Chapitre 8
Bien que le mini-bus fût enfin garé dans l'enceinte de Yuei, bien qu'Hizashi baillait avec la force d'un Oran outang, Haruka était bien loin de voir sa journée se finir. Encore encombrée de son uniforme et de son sac de costume, elle salua rapidement la petite assemblée et partit dans les allées de l'internat, dans la direction opposée au dortoir des secondes A.
Le corps fatigué de toute sa journée de cours et de sa soirée mouvementée, la jeune fille poussa un soupir mais ne pouvait revenir sur ses pas. La requête venait expressément de son père, impossible donc pour elle de la refuser.
En quelques minutes, elle arriva au Gymnase Gamma, normalement éteint à cette heure si tardive. Cependant, les lumières criardes des néons traversaient encore les grandes baies vitrées et, en poussant la lourde porte d'entrée, l'adolescente entendit des voix résonner dans le grand espace.
En plein milieu de l'immense espace de béton plat, trois silhouettes de tailles différentes étaient réunies autour de ce qui semblait être un pot de fleur. Une moue ennuyée sur le visage mais sans l'ombre d'un doute, la jeune fille avança vers eux, traversant l'immense espace en se demandant pourquoi ils avaient choisi de se positionner si loin de l'entrée.
Et, plus elle avançait, plus elle entendait des cris d'encouragements en tous points exagérés sous fond d'un ronronnement semblable à celui d'un chaton qui essayait de se concentrer. En effet, Mirio ne cessait de s'exclamer dans tous les sens tandis que la petite Eri fixait la plante de toutes ses forces, les poings serrés et la position qu'une personne aurait si elle se retrouvait sur des toilettes.
Quant à la troisième silhouette, celle de son stoïque de père bien évidemment, il observait la scène comme si tout ceci était absolument normal.
Le même air blasé sur le visage, absolument dépitée de se retrouver dans cette situation alors qu'une montagne de devoirs l'attendait, Haruka posa son sac au sol, enfonça ses mains dans les poches de sa veste et dit simplement :
« 'lut. »
Mirio tourna la tête vers elle et répondit à son salut en agitant les bras, comme si la jeune fille se trouvait à des kilomètres. Eri stoppa son exercice de concentration pour répondre à mi-voix, et Shota laissa échapper un :
« 'lut. »
Il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre. Les deux Aizawa affichaient le même air morose et fatigué, mais pour des raisons différentes.
Plus proche du petit regroupement, Haruka observa alors que dans le pot de fleur gisait une pauvre marguerite complètement défraîchie. Elle dit alors :
« Vous essayez qu'elle redonne sa vie à la plante.
-Exactement ! s'exclama Mirio avec enthousiasme, Eri est capable de ramener cette fleur à son état de beauté de la nature ! Hein que t'en est capable, Eri ? Bien sûr que tu en es capable ! »
Alors que le grand blond encourageait la petit qui n'avait visiblement fait aucun progrès depuis le début de la séance, la jeune fille ne pouvait s'empêcher de le dévisager la gorge serrée. Alors qu'il était censé sauvé le monde à cette heure-ci, Mirio était coincé à entraîner une petite fille, perdu dans un gymnase de Yuei.
« Bon, on reprend l'exercice, interrompit Shota de sa voix stoïque. »
Cependant, Eri ne se remit pas en position de concentration extrême. A la place, la petite fille regarda dans le vide quelques secondes avant de se saisir de son pot de fleur et de l'emmener une dizaine de mètres plus loin, sous le regard curieux des trois plus grands qui l'observaient. Un peu maladroite, elle posa la plante sur le sol et revint vers le petit groupe.
Les joues roses et la tête baissée vers le sol, elle se mit devant Haruka et lui tendit l'une de ses petites mains.
L'adolescente ne put s'empêcher de laisser une moue sceptique apparaître sur son visage. Elle jeta un coup d'œil à son père, qui haussa les épaules, puis à Mirio, qui lui souriait de toutes ses dents, puis se décida à passer sa main dans celle minuscule de la petite fille.
Eri l'emmena alors à son pot de fleur et lui fit signe de s'asseoir au sol alors qu'elle se repositionnait devant l'objet. Haruka s'exécuta sans vraiment comprendre et la petite fille reprit son expression d'immense concentration.
Tandis que la fillette grognait comme un chaton de mauvaise humeur, l'adolescente lança un regard aux deux hommes qui étaient restés en retrait, laissant visiblement l'enfant faire ce qu'elle voulait. Cependant, cela n'arrangeait pas Haruka, qui se sentait bloquée dans sa situation sans vraiment savoir pourquoi.
Au bout de quelques minutes qui lui semblaient une éternité, Eri, le visage rouge d'effort, soupira d'un coup tout en regardant avec dépit sa fleur qui n'avait pas bougé d'un cil. Profitant de ce moment d'accalmie, la jeune fille en profita pour demander :
« T-Tu veux que Mirio vienne ou que je m'en aille ?
-Non, lui répondit immédiatement l'enfant avant de commencer à se triturer les doigts en fixant le sol avec gêne.
-Ok, dit alors Haruka, bien qu'embêtée de devoir rester avec la gamine sans rien faire. »
Eri retourna à son pot de fleur. L'adolescente n'avait pas d'autre activité que de la regarder faire ou de jeter des coups d'œil vers les deux hommes qui ne semblaient pas du tout intéressés à lui venir en aide. Bloquée ici, elle songeait à tout ce qu'elle aurait pu faire d'autre que s'ennuyer comme un rat mort.
« Si je fais une bêtise... »
La main écrasée sur sa joue, prête à prendre une sieste, Haruka releva les yeux sur la gamine qui s'était arrêtée d'harceler cette pauvre fleur morte. Penaude, elle avait le regard sur le sol et ne cessait de se triturer les doigts.
