Chapitre 29.
Tel un téléphone portable vivant, Izuku n'arrêtait de vibrer violemment. Si bien que la table à laquelle il était accoudé tremblait autant que lui, empêchant ses voisins de manger tranquillement. Au bout de quelques secondes à essayer de savourer son repas, Ochaco se tourna vers son ami vert :
« Arrête de stresser, Izuku-kun, ça va bien se passer.
-Ce n'est pas la même chose que les stages, réussit à dire l'intéressé entre deux secousses, Et Sir Night Eye est quelqu'un de... »
Le garçon ne finit pas sa phrase et avala une portion de riz avec difficulté. « Spécial » aurait été le mot qu'il aurait pu employer tant son entretien avec ce héros professionnel avait été étrange et marquant. Bien sûr, il avait raconté cela à ses amis, leur partageant tous les détails de sa rencontre avec son nouveau maître.
De tous les élèves de la seconde A, Izuku avait été l'un des seuls à obtenir un stage en apprentissage héroïque. Les professeurs n'avaient pas été tous d'accord pour que les secondes participent à cette activité mais la décision avait été acceptée à la condition que les cadets fassent leur stage dans la même agence que leurs ainés de troisième année. Si bien qu'Eijiro s'était mis à harceler le pauvre Tamaki et que Mirio est devenu le senpai d'Izuku. Pour Nejire, elle s'était entichée d'Ochaco et de Tsuyu et commençait des négociations avec Ryukyu, sa maîtresse de stage.
Pour les autres, il n'y avait rien en perspective.
Essayant d'ignorer la vibration qui secouait son plateau peu encombré, Haruka continuait de manger tranquillement tout en écoutant ses camarades parler de leur apprentissage héroïque. Comme Shoto, elle restait silencieuse, se contentant de prendre quelques forces en attendant leur cours de rattrapage. Les deux ne pouvaient se permettre de demander un stage comme leurs amis, cela n'était pas compatible avec les conséquences de leur échec, au grand malheur de la jeune fille qui aurait bien voulu acquérir une meilleure expérience qu'à son premier stage.
La jeune fille finit son maigre repas calmement et reposa ses baguettes sur son plateau puis attendit que ses amis finissent à leur tour.
Mais, soudain, un bol de riz apparut sous son nez, la faisant presque sursauter. Elle releva le regard vers Tenya, dont la main quitta le bol pour venir se rasseoir correctement à sa place.
« Mange, lui dit-il simplement, Il faut que manges plus ! »
Hébétée, elle fixa son vieil ami sans savoir comment réagir. Puis son regard se posa sur le reste de ses camarades attablés autour d'elle et qui la fixaient avec sérieux. Toutes ces paires d'yeux posées sur elle et l'incompréhension qu'elle ressentait la firent rougir légèrement.
« Qu'est-ce que...
-Mange, répéta Tenya qui avait pris son air autoritaire de délégué sérieux.
-Ce que veux dire Tenya, reprit Momo avec délicatesse, c'est que nous avons remarqué que tu ne mangeais plus trop depuis qu'on avait repris les cours, tu as aussi l'air de plus en plus fatiguée aussi... Et ça nous inquiète un peu... »
Haruka resta coite devant ces explications. Une légère pression vint lui pincer le cœur tandis qu'elle se retrouvait démunie face à cette situation.
Cela faisait cinq ans qu'elle subissait les conséquences de cette période douloureuse pour elle. Cinq ans qu'elle passait quelques semaines, voire un mois, à voir sa santé se dégrader à coups de terreurs nocturnes, de souvenirs pénibles et de longs sanglots interminables. Elle n'était jamais allée jusqu'à s'affamer et s'empêcher de dormir, mais cela restait difficile pour son corps de supporter ces quelques jours.
Et, jusqu'alors, personne ne lui avait fait remarquer la dégradation qu'elle subissait.
Personne, pas un camarade de classe, ni un professeur. Quant à ses grands-parents, ils restaient dans le silence, ne voulant remuer le couteau dans la plaie et faisant tout pour lui remonter le moral malgré ces durs souvenirs. D'ailleurs, eux aussi souffraient de cette période, mais le bonheur de leur petite-fille passait avant tout.
Démunie, la jeune fille ne prononça pas un mot pendant de longues secondes. Elle réfléchit quelques instants, pesant le pour et le contre, avant de relever la tête et d'esquisser un léger sourire :
« Merci mais je n'ai vraiment pas très faim ces temps-ci. Et si j'ai l'air si fatiguée, c'est parce que les cours de rattrapage sont difficiles à combiner avec les devoirs, et puis je passe beaucoup de temps à discuter avec Mahi au téléphone, je sais, ce n'est pas trop sérieux ! »
Elle émit un petit rire pour ponctuer la fin de sa phrase, ce qui suffit à convaincre ses camarades. Ils détournèrent le regard, rassurés, et Tenya reprit son bol de riz pour l'engloutir d'une traite. Momo continuait de regarder son amie, quelque chose avait changé sur son visage jusqu'alors inquiet. Une expression agacée lui faisait froncer les sourcils.
