peur sans vous, restez auprès de moi cette nuit, je vous en supplie...
L'Overlord se remit à sourire et revint auprès de la jeune femme.
-D'accord Victoria, je vais veiller sur vous si cela peut vous aider.
Il avança l'un des fauteuils de la pièce près du lit de Vicky et s'installa dedans.
-Dormez tranquille myladie, je reste près de vous.
Reprenant la main d'Alastor dans la sienne, Vicky prit un air de chien battu et demanda d'une voix timide et tremblotante :
-Promettez-moi que vous ne bougerez pas de ce fauteuil jusqu'à 8h00...
Le démon de la radio lui caressa la main dans un geste tendre et se pencha un peu vers elle, avant de lui murmurer :
-Je vous le promet, Vicky.
Rassurée, la jeune femme s'endormit, surveillée et protégée par Alastor qui ne bougea pas du fauteuil, comme il venait de le promettre.
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