Chapitre 63.
L'œil coincé dans le viseur, le doigt sur la gâchette. Le souffle calme, apaisé, presque au ralenti. L'esprit vide, débarrassé des angoisses et préoccupations. La cible en vue, au centre de la mire, dans l'alignement du canon.
« LA FETE DE YUEI EST OUVERTE !! »
Elle pressa la détente, superposant l'explosion des feux d'artifice au bruit du déclencheur de son appareil photo. Puis, d'un geste rapide, Haruka sauta de son poste d'observation pour rejoindre à toute allure le cœur de l'action.
Les attractions venaient d'ouvrir leurs portes tandis que les stands avaient lancés leurs activités. Des élèves de tout âge et de toute filière déambulaient dans les grandes allées du Festival, les yeux émerveillés devant le travail accompli par leurs camarades. Une musique entraînante faisait vibrer les haut-parleurs recouvrant les cris des élèves surexcités par l'évènement.
La jeune fille fendit la foule à toute vitesse, se focalisant sur son objectif pour ne pas songer à cette impression de vide que lui faisait le Festival cette année. Plus rapide que jamais, elle se précipita sur le premier point de son long plan de la journée. Arrivée à destination, elle se fit la plus discrète possible et mitrailla le premier stand de confiseries, ne perdant pas une miette de l'animation qui y régnait.
Puis, elle se précipita sur une seconde attraction, ne limitant pas le nombre de ses clichés, avant de bondir sur un troisième stand, puis un quatrième. Discrète comme une souris, elle entra dans l'espace de la filière de maintenance et entreprit de prendre en photo les étudiants accompagnés de leurs créations mécaniques. Tous se prêtèrent gentiment au jeu et prirent la pose avec une petite fierté et beaucoup de modestie. Tous, sauf une certaine élève aux cheveux roses qui, avec plus de fierté que de modestie, n'arrivait à se décider de la pose qu'elle devait prendre devant son monstre de fer, et qui se permettait de dicter à la jeune fille dans quel angle précisément elle devait photographier son « bébé ». L'heure tournant, et parce qu'elle avait autre chose à faire, Haruka finit par quitter l'endroit avec seulement un cliché d'une Hatsume grimaçante et plutôt floue. Autre raison qui avait poussé la jeune fille à partir aussi rapidement : le robot de la rose avait doucement commencé à sentir le brûlé...
Tout en courant de toutes ses forces, Haruka jeta un coup d'œil à sa montre avant de redoubler d'efforts. Sans hésitation, elle se précipita dans une étrange et sombre maison grinçante, son appareil photo toujours attaché à son cou.
La jeune fille déambula dans l'étrange bâtiment pendant de longues minutes. Ayant abandonnée son rythme de course effrénée pour une marche plus lente et précautionneuse, elle s'arrêtait de temps à autres pour saisir quelques clichés de l'insolite lieu. Puis, au détour d'un long couloir couvert de fausses toiles d'araignées, Haruka découvrit une pièce un peu plus vaste dénuée de tout meuble. Un sourire s'afficha sur ses lèvres.
D'un pas confiant, l'adolescente se dirigea vers le centre de cette pièce puis s'arrêta. Elle leva l'appareil photo à son visage, cala le viseur au niveau de son œil droit, régla le point, et fit un pas en avant.
Aussitôt, une trappe s'ouvrit du plafond, faisant jaillir une silhouette sombre juste devant ses yeux. Elle appuya sur le déclencheur, faisant jaillir l'éblouissant flash de son appareil ainsi qu'un léger cri aigu de la silhouette.
Lorsque la lumière éclatante refit place à l'obscurité de l'endroit, la jeune fille ne put s'empêcher de laisser s'échapper un petit rire.
