Chapitre 28.
Haruka sentit l'air manquer dans ses poumons tandis que sa gorge raclait bruyamment pour se libérer de cette salive mal avalée. Le visage bleu, elle faisait tout son possible pour ne pas mourir d'une façon aussi bête.
Comme une caresse de papillon, une main douce vint lui tapoter affectueusement le dos, la libérant progressivement de son entrave.
La jeune fille releva ses yeux rougis vers une Nejire qui lui souriait innocemment, un peu trop innocemment.
Son regard balaya les alentours, vérifiant que personne n'ait pu entendre ces quelques mots, puis se tourna de nouveau vers la bleue.
« Ça fait deux ans que je ne l'aime plus ! Et puis je l'ai jamais vraiment aimé ! C'était juste de l'admiration ! Je n'arrête pas de te le répéter !
-On n'embrasse pas les gens qu'on admire, sinon All Might aurait quelques soucis à se faire. »
L'adolescente fit volte-face vers son ainé dont le front entrait en symbiose avec le mur. A présent rouge de honte, elle répliqua, en baissant le volume de sa voix pour que personne ne puisse les entendre :
« Arrêtez de m'embêter avec ça ! Ça fait deux ans, vous pouvez passer à autre chose peut-être ?
-Et toi ? Tu es passée à autre chose ? Mmmmmmh ? »
Le visage souriant de malice de Nejire se rapprocha dangereusement du sien.
« Elle rougit, Tamaki ! Ça veut dire qu'elle est amoureuse !
-Chut ! Je suis rouge parce que j'ai failli mourir à cause de toi ! Et je ne suis pas amoureuse !
-Haruka ? »
L'intéressée sursauta avant de se retourner vers un certain bicolore qui arrivait tranquillement. Ses joues devinrent encore plus rouges que la plus rouge des tomates du monde. S'il avait entendu ses précédentes paroles, elle était cuite comme une petite soupe.
Cependant, le garçon semblait calme et neutre. Comme à son habitude à vrai dire, mais à force de le côtoyer, la jeune fille arrivait à déchiffrer quelques émotions de temps à autres. Mais là, rien. Tant mieux.
Elle jeta un petit coup d'œil derrière elle. Nejire était en train de parler à Tamaki avec son habituel entrain. Pour une fois, elle bénissait l'inattention maladive de la bleue qui allait la laisser tranquille un petit moment.
Ressortir cette vieille histoire la mettait toujours mal-à-l'aise, Nejire et Tamaki le savaient très bien et s'en amusaient beaucoup. Il s'agissait d'un simple flirt aussi fugace que sérieux entre une gamine asociale et un garçon qu'elle avait trouvé si joyeux, si courageux et si fort qu'elle n'avait pu faire autre chose que de l'admirer comme la meilleure des personnes existantes dans ce monde. Cela n'avait duré qu'un temps, oublié par les deux concernés presque immédiatement mais rappelé sans cesse par deux autres énergumènes particulièrement taquines.
« Tu ne fais pas l'exercice ? »
Haruka releva son visage vers Shoto qui était posté devant elle, beaucoup trop proche à son goût. Son regard se perdit un moment sur ses traits sans qu'elle ne puisse se retenir. Ce garçon était beaucoup trop magnifique, et rien ne pouvait détruire ce visage, rien, ni même cette cicatrice lui entourant l'œil. Il ne lui avait jamais dit d'où venait-elle, et il ne lui dira probablement jamais, silencieux comme il était.
« Non, finit-elle par répondre en reprenant ses esprits. »
Elle détacha son regard pour le poser vers ses camarades, au loin, étalés sur le sol comme les petites larves de héros qu'ils étaient.
« Je connais déjà l'étendue des pouvoirs de Mirio, ainsi que son fameux coup de poing dans le ventre qui est désagréable au plus haut point, je n'ai pas très envie d'y goûter de nouveau. Et, d'après ce que je vois, ... il a encore progressé... »
Shoto hocha de la tête, la jeune fille lui demanda alors :
« Et toi ?
-Je n'ai pas encore le permis provisoire, contrairement à tout le monde, alors me mesurer à un terminal...
-Je ne pense pas que Katsuki aurait pensé la même chose que toi... »
Au loin, le dernier des secondes A venait de toucher terre. Le cours de démonstration était enfin fini, prouvant aux plus jeunes qu'il leur manquait beaucoup d'entraînement et d'expérience avant d'acquérir les compétences d'un vrai héros professionnel.
Toujours souriant, la houppette fièrement dressée vers le ciel, Mirio leur expliqua alors tous ses efforts acharnés pour acquérir un tel niveau. Travailler dur et ne pas avoir peur, telles avaient été ses paroles pour encourager ses cadets à prendre part à l'apprentissage héroïque.
Haruka sentit son cœur se serrer. Il y avait encore du chemin à faire.
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La liqueur glissa entre ses lèvres pour venir couler jusqu'au fond de sa gorge. Comme une puissante cascade, elle envahit tout son corps, se mêlant à son sang jusqu'à remonter dans son cerveau. Ses idées se brouillèrent tandis que la bouteille se vidait. Mais, malheureusement, ses souvenirs ne le quittèrent pas.