Elle n'aima pas cette réponse.
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« Pousse toi et crève !! »
Projetée par l'explosion de Katsuki, la jeune fille lâcha ses prises. Sans un cri, elle glissa de sa paroi et tomba dans le vide sans rien pouvoir y faire. Ni son effacement, ni son bouclier ne pouvait l'aider à quoique ce soit, sauf à rendre son atterrissage moins douloureux.
Soudain, une main se saisit de la sienne, stoppant sa chute. Surprise, Haruka releva le regard vers l'ange qui venait de la sauver.
« Lâche-moi, Mahi-chan ! lui cria-t-elle, Ce n'est pas un exercice d'équipe, on ne peut pas collaborer tout le temps !
-Si on peut ! lui répondit la rose sans se soucier des conséquences, Je ne te laisserais pas tomber ! »
Sur ses mots, les prises qui la maintenait au gigantesque mur d'escalade rentrèrent doucement dans la paroi. A travers les haut-parleurs, la voix de Mera soupira :
« Diamond Girl, malus... Encore... »
Mahi poussa un petit cri alors que ses prises disparaissaient complètement dans le mur. Ses mains et ses pieds glissèrent et les deux jeunes filles tombèrent dans le vide sans se lâcher. La chute dura de longues secondes durant lesquelles elles purent voir au loin leurs camarades continuer de grimper malgré les difficultés. Tantôt privés de leurs prises, aspergés d'eau glacée ou roués de coups par leur propre mur d'escalade, ils subissaient l'exercice comme ils le pouvaient.
Les amies atterrirent sur le sol dans un grand fracas, faisant sursauter quelques autres jeunes gens ayant déjà échoué à l'épreuve. La rose se releva sans aucune égratignure, épargnée par l'alter d'Haruka. Celle-ci se redressa à son tour, bien moins souriante que son amie.
« Tu n'aurais pas dû me rattraper, ça t'a encore donné du tort.
-Ce n'est pas grave, je n'ai pas peur des malus de Monsieur Mera.
-C'est que... Je n'ai pas très envie que tu finisses par rater de nouveau ton permis provisoire à cause de moi... »
La grande rose se pencha sur sa cadette pour lui offrir son plus beau sourire. Elle plongea son regard dans celui noisette d'Haruka avant de dire :
« Ne t'inquiète pas comme ça, je vais l'avoir mon permis provisoire, et toi aussi d'ailleurs. »
La jeune Aizawa sourit à son amie avant d'acquiescer de la tête. De toute façon, comment la contrarier ? Mahi était si gentille et si douce qu'elle rassurait rien que par sa présence et qu'il était impossible de lui refuser quoique ce soit.
Contente de cette réponse, la belle se redressa et remit en place ses magnifiques cheveux de nuages. D'une main, elle lissa la mèche qui lui cachait son œil gauche puis réajusta sa robe de fée.
Dans son large treillis rouge, Haruka la regarda faire avec admiration et allégresse. Elle était si contente d'être amie avec elle qu'elle en oublia son échec à l'exercice du jour. Grâce à Mahi, à sa présence et à leurs échanges de messages sans fin, la jeune fille réussissait à garder la tête haute pendant ces jours difficiles. Sans elle, elle passerait de bien pires journées.
Le cours de rattrapage terminé, les deux jeunes filles continuèrent de papoter joyeusement dans les vestiaires et jusqu'à leur séparation à l'entrée du bâtiment. Comme à chaque fois, elles se quittaient avec regret et Mahi partait avec son professeur principal, un homme désagréable et antipathique. Haruka ne l'aimait pas, il semblait regarder la rose avec dédain et suspicion alors que celle-ci était la douceur incarnée. Et cela lui déplaisait toujours de la voir partir avec quelqu'un d'aussi odieux.
De plus, Mahi lui avait relaté que ses camarades de Sujuru n'étaient pas très sympathiques avec elle. Elle lui avait dit qu'elle passait la plupart de ses journées seule et que, du coup, ses conversations avec elle lui remontaient beaucoup le moral. Cela attristait Haruka, comment ne pouvait-on pas apprécier une personne aussi gentille que Mahi ?
Elle se sentait très proche d'elle à cause de cela, la jeune fille aux cheveux roses vivait la même chose qu'elle lorsqu'elle était au collège. La même solitude quotidienne, le même rejet, la même tristesse, elles partageaient cette douleur que leurs camarades ne pouvaient comprendre. Et cela ne faisait que renforcer le lien qui les unissaient.
Son amie partie, la jeune fille rejoignit son père et ses deux camarades à bord de leur mini-bus. Epuisés par leur entraînement, les trois jeunes gens restèrent muets tout le long du trajet. De toute façon, si Shoto ou Haruka se permettait d'ouvrir la bouche, il ou elle se prenait un magnifique « crève » de leur gentil Katsuki.
Ce trajet-ci se déroula comme les autres, silencieux et austère. La tête collée contre la vitre, Haruka regardait le paysage nocturne défiler. Soudain, ses sourcils se froncèrent. Là, dans l'obscurité, quelque chose semblant suivre le cortège du regard.
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