« Haruka ? demanda la silhouette avec étonnement. »
La tête à l'envers, suspendu à sa trappe, Hitoshi dévisageait son ancienne camarade, plutôt surpris. Déguisé en cadavre, le jeune garçon avec sa soudaine apparition était censé faire peur à toute personne qui s'aventurait dans le manoir hanté de la seconde C. Se mêlant au faux sang qui le recouvrait, de légères rougeurs commencèrent à s'étaler sur son visage pâle, sûrement dues à sa drôle de position.
« Qu'est-ce que tu fais là ? demanda alors le garçon, les bras balayant dans le vide. »
Ladite Haruka lui montra l'appareil photo qu'elle tenait dans les mains avant de dire :
« J'ai un petit service à te demander... »
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Comment était-ce possible ? Comment était-ce possible qu'une chose pareille se soit passée aujourd'hui, pile aujourd'hui ? Il avait mal au cœur, mal au cœur de ces révélations et de toutes ces choses qui le faisait réfléchir encore et encore sur ce rêve qu'il poursuivait chaque jour.
Barbouillé, le visage sale, Izuku courrait de toutes ses forces, suivi de près par Snipe qui lui servait d'escorte. Focalisé sur son but, sur son objectif, et paniqué d'être ainsi en retard, le garçon ne remarqua pas la présence qui se faufila à ses côtés.
« En retard, toi aussi ? »
Manquant de pousser une exclamation de surprise, Izuku tourna sa tête vers la fille de son professeur. Cette dernière courrait à ses côtés, toute aussi essoufflée que lui.
« Qu'est-ce que tu fais là ? lui demanda-t-il en observant qu'elle ne portait pas son appareil photo avec elle.
-Et toi, qu'est-ce que tu fais là ? lui répondit-elle en fixant le sac en plastique qu'il tenait dans ses mains gantées d'un appareil qu'elle ne reconnaissait pas.
-Je te raconterais plus tard ! »
Soudain, ils aperçurent Yuga dont la mine renfrognée par l'inquiétude se détendit immédiatement à la vue d'Izuku. Il se précipita vers eux, tendant le costume de scène au garçon-brocoli tout en lui signalant que son retard avait rendu tout le monde anxieux. Puis, il leva son regard sur sa camarade et demanda :
« Qu'est-ce que tu fais là, Haruka-san ?
-Je me dépêche !! »
Sans un regard, la jeune fille se mit à sprinter et disparut du champ de vision des jeunes garçons et du professeur. Yuga afficha une mine étonnée avant de se tourner vers une tierce personne.
« Et toi ? Tu n'es pas avec ta classe ? »
Surpris, Izuku se retourna à son tour pour découvrir Hitoshi, en vêtements rapiécés et couverts de faux sang, qui courrait juste derrière eux, un appareil photo attaché à son cou.
« Je rends un petit service, répondit simplement le jeune garçon. »
Plein de questions, mais surtout très en retard, Izuku se précipita dans les vestiaires et se débarbouilla des traces de combat qui étaient restées sur son visage. En deux temps, trois mouvements, il enfila son costume de danseur et rejoignit tout le monde sur scène. Dans l'obscurité, il se mit à sa place tandis que les chuchotements soulagés de ses camarades se mêlèrent au brouhaha du public attendant le début du spectacle.
« Pile à l'heure ! Allez, tout le monde se met en place ! s'exclama Mina.
-Et je me mets où moi ? »
Au son de cette voix si familière, les élèves de la seconde A s'exclamèrent en chœur :
« Haruka-chan ?! »
A tâtons dans le noir, les jeunes gens se regroupèrent autour de leur amie en prenant bien soin de ne pas se marcher les mains sur les autres. Quelques sanglots de Tenya résonnèrent dans l'obscurité.
« Tu vas vraiment danser avec nous ? demanda Mashirao.
-Et tu portes un costume ! s'exclama Ochaco après avoir réussi à prendre la jeune fille dans ses bras.