« Si je fais une bêtise, reprit-elle d'une petite voix, tu pourras utiliser ton bouclier pour que je fasse de mal à personne ? »
Haruka releva la tête, surprise.
« Monsieur Eraserhead peut me faire arrêter mon alter si je fais une bêtise, mais j'ai peur de faire du mal à quelqu'un sans faire exprès... »
La jeune fille se redressa doucement, une pointe sur le cœur. Le caprice de la petite pour la coincer avec elle et son pot de fleur n'avait rien d'anodin, Eri avait toujours peur. Haruka se souvint de l'histoire de l'attaque contre les préceptes de la mort, dans la panique Eri avait failli tuer Izuku en le faisant presque disparaître. Seul Eraserhead, son père, avait réussi à l'arrêter. Mais Eri avait toujours peur.
Haruka afficha son plus beau sourire, et répondit :
« Bien sûr, je suis là pour ça après tout. »
Eri releva ses grands yeux vers son aînée, une expression soulagée sur le visage.
« Tu peux te donner à fond, ne t'en fais pas, je nous protège. »
L'entraînement se poursuivit alors. Eri s'appliqua encore plus sur sa tâche, rassurée par la présence d'Haruka. Shota observait les deux filles de loin, bien conscient que sa fille pouvait grandement aidée l'enfant à contrôler son alter. Mirio, quant à lui, restait une vraie pile électrique et encourageait sa petite protégée comme la plus fanatique des pom-pom-girls. Et Haruka, elle resta assise à côté de se pot de fleur, ayant mille autres choses à faire mais gardant le silence, pour Eri, pour son père, et surtout pour Mirio.
Lemillion devait revenir.
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Une partie de ses devoirs terminés, Haruka poussa un long soupir et s'étira de tout son long. Minuit était déjà passé, sa chambre devait sûrement être la seule encore allumée à cette heure-ci. Qui aurait pensé que c'était une bonne idée de rajouter à ses cours de la journée, les séances de rattrapage, des devoirs et l'assistance d'Eri dans sa progression ?
La prochaine fois, la jeune fille fera ses devoirs au gymnase, après tout la petite n'avait besoin que de sa présence pour la rassurer. Pour les encouragements, Mirio s'en chargeait très bien.
Alors qu'elle s'étirait avec la grâce d'un pélican, le regard d'Haruka tomba sur son appareil photo, abandonné au coin de son bureau. Sa conversation avec son père, qui avait précédé la bataille d'Endeavor, lui revint alors en mémoire :
« 141 photos, je pensais qu'il y en aurait moins, nota Shota en fixant l'écran.
-141 ? Normalement il y en avait 142 dans le mail que j'ai envoyé à Nez- »
Un sourire en coin, la jeune fille se saisit de son ordinateur, mettant de côté tout son travail inachevé. Tant pis pour les devoirs, la curiosité l'emportait. Quelle photo le si respectable Monsieur Nezu à la tête de souris avait-il décidé de supprimer ? Une enquête de ce type était bien plus intéressante que tous les exercices de mathématiques possibles.
Se replongeant dans les beaux souvenirs de cette fête pleine de joie, Haruka comparait les photos disponibles sur le site avec les originaux enregistrés dans son dossier. Une tâche plutôt longue et répétitive que la jeune fille ne trouva pas du tout ennuyante, bien moins que les devoirs qui l'attendaient sagement de côté.
Les sourires immortalisés, les rires mis en suspens, les éclats de joies attrapés au vol, toutes ces images donnaient à l'adolescente une agréable chaleur dans l'estomac et la nostalgie de cette fête qui avait brillée comme une étoile dans le ciel obscur de l'univers. Juste un moment magique qu'aucun travers du monde n'avait réussi à détruire. Enfin, presque.
Soudainement, la jeune fille repensa à l'histoire d'Izuku et les sourires figés se remplirent soudainement d'insouciance et presque d'inconscience.
Au bout de plusieurs et longues minutes, enfin, Haruka trouva l'image manquante. Les poings en l'air dans une expression silencieuse de victoire, elle se repencha sur son écran pour analyser la photographie.
Il s'agissait d'un plan pied d'un homme et d'une femme tout deux d'une cinquantaine d'années. Habillés de costards de couleur sombre, ils avaient été captés aux alentours du hangar des classes de maintenance. L'air sérieux et fermés, ils n'étaient visiblement pas là pour s'amuser.
Puisque la liste des invités extérieurs avait été plus que réduite cette année, ces deux personnes devaient sûrement être des invités de marque. Des membres du gouvernement, du ministère héroïque ou encore des investisseurs, des héros en couverture, Haruka essayait de faire la liste de tout ce que ces deux inconnus pouvaient bien être.
Se replongeant dans toutes les photos publiées sur le site, elle constata que les deux silhouettes n'apparaissaient nulle part autre. Un autre signe qu'il s'agissait de personnes importantes dont il fallait ménager l'image.
Haruka afficha un grand sourire. Voilà quelque chose d'intéressant et d'énigmatique, quelque chose de Yuei qu'elle ne connaissait pas. Jamais auparavant elle n'avait vu ces personnes traîner autour de l'établissement, leur importance devait être telle que Nezu avait bien pris la peine de trier toutes les photos d'un festival pour protéger leur image.
L'adolescente ferma son ordinateur et partit immédiatement se blottir sous la couette. Tant pis les devoirs, il était bien trop tard pour cela. Mais, dès le lendemain, elle irait demander l'identité de ces inconnus à Nezu. L'idée d'apprendre quelque chose de nouveau sur Yuei l'enchantait profondément.
Et Haruka s'endormit sur ses deux oreilles.
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