Avec les années, l'agitation et les émotions, les minutes qui avaient suivies son arrestation lui restaient floues. Les premières images nettes qu'il gardait en mémoire étaient celle du commissariat dans lequel il avait été appelé en urgence. Il s'agissait d'un grand bâtiment policier, le plus grand et le plus important de la ville, dans lequel elle-même avait déposé quelques vilains des mois plus tôt. Mais, cette fois-ci, c'était elle qui s'était retrouvée derrière les barreaux, l'air volcanique et le visage déformé.
Là-bas, il retrouva quelques personnes qui le dévisagèrent d'un air grave et hypocritement désolé. D'abord Nezu, qui avait été le premier mis au courant de l'affaire, mais aussi d'autres héros avec qui il avait travaillé, des amis même, et, surtout, All Might.
All Might, le Symbole de la Paix, la cible de Yume. Et celui qui avait organisé son arrestation.
Leurs entrevus faisaient écho dans son esprit comme une grande fanfare d'ironie et de moquerie. Etant considéré comme un héros juste et digne de confiance, il avait été mis assez tôt au courant des soupçons contre celle qui était sa femme et contre d'autres héros dans l'affaire. Cependant, pour lui, elle ne pouvait pas être à l'origine d'un tel plan, elle ne pouvait pas planifier ce qu'ils présumaient. C'était impensable.
Elle, si douce, si souriante et si courageuse. Une si bonne mère et une si bonne fiancée. Comment était-ce possible ?
A force d'arguments et de preuves qui n'avaient pourtant pas de sens à ses yeux, il s'était mis à avoir des soupçons à son tour. S'il s'était douté de quelque chose, il avait pourtant espéré que tout ne soit que mensonge.
Ces regards pleins de pitié de toute l'équipe qui s'était occupée de l'affaire enfoncèrent un peu plus le poignard de la trahison dans son corps. La douleur était insoutenable, elle battait dans son esprit comme dans ses temps, mais il resta de marbre.
Et de marbre, il s'avança vers eux, retenant tout cette tornade pour lui.
« Shota, comment vas-tu ? s'enquit immédiatement Nezu.
-J'aurais aimé que nous ayons tort. »
Il faisait mine de rester debout, droit dans ses bottes, alors que tout son monde explosait autour de lui.
Idiot qu'il fût, All Might s'approcha de lui, pensant faire bien, et lui demanda :
« Désolé pour l'intervention un peu brutale mais c'est la procédure. La petite n'a pas trop eu peur ?
-Qu'est-ce que ça peut te foutre ? »
Les images s'estompèrent comme une toile de peinture sous la pluie. Le visage d'All Might fondit devant ses yeux tandis que sa tête se remit à tourner dans tous les sens.
« Hein ?! Qu'est-ce que ça peut te foutre ?!!
-Shota.
-Qu'est-ce que ça peut te foutre ??!!!
-Shota ! »
Le flou redevint soudainement net, formant autour de lui sa chambre d'internat et, face à son regard, le visage pâle d'un Hizashi à l'air énervé.
Les deux vieux amis se dévisagèrent quelques secondes, l'un retrouvant doucement ses esprits, l'autre retenant sa colère. Se rendant compte que le brun était de retour sur terre, Hizashi poussa Shota sans violence en arrière et fit quelques pas dans la pièce.
« Va lui parler, merde. »
Shota chercha quelque chose autour de lui avant de se rendre compte que le blond détenait sa précieuse liqueur. Il ravala un grognement de mécontentement avant de se garder le silence, toujours avachi pathétiquement au sol.
Le héros vocal resta dos à son vieil ami, la bouteille dans une main et le poing serré de l'autre. Il inspira puis expira avec application avant de reprendre :
« Je sais que cette période est compliquée pour toi, elle est compliquée pour elle aussi. C'est la première fois que vous êtes au même endroit à ce moment, et au lieu de te mettre dans des états pareils, tu devrais aller lui parler ! Tu as l'occasion de lui parler de ça après cinq ans. Cinq ans ! Il serait peut-être temps que vous ayez une petite conversation...
-Non. »
Catégorique, glacial, comme à son habitude. Hizashi soupira avant de se retourner vers cette loque humaine qui lui servait de voisin de palier. A cet instant, le si stoïque Eraserhead ne ressemblait plus qu'un clochard en plein dépression.
« Tu es un idiot Shota. Je ne sais même pas pourquoi je reste ton ami...
-Ah bon, tu ne sais même pas pourquoi ? »
Un poignard transperça le grand blond.
« Tais-toi... Juste, tais-toi. »
Il tourna les talons et claqua la porte de la chambre derrière lui, laissant Shota seul et sans bouteille.
Toujours allongé au sol, conscient de la méchanceté de ses paroles, le brun laissa sa tête cogner contre le mur lui servant de dossier. Il soupira, le crâne douloureux et les souvenirs tout aussi cruels.
Parler à sa fille. Lui parler de ces jours horribles qu'ils avaient vécu. De ce qu'il en pensait, de toutes les émotions qu'il avait ressenti à ce moment-là. Ce n'était pas possible. Il ne le devait pas. Absolument pas.
Résolu à laisser ses souvenirs le hanter jusqu'au bout de la nuit, Shota se roula en boule dans une couette à portée de main, là, sur le sol, sans savoir qu'à l'autre bout des bâtiments, une jeune fille sanglotait dans son lit.
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