-Surprise ! répondit Mina avec précipitation, Maintenant, j'ai dit : TOUT LE MONDE SE MET EN PLACE !! »
Remontés comme des horloges grâce à ce surprenant cadeau, les élèves de la seconde A rejoignirent leurs postes tandis que leur cheffe de danse plaça la nouvelle venue au bout de la ligne. Puis, plus aucun son ne sortit de leurs bouches. Le poing tendu dans les airs, le souffle accéléré par le tract, la poitrine serrée, ils regardèrent le rideau se lever, comme au ralenti, sur une foule en attente.
En attente de les voir, eux, la seconde A, et de juger leur prestation que beaucoup pensaient comme mal placée. Parce que, dans leur esprit, c'était leur faute, à eux, s'ils étaient si peu sur ce Festival, s'ils ne pouvaient profiter pleinement de leur lycée, et si le système de pensionnat avait été instauré. C'était leur faute si le stress et l'angoisse de se faire attaquer avaient fait irruption dans leurs vies de simples lycéens, faisant peser sur leurs épaules d'enfants le poids des inquiétudes du monde des adultes. Ils étaient là pour critiquer, pour leur faire payer leur colère et leur peur.
Une explosion secoua toute l'assemblée, faisant sursauter les cœurs et les os de toute la foule. Aussitôt, la mélodie se déclencha comme une vague qui engloutissait toute la salle, s'emparant de tous les esprits pour les secouer jusqu'au fond de leur chair. Les techniciens improvisés éclairèrent la scène de mille couleurs tandis que les danseurs enchaînèrent leurs mouvements avec une fluidité et une synchronisation parfaite, émerveillant les yeux de leurs spectateurs.
En une fraction de seconde, la seconde A avait défait les préjugés qui étaient collés à leurs réputations, ébahissant tous ceux qui étaient venus pour les médire, surprenant un professeur et un père qui ne s'était pas attendu à un tel spectacle, et donnant le sourire à une petite fille qui n'avait jamais connu jusqu'alors les vrais frissons de la joie.
Puis, alors que tout le monde pensait qu'ils avaient déjà tout donné, les élèves de la seconde A se lancèrent dans une démonstration d'alters aussi spectaculaire que ludique, émerveillant tout leur public. Shoto créait des toboggans de glace tandis qu'Ochaco faisait s'envoler les spectateurs, que Sero les accrochaient avec son scotch, que Tsuyu bondissait au-dessus de leurs têtes, et que Kyoka chantait cette chanson qui venait du plus profond de son cœur.
Bien qu'arrivée au dernier moment, Haruka s'était parfaitement accordée avec ses camarades de classe. Partageant son bouclier avec les spectateurs qui flottaient dans les airs, elle les protégeait dans leurs ascensions célestes tout en leurs faisant ressentir cette douce impression de cocon qui les entourait.
Sans un mot, sans un échange, elle s'était ajoutée à la chorégraphie de ses camarades comme si elle avait toujours été là, comme si elle avait suivi tous les entraînements et construit avec eux la représentation qu'ils donnaient aujourd'hui. Sans un mot, sans un échange, ses camarades avaient accepté sa venue avec joie et usaient de ses boucliers flottants pour créer des manipulations plus sensationnelles les unes que les autres.
Un sourire illuminait son visage tandis qu'elle donnait le meilleur d'elle-même, dans cette classe dont elle faisait entièrement partie. Entourée de ses camarades, de toutes ces personnes qui l'appréciait, elle se sentait bien, elle se s'était heureuse.
Elle se sentait à sa place.
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« Tu es sûre de toi ? »
La silhouette aux cheveux courts se redressa de son siège, rapiécé par le temps et les usages. Elle glissa ses mains dans les poches avant de faire craquer les os de ses épaules, faisant frémir au passage les fines ailes translucides qui pendaient dans son dos. Elle ne soupira pas, son souffle était stable, assuré, tout comme ses quelques mots :
« Oui, je suis sûre. Au fond d'elle-même, elle sait qu'elle n'est pas là où elle devrait être. »
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